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ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine

n°564 - jeudi 18 octobre 2007

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1 - chronique d'Evariste

1 - Quand les phobocrates découvrent l'ADN !

La mobilisation contre l'amendement Mariani dans la nouvelle loi sur l'immigration ne se relâche pas. La pétition lancée par Charli Hebdo et SOS racisme] engrange les signatures (plus de 250.000 à ce jour). Le meeting de dimanche au Zénith à Paris a rassemblé un grand nombre d'interlocuteurs au delà des divergences politiques, preuve s'il en est, que les valeurs de la République sont le talon d'Achille de la droite.

Sur la loi, beaucoup de choses ont été dites, et il n'est pas nécessaire de paraphraser. Cependant, une question demeure essentielle : Qu'est ce qui a conduit des politiciens, et derrière eux des penseurs et des intellectuels, à imaginer une telle loi ? Comprenons d'abord qu'il est des pulsions qui engendrent des catastrophes à l'échelle de nations entières ; l'Histoire en est hélas le triste témoin. La peur est une de ces pulsions. La plupart d'entre nous sont conscients et acceptent que la vie en elle-même a des conséquences. La mort en est certes la première, mais la vie c'est aussi le risque, l'imprévisible, la surprise, les changements, les mouvements, la nouveauté. Tout cela fait indubitablement partie du déroulement de notre existence en tant qu'être humain. Et pour nous qui l'aimons sincèrement, ces choses sont heureuses parce qu'elles signent la vie. Elles traduisent le fait que la vie ne s'arrête jamais, mais traverse les épreuves, les doutes, les impasses, les changements. L'esprit de gauche s'est toujours nourri de cette vision de la vie parce qu'elle est synonyme d'adaptations, d'inventions, d'audaces, de progrès.

Toutefois, il faut croire qu'il existe une autre espèce de personnes qui ne parvient pas à aimer la vie pour ce qu'elle est. Ces personnes n'ont de cesse de craindre tout ce que la vie apporte d'imprévus et d'incertitudes dans l'existence. « Que sera donc demain ? » « Qui suis-je ? » « Qui est l'autre ? » Toute leur vie, ces gens la passent à se trouver des Tables de Loi gravées dans le marbre le plus inaltérable : Universelles, Immuables, à l'épreuve des changements, de l'Histoire, de la vie même ! Ces Tables les rassurent, les sécurisent, leur donnent l'impression qu'il existe à l'avance une réponse à tout. Ces vérités absolues sont les béquilles sur lesquelles ils peuvent sécuriser leurs angoisses, leurs complexes et – parlons clair ! – leur trouille de la vie !

Il y eu le livre sacré et son créationnisme qui rassurait sur l'origine du monde. La science est incertaine, changeante, « on cherche encore ! » Le créationnisme lui est immuable, sûr, inaltérable, propre à rassurer les angoisses de ces trouillards. Aujourd'hui, ces phobocrates ont découvert la molécule d'ADN ! Et ils en ont fait leur nouvelle Table de la Loi. Gêne de la violence, gêne de l'homosexualité, gêne de l'intelligence, gêne de la performance, tout y passe ! Pour la pensée néoconservatrice protestante, tout peut être enfin prévisible à l'avance ! Enfin ! L'assurance de ne plus avoir de surprises, de ne plus avoir à affronter les incertitudes de la vie. Tous est dans les gênes ! Au diable, la culture, l'apprentissage, l'éducation, l'affection, il n'y a qu'incertitudes là dedans ! Le mirage du tout génétique offre aux trouillards la possibilité d'éradiquer tous les problèmes que leur pose, à eux, leur existence. Quelle croyance imbécile que la leur ! Mais aujourd'hui, c'est la famille qui est leur cible, et à travers elle, c'est l'affection, la tendresse, les liens du coeur, des mains et des lèvres que ces êtres attaquent pour le seul besoin de calmer leur névrose. Même si cette loi ne devait jamais s'appliquer, sa seule existence dans notre code légal entérine que la raison des phobocrates est supérieure à l'héritage des Lumières et à tout ce que l'Humanité a produit de plus grand dans le dépassement des peurs, dans l'ouverture, dans la reconnaissance des cultures et des individus. S'opposer à cette loi est plus qu'un devoir citoyen, c'est un devoir d'être humain.

Le 11 Octobre 2007, le ministre de l'intérieur britannique, Liam Byrne, indiquait que chaque année, 10 000 tests ADN sont pratiqués outre-Manche et plusieurs associations y protestent contre la détention par la police d'un registre de plus de 4 millions de personnes déjà fichées par leur ADN sans l'accord des intéressés (sur une population de 60 millions). Chose effarante : la plupart ne sont pas des personnes suspectées et n'ont jamais été inculpées. Elles n'ont que le tord de vivre et d'être juste des citoyens. Les phobocrates, ces hommes qui veulent bâtir la société sur leurs peurs... où sera leur limite ? En France, leur doctrine attaque et mine les fondements de la République. Sarkozy, Hortefeux, Dati, Mariani, tous membres de ce projet pour la société humaine de leurs rêves. La nouvelle gauche se construira parce que ses militants ont intégré que la dimension de leur combat dépasse de très loin le simple cadre économique. Ils militent pour une nouvelle conception de la société ; pour une société qui aime la vie par ce qu'elle a de nouveautés, d'imprévus, de changements ; une société qui place la culture des liens au dessus de l'illusion des tables génétiques. Tel est notre projet pour une République de progrès et d'audaces !

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - laïcité

1 - La laïcité face au communautarisme et à l’ultra-laïcisme

Dans la déplorable affaire du gîte d’Epinal, on reconnaît le dogmatisme anti-religieux, l’ultra-laïcisme au nom duquel il faudrait, par exemple, interdire le port d’une soutane, celui d’une croix, d’une kippa ou d’un voile islamique dans tout lieu accessible au public. Les laïques ont combattu le communautarisme, mais ils doivent aussi avoir le courage de combattre, y compris en leur propre sein, l’ultra-laïcisme dogmatique. Celui-ci non seulement ruine la laïcité en la vidant de son sens, mais, en pourchassant dans la société civile les manifestations religieuses ou d’appartenance, il encourage le communautarisme et coalise autour des appartenances ainsi menacées des solidarités inespérées.

En novembre 1989, lors de la « première affaire du voile » à Creil, je me suis jointe à Elisabeth Badinter, Régis Debray, Alain Finkielkraut et Elisabeth de Fontenay pour écrire un Appel – publié dans Le Nouvel Observateur – réclamant l’interdiction du port de signes religieux à l’école publique. En mai 2003, j’ai été co-auteur d’un second appel collectif, publié dans Libération, en faveur d’une loi sur cette question.

L’un des enjeux de ces textes était d’exposer en quoi l’école publique primaire et secondaire doit être soustraite à l’espace civil ordinaire : parce qu’elle fait partie des dispositifs constitutifs de la liberté, parce qu’elle accueille des libertés en voie de constitution, elle ne peut être confondue avec un lieu de simple jouissance des droits qu’elle contribue à rendre possibles. Il ne s’agit ni de la rue, ni d’un simple « service » au sens ordinaire du mot : on n’y vient pas seulement pour jouir de sa liberté, mais pour la construire, pour s’autoconstituer comme sujet. Aussi la laïcité, qui réclame l’abstention en matière de croyance et d’incroyance, s’applique à l’école comme à l’ensemble de la sphère publique. A l’école, on se soumet à cette abstention pour les mêmes raisons qu’on doit la respecter lorsqu’on exerce l’autorité politique, lorsqu’on fait des lois, qu’on parle en leur nom ou lorsqu’on est chargé de les appliquer.
Le combat mené visait entre autres à dissocier le régime de constitution du droit et des libertés (sphère de l’autorité publique rendant les droits possibles) d’avec celui de leur exercice (espace civil ouvert au public et espace privé). Sans cette distinction, le principe de laïcité perd son sens : c’est précisément parce que la puissance publique et la sphère qui lui est associée s’astreignent à la réserve en matière de croyance et d’incroyance que les libertés d’expression, d’opinion, etc. peuvent, dans le respect du droit commun, se déployer dans la société civile sous le regard d’autrui (par exemple : la rue, le métro, une boutique, un hall de gare, une bibliothèque, un musée, une piscine, un club de gym, un hôtel..) et dans l’espace de la vie privée à l’abri du regard d’autrui. C’est précisément parce que la sphère publique fondatrice des libertés est rigoureusement laïque que l’espace civil ouvert au public et l’espace privé, où elles s’exercent, n’ont pas à être laïques, mais simplement tolérants. La tolérance qui règne dans la société civile a pour condition et pour garantie la laïcité à laquelle se soumet la sphère publique.

On voit alors que deux confusions symétriques peuvent ruiner cet édifice.
La première consiste à dissoudre le principe de laïcité dans le principe de tolérance, à étendre à la sphère publique le régime de la société civile : à accepter que la production du droit s’effectue en fonction des appartenances et que celles-ci soient légitimées en tant qu’autorités politiques. Voilà pourquoi « l’affaire du voile » était décisive : s’y jouait la question de la reconnaissance ès qualités d’appartenances dans un lieu qui par principe doit les suspendre. Ce mouvement de dissolution – que la loi du 15 mars 2004 a opportunément désavoué et bloqué – conduit au mieux à une juxtaposition paisible de communautés, au pire à un affrontement de celles-ci en l’absence de principe qui les transcende et rende possible leur coexistence pacifique, tout en rendant possible celle des individus qui ne se réclament d’aucune appartenance.
La seconde consiste à durcir l’espace civil en prétendant le soumettre au régime qui gouverne la sphère de l’autorité publique, en prétendant y substituer le principe de laïcité au principe de tolérance. Mais si l’on exige que le principe d’abstention qui règne dans la sphère publique s’applique aussi dans la société civile, on prive tout simplement celle-ci d’une de ses libertés fondamentales, la liberté d’expression (que pourtant la sphère publique doit fonder, constituer et garantir). Cela conduit inévitablement, par exemple, à interdire toute manifestation religieuse dans la rue ou dans un lieu accessible au public et à la cloîtrer dans l’espace strictement privé. Position qui ruine non seulement la tolérance mais aussi la laïcité, dont l’un des objets est précisément de rendre possible une large jouissance du droit de manifester ses opinions. Position qui en outre contredit la laïcité puisqu’elle consiste pour la puissance publique à professer une doctrine anti-religieuse.
Dans la première dérive, on reconnaît le communautarisme encouragé naguère par une « laïcité ouverte » qui proposait, au nom du « droit à la différence », d’entériner la différence des droits : même un fascisme, pourvu qu’il se présente au nom des « pauvres » et d’une conscience religieuse, pouvait être non seulement toléré mais soutenu…
Dans la seconde, qui a marqué une partie de l’histoire de la IIIe République et qui refait surface actuellement avec la déplorable affaire du gîte d’Epinal, on reconnaît le dogmatisme anti-religieux, l’ultra-laïcisme (et cette fois le suffixe -isme qui désigne une doctrine est pertinent) au nom duquel il faudrait, par exemple, interdire le port d’une soutane, celui d’une croix, d’une kippa ou d’un voile islamique dans tout lieu accessible au public.
Les laïques ont combattu et combattent le communautarisme sous la forme de la première dérive. Mais ils doivent aussi avoir le courage de combattre, y compris en leur propre sein, l’ultra-laïcisme dogmatique. Celui-ci non seulement ruine la laïcité en la vidant de son sens, mais, en pourchassant dans la société civile les manifestations religieuses ou d’appartenance, il encourage le communautarisme et coalise autour des appartenances ainsi menacées des solidarités inespérées. C’est pourquoi la dérive « laïciste » est symétrique de la dérive communautariste : en stigmatisant les manifestations civiles d’appartenance, elle les transforme en étendard, ce qui cautionne leurs prétentions politiques. Soyons encore plus clair, à l’aide d’un exemple : pour donner raison à l’intégrisme musulman, un bon moyen est de réclamer l’interdiction du voile dans un hôtel, et bientôt dans le métro, dans la rue[1]

