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- Combat écologique
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Combat social, combat laïque, l’écologie en embuscade ?

par Jean Claude Boual

 

La gauche n’est pas seulement éclatée, elle est sans projet, sans utopie, sans travail ou recherche pour sortir de l’ornière dans laquelle elle s’est mise. Confrontée à un paysage politique et idéologique plus complexe que l’opposition binaire gauche/droite, elle s’avère incapable de proposer une politique qui réponde aux aspirations des populations et notamment des couches populaires qu’elle considère disparues du paysage social et politique pour se consacrer uniquement aux couches petites-bourgeoises urbaines, auto-proclamées « éduquées ». Aussi, le courant républicain, universaliste, issu des Lumières se trouve sans représentation politique et sans organisation.

Les Lumières sont aujourd’hui réinterrogées parce que les promesses d’émancipation, de liberté, d’égalité, de fraternité ne seraient pas advenues mais au contraire la colonisation, le « racisme systémique » en seraient ses enfants. Elles sont au mieux présentées comme « un projet inachevé », voire comme un échec car elles n’ont pas tenu leurs promesses, l’émancipation individuelle étant un mythe.

Les dérèglements climatiques, la chute de la biodiversité, l’épuisement des ressources naturelles engendrés par un système économique prédateur dont le seul objet est d’obtenir le profit maximum le plus rapidement possible par tous les moyens à disposition accentuent les inégalités sociales au niveau mondial et dans les sociétés. Les rapports sociaux et à la nature s’en trouvent modifiés en profondeur sans une conscience nette dans les populations car les effets concrets sont différés ; ce qui favorise à la fois la procrastination sur les dispositions à prendre, toutes les démagogies et le développement de pensées et solutions magiques.

Le courant républicain universaliste, en but de façon classique à la droite et à une extrême droite démagogique dont l’idéologie complaisamment relayée par beaucoup de médias et reprise par une partie de la droite de gouvernement se diffuse dans toute la société, doit aussi s’affronter aux plans idéologique et politique à une partie de « l’extrême gauche » et une partie d’elle-même qui ont abandonné la lutte de classe et l’émancipation pour des luttes essentialistes basées sur la race, le genre, la victimisation, la repentance, la religion.

L’incompréhension de la mobilisation des « Gilets jaunes » de la part de la « classe politique » à gauche, des médias, y compris ceux se réclamant alternatifs, comme des partis de gauche et des organisations syndicales et associatives quasiment sans exception, peut s’analyser comme emblématique de la coupure des forces de gauche et de ces organisations avec les couches populaires. Cette mobilisation sociale, porteuse de revendications et d’exigences précises sur le pouvoir d’achat, contre des taxations abusives, sur les services publics, la dignité, autant de thèmes classiques des mouvements sociaux depuis des siècles, n’a pas été comprise et a été abordée avec suspicion et mépris, parce qu’il ne s’agissait pas des couches sociales traditionnellement dans les luttes sociales et que leurs modes d’action étaient atypiques. Cela illustre à la fois la méconnaissance de la société d’aujourd’hui par les forces de gauche et leur soumission idéologique aux analyses de la bourgeoisie (l’oligarchie) au pouvoir. C’est d’autant plus remarquable que les « gilets jaunes » ont été capables dans leur majorité d’intégrer les questions climatiques et écologiques à leurs revendications en refusant d’opposer « la fin du mois et la fin du monde » ; même si l’expression « fin du monde » est sujette à caution. Ils ont dans la pratique et par l’action remis la question sociale au centre du village(1)Voir : Dix thèses à propos des « Gilets jaunes », dix thèses pour les associations, dix contre-thèses à propos du macronisme, par Jean-Claude Boual, décembre 2018, éditions Collectif des associations citoyennes..

La laïcité aussi est contestée, souvent par les mêmes. Issue d’un long combat pour la liberté de pensée et la liberté de conscience, pour les libertés individuelles et collectives, la liberté de croire ou ne pas croire, consacrée par la séparation des Églises et de l’État, elle est un acte de souveraineté et d’indépendance de l’État vis-à-vis des religions et réciproquement des religions vis-à-vis de l’État. Elle est à la fois un acte et un principe de liberté avec un caractère universel indéniable car elle est applicable dans tout pays qui se réclament des droits humains et de l’État de droit, notamment dans des sociétés qui se sécularisent. Or, la sécularisation est un long phénomène multiséculaire qui touche aujourd’hui toutes les sociétés dans le monde entier, sans exception. C’est bien pour ses caractéristiques de liberté absolue, de liberté de conscience et d’universalité qu’elle est constamment remise en cause et attaquée par les religieux de toutes obédiences qui veulent imposer leur domination sur les sociétés. L’histoire conflictuelle entre l’État républicain et l’Église catholique doit être rappelée à ce sujet, car elle démontre, contrairement à ce que prétendent les tenants de « l’islamophobie », qu’il ne s’agit de stigmatiser ni les musulmans, ni la religion musulmane. Paradoxalement, dans ce monde en voie de sécularisation, dans lequel toutefois les religions subsisteront, la laïcité, parce qu’elle assure la liberté de conscience à chacun, est la meilleure garantie de pouvoir exercer sa religion sans discrimination pour ceux qui le souhaitent comme de n’avoir aucune religion. L’État est neutre au regard des religions, de toutes les religions ; la théologie n’est pas son affaire. Ferdinand Buisson peut alors affirmer que l’État républicain est souverain et seul souverain, l’individu est absolument libre dans ses options spirituelles, les Églises sont libres comme toute association qui respecte la loi. Délivré de la tutelle de l’Église catholique et de toutes les Églises, l’État républicain peut alors assurer la pleine souveraineté du corps politique des citoyens, dont une des expressions les plus abouties sera la création de la Sécurité sociale en 1945 avec un mode de gestion dans lequel le citoyen/producteur était l’élément central.

Les laïques ont cru naïvement et trop longtemps que la laïcité était définitivement installée dans notre pays. Ils ont sous estimé les batailles qui la sapaient depuis au moins la fin des années 1980. Certains de ses promoteurs et défenseurs traditionnels l’ont relativisée et ont promu l’idée d’accommodements « raisonnables » avec ses adversaires. Elle est aujourd’hui instrumentalisée par toutes les droites et notamment l’extrême droite qui se sont engouffrées dans le vide idéologique créé et s’en sont faites formellement les « meilleurs défenseurs », alors qu’historiquement elles l’ont toujours combattue. Certes, les vieux réflexes ressurgissent parfois comme avec la « manifestation pour tous » à propos de la loi sur le mariage des homosexuels, mais ça ne change pas la vision que les médias dominants donnent de la question. Le baiser de la mort en fait. Chaque fois que les laïques baissent la garde, chaque fois que les institutions de la République tergiversent et font des « accommodements raisonnables », à chaque opportunité quand le rapport de force leur semble favorable, les organismes religieux de toutes obédiences relèvent le défi (souvent concomitamment) et se mobilisent pour essayer d’imposer, même partiellement, la loi divine.

