Interventions de la police durant le confinement : les quartiers populaires plus contrôlés et verbalisés et toujours de la répression politique

Le ministre de l’Intérieur a tiré la semaine dernière un premier bilan des interventions des forces de police durant la période de confinement : presque 21 millions de contrôles ont été réalisés qui ont donné lieu à 1,1 million de contraventions (pour les deux tiers, il s’agissait de personnes qui n’avaient pas d’attestation sur elles). Les contrevenants vont ainsi devoir régler ces amendes dans les jours qui viennent. Or, plusieurs associations ont dénoncé dans une lettre ouverte le 13 mai une concentration de contrôles et verbalisations dans les quartiers populaires (après un mois de confinement, 220 000 contrôles avaient été effectués en Seine-Saint-Denis, ce qui représentait près du double de la moyenne nationale, avec un taux de verbalisation trois fois plus élevé. Voir cet article de Libération). Plusieurs explications ont été avancées, notamment la surpopulation dans le département et une population jeune. Le confinement a en tout cas jeté une lumière crue sur les inégalités à tous les niveaux qui ont accru les difficultés : maillage des commerces alimentaires plus lâche entraînant des déplacements plus longs que dans la capitale, illectronisme empêchant de pouvoir se servir des attestations numériques… Le montant unique de l’amende (135 euros) pour non-respect du confinement va sûrement encore amplifier les difficultés de familles déjà défavorisées alors que s’annonce une grave crise économique. De plus, les voies de recours pour contester les verbalisations sont extrêmement difficiles et cette même contestation peut entraîner une majoration significative. De nombreux procès-verbaux semblent pourtant avoir été soumis à l’arbitraire en raison du flou qui entourait les consignes : des serviettes hygiéniques ou des paquets de gâteaux ont été considérés comme une denrée « non nécessaire », des personnes sorties faire de l’activité physique mais sans tenue adéquate ont été verbalisées tandis que d’autres l’ont été parce que l’attestation n’avait pas été recopiée en entier (pour plus d’exemples, voir le blog « Verbalisé parce que »)… Pour éviter que le règlement de ces amendes ne crée encore plus de misère, le gouvernement pourrait s’inspirer d’Israël dont le président, en raison de la crise économique et de l’augmentation du chômage, réfléchit à la mise en place d’un système qui permettrait de réduire ou d’annuler complètement les amendes.

 

Répression des militants

D’autre part, alors que durant le confinement les moyens d’exprimer son opposition au gouvernement étaient considérablement réduits puisqu’il n’était plus possible de manifester, de nombreux citoyens ont fabriqué des banderoles pour rendre visibles leurs revendications. La police n’a cependant pas attendu la fin du confinement pour continuer à se comporter comme « une garde prétorienne » pour reprendre les mots de Jean-Louis Arajol. D’après Mediapart, dans plusieurs villes de France, des policiers seraient intervenus chez des habitants ayant déployé des banderoles à connotation politique. L’une de ces interventions, à Toulouse, a eu un certain écho dans la presse. Dans le quartier de la Roseraie, six colocataires avaient suspendu une banderole « Macronavirus à quand la fin ? » (accrochée à côté d’une autre banderole « Soutien aux personnels hospitalier ») sur leur maison, ce slogan avait été trouvé par Charlie Hebdo pour sa une en janvier. Après une visite des policiers le 21 avril, ils avaient accepté de décrocher la banderole en question, mais deux jours plus tard, une des habitantes a été placée en garde à vue pour « outrage à personne dépositaire de l’autorité publique ». Quelques jours après, et ce malgré un communiqué unitaire d’associations et des partis politiques locaux qui dénonçaient une répression politique, tous ses colocataires ont reçu une convocation pour une audition libre dans le cadre de la même infraction. Finalement le 11 mai, après la mobilisation de la Ligue des droits de l’Homme qui avait dénoncé une atteinte à la liberté d’expression, le procureur de la République a abandonné les poursuites. Cette affaire prouve encore une fois que ce gouvernement est prêt à tout pour étouffer toute forme de contestation même la plus anodine !