Ceci nous amène à l’affaire d’Epinal : la propriétaire d’un gîte, ayant demandé à deux femmes d’ôter leur voile dans les parties publiques de son établissement, a été traînée devant la justice et lourdement condamnée. On pouvait évidemment s’y attendre et ceux qui ont apporté leur « soutien » à Mme Truchelut en instrumentalisant son combat auraient mieux fait de lui éviter cette déplorable issue par de judicieux conseils.
Cependant, il faut examiner un aspect particulier à cette affaire. Un point fortement souligné par les ultra-laïcistes est que la demande de la propriétaire a été faite notamment au nom de la dignité des femmes : le voile est signe d’infériorité et d’aliénation. Mais si le patron musulman d’un hôtel refusait de me servir un cognac au bar sous prétexte que la consommation d’alcool manifeste une forme d’aliénation qui n’a pas à être rendue publique (ce qui n’est pas complètement faux), je le traînerais en justice… et j’aurais bien sûr gain de cause. Ma liberté, lorsqu’elle s’exerce dans la société civile et pourvu qu’elle respecte le droit commun, comprend bien entendu le droit de dénier la liberté et d’afficher ma propre aliénation : à quoi bon la liberté, s’il faut en priver a priori les ennemis de la liberté ? La loi doit-elle prendre soin de mon âme et de mon corps au point de m’interdire tout ce qu’elle juge leur être nuisible alors que je ne nuis à personne d’autre ? Pour paraphraser Locke[2] : si je suis malade, et à moins que cette maladie ne soit dangereusement contagieuse ou qu’elle m’amène à mettre autrui en danger, a-t-elle le droit de m’obliger à me soigner ?

La distinction entre d’une part la laïcité de la sphère publique et de l’autre la tolérance dans la société civile, entre d’une part le domaine constitutif des droits et de l’autre celui de leur exercice, ne suppose en aucune manière qu’on dépose les armes. Le combat idéologique est possible, il est permis par l’exercice même des libertés : il peut donc être requis. Si une femme croit bon de porter le voile dans la société civile, je ne suis pas obligée de me taire et je peux chercher à lui faire entendre pourquoi je considère qu’elle brandit une aliénation. Accepter, en tant que commerçant, de servir une femme voilée, ce n’est pas pour autant adopter sa position : je peux comme commerçant me plier à cette obligation légale et comme citoyen afficher mon désaccord y compris en m’adressant à elle et en menant un combat idéologique sans concession. Pour paraphraser encore Locke : j’ai le droit et le devoir d’user de persuasion et d’exhortation pour conseiller à autrui de prendre soin de son âme, de son corps et de ses biens, mais je n’ai pas à lui imposer mes convictions par la contrainte.
De même qu’il ne faut pas confondre le principe de laïcité qui vise la constitution même des droits et le principe de tolérance qui en est le résultat dans l’exercice des droits, ne confondons pas combat politique et combat idéologique : vouloir imposer ses convictions morales par la loi, c’est exposer la liberté à un grand danger.
Osons combattre le communautarisme et l’ultra-laïcisme, deux dérives symétriques et complices qui menacent la laïcité !

Notes

[1] On lira (notamment sur ce point) avec profit les analyses de Caroline Fourest sur le site de Prochoix: [charger le lien]

[2] John Locke, Lettre sur la tolérance (1686), Paris : GF-Flammarion, 1992, p. 169-170.

Catherine Kintzler www.mezetulle.net
Auteur de "Qu’est-ce que la laïcité ?", publié chez Vrin, 2007.

2 - Dans l'alliance de la lucidité et de la force réside la capacité à vaincre.

Concernant la position de Respublica sur le « procès du gîte des Vosges », les échanges par courrier électronique avec les lecteurs ont été nombreux, et devant tous ces sentiments, questions et ressentis, il nous a paru intéressant de retranscrire les discussions que nous avons eu dans lesquelles certains ne manqueront pas de se retrouver...

Question (Yann) : Comment analysez-vous le procès qui a eu lieu ? J'ai lu qu'il y avait des laïques avec le MPF, et de l'autre coté il y avait des mouvements communautaristes.

Évariste : Il est primordial de distinguer dans cette histoire : 1- les faits, 2- ce qu'aurait dû être le procès, et 3- ce qui s'est produit.
D'abord, les faits sont qu'une commerçante travaillant dans l'hôtellerie (puisque Fanny Truchelut tient un gîte au moment des faits) pose à des personnes des conditions pour l'accès aux parties communes, ce qui la met « de fait » hors la loi, et qui entraîne irrémédiablement sa condamnation. C'est une loi française. Donc le procès n'aurait dû être qu'une plainte déposée pour non respect de la loi en vigueur dans le commerce. C'est tout. Et Fanny Truchelut aurait eu une amende. Et l'affaire en serait restée là.

Question (Marie-Claude) : Mais le procès fait pourtant référence à la laïcité, aux droits des femmes ! C'est bien qu'il y a des raisons ?

Évariste : Effectivement il y a des raisons ! Mais elles ne sont pas aussi simples qu'il n'y parait. Ce ne sont pas des tenues traditionnelles « punks » ou « fidjiennes » que ces femmes avaient, mais des voiles islamiques. Et du fait qu'il s'agissait de cela on a invoqué la laïcité dans cette affaire alors qu'elle n'avait strictement rien à y faire. Pour des fidjiennes ou des punks, ni le MRAP, ni la LDH ou le MPF n'aurait fait irruption dans cette affaire ! Tous ces gens s'en serait foutu comme de leur première chemise. Mais la loi sur l'interdiction du port des signes est encore une arête dans la gorge des mouvements « pro-voile » et des communautaristes. L'aubaine était trop belle. Ils ont sauté sur l'occasion et le procès n'a plus été une simple affaire de commerçant et de consommateur, mais une affaire soit disant laïque ! Là dessus, Philippe De Villiers, jamais en reste dès qu'il s'agit de miner les mouvements laïques de gauche, voit à juste titre l'occasion de déchirer les militants laïques en jouant sur leur compassion à l'égard de Fanny, compassion parfaitement légitime de la voir traînée en procès par des militantes pro-voile, et pas par des punks ou des tahitiennes venues voir des matchs de rugby. La lucidité sur l'affaire ne se substitue bien sûr pas à la compassion, ce serait une erreur de le croire. Nous regrettons tous ce qui arrive à Fanny Truchelut, mais défendre la laïcité ne veut pas dire non plus foncer tête baissée dans les pièges.

Question (Jean-Pierre) : Ces femmes voilées étaient peut-être là pour en arriver à cette situation ? Je veux dire qu'elles auraient pu faire un effort... et en plus l'une d'elle est une militante active pro-voile, c'est quand même étrange non ?!

Évariste : Donc il y aurait eu complot ? Ces femmes auraient réservé le gîte par téléphone, auraient signé le contrat et payé les arrhes, et finalement seraient arrivées voilées au gîte dans le but de surprendre Fanny Truchelut, de lui faire commettre une faute professionnelle et de lui intenter en procès pour non respect de la laïcité ? ... Oui, tout ça c'est possible. Si des éléments venaient étayer cette thèse, Fanny Truchelut ne serait pas pour autant innocentée, car elle a commis une faute professionnelle, mais cela jouerait en sa faveur. Donc si des éléments allant dans ce sens venaient à être trouvés, ils devraient être fournis à la justice. Mais après tout des méthodes de testing sont mises en place pour des boites de nuit ou des agences immobilières...

Question (Georges) : Qu'avez vous pensé de la plaidoirie de Maître Varaut ? A vous lire ce n'est pas terrible, pourtant elle était très bien. Je ne comprends pas.

Évariste : Le but du MPF est de se retrouver comme seul rempart contre les musulmans, et de faire passer tous les musulmans pour des intégristes afin de mieux les « rejeter à la mer ». N'oublions jamais que Le MPF défend des positions ultra-réactionnaires – y compris sur le rôle des femmes ! – et les mouvements laïques lui pose un problème. Tant que les laïques sont là, le MPF ne peut pas se poser en rempart contre l'intégrisme et par la même imposer un choix : intégrisme catholique contre intégrisme islamique. Quand l'affaire éclate, De Villiers sait très clairement que des laïques vont soutenir Fanny Truchelut et qu'il suffit de les mettre sur les bancs avec l'extrême droite pour les discréditer et rompre les rangs solides qui avaient permis la victoire pour la loi sur le port des signes religieux à l'école. Donc maître Varaut est envoyé, et gratis ! Merveilleux ! Sauf qu'au lieu de défendre Fanny Truchelut sur le terrain commercial, il l'entraîne sur un terrain féministe, laïque, alors qu'il sait que le procès est perdu d'avance. N'importe quel avocat aurait prévenu Fanny Truchelut de ne faire surtout aucune distinction entre les religions, car si elle en faisait une seule, c'était perdu. Et comme par hasard, Fanny Truchelut fait la distinction entre les femmes voilées (musulmanes) et les nonnes (catholiques), les unes « l'agressent », les autres pas. C'est cuit ! Donc ou bien Maître Varaut est le plus ridicule avocat de la terre, ou bien... il a coulé sa cliente. Sachant que si sa cliente perd, la laïcité est sur le reculoir et la porte s'ouvre pour d'autres tentatives de procès, toutes contribuant à la montée des intégrismes. Je vous laisse deviner ce qui s'est produit...

Question (Dominique) : Donc Fanny Truchelut a eu tort ? Le fait qu'elle se sente agressée n'y fait rien ? Nous sommes à la merci de ces gens ? Respublica a pourtant toujours été pour la défense de la laïcité, ce revirement ne vous ressemble vraiment pas.