Le débat sur la laïcité, quelles qu’en soient les formes – port des signes religieux dans l’espace public, « islamo-gauchisme », extrémismes religieux… – dans lesquelles trop d’organisations politiques et associatives se réclamant de la gauche se sont perdues, donne une idée du marasme et des impasses où elles se sont engluées. Marasme reposant sur une série de thèses : intersectionnelles, le racisme systémique, la branchitude, la suprématie et les privilèges blancs, le décolonialisme victimaire et repentant, la culture « woke », la culture d’effacement, le « féminisme décolonial » et l’écriture dite à tort « inclusive » qui segmentent la société, divisent et égarent les luttes sociales dans des impasses.

En se qui concerne l’articulation du social, de l’écologie et de la laïcité, la ou les ruses, la partie de poker menteur ne se limitent pas à la culture « woke » et consorts, de nouveaux « concepts » font leur apparition régulièrement. Par exemple, Greenpeace vient d’entrer dans l’ère des permaconcepts, avec les notions indéfinies de perma-consult, perma-leader, perma-organisation, perma-juice, perma-RH, permanagement, permamanagement, permaéconomie, permentreprise(2)Cf notamment : Sylvain Breuzard, président de Greenpeace France depuis 2012 : La PERMAENTREPRISE- Un modèle viable pour un futur vivable inspiré de la permaculture, illustré par Étienne Appert, mars 2021 ; ainsi que « La permaentreprise » de Nadia Marty article sur son blog coachingnouvellegeneration ; ou La permaéconomie, Emmanuel Delannoy éditions wildproject 2016, et édition de poche 2021., etc.

Aussi, la nécessité d’un combat global, intégrant les questions sociales et laïques est plus que jamais d’actualité. Déjà dans les années 1900, Jean Jaurès soulignait que la République serait laïque et sociale ou ne serait pas. Nous y sommes aujourd’hui à nouveaux confrontés. Encore faut-il prendre le social dans toute sa dimension et sa véritable acception, l’économie doit être au service du social et non l’inverse, comme ont réussi à nous le faire admettre avec trop de succès les « économistes distingués », le patronat et les gouvernements. Aussi faut-il intégrer aujourd’hui l’économie dans le social et y inclure les questions climatiques et écologiques, tant les dégâts occasionnés par le système économique dominant – le capitalisme – sont en passe de reconditionner les conditions de vie de l’humanité sur la seule planète qui nous héberge.

Sans prétendre faire le tour de la question et encore moins apporter des solutions qui ne peuvent que découler d’un processus démocratique éclairé, je voudrais amorcer le débat de façon laïque, c’est-à -ire en évitant autant que possible les pensées magiques, les dogmes néolibéraux, écologiques ou « de gauche », et partir des fondements, c’est-à-dire l’utilisation de l’énergie.

 

Le problème de l’énergie

La question de l’énergie est centrale dans tout développement humain. Toutes les révolutions agricoles et industrielles se sont produites à partir de l’utilisation de sources d’énergie de plus en plus performantes. L’humanité est passée progressivement de l’énergie humaine, à la maîtrise du feu, à l’énergie animale, à l’énergie hydraulique et éolienne, puis à l’énergie du carbone, d’abord le charbon avec la vapeur, puis le pétrole et le gaz et enfin l’énergie nucléaire et la bioénergie plus récemment. Chaque fois, le saut s’est effectué à partir de découvertes technologiques et/ou scientifiques. Les 2/3 de la croissance des trois décennies d’après guerre s’expliquent mécaniquement par le simple afflux d’énergie fossile.

L’électricité qui semble appelée à être l’énergie d’usage dominant en raison des dérèglements climatiques est une énergie dérivée d’énergies primaires (hydraulique, éolienne, solaire, carbone ou nucléaire). C’est une énergie fabriquée car nous ne savons pas capter l’énergie électrique de la nature. C’est une énergie technologique qui demande un appareil industriel sophistiqué, donc fragile avec intervention humaine permanente. Dans tous les cas, la production d’énergie se heurte aux lois de la physique, notamment de la thermodynamique (l’entropie). Il est illusoire, voire trompeur, de croire ou faire croire qu’il peut exister une « énergie propre », exempte de transformation de la matière. Même si nous arrivons à la « neutralité carbone », les transformations qu’impliquent la production de l’énergie que nous utilisons ne sont pas sans conséquences sur la nature, les écosystèmes, l’environnement, le climat. Elles auront aussi d’importantes répercussions dans le domaine social avec des risques d’inégalités encore accrus ainsi que sur l’organisation sociale, politique et les rapports sociaux entre individus et les rapports collectifs.

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Aujourd’hui, l’électricité représente 25 % de la consommation totale d’énergie pour notre pays, dont 71 % produite à partir de l’énergie primaire nucléaire. Les 75 % de consommation autre sont de l’énergie carbonée (pétrole, gaz, charbon). Il est question, pour sortir des énergies carbonées d’ici 2050 comme le prévoient l’Union européenne et la loi française, d’augmenter l’usage de l’électricité en la produisant à partir d’énergies primaires « renouvelables », éolien terrestre et maritime, photovoltaïque, essentiellement. Cette « électrification » de notre société touche pratiquement de très nombreux secteurs d’activités, les transports avec le développement de la voiture électrique et des transports collectifs, la numérisation à marche forcée, les télécommunications, le retour du chauffage électrique, la réindustrialisation souhaitée. Même la production d’hydrogène verte, à partir de l’électrolyse de l’eau, présentée comme l’énergie d’avenir, ne peut se faire sans électricité. Certes, le KW/h le plus écologique est celui qui n’est pas consommé, donc pas produit, mais il est plus probable que l’augmentation des usages de l’électricité va entraîner une augmentation de sa consommation et donc de sa production. En 2019, la production d’électricité était de 538 TWh, les prévisions pour 2050 sont de 650 à 700TWh, soit une augmentation de plus du tiers ; ce qui implique des milliards d’euros d’investissements dans les infrastructures et ne représenterait que 50 % de l’approvisionnement en énergie du pays. Ce qui laisse une part importante aux énergies fossiles quoi qu’on en dise.

Les process de production, donc la richesse créée, sont aussi très dépendants du type d’énergie utilisée. Il est évident que sans électricité il ne peut y avoir d’automatisation dans l’industrie, la numérisation de nombreuses activités ne peut se faire et certaines productions industrielles sont impossibles.

La mobilisation des « gilets jaunes » a démarré sur une question de taxe sur l’essence, soit sur l’énergie. Le prix de l’électricité ne cesse d’augmenter, des chèques énergie sont attribués aux personnes les plus pauvres et l’on parle de « précarité énergétique » dans toute l’Union européenne. Nous voilà au cœur des questions sociales.

