Ce n’est pas avec des arrêtés anti-burkini qu’on arrêtera l’islamisme !

Au contraire ? Parions que les arrêtés anti-burkinis seront jugés illégaux par le juge administratif, quand il se prononcera sur le fond. Il est donc à craindre que les islamistes et leurs alliés bénéficient demain d’une victoire juridique de plus.

burkini-sq2Disons-le clairement : l’UFAL est résolument opposée aux injonctions visant à contraindre les femmes par le corps, qu’elles se prévalent ou non de la religion, même quand elles ne recourent pas à la violence physique, et même si certaines femmes disent s’y plier de leur plein gré. Le burkini et les tenues présentées comme « islamiques » en général sont à ce titre, non pas de simples expressions de la « liberté de religion », mais des ennemis de l’émancipation humaine. Ils doivent être dénoncés et combattus comme symboles d’une offensive politique communautariste dirigée contre l’universalisme républicain : mais par quels moyens ?

Peut-on exiger une mesure juridique d’interdiction chaque fois qu’un comportement nous paraît contraire à nos conceptions de la liberté, de l’égalité, et de la fraternité républicaines ? Non ! Ce serait renier nos principes mêmes. À ce compte-là, puisque les curés d’extrême-droite de la Fraternité Saint Pie X portent la soutane, il faudrait prendre des arrêtés interdisant le port de la soutane… comme celui pris le 10 septembre 1900 par le maire du Kremlin-Bicêtre, annulé par le Conseil d’État (certes, c’était avant la loi de 1905, et il s’agissait de tourner en dérision le concordat). Le ridicule de tels arrêtés n’est pas moindre que celui des tenues dites « religieuses ».

Certes, l’on peut légitimement tenir la liberté de porter une tenue discriminante et claustrante comme moins importante que les libertés républicaines, menacées par les offensives communautaristes, y compris symboliques. Mais toute stratégie de prohibition au coup par coup (qu’elle vienne de la droite réactionnaire ou, malheureusement, de certains républicains de gauche) est contre-productive, car vouée à l’échec juridique. C’est que le problème n’est pas juridique, mais bien politique et idéologique.

La force des islamistes, c’est qu’ils ont deux niveaux d’intervention qui ne se rencontrent jamais : un niveau privé, fait de pressions communautaire et religieuse dans la famille, le quartier, etc., où se déploie toute leur rhétorique patriarcale et liberticide ; un niveau public, où des associations comme le CCIF, s’érigent en gardiens de la liberté et du droit pour disqualifier toute tentative de dénoncer le premier niveau de leur action au nom des droits fondamentaux.

Il faut comprendre qu’ils y sont aidés par le cadre juridique français et international, notamment la jurisprudence : outre notre Conseil d’État, la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) considère la liberté de religion comme supérieure à toutes les autres. Pour eux, le principe d’égalité femmes-hommes n’a ni portée juridique suffisante ni application concrète recevable : ainsi, la liberté d’une seule personne voilée « volontairement » l’emporte sur le droit des femmes en général (1)Voir l’arrêt de la CEDH SAS c. France, 1er juillet 2014, sur la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, approuvant la position du Conseil d’État français..

L’islamisme est donc mis en mesure de retourner le droit contre la République ! Face à lui, une bataille exclusivement juridique est à coup sûr perdante. C’est au niveau de la société civile, dans les rapports privés, qu’il nous faut nous aussi intervenir : car la bataille est politique et culturelle. À force de répéter que la laïcité ne serait pas une « opinion comme les autres », on a perdu de vue que la République ne peut vivre sans l’action des militants armés de leurs convictions laïques et républicaines. C’est à cela également que l’UFAL s’emploie : la rejoindre est plus efficace que n’importe quel arrêté municipal.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Voir l’arrêt de la CEDH SAS c. France, 1er juillet 2014, sur la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, approuvant la position du Conseil d’État français.