Évariste : Je crois que vous confondez le fait d'être actif et d'outrepasser la loi. Ce n'est pas parce que Respublica n'a pas soutenu le positionnement de Fanny Truchelut que Respublica n'est plus pour la laïcité, ni pour la compréhension de ce qui s'est passé, ni pour l'action, ni pour le militantisme ! Or dans la situation présente, il y a la loi. Et "se sentir agressé" n'est pas une justification pour aller au delà de la loi comme l'a fait Fanny Truchelut (même s'il devait y avoir eu complot pour en arriver là). Pire ! Invoquer à tort le féminisme et la laïcité, tout cela est un motif qui va permettre aux communautaristes de taper encore plus fort et sans relâche. Même si c'est dur, nous devons défendre la laïcité de manière légale et éviter qu'elle ne soit impliquée là où elle n'a pas lieu d'être. Si Fanny Truchelut avait refusé l'orientation laïque et féministe de sa défense, elle aurait juste payé une amende et l'affaire aurait été terminée, et cela eut été certainement plus facile pour elle.

Question (Dominique) : Ce n'est quand même pas juste ! En plus, elle leur a demandé poliment. Il y a quand même une question de civisme, de politesse !

Évariste : Je comprends ce que vous ressentez, mais aucun d'entre nous n'a contraint Fanny Truchelut à devenir commerçante. Ni vous, ni moi, ni personne. Et voila qu'elle se met au dessus de la loi des commerçants ! Que faire ?! Lui dire qu'elle a raison ? Et sous prétexte qu'elle se sent agressée ? Hélas, ni la politesse, ni le manque de civisme, ne peuvent justifier d'outrepasser ses droits. Si votre boulanger vous refuse de vous vendre du pain parce que votre pull est rouge, et qu'il se « sent agressé » par ce pull rouge. Que faites-vous ? Certes, vous changez de boulangerie... mais vous pouvez aussi porter plainte ; et vous gagnerez. Je ne pense pas que vous porteriez plainte, mais des personnes sur la défensive vont facilement au procès, et des militantes pro-voile sont certainement de cette catégorie.
Si des punks en cuir cloutés, de la tête au pied, avec icônes de trash-métal tatouées sur les bras et huit épingles à nourrice dans chaque oreille avaient loué une chambre dans ce gîte, Fanny Truchelut se serait peut être aussi « sentie agressée », mais elle n'aurait pas invoquée la laïcité ou le féminisme. Et elle aurait dû aussi leur ouvrir les parties communes sans conditions, ou avoir une amende.
Il faut comprendre que nous pouvons nous « sentir agressés » par la soutane et le col blanc du curé qui regarde un match de rugby dans le même bar que vous (ce fut mon cas... ), par la poitrine voluptueuse de votre collègue de bureau, par le gros 4x4 immatriculé à Neuilly, par le clodo qui fait la manche, par les « guirlandes » des rabbins, en somme par des milliards de choses. Heureusement, en France, ce n'est pas un motif pour outrepasser ses droits. Si un « sentiment » permettait cela, je vous laisse imaginer la suite... Je comprends votre désarroi face à cette situation qui est révoltante parce qu'elle sent le piège, mais nous (vous, moi, d'autres) pouvons militer pour la République laïque parce que nous faisons cette distinction et que nous défendons les valeurs Républicaines, et que Fanny Truchelut n'est pas au delà de ces lois.

Question (Emilie) : A vous lire, il ressort que les autres mouvements (MPF, communautaristes) ont été actifs et présents dès le départ, et qu'ils ont instrumentalisé une simple affaire commerçante. Dans ce cas, les mouvements laïques ont-ils une responsabilité ?

Évariste : Oui, ils ont une responsabilité. Ils auraient dû contacter rapidement Fanny Truchelut ; lui exposer clairement son erreur professionnelle ; la défendre gratuitement malgré le fait qu'elle allait être condamnée pour cette faute professionnelle ; et surtout lui dire de ne pas aller sur le terrain du féminisme et de la laïcité, car ses adversaires (et le MPF ! ) voulaient l'entraîner là dessus. Cela n'a pas été fait.

Question (Annick) : Je lis ce que vous répondez, et c'est peut être très bien expliqué mais il n'empêche que ça m'emmerde (et je pèse le mot ! ) de voir des femmes avec des voiles. C'est un signe d'asservissement et de domination qui est intolérable dans notre pays ! Nous avons lutté pour nos droits et c'est aujourd'hui une véritable régression qui arrive.

Évariste : Ce n'est pas pour rien que Respublica lutte pour le féminisme, pour l'égalité des droits, contre la violence, pour la défense de la République ; tout cela contre les intégristes de tous bords. Mais nous ne pourrons le faire que si nous sommes en ordre de bataille. En rangs serrés. Là, nous avons des dizaines de possibilités pour les emmerder, pour leur rendre la vie impossible, leur faire regretter de militer pour un truc aussi dégradant que le voile tout en faisant passer cela pour la summum de la « féminité ». C'est exactement comme les prêtres qui disent : « En acceptant de s'agenouiller, on s'élève ! » Ce sont des atteintes à l'intelligence, à la dignité humaine, de véritables perversions de la réalité dans le but de soumettre et dominer les gens. Fanny Truchelut est tombée entre les mains de gens qui voulaient faire un exemple. Et c'est pourquoi nous appelons à la fermeté, à la légalité absolue, pour que la faute soit du côté des militants intégristes parce qu'alors c'est eux qui pousseront le bouchon trop loin, tôt ou tard. Et là, on leur tombera dessus ! Non seulement, ils bloquent la laïcité, mais ils bloquent les rénovateurs qui prônent une réforme de leur propre religion.

Question (Pierre-Olivier) : Mais alors concrètement que peuvent faire les mouvements laïques pour lutter contre le voile ?

Évariste : D'abord, les militants laïques doivent informer et contrer l'argumentaire des militants pro-voile. Après, chaque terrain offre ses possibilités de contre attaque. Ils viennent à vos cours d'instruction publique ? Faites lire des textes sur la condition des femmes dans les pays dominés par l'islam, sur l'excision, sur la domination des hommes. Attention : juste pour "apprendre à lire" ...
Ils viennent dans des refuges ? Mettez des affiches pour les mouvements laïques sur les portes des toilettes et dans les chambres. Mettez des pétitions pour l'égalité des sexes et la défense des droits des femmes dans les parties communes. Organisez des discussions sur la condition féminine, sur le divorce, la contraception, sur la sexualité libre.
Vous faites un menu : servez du coq au vin, et en entrée de la charcuterie corse (le cochon y est laissé dans la nature, il ne vit donc pas dans sa fange ce qui est souvent l'argument pour ne pas manger du porc).
Devant une école, allez discuter avec des élèves et proposer aux filles et aux garçons d'enfiler des bukas pour leur montrer ce que ça fait, et poussez la plaisanterie jusqu'à offrir un bonbon à ceux qui tiennent plus de 5 minutes.
Des moyens de militer, il y a en plein. On peut en dresser un catalogue et il va falloir le faire pour expliquer comment LEGALEMENT les laïques peuvent résister pour éviter de tels procès. Pour contre attaquer, il y a plein d'opportunité et c'est le devoir des militants laïques de les diffuser. Mais en soutenant Maître Varaut nous faisons le jeu de ceux qui s'opposent à la conception républicaine et laïque de la citoyenneté et du débat public. La « guèguerre » actuelle ne va conduire qu'à destructurer le front laïque qui est à la base de la loi sur l'interdiction du port des signes religieux à l'école. Si nous nous laissons aller à tous les pièges tendus (et ce procès en est un) nous serons réduits à l'état de groupuscules sans plus aucune crédibilité. A l'inverse, si nous restons lucides, nous formerons un front compact, et nous pourrons les combattre par des actions légales, et les intégrismes reculerons.

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3 - Combattre l’islam politique ?

Comment ne pas être inquiet face à la multiplication des hidjab dans l’espace public alors qu’il y a une dizaine d’années on n’en voyait quasiment pas ? Comment ne pas se sentir agressé par la soudaine apparition de voiles intégrales comme la burqa et le tchador ? En ce sens, les propositions de Riposte laïque se veulent la réponse aux inquiétudes légitimes de nombre de nos concitoyens. Malheureusement, ce n’est pas en s’attaquant au port du voile dans l’espace public qu’on mettra un terme à l’offensive de l’islam politique en Europe. Car ce serait s’attaquer aux conséquences du problème alors qu’il faudrait tout au contraire s’attaquer aux causes. Au lendemain du 21 avril 2002, croyait-on vraiment que c’est en interdisant le FN (comme on l’a entendu entre les deux tours) qu’on allait réellement stopper la montée de l’extrême droite en France ? S’attaquer aux problèmes liés à l’insécurité n’était-elle pas la seule manière de faire durablement barrage à l’extrême droite ? Ces problèmes étaient bien réels et pourtant tabous comme tout ce qui touchait de prêt ou de loin à l’immigration ! Comment alors s’étonner du résultat dans les urnes ?

Qui est allé mettre dans la tête des jeunes de banlieues que « pour être une bonne musulmane il faut porter le voile », si ce n’est les islamistes eux mêmes à qui notre Etat irresponsable a parfois accordé l’asile politique ? Ne faudrait-il pas commencer par expulser définitivement du territoire les prédicateurs radicaux comme Hani Ramadan et interdire toute organisation islamiste sur le sol Français à commencer par l’UOIF ? Ne faudrait-il pas mettre les élus face à leur responsabilité devant une situation qui devient de plus en plus explosive ? Dans le même temps, sélectionner les candidats à l’immigration en fonction de leur attachement sincère à nos valeurs démocratiques et laïques à défaut de leur ADN ne serait-il pas indispensable ?