L’approche religieuse des questions énergétiques qu’ont beaucoup trop d’écologistes, en ne prenant pas en compte les contradictions et le fait qu’il n’y a pas de solution univoque et sans inconvénients tant sur le plan social qu’environnemental, climatique ou de la biodiversité, ne permet pas de dégager des axes politiques et des politiques publiques qui permettent d’affronter les questions que rencontrent nos sociétés. La cristallisation de désaccords au sein de la gauche et des écologistes sur le nucléaire reflète en fait ce manque d’approche rationnelle et laïque sur l’énergie dans son ensemble. Il n’est donc pas possible de dégager, au-delà de toute considération de programmes et de personnes, une vision de société commune. L’énergie étant à la base du développement de nos sociétés, un consensus minimum sur son utilisation est indispensable pour tout projet de société. De fait, le capitalisme s’est développé sur un consensus implicite sur l’utilisation successive des différentes formes d’énergie primaire dont il est fait état au début de ce texte.

Pour une part essentielle l’avenir de l’humanité est donc conditionnée par l’utilisation et l’usage de l’énergie, car c’est elle qui est à la base de toutes les activités humaines, agriculture, industrie, transports, services, numérique, téléphone… rien ne peut se faire sans dépense d’énergie. Les rejets de gaz à effet de serre (CO2, NH4, sauf pour les ruminants,…) sont tous liés à l’utilisation de l’énergie sous une forme ou une autre.

La théorie économique dominante, quasi-exclusive, veut que le progrès technologique soit la principale source de la croissance économique et des gains de productivité. Il est évident que ce sont les progrès scientifiques et technologiques qui ont permis les passages d’une énergie à une autre plus performante. Mais ces progrès doivent être corrélés à leur dimension énergétique et à l’utilisation de plus en plus d’énergie en liaison avec leur extension. Les gains de productivité de l’industrie sont historiquement tous dus aux passages d’une énergie à une énergie plus performante, avec un volant de gain d’efficacité d’un siècle environ pour chaque mode énergétique. Nous sommes au bout des gains du passage à l’énergie électrique carbonée (produite à partir du pétrole, du gaz après le charbon). C’est ce qui explique les très faibles taux de progression de la productivité dans les pays développés. La dernière « révolution énergétique » a atteint ses limites. Contrairement à ce qui est trop hâtivement affirmé, le numérique n’est pas de ce point de vue une révolution technologique majeure pouvant apporter de nouveaux gains de productivité : en cinquante ans il n’a pas tenu les promesses que les économistes avaient annoncées. Il n’y a pas de paradoxe de Solow(3)Robert Solow, prix « Nobel d’économie » 1987, qui observait que l’on voyait des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivité., mais simplement un phénomène physique, l’entropie qu’ignorent les économistes atterrés ou non. Le numérique est certes une technologie nouvelle qui modifie en profondeur les relations humaines, voire les rapports sociaux, la pandémie de la Covid-19 est là pour nous le démontrer avec l’extension quasi-illimitée des rencontres virtuelles (par Zoom et autres services), la prolifération du « télétravail », mais ce n’est pas une révolution industrielle capable d’apporter de nouveaux gains de productivité. Comme les fausses bonnes idées ont la vie dure, la 5G devrait enfin donner « un coup de fouet pour la productivité »(4)Article de Maya Bacache, professeure de sciences économique à l’institut interdisciplinaire de l’innovation (i3), Telecom Paris. sous trois conditions : i) la 5G peut(5)Souligné par moi, JCB. être la technologie de rupture qui permet de catalyser l’ensemble des autres innovations, ii) la 5G est une innovation de réseau et non d’usage,iii) la 5G porte une promesse d’amélioration directe de la productivité du capital. Deux promesses hypothétiques qui prolongent celles non tenues du numérique signalées plus haut et trois affirmations plus ou moins contestables. Comment la 5G pourrait-elle catalyser l’ensemble des innovations, comme si une seule technologie pouvait englober toutes les autres. L’innovation de réseau et non d’usage ne change rien aux questions énergétiques, au contraire, la 5G aura besoin d’électricité pour fonctionner et sa consommation va augmenter avec le développement du réseau et des usages en découlant. La « productivité du capital » exception faites des formes diverses de spéculation et d’évasion fiscale n’est jamais due qu’au travail qui seul crée de la richesse.

Il convient à ce stade de préciser que, depuis la crise de la financiarisation des économies, l’augmentation du PIB de la France, désindustrialisation aidant, est dû essentiellement à la spéculation financière et à la spéculation foncière et immobilière.

Par contre, la 5G et la numérisation vont servir à contrôler encore plus les personnes, régimes « démocratiques » et régimes autoritaires compris. Sujet que le combat laïque et social devra aussi traiter tant les libertés collectives et individuelles ne peuvent s’épanouir qu’avec la justice sociale et la laïcité. Comme toujours ce contrôle social s’effectue sur les couches populaires en priorité, et fini par toucher tout le monde.

 

Le climat, l’écologie, l’environnement

Les travaux du GIEC nous montrent que les rejets des gaz à effet de serre ont considérablement augmenté depuis le début de la révolution industrielle, soit les 150 dernières années, et que cette augmentation est d’origine anthropique, due à l’activité humaine. Le climat s’en trouve perturbé, avec une augmentation des températures moyennes de 1,5° celsius, et nous sommes sur une trajectoire de 4 à 6° celsius avant la fin du siècle si nous poursuivons sur la lancée actuelle. Les conséquences de cette élévation des températures moyennes font l’actualité : fonte de la calotte glacière, des glaciers en haute montagne, du permafrost, étés caniculaires de plus en plus fréquents, incendies monstres et de moins en moins maîtrisables, précipitations et inondations de plus en plus fréquentes, ouragans et cyclones plus puissants et plus nombreux… etc. ; la biodiversité en subit aussi les conséquences tant pour la flore que pour la faune.

Les autorités publiques prennent des décisions martiales et de plus en plus spectaculaires pour des horizons plus ou moins lointains. Ne pas dépasser les 2° d’augmentation moyenne des températures terrestres à la fin du siècle et, si possible s’en tenir à 1,5° mais sans obligations pour la COP 21 lors des accords de Paris en 2015. Or, les 1,5° sont déjà dépassés ! L’ Union européenne a pour objectif la « neutralité carbone » : c’est-à-dire ne pas rejeter plus de CO2 que la nature peut en absorber pour 2050. Elle vient, afin d’atteindre cet objectif, de fixer la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1992 en 2030. La France s’est alignée sur ces objectifs.

Pour bien comprendre ce que cela signifie concrètement pour chacun d’entre nous, il n’est pas inintéressant de ramener cet objectif, fixé technocratiquement et qui ne parle pas et ne soulève pas de question parce que trop global, à ce qu’il signifie au niveau individuel.

