Croizat, « ministre des travailleurs », ne peut être apparenté à la destruction de nos retraites !

Rongé par la maladie, Ambroise Croizat déclare en 1950 ces quelques mots à l’Assemblée nationale au sujet de la Sécurité sociale : « Jamais nous ne tolérerons que soit mis en péril un seul des avantages de la Sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès ».

Confronté depuis le 5 décembre à une des plus grande mobilisation sociale de ces 50 dernières années, le gouvernement Macron-Philippe, bras armé du mouvement néolibéral, n’hésite plus à la récupération politique et à associer Croizat à la casse de notre système de retraite.

Ces derniers jours le sénateur LREM de Paris, Julien Bargeton à l’occasion d’un interview sur BFMTV et sur LCI, les 26 et 29 décembre 2019, a repris à son compte une citation d’Ambroise Croizat, « l’unité de la sécurité sociale est la condition de son efficacité ».

Il n’en fallait pas moins pour que les mots de ce sénateur fassent réagir bon nombre de militants engagés dans la défense de nos retraites et de cet idéal mise en oeuvre par le programme du Conseil national de la Résistance. C’est en ce sens que Pierre Caillaud-Croizat, petit-fils du « ministre des travailleurs » a pris la plume pour faire réponse au sénateur.

C’est cette dernière que nous vous proposons ci-dessous en lecture.

Monsieur,
Je viens de découvrir une publication dans laquelle vous apparaissez à côté d’une citation d’Ambroise Croizat. On m’a indiqué également que vous aviez cité Croizat lors d’une intervention sur le média BFM.

Que vous fassiez référence à Croizat est une démarche qui vous appartient, mais que vous cherchiez à l’utiliser pour donner du crédit à vos turpitudes de démantèlement du système qu’il a mis en place, c’est une infâme imposture.

Dans vos publications, vous ne semblez guère goûter les conséquences générées par le mouvement social et vous stigmatisez les grévistes comme des extrémistes bornés.

Quand on se réfère à Croizat, on ne peut occulter son engagement viscéral pour la CGT et le parti communiste. Il a consacré sa vie et toute son énergie à ces organisations pour la défense des plus démunis, pour plus de justice et d’égalité dans les rapports sociaux. Le projet de réforme des retraites que vous portez est la déconstruction du système de retraite par répartition basé sur la solidarité nationale et intergénérationelle. C’est une opération de nivellement des retraites par le bas et l’ouverture du système à la retraite par capitalisation.

Une originalité du système Croizat, c’était justement de mettre les cotisations à l’abri des appétits de la finance en général et de l’assurance privée en particulier.

Votre postulat qui consiste à faire sauter ces verrous ne vous permet pas de vous revendiquer de l’héritage de Croizat.

Lui n’a jamais pris le parti des privilégiés et des assurances privées. Votre culot n’a d’égal que votre duplicité.

Je considère que votre usurpation est une insulte à la mémoire de mon grand-père et je vous fais part très fermement de mon indignation.

Quant à la prétendue citation de Croizat à laquelle vous faites référence, je ne la connaissais pas sous cette forme. C’est à vérifier, mais il me semble que Croizat n’avait pas utilisé le terme unité mais unicité. (1)F. Boissier : L’unicité fait partie des quatre grands principes de la protection sociale, fondements même de l’identité sociale française :
– L’Unicité : tous « les risques sociaux » (maladie, maternité, vieillesse, accidents du travail…) sont regroupés dans une seule caisse.
– La Solidarité : un système de répartition entre actifs et non actifs, financé par les richesses créées dans l’entreprise, est la pierre angulaire de l’édifice.
– L’Universalité, sous tendue par l’idée de soigner toute la population et de suivre « dans sa santé, l’individu de sa naissance à son décès ».
– La Démocratie, c’est-à-dire la volonté de confier la gestion de l’institution aux bénéficiaires eux-mêmes.

Ce détail sémantique dont vous ne vous embarrassez pas ne fait que confirmer votre forfaiture.

Pierre Caillaud-Croizat, petit-fils d’Ambroise Croizat.

Pour aller plus loin sur la même thématique de l’histoire de notre système de protection sociale nous vous proposons d’écouter le dernier podcast du Réseau Education Populaire que vous retrouverez sur la plateforme https://podcast.ausha.co/reseau-education-populaire.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 F. Boissier : L’unicité fait partie des quatre grands principes de la protection sociale, fondements même de l’identité sociale française :
– L’Unicité : tous « les risques sociaux » (maladie, maternité, vieillesse, accidents du travail…) sont regroupés dans une seule caisse.
– La Solidarité : un système de répartition entre actifs et non actifs, financé par les richesses créées dans l’entreprise, est la pierre angulaire de l’édifice.
– L’Universalité, sous tendue par l’idée de soigner toute la population et de suivre « dans sa santé, l’individu de sa naissance à son décès ».
– La Démocratie, c’est-à-dire la volonté de confier la gestion de l’institution aux bénéficiaires eux-mêmes.