D’autre part, l’extrémisme a toujours fait sa lie sur la misère humaine et l’islamisme ne déroge pas à cette règle. N’en déplaise aux théoriciens du racisme anti-musulman, la charia n’est pas inscrite, par fatalité, dans la tête de tous les musulmans. D’ailleurs, comment expliquer l’apparition de l’islam politique en France dans les années 90 alors que les premières vagues d’immigration musulmane remontent aux années 60 ?
Si l’islamisme trouve un écho favorable dans les banlieues, n’est-ce pas parce que l’Etat a abandonné ces quartiers au chômage et à la délinquance laissant ainsi le champ libre aux islamistes qui se sont empressés d’y diffuser leur poison ?
Si il existe dans les banlieues des bandes qui ne se complaisent que dans l’ultra-violence, n’y a-t-il pas aussi des jeunes qui eux sont désolidarisés des délinquants et demandent seulement à être pleinement acceptés en tant que Français à part entière ? Mais ces jeunes ne subissent-ils pas de plein fouet les discriminations à l’emploi et au logement ? Désespérés, ne sont-ils pas susceptibles de répondre aux sirènes de l’islamisme de la même manière que des français de souche, abandonnés à leur souffrance, se laissent parfois séduire par l’extrême droite qui a su, elle aussi, s’approprier astucieusement les problèmes abandonnés par d’autres ? La laïcité ne repose-t-elle pas aussi sur des principes d’égalité et de fraternité qu’il est temps de réaffirmer ? Faut-il vraiment laisser un Tariq Ramadan dire que l’unité de la République est « un mythe et un mensonge » à des jeunes pour qui les beaux principes de la République sonnent faux ?
Relancer l’ascenseur social et redonner un véritable sens à nos principes d’égalité et de fraternité ne permettrait-il pas de barrer définitivement la route à l’islam politique ? Le résultat des récentes élections au Maroc ne nous a-t-il rien appris ?

Caroline Brancher

4 - Monde arabe : La laïcité, une nécessité absolue

L'appartenance communautaire et confessionnelle doit céder la place à la citoyenneté. Le point de vue de l'intellectuel palestinien Khaled Hroub.

Contribution au débat : " La démocratie est-elle concevable dans le monde musulman ?"

Voilà plus d'un siècle et demi que les penseurs arabes se penchent sur des questions telles que le regard sur l'Occident, les relations entre Etat et religion, la laïcité et la démocratie, la situation des femmes, les formes de gouvernement, etc. La nouveauté réside dans l'expérience historique accumulée et les conclusions qu'elle suggère. Ainsi, l'échec du panarabisme ou de la gauche arabe peut expliquer la naissance et le développement des différents courants de l'islam politique et l'apparition au sein de vastes tranches de la population de la conviction que "la solution, c'est l'islam".

L'histoire récente nous enseigne que le courant islamiste, toutes tendances confondues, des plus modérées aux plus extrémistes, n'a pas mieux réussi que les différentes expériences antérieures – les républicaines radicales comme les royalistes – qu'il a prétendu remplacer. Pas plus que le baasisme, le socialisme, le tribalisme ou l'islam traditionaliste, l'islamisme n'a su proposer de modèle sociopolitique convaincant. Pis, il n'a fait qu'injecter dans les relations politiques au sein des différents pays de la région une composante dramatique supplémentaire, qui est venue s'ajouter à l'oppression sanglante vécue par les sociétés arabes, que ce soit en Egypte, au Soudan, en Algérie ou en Syrie, ou, dernièrement, en Palestine. Partout, les partis politiques islamiques se sont rapidement transformés, à l'instar de leurs aînés baasistes, socialistes et autres, en fiefs despotiques. Leurs adversaires politiques ont été stigmatisés, non plus comme adversaires politiques, mais comme ennemis de la religion, déclarés mécréants et voués aux gémonies et aux fatwas. La culture de violence dans laquelle est né et s'est développé le Hamas au cours des décennies passées a créé un terrain favorable à l'excommunication de l'adversaire, dont le sang devient alors "halal".

Aujourd'hui les sociétés arabes sont travaillées de tensions entre majorité sunnite et minorité non sunnite, entre majorités arabes et minorités non arabes, entre Arabes et Africains, entre Arabes et Berbères… Outre les luttes interconfessionnell es les plus visibles, comme en Irak, au Liban ou à Bahreïn, nombre de pays arabes restent dominés par le tribalisme. Sous la couche superficielle de modernisme, l'allégeance tribale n'a pas cédé un pouce de son influence sur les individus, les sociétés et la politique.

A l'évidence, il n'existe pas de système de valeurs autre que la laïcité, susceptible d'organiser des relations saines entre ces différentes entités dans les champs politique, culturel et social. Et si toutes les tentatives de démocratisation dans le monde arabe ont systématiquement avorté, c'est que, en l'absence de culture laïque bien ancrée, le fossé à franchir est trop vaste. Or c'est la démocratie qui, en substituant des modalités pacifiques à la violence, permet de résoudre les tensions politiques et empêche qu'elles ne dégénèrent en affrontements sanglants. Car, dans un monde arabe où une démocratie de façade a été octroyée par les régimes despotiques en place, les partis se sont vite retrouvés à représenter non pas des tendances politiques, mais des entités confessionnelles et tribales. Au final, seules les apparences changent : les appellations sont nouvelles, les allégeances immuables.

Pour nous débarrasser de ces différentes allégeances et adopter enfin les principes de la citoyenneté laïque et de l'égalité fondamentale entre citoyens, la laïcité devient pour nous une nécessité absolue. Elle seule nous permettra de sauvegarder ce qui reste de nos sociétés, avant que leur tissu ne soit irrémédiablement détruit par des explosions sanglantes toujours renouvelées. Et elle est indispensable pour que puisse s'instaurer une démocratie véritable, seule susceptible d'apporter enfin la paix civile et la coexistence entre individus considérés en tant qu'individus et citoyens, et non en fonction de leur origine communautaire, de leurs croyances ou de leurs choix politiques. A défaut de quoi nous nous condamnons à labourer indéfiniment une mer de sang.

Khaled Hroub Grand connaisseur du Hamas, auquel il a consacré deux livres, ce chercheur et écrivain palestinien dirige à l'université de Cambridge un programme sur les médias arabes.
Al Hayat

3 - société

1 - Rapprochement familial : Messieurs les députés, comment s’appelle la nounou de vos enfants ?

Un homme qui fait venir sa femme et ses enfants : telle est la vision caricaturale qu’on a trop souvent du rapprochement familial. Or aujourd’hui, près d’un migrant sur deux dans le monde est une femme (49,6 %, d’après le Fonds des nations unies pour la population). Que font-elles quand elles quittent leur pays ? Sont-elles délinquantes ? Font-elles augmenter le chômage ? Portent-elles atteinte à la sécurité de l’Etat, à l’identité nationale ? Non. Comme le souligne une enquête de Femme actuelle réalisée en juin 2006[1] : “Un simple coup d’œil dans n’importe quel square à l’heure du goûter suffit pour s’en rendre compte : dans le bac à sable, des petites têtes blondes, et sur les bancs une brochette de nounous dignes d’une pub pour Benetton. Africaines, Maghrébines, voire parfois Colombiennes ou Polonaises, elles répondent à un secteur en pleine expansion.”

Les femmes migrantes sont si peu dangereuses que les familles européennes leur confient ce qu’elles ont de plus précieux : leurs enfants. Selon le dernier rapport du Fonds des nations unies pour la population[2] en effet, “partout où le coup de la vie est élevé, il est devenu nécessaire pour les ménages de disposer d’un double revenu. L’augmentation du nombre de familles aisées, la baisse des prestations sociales (due à la réforme et à la privatisation de la protection sociale), ainsi que l’allongement de l’espérance de vie et l’accroissement du nombre de personnes âgées ajoutent également à la demande.(...) Car, malgré la rapide entrée des femmes dans la population active, on n’a pas assisté à l’évolution correspondante qui aurait vu davantage d’hommes assumer une part égale des responsabilités domestiques.” A titre indicatif, en Espagne, la moitié des quotas annuels d’immigration sont réservés... aux employées de maison.

Le débat sur l’immigration, pollué par l’ADN et une vision paranoïaque de notre société, passe sous silence les bénéfices importants pour le développement des migrations féminines, non seulement dans les pays d’accueil, mais aussi dans les pays d’origine. Le FNUAP a ainsi jugé que les femmes migrantes contribuaient à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement : “Eliminer l’extrême pauvreté et la faim” (OMD 1), “Assurer l’éducation primaire pour tous” (OMD2), et “Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes” (OMD3). Car “les femmes migrantes communiquent plus volontiers à leur familles et communautés, dans leurs pays d’origine, ce qu’elle ont appris sur la valeur de l’éducation et les bonnes pratiques en matière de soins et de santé”. Ainsi contribuent-elles aussi aux OMD 4, 5 et 6 relatifs à la santé.

Le FNUAP va jusqu’à parler aujourd’hui d’une “chaîne mondiale des soins” : “Beaucoup d’employées de maison et de soignantes qui abandonnent leur demeure pour s’occuper d’autrui à l’étranger ont aussi à prendre en charge leurs propres enfants et parents âgés. D’ordinaire, les femmes migrantes délèguent cette responsabilité à d’autres femmes de la famille – ou, avec leurs gains plus élevés à l’étranger, louent les services d’employées de maison à revenu plus faible pour gérer leur propre foyer. (...) Il n’est pas nécessaire de préciser que le fait de quitter sa famille afin de subvenir à ses besoins prélève un énorme tribut psychologique et affectif. Ces femmes offrent amour et affection aux enfants de leur employeur en échange d’une rémunération qui peut améliorer la qualité de vie de leurs propres enfants – mais elles ne les voient parfois jamais pendant de longues années...”

Sans aller jusqu’à connaître leur ADN, pourriez-vous nous dire, Messieurs les députés, comment s’appelle la nounou de vos enfants ?

Notes

[1] “Femmes d’ailleurs : ce qu’elles ont trouvé en France”, de Cécile Cazenave et Maria Malagardis.

[2] Etat de la population 2006 – Vers l’espoir, les femmes et la migration internationale

Elise Thiébaut Auteure avec Agnès Boussuge de "Si j'étais présidente", Syros Jeunesse.

2 - Bertrand Cantat a droit à la liberté

Nous sommes féministes. Nous venons d’écrire un livre intitulé “J’appelle pas ça de l’amour – La violence dans les relations amoureuses”, aux éditions Syros. Lorsque Marie Trintignant est morte des coups de son compagnon, nous avons, sous le choc, dit notre émotion dans une chronique intitulée “Crimes soporifiques”, soulignant l’aveuglement général face à la violence amoureuse, qui nous empêche trop souvent encore de l’identifier et de l’empêcher.

Le temps a passé. La justice aussi. Rien ne fera renaître Marie Trintignant, ni aucune des femmes qui meurent chaque année victimes de violences, dans le contexte d’une relation amoureuse ou conjugale.

Nous ne croyons pas approprié de contester la mise en liberté conditionnelle de Bertrand Cantat, qui n’a a aucun moment fait preuve de fanfaronnade, ni – pour autant que nous le sachions – tenté de tirer gloire de ce qu’il avait fait. Il ne s’agirait pourtant pas de faire de lui une victime, en lui refusant d’accéder comme tout condamné à une réinsertion prévue par la loi et trop souvent oubliée dans les faits.