Chaque français rejette selon les sources entre 10 000 et 11 500 tonnes de CO2 par an. Ce tonnage comprend toutes les sources, le CO2 produit sur le sol français et le CO2 importé. Pour atteindre la neutralité carbone, il faut descendre à 2 000 tonnes par an par personne (à population constante). Soit une diminution de 80 % en 30 ans ce qui implique une diminution de 5 à 6 % par an. Voilà qui est beaucoup plus concret et parlant que les chiffres globaux et pose la question autrement que l’affirmation péremptoire que la neutralité carbone en 2050 est possible avec les énergies renouvelables, sans le nucléaire.

En attendant, les rejets de CO2 et gaz à effet de serre ne cessent d’augmenter d’année en année. Malgré les décisions de réduction des gouvernements ou de l’Union européenne jamais les objectifs fixés ne sont atteints et plus le temps passe, plus les objectifs en matière de limitation de l’augmentation de la température, fixés lors de la COP 21 en 2015 paraissent inatteignables.

 

Les comportements et propositions

Il ne s’agit pas ici d’analyser les positions et propositions des différents courants de la société civile, ni celles des partis politiques qui aujourd’hui s’auto-déclarent tous écologiques et ont tous leurs solutions miracles pour résoudre les problèmes. Il ne s’agit pas non plus d’entrer dans le débat sur les solutions techniques et industrielles proposées : la voiture électrique est-elle une bonne solution du point de vue écologique compte tenu de son bilan global environnemental, les éoliennes sont-elles une solution écologique à la question énergétique en raison de leurs conséquences sur l’environnement, les paysages, la biodiversité avifaune, la pollution des sols avec les socles qui mobilisent chacun 1500 tonnes de béton et sont indestructibles, les pales non recyclables et donc enterrées polluant à nouveaux la terre, etc. ? Les exemples pourraient être multipliés. Ces débats sont nécessaires et démontrent que les solutions mises en œuvres pour agir sur les dérèglements climatiques comme sur les dégradations des sols, des forêts, de la biodiversité, de l’eau, de l’air, de la mer et tenir compte de la limite des ressources n’ont rien d’évident et que ceux qui s’aventurent à affirmer que « nous savons ce qu’il faut faire » sont souvent bien présomptueux. Le GIEC lui-même se garde bien de donner des solutions, il alerte sur une situation qu’il a scientifiquement analysée et donne à voir aux décideurs pour qu’ils… décident.

Aujourd’hui, « on ne désespère plus Billancourt ». Ça fait longtemps que l’usine est démolie et que les terrains sont l’objet de spéculation, mais on « désespère les nouvelles générations ». Il faut donc affirmer que l’on a les solutions. C’est d’autant plus urgent que le discours dominant est que nous sommes entrés dans la décennie décisive et que, si les mesures ne sont pas prises au cours de cette période, nous sommes fichus. Pour une part, les « jeunes générations » considèrent que se sont les générations antérieures qui sont la cause des malheurs d’aujourd’hui ; elles se seraient contentées de « consommer et jouir sans entraves »(6)Le discours de Greta Thunberg, icône des médias de complaisance est fortement teinté de cette idéologie mortifère qui oppose les générations. sans se préoccuper des conséquences de leurs actes sur le climat, les ressources naturelles, la biodiversité…

La posture dominante est la poursuite des modes de production et de consommation antérieurs en « verdissant » le discours et en promouvant des objectifs à atteindre dans dix, vingt, trente ou quarante ans en votant des lois qui sont parfaitement compatibles avec le système capitaliste le plus prédateur, en s’abritant, si besoin, derrière des « amuse citoyens » du type de la Convention citoyenne sur le climat initiée par E. Macron. Faire semblant de tout changer pour continuer comme avant selon le théorème de Tancrède dans le Guépard de Guiseppe Tomasi di Lampedusa.

Venons-en aux deux idéologies et comportements en question.

I – Poursuivre comme avant en « verdissant ». L’ Union européenne a décidé avec son « Pacte vert » en 2020, la neutralité carbone en 2050, avec une diminution des émissions de CO2 de 55 % en 2030. La France s’est alignée sur ces objectifs. Pour reprendre les propositions de la Convention citoyenne le gouvernement a fait adopter la loi dite « Climat et résilience » que les membres de la Convention analysent comme une trahison de leur travaux et des promesses que le Président de la République leur avait faites. De leur côté, les associations environnementales et les partis politiques de gauche et écologistes estiment les dispositions de la loi très en-deçà des exigences minimales pour lutter contre les dérèglements climatiques. Chaque formation politique décline alors la liste à la Prévert des mesures indispensables qu’elle préconise, qu’elle n’a jamais mis en œuvre quand elle était au gouvernement et qui, le plus souvent, soulèvent autant de problèmes qu’elles en résolvent.

Les plans de relance suite à la crise sanitaire due à la Covid-19 sont tous tournés vers « l’offre » c’est-à-dire vers l’aide aux entreprises, la croissance, les investissements dans le pétrole et le gaz sont toujours aussi importants, les solutions industrielles dites de la transition écologique sont toutes sujettes à caution comme la voiture électrique ; la spéculation financière et la spéculation immobilière et foncière sont toujours les moteurs de l’économie. La recherche du profit maximum, le plus vite possible est toujours le cœur de l’activité économique, la course aux innovations dans le numérique (5G, les nouveaux smartphones… mais aussi numérisation frénétique de toutes les activités humaines possibles) en sont la démonstration. Le glyphosate est interdit mais avec des dérogations et partiellement, certains néonicotinoïdes sont interdits, mais des nouveaux parfois encore plus nocifs pour l’environnement et les insectes sont autorisés etc.

Le comble de cette politique prédatrice de ressources rares basée sur la publicité pour créer des besoins de plus en plus artificiels sources de profits est sans doute le « tourisme dans l’espace » développé par Richard Branson avec Virgin-Galacit, Elon Musk avec Spacex et consorts . Tourisme qui est toujours présenté comme répondant à un désir (besoin) de milliardaires puisqu’il y a une demande de voir la terre de l’espace, désir montré en modèle de comportement et de consommation auxquels « nous aspirons tous » et que nous pratiquerions si nous en avions les moyens financiers.

II – Les restrictions pour les personnes. Deux propositions légèrement différentes sont mises en avant.

