Trois films recommandés pour des ciné-débats

” Inspecteurs du travail, une rencontre “

Le film de Jean-Pierre Bloc diffusé en juin 2016 par Médiapart comme un web-documentaire ressort actuellement en salles, qu’elles soient cinématographiques ou non, sous l’impulsion du mouvement associatif.

Le réalisateur Jean-Pierre Bloc a voulu libérer de toutes contraintes hiérarchiques ces inspecteurs du travail afin qu’ils puissent s’exprimer le plus ouvertement possible sans risque de tomber dans l’obligation de réserve et sans risque de poursuites juridiques. Ils sont toutes et tous sous mandats syndicaux et parlent librement de leurs expériences propres.

Pour Jean-Pierre Bloc ; le film est monté comme un grand récit choral organisé en séquences puisque pour lui « La mise en scène de la parole peut être un objet cinématographique. »

« Inspecteurs du travail, une rencontre » reste d’une actualité entière. Ces Inspecteurs qui nous parlent à visage découvert nous démontrent que le code du travail n’est pas une notion théorique et que les ordonnances Macron visant à le détruire sont en préparation depuis plusieurs années.

Mais qui sont ces Inspecteurs du travail aux avant-postes d’une guerre sourde et intense où le patronat cherche à détruire toutes normes sociales, à briser la protection des travailleurs, à renforcer la subordination économique, à restreindre la sécurisation juridique.

Ce film est l’occasion de  comprendre la régression sociale et le recul des libertés que nous prépare le régime de M. Macron en adaptant l’Homme aux nécessités du rendement et de l’économie de marché et non plus en adaptant le travail à l’Homme, c’est à dire en protégeant le travailleur.

C’est aussi le moment de mieux connaître ce métier qui a pour tâche de défendre le droit du travail donc l’ordre public social, Ces inspecteurs-trices que nous voyons le font avec passion.

« Inspecteurs du travail, une rencontre », réalisateur JP Bloc, France, 97 minutes, production : Sahira films

Jean-Jacques Mitterand

 

« Mémoires d’un condamné »

La réalisatrice Sylvestre Meinzer  dit : « Jules Durand est une figure libre. Une figure de la résistance, de la revendication, une image de martyr mais sans étiquette. Il n’y a rien qui l’enferme, aucun discours officiel, aucune histoire certifiée qui la limite. » En effet, il  ne subsiste étrangement aucun élément du dossier judiciaire non plus que du dossier psychiatrique de cette affaire qui reste pourtant particulièrement proche des mémoires localement.

« C’était trop peu pour faire un film », ajoute-t-elle. Pourtant elle l’a réalisé avec obstination en allant rencontrer, dans le Havre d’aujourd’hui, ceux qui habitent où Jules Durand  a habité, travaillent où il a travaillé, interrogeant la mutation spatiale et sociale d’une ville, et la transformation d’une profession depuis un siècle.

Une séquence implacable

Juillet 1910 : Jules Durand est élu à 30 ans secrétaire du Syndicat ouvrier des charbonniers du port du Havre. De sensibilité libertaire, militant contre l’alcoolisme, il dénonce la façon dont les patrons encouragent celle-ci et la précarité d’un métier où la force des bras est exploitée avec brutalité.

18 août : début de la grève des charbonniers.

11 septembre : Jules Durand est inculpé pour complicité « morale » d’assassinat à la suite d’une bagarre d’ivrognes (où il n’était pas présent) se terminant par la mort d’un charbonnier non gréviste.

Après 8 semaines d’instruction, le 25 novembre, la cour d’assises de Rouen condamne Jules Durand à la peine capitale. Même après remise partielle de peine et libération, l’homme est brisé et perd la raison.

En raison de la guerre et malgré une mobilisation internationale, il ne sera innocenté qu’en 1918 par la Cour de cassation mais il ne sera pas fait justice des faux témoignages.

Jules Durand meurt à l’asile d’aliénés de Sotteville-les-Rouen en 1926.

Le film ne tente pas de reconstitution mais donne la parole à Me Henri Langlois pour évoquer le procès et à  Marc Hedrich, juge d’instruction au Palais de Justice du Havre, qui replace clairement l’affaire dans le contexte d’une justice de classe violente.

Dans un montage subtil, la tragédie individuelle d’un homme condamné à la guillotine, puis à la folie puis à l’oubli, se  trouve et relayée par l’histoire collective, dans toute son actualité. Les témoignages filmés avec beaucoup de sensibilité sont probablement la partie la plus originale de « Mémoires d’un condamné ».

Car, comme le dit Johann Fortier (secrétaire général des dockers CGT), alors que du temps de Durand, on était confronté à la mécanisation, aujourd’hui les emplois sont menacés par l’automatisation. Ces « évolutions », des dockers mis en retraite anticipée depuis les années 90 en témoignent dans ce qui est une des plus fortes scènes du film. La modernisation, ils la comprennent, mais pourquoi est-ce toujours sur les mêmes que tombe la fatalité ?

Un très beau film donc, qui évite de ne jouer que sur la corde de l’indignation rétrospective mais qui peut alimenter, au-delà des milieux syndicaux,  la compréhension de l’exploitation et les révoltes d’aujourd’hui.

« Mémoires d’un condamné ». Un film documentaire de Sylvestre MEINZER. France – 2017 – Couleur – 1h 22.
Distribution LARDUX FILMS 
Partenariats et réseaux : Sandrine Floc’h  06 84 79 94 79  – sandrine.floch73@gmail.com

Monique Vézinet

 

“Atelier de conversation”

Dans le cadre de la BPI (Bibliothèque Publique d’Information) au Centre Pompidou  des personnes venant des quatre coins du monde se rencontrent pour parler français.

C’est « l’atelier de conversation » ou réfugié-es,  étudiant-es, expatrié-es, apprenant notre langue parlent devant la caméra de Bernard Braunstein. Ils ou elles échangent sur la vie… confidences ou non-dits.

L’intérêt du film c’est l’Autre, ancien ou nouvel arrivant que l’on ne connaît pas et qui raconte un peu de son histoire. Elle/Il a les même tourments, les même joies, les même peines, les même colères que chacun d’entre nous pourrait avoir et pourtant ils/elles sont étrangers, d’un autre pays. Ils où Elles arrivent de Chine, d’Inde, de Syrie, des Etats-Unis, d’Afghanistan… Leurs  différences devraient nous effrayer et pourtant Ils-Elles parlent d’objectifs communs. Ici, le temps d’une conversation,  les frontières sociales et culturelles s’effacent,

Film de Bernard Braunstein,  Autriche-France-Liechtenstein ,72 minutes, présenté à Cinéma du réel.

Jean-Jacques Mitterrand