La peine qui a été la sienne n’est en rien inférieure à celle de tout homicide involontaire en France. Huit ans d’emprisonnement, ce n’est pas rien. Quatre ans non plus. Et la rumeur selon laquelle Bertrand Cantat aurait bénéficié d’un jugement de faveur est injuste. Cette peine, c’est celle qu’encourt toute personne dans sa situation. Bertrand Cantat, par ailleurs, est un privilégié, puisqu’il dispose des moyens d’indemniser les parties civiles, de se réinsérer – toutes choses dont les prisonniers pauvres ne disposent pas. Il s’agit d’une injustice sociale, non d’une injustice liée aux violences envers les femmes. L’un des fondements de la République est que chacun a droit à une vie privée. Bertrand Cantat ne saurait en aucun cas être condamné “pour l’exemple”, pas plus que Marie Trintignant ne devrait voir sa personne réduite au statut exclusif de victime et symbole des violences envers les femmes. La peine de mort ne dissuade pas, on le sait, les délinquants de commettre des crimes. La libération de Bertrand Cantat, sur décision de justice, ne va pas davantage encourager les hommes à taper sur leur compagne sous prétexte qu’ils ne risquent – au mieux – « que » quatre ans de prison. Colporter une telle idée dessert tout simplement la lutte contre les violences envers les femmes, parce qu’elle repose sur une vision passionnelle et, surtout, sécuritaire des rapports sociaux.

La dénonciation et la sanction des violences dans le couple exige aujourd’hui de notre société autre chose que la personnalisation (voire la peopolisation) à outrance. Elle nécessite la mise en oeuvre d’une réelle politique de prévention, à l’instar d’autres pays européens. Cela nécessite des moyens supplémentaires pour former des professionnels et augmenter les lieux d’accueil et de ressources pour la prise en charge et l’accompagnement non seulement des victimes, mais aussi des agresseurs.

La violence est une spirale complexe, et nous devons éviter d’en faire une caricature, au risque de laisser croire que la tendresse, le dialogue, le respect et l’égalité ne peuvent pas exister entre les hommes et les femmes. Au contraire, la lutte contre les violences consiste à dénoncer les stéréotypes qui, trop souvent, encouragent la violence « de genre ». Acceptons cette décision dans le respect des vivants et des morts. Et continuons d’exiger, sans faire d’amalgame, la mise en place d’une politique résolue de lutte contre les violences dans le couple.

Elise Thiébaut Auteure avec Agnès Boussuge de "Si j'étais présidente", Syros Jeunesse.

Agnès Boussuge Auteurs de “ j’appelle pas ça de l’amour, la violence dans les relations amoureuses”, Syros, Mai 2007

4 - politique française

1 - Un mouvement inespéré mais sans trop d'espoir

Le gouvernement a réussi un incroyable tour de force : ni la réforme ni le maintien des avantages acquis ne sont désormais légitimes.

Ah les gros malin ! Ah la colossale finesse ! Vous avez remarqué à quel point le gouvernement a bien « manœuvré » à l'approche de la grève du 18 octobre ? À force d'annoncer une grève « énaurme », massive, le pouvoir espère jouer gagnant à tout coup. Soit la grève est moins puissante que prévue et dans ce cas, les médias en concluront que décidément « ça n'a rien à voir avec 1995. » Soit elle est effectivement massive et du coup, le « choc » aura été amoindri en même temps que le gouvernement sera loué pour sa perspicacité et sa ténacité.

La manœuvre s'est avérée si délicate qu'elle a été prestement décryptée.
Soyons sérieux : le mouvement du 18 octobre n'a pas grand-chose de commun avec celui de 1995. Non seulement parce que Pierre Bourdieu est mort entre-temps , mais surtout parce que la grève de novembre-décembre 1995 avait traduit une véritable prise de conscience des salariés sur les ravages d'une mondialisation jusque-là supposée «heureuse». On parlait à l'époque d'une grève «par procuration» par laquelle les salariés du secteur privé, subissant un rapport de force plus défavorable que ceux du public, les mandataient, en quelque sorte, pour s'opposer aux élites.

Douze ans plus tard, le rapport de force s'est bien dégradé au détriment des salariés. Les salariés du privé, ainsi que les fonctionnaires ont dû accepter le passage de 35 à 40 ans de travail pour ouvrir leurs droits à la retraite. Il ne reste plus que 1,6 million de salariés qui bénéficient des régimes spéciaux, contraints à une bataille-dos au mur peu compréhensible pour les autres salariés. Les syndicats font mine de mener la bataille dans une unité factice. Le PS fait semblant de les soutenir alors que la plupart de ses dirigeants clament sur tous les tons qu'ils sont d'accord avec la réforme. Paradoxalement le maintien des régimes spéciaux accentuerait la division entre salariés (et entre citoyens). Chacun le sent confusément : si cette grève est une occasion (inespérée ?) de mobiliser une opinion populaire défaite depuis l'élection, c'est une grève sans allant, presque sans espoir.

Cependant, la réforme n'est ni réellement encouragée, ni compréhensible, pour au moins deux raisons. D'abord, les entreprises continuent à «débarquer» de leurs effectifs les salariés de plus de 55 ans voire de plus de 50 ans, considérés comme trop chers et pas assez productifs. Dans le privé, l'exposition à la concurrence internationale et au dumping monétaire des Etats-unis et de la Chine rend insupportable le paiement de salaires « à l'ancienne ». Dans le secteur public, la nécessité de faire baisser la dépense étatique conduit à la multiplication des statuts précaires. Dès lors, comment faire croire que la durée du travail sur la vie va augmenter lorsque le taux de chômage continue à dépasser les 50% dans la tranche d'âge 55-65 ans ?

Par ailleurs, ceux qui parlent de privilèges sont bien peu fondés à le faire au moment où le régime spécial des parlementaires inchangé (bonjour le symbole), permettant le cumul de deux pensions. Enfin, si les privilèges corporatistes existent, ils sont bien modestes en regard des 15 milliards de cadeaux fiscaux que le régime vient d'offrir aux plus aisés des Français et à ceux qui vivent de leurs rentes. Les élites ne sont donc pas crédibles en prétendant agir au nom de l'équité. D'une certaine façon, le Juppé de 1995 « droit dans ses bottes », quoique plus maladroit, était plus digne qu'un François Fillon qui laissera surtout le souvenir d'une morgue et d'une arrogance peu en rapport avec ses origines «gaullistes».

Le risque du mouvement du 18 octobre est surtout de confirmer aux Français qu'ils sont entrés dans l'ère du « Tous contre tous ». Grévistes contre usagers des transports, certes. Vélib contre RATP sans doute. Mais aussi travailleurs pauvres (que l'on « fêtait » la veille de la grève) contre « pensionnés ». Chômeurs contre salariés. Employés du privé contre employés du public. Bénéficiaires des régimes spéciaux contre simples cotisants du régime général. Salariés de régimes spéciaux maintenus contre salariés des régimes spéciaux disparus. «Discriminés» contre «discriminants». Homosexuels contre hétérosexuels. Femmes contre hommes. Enfants contre parents. Musulmans contre Juifs et chrétiens. Etc., etc. Mais l'horizon de la guerre de tous contre tous ne gêne pas le régime. Elle le sert au contraire puisque c'est en menant campagne contre toutes sortes de bouc-émissaires que Nicolas Sarkozy est devenu président. L'issue, sans doute encore lointaine, de ce petit jeu avec les allumettes se devine aisément : un jour, Sarko lui-même risque de devenir un bouc-émissaire aux yeux des Français.

Source

Philippe Cohen journaliste à Marianne

2 - L'UIMM de M. Gautier-Sauvagnac disposerait d'une caisse noire de centaines de millions d'euros

Les retraits suspects effectués par Denis Gautier-Sauvagnac – évalués par les enquêteurs de la brigade financière à plus de 17 millions d'euros – pourraient provenir d'un important "trésor de guerre" constitué par l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) à partir de 1968. C'est ce qu'affirment Les Echos dans leur édition de mardi 16 octobre, évoquant "plusieurs centaines de millions d'euros" provenant d'une "cotisation spéciale" versée par les entreprises membres de l'UIMM, la plus puissante fédération du Medef.

Selon Les Echos, cet argent se répartit entre plusieurs fonds, dont le plus important, une caisse de solidarité "antigrève" créée après les événements de mai 1968, est crédité à hauteur de 160 millions d'euros. "Il s'agissait d'éviter la mollesse de certains patrons dans les négociations, de les encourager à la fermeté moyennant rétribution", explique dans les colonnes du quotidien un ancien patron du CNPF, l'ancêtre du Medef. Concrètement, les riches entreprises de l'UIMM versaient une cotisation de l'ordre de 0,1 % de leur masse salariale, de quoi, selon Les Echos, constituer "une belle cagnotte".

À QUOI SERVAIENT LES FONDS ?

L'enquête n'a pas permis, pour l'heure, d'identifier la destination des fonds. Les syndicats ont démenti tout financement occulte, une piste un temps évoquée par la presse. Denis Gautier-Sauvagnac avait initialement parlé du financement des "œuvres sociales" de l'UIMM, évoquant l'aide aux salariés et retraités nécessiteux. Il a ensuite expliqué avoir utilisé l'argent pour "fluidifier les relations sociales", sans autres précisions.

Lundi soir, M. Gautier-Sauvagnac a proposé de se "mettre en retrait" de la négociation sur la modernisation sur le marché du travail, a fait savoir le Medef. Il "continue de présider la commission Relations du travail et politiques de l'emploi et d'apporter son expérience et sa compétence aux travaux du conseil exécutif", précise un communiqué diffusé après la réunion d'un comité exécutif.

AFP

3 - Rupture Républicaine - Laïcité et République Sociale

Voici désormais la dénomination du cercle politique qui s'est constitué le samedi 22 septembre 2007 à Paris; son but est de regrouper pour des actions communes les partisans d'une République Sociale façonnée par le modèle laïque, telle que le préconisait Jean Jaures « le socialisme proclame que la république politique doit aboutir à la république sociale, en liant le combat laïque au combat social »; en conséquence « ce cercle s'attachera à lutter contre toute forme de féodalité qu'elle soit religieuse, ethnique , nationaliste, financière, économique, sexiste, et s'attachera à développer toute forme de solidarité collective dans la la société par la promotion de la liberté individuelle, de l'égalité en droit et de la fraternité sociale; pour poursuivre ces objectifs, indispensables pour assurer l'épanouissement individuel et l'émancipation collective, il s'attachera à défendre et à promouvoir le droit au travail pour tous dans la dignité, les services publics, la protection sociale solidaire, l'enseignement public, l'éducation populaire et la diffusion de toutes les formes de savoir culturel » telle est sa profession de foi contenue dans son article 2.

Ses objectifs sont donc clairs; et les moyens pour y parvenir le sont aussi: il s'agit non pas de créer une énième chapelle de la Gauche Républicaine, mais de mettre en oeuvre une organisation s'attachant à connecter les multiples réseaux de militants qui parfois s'ignorent mais qui souvent, chacun dans leur coin, luttent contre une forme particulière de cette mondialisation néolibérale qui détruit la solidarité collective en s'appuyant sur tous les communautarismes, à l'exemple du modèle anglosaxon.