L’instauration d’une « comptabilité matière/énergie » avec des quotas individuels, plafonnés démocratiquement par référendum, diminuant jusqu’à obtenir la neutralité carbone et l’équilibre entre l’utilisation des ressources et leur renouvellement(7)Mesure 4 du livre de Dominique Bourg . Gauthier Chapelle. Johan Chapoutot. Philippe Desbrosses. Xavier Richard Lanata. Pablo Servigne. Sophie Swaton :   Retour sur Terre. 35 propositions, Puf, mai 2020.. Sans entrer dans les détails, les auteurs expliquent : « Il s’agirait de plafonner démocratiquement, les consommations d’énergie/matière […] De tels plafonnements pourraient être mis en place non seulement pour les achats directs d’énergie, mais pour tous les produits; chaque produit serait marqué d’un « prix » en énergie/matière, et chaque achat serait reporté sur un compte personnel […] Sans de tels plafonnements absolus et non négociables, il est impossible de faire baisser les émissions sur un territoire donné autrement qu’en laissant le marché déterminer le prix des consommations « hors quota » (nous refusons les quotas individuels échangeables. ».

La deuxième proposée par « Les assises du climat » initiées par des « personnalités » autour de la Fondation pour le progrès de l’homme (FPH) avec des représentants des institutions européennes (Parlement, Commission) et d’institutions nationales comme l’Ademe début 2021 consiste à mettre en place des quotas individuels de carbone, avec réduction de 5 à 6 % par an pendant 30 ans , avec une « bourse carbone » pour échanger des parts de carbone, créant ainsi « une deuxième monnaie carbone », afin de passer de 11000 tonnes de carbone émis par chacun en 2019 à 2 000 tonnes en 2050 pour obtenir la neutralité carbone, objectif fixé arbitrairement par les instances communautaires. Les restrictions de la demande se feraient automatiquement chaque année « sous la responsabilité des citoyens, la seule possible face aux urgences sur le climat » mais avec une gouvernance technocratique, afin d’éviter que les alternances politiques puissent remettre en cause le processus. La neutralité carbone atteinte, les restrictions et les quotas devront subsister pour que les rejets ne repartent pas à la hausse.

Dans ces deux propositions, la responsabilité de la lutte contre les changements climatiques est renvoyée sur les individus. C’est la demande qui créera l’offre, les gens n’ayant plus les moyens d’acheter les produits à fort impact de gaz à effet de serre, les entreprises ne les fabriqueront plus. C’est faire fi, un peu naïvement des rapports de force et du fait qu’en économie capitaliste c’est l’offre qui précède la demande. Le marketing et la publicité sont les premiers et plus efficaces vecteurs de l’idéologie capitaliste consommatrice en créant des besoins toujours nouveaux en fonction de l’offre nouvelle induite par la recherche de l’avantage concurrentiel et du monopole. Ils envahissent toutes les activités humaines, non seulement l’économie dans son ensemble, mais aussi la santé, l’éducation, la recherche, les arts sans exception, le domaine associatif. Ils sont en forte expansion dans la mesure où aujourd’hui tout doit devenir marchandise, y compris les relations humaines. Rien ne porte à penser que l’inversion se ferait et que la demande créerait l’offre par le miracle de décisions technocratiques, même argumentées par des objectifs climatiques, alors qu’elles augmenteraient les inégalités, déstructureraient les sociétés comme jamais, que les couches populaires comme toujours seraient les premières à en faire les frais, et qu’elles provoqueraient des révoltes incontrôlables.

Que dire de cette analyse ?

Nous savons que l’attitude dominante aujourd’hui du verdissement de l’économie capitaliste ne répond à aucun des défis auxquels nous sommes confrontés, que ce soit sur le plan social (ce n’est pas nouveau), des libertés ou de écologie et, qu’a contrario, elle augmente et aggrave toutes les difficultés. Certes, la conscience qu’il faut donc changer augmente, notamment dans les jeunes générations, mais le rapport des forces est encore ultra-favorable au système capitaliste tant au plan national, européen que mondial. Certes, de plus en plus de mobilisations portent sur les questions climatiques, mais l’articulation avec la lutte de classes est encore insuffisante ; souvent elle est même rejetée, ce qui conforte le « greenwasching ».

Les deux propositions visant à instaurer des quotas et des restrictions à perpétuité, ont au moins le mérite de montrer concrètement l’ampleur des problèmes auxquels nous sommes confrontés face aux dérèglements climatiques et d’entrevoir les conséquences sociales, politiques, économiques, éthiques que nous devons affronter. Par leur caractère technocratique et a-démocratique, elles soulignent aussi la méthode à ne pas employer ; les citoyens sont des personnes adultes, capables de débattre sur les questions les plus complexes et d’en déduire les conséquences.

Pour les forces militantes il est urgent aussi de dépasser les débats sclérosants en voulant imposer de force (par une forme de sectarisme totalisant) le point de vue de sa minorité aux autres minorités et à la majorité. L’avenir des combats à mener, n’est pas dans l’intersectionnalité, le « racialisme », le « différentialisme », la culture « woke » ou la « cancel culture », l’accusation permanente de son voisin et la victimisation dans la récrimination, le « féminisme décolonial » etc., mais dans l’articulation entre les injustices sociales, économiques et l’insoutenabilité écologique. Il s’agit d’introduire l’écologie dans la lutte de classe dans toutes ses dimensions. C’est pourquoi combat social, combat laïque, combat écologique sont non seulement indissociables mais ne peuvent se mener que dans le même mouvement, doivent être pensés ensemble et faire l’objet de la même lutte. Pour utiliser une image écologique ils forment le même écosystème de luttes.

Il est clair encore aujourd’hui que le rapport de force est en faveur du capital et que la trajectoire dominante est le verdissement, plus ou moins foncé selon les options politiques, de nos modes de production et de consommation afin d’assurer la croissance, mantra des économistes et indispensable au système pour perdurer. Nous assistons même à une forme de fuite en avant avec les projets fous de la géo-ingénierie du climat, modification de l’albédo, injection de sels marins dans les nuages, injection d’aérosols stratosphériques, réflecteurs en orbite etc, qui relève plus de la catégorie de « apprentis-sorciers » que de la science, mais peuvent être source de profits avant catastrophe.

Le capitalisme peut assimiler, intégrer, digérer pratiquement toute les mesures préconisées aujourd’hui par les partis et associations qui se revendiquent de l’écologie. Les mesures listées par la Convention citoyenne sur le climat sont à ce sujet un bon exemple. La longue liste des 149 propositions, égrainées sectoriellement, même appliquées toutes « sans filtre » améliorerait, certes, la situation environnementale dans beaucoup de domaines, mais nous maintiendrait dans la trajectoire du « greenwashing » et du « socialwashing », quand ce n’est pas dans la trajectoire de la casse des conquis sociaux par les luttes syndicales et politiques. Il n’y a pas de « bifurcation » avec ces propositions.

La seule mesure qui impactait les conditions d’exploitation des salariés et remettait en cause l’extraction, certes partielle mais réelle, de la plus-value du travail, à savoir la réduction du temps de travail à trente-deux heures, combattue par le patronat et les économistes mainstream, a été retirée par la Convention sous la pression des « garants », avec comme argument que la Convention allait se « discréditer » si elle retenait cette proposition. Affirmer, comme le fait Yannick Jadot et beaucoup « d’écologistes », que l’écologie est compatible avec le marché, soit dans les conditions actuelles le capitalisme prédateur, est non seulement une incongruité, mais implique l’acceptation de son « verdissement » et du « business as usual » sans changement réel de trajectoire. Cela implique aussi la priorisation des questions « sociétales » sur les contradictions sociales et de classes.