Pour cela il s'agit d'abord d'engager un authentique réarmement idéologique de la gauche fondé sur nos principes intangibles; nous voulons reprendre le combat républicain mené à partir de 1789 nourri des idées et concets du Siècle des Lumières, relayer le combat émancipateur en faveur de la dignité humaine porté par le mouvement ouvrier des siècles suivants et auquel les théoriciens du socialisme ont su donné des perspectives motivantes pour les militants de décennies en décennies, sans oublier de prendre en compte les connaissances apportées par les penseurs de notre temps. Mais cet engagement dans un authentique réarmement idéologique ne peut se faire que si des initiatives politiques d'action sont prises dans tous les domaines des lutes sociales et laïques; les militants de ce cercle dénommé « Rupture Républicaine » veulent précisément promouvoir de telles intiatives auprès de toutes les forces de la gauche républicaine en s'attachant à connecter pour cela ces différents réseaux politiques, syndicaux, mutualistes, associatifs et culturels.

Réflexions et actions dans ce cadre républicain laïque, tel est le moteur désormais de la lutte pour l'émancipation collective: c'est ce que nous prévoyons pour assurer ce qu'il convient d'appeler la nécessaire «rupture républicaine», indispensable pour pouvoir envisager un quelconque succès de nos espérances.

C'est le seul moyen de se prémunir des trahisons à la Kouchner-Lang et des dérives mortifères antirépublicaines et antilaiques à la Bové-Aounit. leur influence prend racine en effet sur terrain de la dégénérescence de nos valeurs idéologiques dans les milieux traditionnels de gauche.

Nous développerons donc au fur et à mesure dans les colonnes de ce journal Respublica nos analyses, nos projets et nos propositions d'action.

Mais nous les diffuserons aussi sur notre site internet déjà opérationnel « Rupture Républicaine-Laïcité et République Sociale »; nos ancêtres du mouvement social et politique, nous ont aussi appris que pour gagner le combat nous devons avoir des relais internationaux; c'est pour cela que les principaux textes de nos analyses seront reprises en espéranto (3ème langue de communication mondiale sur internet) sur le site jumeau «laikeco kaj Socialrespubliko» lui aussi déjà opérationnel, mais aussi très prochainement sur des sites jumeaux de communication en arabe, espagnol, allemand et bien sùr en anglais.

La victoire est à ce prix

Nous vous incitons donc à prendre contact avec nous en nous écrivant à l'adresse mail suivante: rupture.republicaine@laposte.net

Hubert Sage président du cercle "Rupture Républicaine".

5 - Média

1 - Les syndicats sur le front, les médias à la botte

On savait Nicolas Sarkozy capable de toutes les manipulations, mais là le plan média de la présidence a fait très fort.

Alors que le mouvement de grève s'annonce comme une réussite, Nicolas Sarkozy et ses communicants n'ont rien de trouvé de mieux, pour occuper l'espace médiatique du jour, que d'annoncer le divorce de notre Président !

Un « hasard » qui tombe à pic

La nouvelle faisait pourtant l'objet d'articles dans toute la presse européenne depuis deux semaines déjà. Depuis plusieurs jours, elle avait même été est confirmée par des faits concrets : n'importe quel journaliste un peu curieux aurait pu se rendre à la mairie de Neuilly pour se faire remettre un certificat de mariage du couple Sarkozy et constater ainsi l'effectivité du divorce. Mais c'est trop de demander à des journalistes « à la botte » que d'aller enquêter : les médias - Presse et Télévision – ont préféré l'incohérence et l'hypocrisie. Certains avaient ignoré le sujet jusqu'à aujourd'hui : ils auraient été bien inspiré de tenir cette position. D'autres n'ont eu de cesse que de démentir ces « rumeurs propagées par internet » : ils auraient été bien inspiré de diffuser plus tôt ce « secret de Polichinelle ». Le résultat est le même : tous se rendent complices aujourd'hui de l'utilisation politique par Nicolas Sarkozy d'un événement strictement personnel. Tous dégoupillent aujourd'hui la grenade dont l'explosion couvrira, gageons-le, les slogans du cortège des manifestants. Rendre la politique « people » : voilà la stratégie que Nicolas Sarkozy a trouvée pour détourner le peuple de la politique. Cela en dit long tant sur le cynisme de Nicolas Sarkozy que sur l'allégeance des médias. Puisqu'il faut bien divorcer, autant que cela soit annoncé le jour d'un mouvement social décisif. Cynisme et allégeance : cet triste alliage donne ce genre de couvertures surréalistes:

Liberation-Une-20071018 Parisien-Une20071018

On imagine déjà que ce ne sont pas les grèves qui vont faire l'ouverture du 20h !

Nicolas Gavrilenko

2 - Une JOURNÉE de fête SANS SARKO!

Le 30 novembre prochain, Respublica comme plusieurs associations et collectifs appelle à une journée de désintoxication de la Sarkozite dont nous sommes victimes.

Deux initiatives se développent sur des bases convergentes mais différentes. La première est celle du Rassemblement pour la Démocratie à la Télévision, une association de Tours présidée par le sociologue Pierre Biloun. Le RDT lance un appel aux journalistes et aux rédactions pour rompre pendant 24 heures le matraquage du Sarkoshow.

Respublica s’associe bien sûr à ce manifeste. Si le rapport de force au sein des rédactions est loin d’être favorable aux journalistes, le Journal du Dimanche, par exemple, connaît depuis plusieurs mois une véritable contestation interne. Ce mécontentement doit faire face à la rédaction en chef qui joue son rôle de relais fidèle de Lagardère, le « frère » de notre Omniprésident. Nous pensons que les citoyens peuvent échapper à cette passivité de consommateurs d’info en reprenant l’initiative de manière positive et active. C’est pourquoi nous appelons à une grève générale de la consommation d’info avariée, que l’on nous inflige jour après jour. Le 30 novembre, nous vous appelons à ne pas consommer de mass-médias, ne pas acheter les journaux des groupes de presse (Lagardère, Dassault, Rothchild…), ne pas écouter les radios dociles et surtout de fermer la télé !

Nous proposons cette action pour engendrer un mouvement de prise de conscience pour sortir de l’isolement.

Dissidences au sarkoshow

En prévision du 30 novembre , des actions politiques et artistiques fleurissent. Déjà, plusieurs troupes de théâtre en province comme en région parisienne réfléchissent à des « happening » dans la rue, dans les facs ou sur les parkings de centres commerciaux. On peut également imaginer d’autres formes d’intervention : table ronde avec des journalistes, délégations festives devant le siège de TF1… Nous lançons également un appel au mouvement ATTAC, qui a pour objet d’être un vecteur d’ « éducation populaire », à rejoindre la Journée sans Sarko et à animer un certain nombre de forum sur le thème du pouvoir tyrannique de l’information-propagande.

Pour la réussite de l’opération, considérons cette grève de la consommation d’info comme le contenant, le contenu étant les actions multiples de démystification du Sarkoshow. Il ne s’agit que d’un prétexte, au bon sens du terme, pour une dissidence festive. Pour cela, les dissidents doivent être visibles aux yeux des autres, aux yeux des citoyennes et des citoyens.

Faites-nous part de vos idées, interventions, initiatives, participations , que nous nous ferons un plaisir de relayer.

Philippe Hervé

3 - Il n'y a pas de démocratie sans liberté de la presse

Propositions pour une presse plus libre,
signez la pétition en ligne
(et faites circuler l'adresse du site)

lapresse.jpg

Les syndicats avancent les propositions de modification législatives suivantes :

indpdce-presse

Il découle de celle-ci que ces entreprises doivent être soumises à des obligations accrues de transparence :

Source

L'Intersyndicale Des Journalistes

6 - Liberté d'expression

1 - Quand l'Europe est lâche

Point de vue paru dans LE MONDE du 15.10.07

Pendant que vous lisez ces lignes, Ayaan Hirsi Ali est terrée dans une maison gardée par des hommes en armes. Aujourd'hui l'un des défenseurs les plus posés, intelligents et compatissants des libertés d'expression et de conscience, elle est, pour cette raison, méprisée dans les communautés musulmanes du monde entier. Il vaut la peine de revenir sur son expérience, car son histoire montre bien à quel point nous sommes mal préparés à affronter la menace de l'extrémisme islamique en Occident.

Mme Hirsi Ali a d'abord dû fuir la Somalie en 1992 pour se réfugier aux Pays-Bas parce qu'elle refusait de se soumettre à un mariage forcé. Une fois en Hollande, et en cachette de sa famille, elle a occupé un emploi de femme de ménage. Mais cette femme de ménage, qui parlait déjà le somali, l'arabe, l'amharique, le swahili et l'anglais, maîtrisa rapidement le néerlandais. Elle trouva du travail en tant qu'interprète auprès d'autres réfugiées somaliennes. Ces femmes avaient été violentées, mutilées, on leur avait refusé soins médicaux et éducation, on les avait contraintes à une vie de sujétion sexuelle et de grossesse permanente.

Après avoir suivi les cours de l'université de Leyde, où elle étudia les sciences politiques et la philosophie, elle entreprit de dénoncer publiquement l'oppression des femmes en terre d'islam, ce qui lui valut très vite de recevoir des menaces de mort de la part de musulmans établis aux Pays-Bas. Elle se trouva alors si menacée qu'en 2002 elle alla s'installer aux Etats-Unis. Peu après, cependant, elle fut contactée par Gerrit Zalm, alors vice-premier ministre des Pays-Bas, qui la poussa à se présenter aux élections législatives. Lorsque Hirsi Ali fit part de ses inquiétudes concernant sa sécurité physique, M. Zalm s'engagea à la faire protéger. Forte de cette promesse, elle rentra en Hollande, fut élue au Parlement et devint une avocate infatigable de la cause des femmes, de la société civile et de la raison.

Le reste de son histoire est bien connu. En 2004, elle travailla avec Theo van Gogh sur le film Soumission, qui étudiait le lien entre la loi islamique et les souffrances de millions de femmes en terre d'islam. La réaction de la communauté musulmane confirma à la fois la nécessité du travail d'Hirsi Ali et le bien-fondé de ses craintes. Peu après, alors qu'il avait refusé de s'entourer de gardes du corps, Theo van Gogh fut abattu et une lettre contenant des menaces à l'égard d'Hirsi Ali fut fichée dans sa poitrine à l'aide d'un couteau de boucher.

Hirsi Ali fut contrainte de se cacher et dut changer constamment de domicile, parfois plus d'une fois par jour. Le danger de sa situation l'amena à quitter la Hollande pour les Etats-Unis, où le gouvernement hollandais s'acquitte des frais nécessaires à sa protection - du moins était-ce vrai jusqu'à la semaine dernière, lorsqu'il fit savoir qu'il n'assurerait plus la protection d'Hirsi Ali en dehors des Pays-Bas, annonçant ainsi au monde entier la vulnérabilité de sa ressortissante.

Il est important de réaliser que Mme Hirsi Ali pourrait être la première réfugiée d'Europe occidentale depuis l'Holocauste. A ce titre, elle illustre la force et la faiblesse de l'Occident : la splendeur d'une société ouverte et l'énergie sans limites de ses ennemis. Elle connaît les défis auxquels nous sommes confrontés dans notre lutte pour contenir la misogynie et le fanatisme religieux du monde musulman, et elle vit chaque jour les conséquences de notre échec. Personne n'est mieux placé qu'elle pour nous rappeler que tolérer l'intolérance n'est rien d'autre que de la lâcheté.

Mme Hirsi Ali connaît chaque centimètre du chemin qui permet de sortir du désert moral et intellectuel que constitue l'islam traditionnel. Il est difficile de ne pas admirer son courage. Car, comme l'a écrit Christopher Caldwell dans le New York Times, "Voltaire ne risquait pas, à chacune de ses déclarations, de se faire un milliard d'ennemis qui connaissaient son visage et pouvaient, grâce à Internet, échanger des informations avec des gens résolus à l'assassiner".

Le Parlement néerlandais va débattre du cas d'Hirsi Ali cette semaine. Pour l'heure, la décision du gouvernement de ne la protéger qu'à l'intérieur des frontières des Pays-Bas est absurde. Les Hollandais se plaignent du coût de cette protection aux Etats-Unis, mais il serait bien plus coûteux de la protéger en Hollande même, où le danger pour elle serait plus grand.

Et que devient la promesse donnée ? On a convaincu Mme Hirsi Ali de se présenter aux élections, de devenir la porte-parole la plus visible et la plus menacée au monde des droits des femmes musulmanes, étant bien entendu qu'elle serait protégée aussi longtemps que nécessaire. Gerrit Zalm, en sa qualité à la fois de vice-premier ministre et de ministre des finances, lui avait promis cette sécurité sans émettre aucune réserve. Or, de manière honteuse, Jan Peter Balkenende, le premier ministre, a déclaré, d'une part, qu'il serait préférable qu'Hirsi Ali quitte tout simplement les Pays-Bas, et, d'autre part, s'est refusé à lui accorder ne serait-ce qu'une protection d'une semaine à l'étranger, le temps qu'elle collecte des fonds pour assurer elle-même sa sécurité. S'agit-il d'une lâche tentative visant à apaiser les musulmans fanatiques du pays ? D'une mise en garde adressée à d'autres dissidents hollandais afin qu'ils ne créent pas de remous en parlant trop franchement de l'islam ? Ou s'agit-il d'une pure et simple inconscience ?

Une telle situation est scandaleuse. Le gouvernement néerlandais doit assumer ses obligations. Personne ne mérite plus qu'elle de jouir des libertés d'expression et de conscience, des valeurs que nous considérons comme acquises en Occident, et personne d'autre ne se bat avec une telle énergie pour les défendre.

Traduit de l'anglais par Gilles Berton
Le Monde

Source

Sam Harris

Salman Rushdie

7 - International

1 - Élections présidentielle américaine 2008: eux voies possibles

Les élections de novembre 2008 aux Etats-Unis sont d’une importance stratégique capitale, pour le peuple américain bien sûr, mais aussi pour nous Français, pour nous femmes et hommes de la gauche républicaine. En effet, le vingtième siècle a démontré que les expériences de gauche ne pouvaient se déployer qu’à la condition que ce moment politique entre en résonance avec une conjoncture politique progressiste de l’autre côté de l’Atlantique. Le Front populaire de 1936 aurait-il été possible sans le New Deal de Roosevelt lorsqu’on connaît les liens entre la SFIO de Blum et le parti démocrate américain ? Le gouvernement de la Libération auquel participe le Parti communiste n’a-t-il pas existé que le temps de l’avant guerre froide( 44-47) ?

Mais cette influence est plus large que sur le seul plan politique, elle s’étend aux fondamentaux sociaux et sociétaux. Mai 68, par exemple, est l’expression paroxysmique d’un mouvement mondial de la jeunesse, initié sur les campus des universités de la Côte Ouest. L’inverse est vrai également, l’action du premier gouvernement de la gauche entre 1981 et 1983 a certainement été entravée par l’influence d’un Ronald Reagan qui intervenait directement contre la politique de Pierre Mauroy.

Or, la France se trouve aujourd’hui entraînée dans un changement fondamental de sa politique étrangère. Pour bien faire comprendre ce virage, notre Omniprésident Nicolas Sarkozy a très pédagogiquement décidé de passer ses vacances aux Etats-Unis, aux frais d’ « amis américains ». Tel Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, partant en villégiature sur les bords de la mer Noire, notre dirigeant bien aimé indique clairement le jeu des alliances… et des allégeances !

Bref, le scrutin de novembre 2008 est capital pour nous.

Deux camps sont en présence, l’un clairement constitué, l’autre plus composite et reflétant des intérêts différents. Le premier camp, celui des néo-conservateurs américains, connaît une situation quasiment catastrophique après le désastre de la guerre en Irak qui devait aboutir, à coup de missiles de croisière, à construire un « nouveau Proche-Orient » follement démocratique.

Les élections de mi mandat en 2006 ont démontré la véritable révolte de la société civile américaine contre Bush et son équipe. Si ce clan veut survivre politiquement, il doit pousser à la guerre…et ce très rapidement. La crise économique menace et le pouvoir dominant du complexe militaro- industriel et la « cavalerie » financière à outrance risquent de montrer leurs limites. La tentation est grande de fuite en avant vers une guerre régionale avec l’Iran dont les conséquences seraient imprévisibles.

Mais les dés ne sont pas encore jetés car un certain nombre de forces politiques et économiques s’opposent à l’aventurisme des néo conservateurs, et cela dans tous les camps y compris à droite : Kissinger, par exemple, intervient régulièrement contre la guerre car il sait bien que celle-ci entraînerait son pays dans une spirale perdante. Si la guerre est une aubaine pour le complexe militaro- industriel, il n’est pas certain que l’économie américaine n’en sorte pas encore plus affaiblie qu’elle ne l’est après quatre ans de guerre en Irak. De plus, le bourbier afghano-irakien , et demain une guerre contre l’Iran, paralyseraient totalement les capacités américaines en laissant le champs libre à des tentatives d’autonomisation par rapport à l’hégémonisme de l’hyper puissance. Bref, sans l’Irak, il n’y aurait peut-être pas le formidable changement visant à l’indépendance des nations auquel nous assistons en Amérique Latine.

Le camp démocrate est, quant à lui, confronté à un choix décisif. De deux choses l’une, ou les démocrates ne proposent qu’une gestion plus modérée de la stratégie mise en place depuis le 11 septembre 2001, et ils risquent la banqueroute en assumant l’héritage des néo conservateurs, ou ils proposent un vrai changement nécessitant une modification des paradigmes de l’hyper puissance . Sans tomber dans le schématisme, on peut tout de même dire que la première tendance est représentée par Hillary Clinton et la seconde par Al Gore, nouveau prix Nobel de la Paix. L’épouse de l’ancien président ne propose rien de révolutionnaire sinon un retour nostalgique à l’équilibre des années 90. Or, la sortie de crise de la guerre en Irak implique un nouveau consensus de pacification qui ne peut intervenir sans un accord avec les puissances asiatiques, en particulier la Chine. D’une certaine manière, cet éventuel compromis impliquerait la fin d’un monde unipolaire. Notons enfin que rien ne serait réglé sur le plan des fondamentaux économiques tels que les déficits publics ou commerciaux.

Pour Al Gore, qui fait durer le suspense actuellement sur sa candidature aux primaires démocrates, le projet est autrement ambitieux. En utilisant le levier du « réchauffement climatique », il s’agit ni plus ni moins d’une révolution industrielle post-moderne. Le pari part du constat suivant : les rapports économiques mondiaux et la répartition géographique des zones de production et de consommation sont tendanciellement défavorables aux Etats-Unis. Pour rester leader, l’Amérique doit être à la pointe d’une nouvelle économie globale, dont elle maîtriserait l’évolution par le fait de posséder des brevets stratégiques, en particulier dans le domaine de l’énergie. Cette recomposition du capitalisme américain est un saut dans l’inconnu aussi risqué que le New Deal des années trente. Il suscite bien sûr des oppositions farouches des intérêts rentiers, en premier lieu pétrolier. Pour réunir un consensus dans la gouvernance des multinationales, Al Gore doit apparaître comme le dernier recours avant la crise économique systémique. Cela explique sans doute l’indécision très médiatique de l’ancien vice-président qui fait le compte de ses soutiens potentiels chez les grands patrons.

Les jeux sont donc ouverts et le pire, c’est-à-dire l’escalade guerrière, n’est peut-être pas sûr. Le drame de la France réside dans le fait de ne disposer d’aucune autonomie depuis la désastreuse élection de mai dernier. Au moment même ou la sagesse voudrait de ne pas prendre parti et d’attendre de saisir les opportunités, Sarkozy s’aligne d’avance sur les néo conservateurs en fin de course. Bref, nous risquons d’être à contretemps en ne négociant rien et en misant tout sur le mauvais cheval.

Philippe Hervé

8 - à lire, à voir ou à écouter

1 - Parution de PROCHOIX n°41 (Automne 2007)

Laïcité - Affaire des Vosges - Hugo Chavez - féminisme victimaire - Pologne - CRAN

ProChoix41

ProChoix n°41
crédit : ProChoix

Laïcité : ne pas se tromper de combat

Enquêtes et décryptages

ON A LU : Les Enfants de la colonie. - Le CPE est mort… Pas la précarité - Du consentement

ON EN PARLE :

 

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2 - Voltaire. Il était à lui seul l’opinion publique.

Il y a bien eu un siècle de Voltaire comme il y a eu un siècle de Louis XIV. Le Régent ? Louis XV ? Louis XVI ? Effacés. Réduits à des seconds rôles. Devant la postérité, le vrai roi de son siècle, c’est lui, le poète, le dramaturge, le philosophe, François-Marie Arouet, devenu M. de Voltaire (1694-1778). Malgré les déboires, les humiliations, les disgrâces, en dépit de ses innombrables ennemis, des bastonnades et des autodafés, c’est lui qui sort vainqueur de son siècle. C’est lui qui donnera à son siècle son nom. Telle est la leçon du grand livre de Pierre Milza, une biographie d’historien plus haletante que le meilleur des romans : Voltaire.