Il est clair aussi que le capitalisme actuel peut assimiler l’interdiction du glyphosate, l’arrêt de certains aménagements tels l’aéroport de Notre-Dame-des-landes ou Europacity, la gratuité des transports pour les usagers, le plafonnement du trafic aérien pour les grands aéroports, le recyclage des déchets et une économie « circulaire » qui par ailleurs seront source de profits et bien d’autres mesures sectorielles de cette nature. Il résistera toujours le plus possible, jusqu’à l’inversion du rapport de force partiel. Il peut même les assimiler toutes, dégager toujours plus de profits et conserver sa position sociale. Ça ne veut pas dire que ces mesures sont inutiles et qu’il ne faut pas les mettre en œuvre ; dans tous les cas elles amélioreraient considérablement la situation. Il est donc indispensable de se battre pour leur application mais dans le cadre de ce que les syndicalistes de la CGT de 1906 appelaient dans la Charte d’Amiens « la double besogne », c’est-à-dire les mesures immédiates pour améliorer les situations concrètes sans perdre de vue les transformations plus fondamentales pour l’émancipation collective et individuelle.

L’effort à faire pour formaliser politiquement l’«écosystème» combat social/combat laïque/combat écologique est colossal tant sur le plan théorique, que dans la pratique militante quotidienne. Nous vivons aussi avec une floraison d’initiatives locales qui recherchent la transition concrètement avec des solidarités nouvelles mais très localisées. Beaucoup de ces initiatives sont articulées autour de quelques personnes, d’un groupe qui, quand il se disperse, emporte avec lui l’initiative, quelle que soit la forme juridique utilisée. Bien que dispersées, même si elles sont de plus en plus documentées, ces initiatives relèvent bien de la recherche de modes de vie plus respectueux de l’environnement vers une transition en cours. Les travaux sur les communs dans leur diversité et parfois dans leurs contradictions et utopies relèvent aussi de ces recherches. Mais est-ce bien à la hauteur des enjeux ?

L’histoire n’est pas écrite, les rapports de force ne sont jamais figés définitivement, ils sont en évolution constante. Il relève donc des individus, de la société civile, des organisations citoyennes dans leur diversité dans le débat, avec rigueur et sans complaisance de s’atteler à les modifier.

 

Notes de bas de page

1 Voir : Dix thèses à propos des « Gilets jaunes », dix thèses pour les associations, dix contre-thèses à propos du macronisme, par Jean-Claude Boual, décembre 2018, éditions Collectif des associations citoyennes.
2 Cf notamment : Sylvain Breuzard, président de Greenpeace France depuis 2012 : La PERMAENTREPRISE- Un modèle viable pour un futur vivable inspiré de la permaculture, illustré par Étienne Appert, mars 2021 ; ainsi que « La permaentreprise » de Nadia Marty article sur son blog coachingnouvellegeneration ; ou La permaéconomie, Emmanuel Delannoy éditions wildproject 2016, et édition de poche 2021.
3 Robert Solow, prix « Nobel d’économie » 1987, qui observait que l’on voyait des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivité.
4 Article de Maya Bacache, professeure de sciences économique à l’institut interdisciplinaire de l’innovation (i3), Telecom Paris.
5 Souligné par moi, JCB.
6 Le discours de Greta Thunberg, icône des médias de complaisance est fortement teinté de cette idéologie mortifère qui oppose les générations.
7 Mesure 4 du livre de Dominique Bourg . Gauthier Chapelle. Johan Chapoutot. Philippe Desbrosses. Xavier Richard Lanata. Pablo Servigne. Sophie Swaton :   Retour sur Terre. 35 propositions, Puf, mai 2020.
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La collecte de ReSPUBLICA a presque atteint les 6000 euros ! Nouvel objectif : 10 000 euros !

par ReSPUBLICA

 

En une semaine, notre collecte de financement participatif sur KissKissBankBank a fait un bond significatif, nous sommes désormais à 95 % de l’objectif initial fixé, qui était de 6000 euros. Nous remercions encore une fois chaleureusement les donatrices et donateurs pour leurs contributions et plus généralement celles et ceux qui se mobilisent pour faire connaître le journal et aident notre média à grandir !
Nous sommes très heureux du succès de cette campagne qui prouve que nos lecteurs sont attachés au journal et ont envie de le développer.
Il reste encore une vingtaine de jours pour la collecte et nous nous fixons désormais un nouvel objectif de 10 000 euros. Comme nous l’avions expliqué, l’objectif premier de la collecte était de financer la refonte du site du journal pour le moderniser, l’adapter à la lecture sur téléphones et tablettes et nous en profitons également pour revoir la charte graphique. Mais outre ce chantier, nous avons aussi comme projet de travailler à un meilleur référencement du site du journal sur les moteurs de recherche et de renforcer sa sécurité, ce qui devient de plus en plus nécessaire. Or ces deux projets nécessitent également le concours de professionnels que nous allons devoir rémunérer, d’où notre nouvel objectif de 10 000 euros pour pouvoir mener à bien ces projets. C’est pourquoi nous faisons appel à vous si vous n’avez pas encore contribué pour nous aider à atteindre ce nouvel objectif et offrir au journal tous les outils qui lui permettront de rayonner et de faire advenir la République sociale demain !

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Les premiers enseignements des élections françaises du 20 juin 2021

par Évariste

 

1) Premier tour des élections départementales et régionales en France : nouveau record battu du taux d’abstention lors d’élections générales ! L’abstention concerne plus des deux tiers des électeurs inscrits. Sans compter près de 10 % des Français non-inscrits sur les listes électorales. Il ne peut pas y avoir de peuple sans mobilisation sociale et mobilisation électorale. Nous sommes donc entrés dans une séquence de délégitimation démocratique de l’offre politique. C’est une séquence qui historiquement ne pourra pas durer autant que les impôts. D’ailleurs il est souvent question du consentement à l’impôt. Que vaut ce consentement quand, dans le meilleur des cas, le candidat arrivé en tête obtient à peine 12 % des inscrits en suffrages favorables ? Seul un renouveau démocratique instaurant une démocratie représentative associée à une importante démocratie directe pourrait transformer l’image négative de l’impôt en contribution au service de l’intérêt général humain, image positive pour un réel consentement citoyen.