Nous sommes le 30 mars 1778. Les manuels scolaires ont omis d’en faire une date de l’histoire de France. Et pourtant ? L’atmosphère de cette journée anticipe celle du printemps 1789. Peut-être même est-ce la première fois que cette atmosphère est perceptible avec autant d’évidence ? Aux portes de la mort, qu’il franchira dans quelques semaines, rentré de Ferney, Voltaire traverse Paris en carrosse pour se rendre à l’Académie. La foule – le peuple de Paris - le reconnaît, l’acclame ; l’attelage ne se fraye un passage qu’avec peine au milieu de l’enthousiasme populaire. Des gens montent sur la galerie de la voiture afin de voir le héros. Les acclamations, les cris de joie n’ont fait que s’amplifier tout au long de la journée. Evénement immense, dont les funérailles d’Hugo seront un écho : pour la première fois un écrivain est fêté par une foule aussi nombreuse qu’admirative, pour la première fois une marée humaine acclame un écrivain. Ou plutôt : ce n’est pas autour de l’écrivain qu’elle se presse, mais de l’écrivain devenu intellectuel, le défenseur de Calas, du chevalier de La Barre, le pourfendeur des injustices et des barbaries. Le roi, ce n’est pas Louis XVI, le roi, pour cette foule, c’est Voltaire ! Toute une vie pour en arriver là. Toute une vie pour cette apothéose. Né sous Louis XIV, Voltaire s’éteint à la veille de la Révolution : son nom, ce printemps de 1778 le laisse deviner, va peser sur l’histoire.

Nul n’est plus méconnu que Voltaire. L’ouvrage de Pierre Milza restitue l’écrivain dans sa complexe vérité : il y a loin en effet entre le poète mondain, dévoré par un insatiable besoin de reconnaissance, une ambition le traînant de cour en cour, et le premier intellectuel de l’histoire, celui qui tracera la voie à Hugo, à Zola et à Sartre. « L’intellectuel, a écrit Sartre, est quelqu’un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas ». A savoir : le pouvoir. Exactement ce que sera le dernier Voltaire : quelqu’un qui se mêle du pouvoir. Le poète mondain des débuts n’aspirait qu’à briller devant le pouvoir, obtenir les faveurs des Princes, attirer le regard des monarques et de leurs favorites, fasciner Louis XV et Frédéric II jusqu’à prendre le risque d’être leur bouffon. L’intellectuel des dernières années, l’avocat des persécutés, au contraire, affronte directement le pouvoir. Milza en signale la grandeur : « ce qui fait sa grandeur (…) c’est le caractère solitaire de son entreprise Aucun parti, aucune force politique, aucune coterie derrière lui, pas même la maçonnerie ». L’affaire Calas fut un combat solitaire comme le sera, deux siècles plus tard, celui de Soljenitsyne. Les philosophes – Diderot, Rousseau – ne se sont pas rangés à son côté. Qu’à cela ne tienne ! Il s’appuiera sur l’opinion publique, que, de fait, il invente, et qu’il définit comme la voix publique : « je parle de cette voix, de toutes les honnêtes gens réunis qui réfléchissent, et qui, avec le temps, portent un jugement infaillible ». Appuyé sur l’opinion publique il obtient la réhabilitation de Calas.

Rien de plus romanesque que sa vie ! Un trait, aux yeux de Milza, la caractérise : lorsqu’il est parvenu à son ambition, entrer dans l’intimité des Rois, briller à la cour du plus bel éclat, il commet invariablement quelque imprudence qui le précipite dans la disgrâce. C’est le ressort du roman, non ? Boudé, en représailles à ses incartades, par Louis XV, qui le fit auparavant officier de la chambre du roi et historiographe officiel, il se précipite à la cour du roi-philosophe, « le Salomon du Nord », Frédéric II de Prusse. Là, comme partout, il aurait pu jouir de sa situation, d’autant plus que le monarque lui vouait une amitié sincère. Il en arrive cependant à changer ce roi en ennemi. Avant de finir symbole pour toujours de la liberté d’expression, Voltaire aura tout été : brillant élève des jésuites à Louis-le-Grand, clerc de notaire, libertin dévergondé, courtisan à Versailles, tragédien aux succès instables, premier historien moderne, chambellan de Frédéric II, financier de haute volée, hobereau à Ferney, patriarche du parti des philosophes. Il aura tout connu : la gloire et l’infortune, l’exil et l’errance, l’amitié et la trahison, l’amour d’une femme qu’il tenait, non sans raisons, pour supérieure à lui, Emilie du Châtelet. Jusqu’aux guet-apens dignes de films de cape et d’épée commis par des coquins sur commande de nobles seigneurs, le chevalier de Rohan ou Frédéric II lui-même. Il aura été aimé, admiré, jalousé et haï comme personne. Il aura montré les mille facettes, dont certaines particulièrement déplaisantes, de sa personnalité. On le découvre à chaque page de cette biographie : autant qu’un siècle, Voltaire aura été un roman !

« Ecraser l’infâme » - cette formule revenant souvent sous sa plume constitue le fil rouge de sa vie. L’infâme : l’alliance despotique du trône et de l’autel, de la superstition et de la barbarie, dont le règne social passe par l’intimidation et la terreur. L’infâme : tout ce qui, issu du christianisme fait obstacle au progrès de l’humanité. Le chevalier de La Barre s’était rendu coupable d’abominables crimes : blasphème et impiété. Il fut condamné à avoir la langue coupée, la tête tranchée, le corps mutilé brûlé en même temps que le Dictionnaire Philosophique de Voltaire, œuvre diabolique qui avait été retrouvée dans son appartement. La France du siècle des Lumières est bien ce pays où l’infâme pousse à commettre de sang-froid « des barbaries qui feraient frémir des sauvages ivres ». L’infâme qui, à travers quelques prêtres sans scrupules, travaillèrent en vain à arracher au Voltaire à l’article de la mort une rétractation de ses impiétés et une profession de foi. Ne concluons pas cependant à l’athéisme de l’auteur de Candide. Adversaire des religions révélées, pourfendeur des fétichismes, Voltaire, ce qui l’opposait à Diderot, croyait sincèrement en Dieu – un Dieu horloger. En déiste, sans croire la Bible, ni l’Evangile.

Voltaire n’a rien été de moins qu’un tournant de l’histoire. Avec lui commencent l’intellectuel et l’opinion publique. Partout dans le monde, il se dit : Voltaire, c’est la France. La France libératrice, la France émancipatrice, la France étendard des droits de l’homme. L’encre de Voltaire fut le berceau du message de la France au monde. Au-delà de l’hexagone, le mythe de la France et le mythe de Voltaire correspondent. Ainsi, au terme de son parcours, une mue intérieure suivie pas à pas par Milza, Voltaire était devenu plus que l’homme-siècle : l’homme, pour toujours et à tout jamais, au-delà de sa propre mort, symbole universel de la liberté. Les fanatismes égorgeurs trouveront toujours le souvenir de Voltaire sur leur route. Milza fait bien d’approuver, à la dernière ligne de son livre, l’appréciation d’Hugo : Voltaire, « l’homme qui est mort le 30 mai 1778 est mort immortel ».

Robert Redeker Philosophe.

Agenda

vendredi 19 - samedi 20 octobre 07

« ÉCLATS RÉPUBLICAINS »

FÊTE DU LIVRE DE SAINT-ETIENNE
STAND LIBRAIRIE GIBERT

RENCONTRE AVEC SIMON ARCHIPENKO, AUTOUR DE SON LIVRE: « ÉCLATS RÉPUBLICAINS »

DE VENDREDI 19 A DIMANCHE 21 OCTOBRE 2007
DE 10H00 À 19H00

Une maison d’édition jeune et déjà présente dans l’actualité littéraire lors d’un des événements nationaux les plus importants de l’année: les Editions MontChalin

Téléphone 06 76 53 26 15 ou contact@cabinetats.com

jeudi 25 octobre 2007, 18:00

Conf-débat "Les femmes face à l’intégrisme religieux et la République dans tout ça ?"

à l’Assemblée Nationale
126, rue de l'Université, Paris 07
Métro : Assemblée nationale ou Invalides

Olivia Cattan, Présidente de Paroles de Femmes
En présence de Madame la ministre Rama Yade
Avec le concours des « Marianne de la diversité » vous invite à une conférence-débat :
« Les femmes face à l’intégrisme religieux et la République dans tout ça ? »

Marek Halter, parrain de l’association, présentera également en avant première, son nouvel ouvrage.

Conférence-débat avec Ghaleb Bencheikh, Irène Frain, Philippe Val, Valérie Toranian, Isabelle Levy, Ivan Levaï, Sonia Sarah Lipsyc, Bernard de la Villardières, Frédéric Encel, Fethi Benslama, Claire Lesegretain, Mohammed Sifaoui, Amar Dib.

Nombre de places limité. PAF : 15 €
Veuillez libeller votre chèque à l’ordre de l’Association Paroles de femmes- 228 bld Saint-Denis, 92400 Courbevoie.

L’adhésion à l’association pour l’année 2007/2008 offre le droit à une conférence gratuite. Rejoignez-nous sur le site www.parolesdefemmes.org Confirmation avant le 18 octobre : olivia.cattan@wanadoo.fr

Se munir d’une pièce d’identité

En partenariat avec La Chaîne Parlementaire.

lundi 29 octobre 2007, 18:30

"Qu'est-ce que la laïcité"

à l'IEP 104 Bd Duchesse Anne
à Rennes

Dans le cadre du Kiosque du citoyen:

Conférence débat sur le thème: "Qu'est-ce que la laïcité"

Avec Catherine KINTZLER, philosophe
Auteur d'un trés remarqué Qu’est-ce que la laïcité?, chez Vrin, « Chemins Philosophiques ». 128 p

samedi 19 janvier 2008, 08:00

1ère CONFERENCE DU SUD DE LA FRANCE SUR L'HOMOPARENTALITE

CENTRE RABELAIS
Boulevard Sarrail (Esplanade)
MONTPELLIER

APGL organisée par l'Antenne Languedoc-Roussillon de l'Association des Parents Gays et Lesbiens (APGL)

Le programme de cette conférence se veut d'aborder toutes les situations rencontrées par les homosexuels pour fonder une famille et vivre leur parentalité. Des thèmes encore peu accessibles comme le désir d'enfant chez les transexuels et la gestion pour autrui (GPA, mères porteuses) seront aussi abordés.

Toutes les infos (inscriptions, programmes, etc) à cette adresse: http://conf.homoparentalite.free.fr/

Voir l'agenda complet en ligne

ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine est édité par l'association:
"Les Amis de ReSPUBLICA"
27 rue de la Réunion
75020 PARIS

Courriel: respublica@gaucherepublicaine.org
Site: http://www.gaucherepublicaine.org