2) C’est une véritable grève du vote qui vient d’avoir lieu. C’est la nouvelle conséquence électorale du mouvement des gilets jaunes dont les revendications de transformation sociale ont été soutenues par la majorité des Français, revendications qui n’ont pas été prises en compte par la majorité du « personnel » politique. La parenthèse ouverte par la pandémie due au Covid-19 qui, un temps, a mis les « derniers de cordée » au premier plan ainsi que la nécessité de retrouver une souveraineté industrielle, alimentaire et sanitaire semble se refermer.

3) Pire encore, une étude réalisée par Ipsos-Sopra Steria « Sociologie des électorats et profil des abstentionnistes » pour Radio France et France Télévisions, montre que plus on est jeune, plus on s’est abstenu. 87 % des 18/24 ans et 83 % des 25/34 ans ont boudé les urnes.

4) Si, on part du vote des sondés de l’élection présidentielle de 2017, ce sont les électeurs de Marine Le Pen qui se sont massivement abstenus (73 %), suivis de ceux de Jean-Luc Mélenchon (67 %) et de Nicolas Dupont-Aignan (67 %), de Macron (60 %), de Benoît Hamon (55 %) et François Fillon (44 %).

5) Sur le plan du niveau de diplômes, la proportion parmi les abstentionnistes de ceux qui ont le baccalauréat comme diplôme est de 72 %, ce qui signifie que dans la classe populaire ouvrière et employée (classe en soi qui représente la moitié de la population) les abstentionnistes sont légèrement plus nombreux encore, par rapport aux dernières consultations.

6) La sous-traitance au privé de l’acheminement des circulaires de présentation des candidats a entraîné des retards et des non-livraisons de ces circulaires aux électeurs.

7) Un autre aspect de ces élections invite à des réflexions : la création d’immenses régions regroupant artificiellement des départements qui culturellement, économiquement, historiquement… ont peu de liens a sans doute joué un rôle dans l’abstention comme l’expression d’un refus de cette nouvelle organisation territoriale qui apparaît comme complexe et illisible aux yeux du plus grand nombre et peu propice à une pratique citoyenne dans la définition des projets.
De plus songeons à la diversité des statuts : en Corse, en Alsace, sans compter les outre-mers, ou bien les métropoles créées uniquement pour des enjeux économiques et de concurrence européenne sans tenir compte de l’histoire institutionnelle de France.

Le gigantisme des régions arguait la réduction de la dépense publique comme à chaque fois qu’un gouvernement impose un redécoupage ou une nouvelle organisation des territoires des économies. Ce ne fut pas le cas. Pire, il s’accompagne de crispations identitaires qui fragilisent encore plus le caractère indivisible de notre République l’éloignant des notions de laïcité, de social et de démocratie pourtant inscrites dans la Constitution.

8) L’extrême droite autour du RN de Marine Le Pen subit une véritable défaite. Visiblement, le vote « militant » fasciste n’existe pas pour l’instant en France. Bref au niveau subjectif, le RN fait lui aussi partie de « l’établissement politique » rejeté par les Français. Le recul électoral par rapport à 2015 est notable. Cette constatation a pour conséquence « d’ouvrir » la situation politique, qui peut basculer très vite suivant les évènements et les mobilisations populaires. Tout est possible car il n’y a aujourd’hui ni rapport de force électoral, ni rapport de force social bien établi.

À suivre…

Nous continuerons dans Respublica la suite de cette étude la semaine prochaine sur l’état des organisations politiques à la sortie de cette séquence électorale. Puis, nous organiserons une visioconférence le mardi 29 juin à 18 h 30 pour débattre sur les conséquences de cette séquence électorale pour nos combats démocratiques, laïques, sociaux et écologiques et pour constituer un bloc historique avec la classe populaire ouvrière et employée.

Pour recevoir le lien de visionnage de cette visioconférence, la demander sur evariste@gaucherepublicaine.org ou reseaueducationpopulaire@gmail.com ou combatlaiquecombatsocial@gmail.com

À bientôt !

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Qu’est-ce qui se profile après la pandémie que nous subissons ?

Liens entre arbitrages de la nouvelle PAC, son tropisme favorable aux grandes fermes industrielles d’un côté et les risques de nouvelles pandémies d’autre part

par Philippe Duffau

 

Le mode majoritaire de production de notre nourriture qui induit notre mode de consommation serait la cause prochaine de nouvelles pandémies autrement plus dangereuses que celle que nous subissons avec le Covid-19. De plus en plus de fermes industrielles qui approvisionnent de plus en plus de monde en nourriture de qualité médiocre utilisent des antibiotiques car les animaux élevés dans un univers concentrationnaire sont fragilisés avec une défense immunitaire affaiblie. Cet usage immodéré d’antibiotiques est à l’origine de nouvelles bactéries très résistantes. Certaines études scientifiques indiquent que cela pourrait être la cause de nouvelles pandémies qui pourraient entraîner la mort de plus de 10 millions de personnes d’ici à 2050.

Évidemment c’est un raccourci d’incriminer les antibiotiques alors que le vrai responsable est un système économique ultralibéral qui ne jure que par le profit immédiat à court terme obtenu grâce à la vente d’une nourriture de mauvaise qualité.

Externalisation des coûts réels de l’industrie agroalimentaire

Ce mode de production est l’exemple même de l’externalisation des coûts : les profits pour les multinationales de l’agroalimentaire avec la complicité active ou passive de la FNSEA et les coûts induits en termes de détérioration de la santé des personnes pour la société et les États. Cela participe aussi de la volonté de produire de la mauvaise nourriture à bas coût pour permettre aux employeurs de faire pression sur le niveau des salaires des travailleurs car, ainsi, la part du budget des ménages consacrée à l’alimentation se réduit. Une telle politique conduit à la disparition progressive d’une agriculture de qualité respectueuse de la nature et des sols, des animaux d’élevage et de la santé des producteurs-paysans(1)Tours, France : en analysant les données scientifiques publiées sur les 75 dernières années, une étude du CHU de Tours établit un lien formel entre exposition professionnelle aux pesticides et risque de leucémie aiguës myéloïde. Ces travaux sont publiés dans Scientific reports (groupe nature). Ils sont commentés pour Medscape par le Pr Olivier Hérault, hématologue, CHRU de Tours. malgré la résistance de certains paysans proches ou membres de la Confédération paysanne. Ces paysans dénoncent « une volonté d’aller vers la production de volume au lieu de mettre en œuvre une politique qui permette que des paysans vivent nombreux sur leur territoire et produisent une alimentation de qualité »(2)Les nouveaux arbitrages qui viennent d’être rendus pour l’application française de la PAC confirment la ligne suivie depuis le début de cette réforme : on sacrifie la majorité des paysans au profit d’un petit nombre d’exploitants à gros effectif. Autrement dit, on choisit de maintenir les productions plutôt que les producteurs. Loin de l’idée qu’on pourrait se faire d’une agroécologie paysanne… A noter, un point positif de ces annonces, l’aide aux légumineuses, même si elle reste encore à préciser, devrait permettre de favoriser l’autonomie des fermes, et donc de réduire la dépendance à l’alimentation animale importée. Depuis les premiers arbitrages, il est clair que cette PAC n’a que très peu en commun avec une agroécologie paysanne… La nouvelle PAC, qui va bientôt être négociée au niveau européen, devra être d’abord celle des paysans..

Une publication(3)Publiée le 27 janvier 2021. de Marie-Amélie Carpio désigne l’élevage industriel comme l’une des prochaines sources de pandémie

…en comparaison de laquelle l’actuelle pandémie due au Covid-19 nous apparaîtrait relativement modérée !

Cet élevage industriel est un environnement de rêve pour les agents pathogènes qui peuvent y muter, se multiplier et contaminer les humains qui pourraient, selon les prédictions de nombre de scientifiques, mourir chaque année d’infections dues à ces bactéries très résistantes aux médicaments. Marie-Amélie Carpio met en cause la standardisation et la promiscuité des bêtes qui transforment les fermes en véritables nids à bactéries dangereuses pour les animaux et, possiblement, contagieuses pour l’être humain comme le montre l’observation de nombreuses épidémies de façon incessante dans les élevages.

Les arbitrages des responsables gouvernementaux français contestés

Les arbitrages français pour une nouvelle PAC (Politique agricole commune) renforceraient cette tendance délétère vers le gigantisme d’une agriculture industrielle et productiviste aux antipodes d’une authentique agriculture paysanne respectueuse de l’équilibre des sols, des paysans et des consommateurs.
Le président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (HNAB), Philippe Camburet, a dénoncé une PAC qui risque de leur faire perdre une grosse partie de leurs aides en « déshabillant l’agriculture bio pour rhabiller confortablement le reste de l’agriculture » avec l’introduction d’une nouvelle notion intitulée « Haute valeur environnementale » supposée favoriser « des pratiques bénéfiques pour l’environnement ». C’est dans le détail que se niche le diable et, en l’occurrence, dans les critères pour accéder aux subventions, critères tellement vagues que les paysans labellisés bio ne devraient plus être les seuls à bénéficier du « niveau supérieur des éco-régimes ».

Des conséquences propices à l’émergence de nouvelles pandémies déjà perceptibles et constatées

Alors que le coronavirus sévit toujours, une flambée de H5N8 s’est déclarée dans la faune à l’automne. Ce virus de grippe aviaire s’était d’abord manifesté en Russie et en Israël durant l’été, avant que de multiples foyers ne soient détectés en Europe. Un scénario de plus en plus fréquent au sein des élevages dans lesquels les bêtes destinées à notre consommation n’ont jamais été aussi nombreuses et concentrées. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) recensait en 2019 quelque 25,9 milliards de poulets, 2,6 milliards de canards et d’oies, 1,5 milliard de bovins et 850 millions de cochons. L’écologue Serge Morand suggère de rebaptiser notre époque « bovinocène » ou « gallinocène » (du latin gallus, le poulet), tant les animaux d’élevage dominent le paysage et la biomasse des mammifères. Les épizooties (épidémies frappant les populations animales) se sont multipliées dans le sillage de l’intensification et de l’industrialisation de l’élevage. Cette intensification, selon les données de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), engendre des taux de mortalité à la démesure des effectifs de la faune domestique. La peste porcine africaine qui a frappé la Chine en 2019 a entraîné le mort de 200 millions de porcs, soit la moitié du cheptel porcin du pays. Avec les épizooties qui frappent les grands élevages modernes se dessine le danger d’une potentielle contamination humaine. De nombreux cas par le passé, telle la maladie de la vache folle, telle la grippe aviaire indiquent que la barrière des espèces a été franchie par plusieurs agents pathogènes ces dernières décennies.

La menace n’est pas nouvelle

Depuis la révolution néolithique il y a 11 000 ans, marquée par la sédentarisation et la domestication des animaux, le voisinage entre hommes et bêtes de ferme s’est accompagné de multiples échanges infectieux. Les animaux d’élevage ont été les fourriers d’un certain nombre de calamités sanitaires pour l’homme. « La rougeole est le plus célèbre virus venu de l’élevage, explique François Moutou, vétérinaire et ancien directeur adjoint du laboratoire Santé animale de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Il existait chez les aurochs, les bovins sauvages que l’on a domestiqués dans la vallée de l’Indus et en Mésopotamie. Il vient du virus de la peste bovine, qui s’est adapté aux hommes à leur contact et tuait encore 8 millions de personnes par an dans les années 1970. Les virus de la grippe sont tous des virus d’oiseaux à l’origine, dont certains se sont humanisés en particulier au contact des canards d’élevage. À l’inverse, on a découvert en 2010 que la tuberculose ne venait pas des bovins mais que ce sont les humains qui les ont contaminés à partir d’une mycobactérie tellurique qui s’était adaptée aux Hommes en Afrique, peut-être avant l’apparition d’Homo sapiens. »

Menace ancienne, certes, mais amplifiée par les modes de production et de consommation induits par l’économie-monde dans sa forme financiarisée et ultralibérale

Les paramètres de la cohabitation se sont aggravés avec l’industrialisation de l’élevage qui démultiplie les risques sanitaires. « Il y avait 2,5 milliards d’individus en 1955, nous sommes aujourd’hui près de 8 milliards, bientôt 9 ou 10 milliards. Ces densités humaines génèrent automatiquement de la production de protéine de masse, note François Renaud, biologiste de l’évolution des organismes infectieux et directeur de recherche au CNRS, au sein de l’unité mixte Mivegec. Mais si dans la nature il y a un brassage génétique, le critère économique de productivité à la base de tout élevage industriel conduit à avoir des bêtes identiques, quasi clonées. Or, ce sont des boites de Petri : si un agent pathogène arrive parmi eux, il touche tous les animaux, avec une densité colonisable énorme. L’Homme a créé avec eux un réacteur biologique à pathogènes. » L’économie mortifère pour la biodiversité est bien responsable de cette situation.

Un cas d’école qui met en cause l’élevage intensif : la grippe aviaire ou peste aviaire

Elle concerne à la fois les populations de volatiles sauvages et domestiques, mais alors qu’elle est en général asymptomatique chez les espèces sauvages, qui co-évoluent avec elle depuis des millénaires, elle a pris une forme particulièrement dangereuse dans les grands élevages de poulets et de dindes, dont elle peut tuer 100 % des effectifs. Une étude publiée en 2018 dans Frontiers in veterinary science concluait ainsi que sur 39 sous-types de virus aviaires H5 et H7 ayant gagné en virulence depuis 1959, 37 ont émergé dans des élevages industriels.
Ainsi de la fameuse souche H5N1. « Le H5N1 est le pur produit d’un élevage intensif » souligne François Renaud. « Un agent pathogène n’évolue pas forcément vers plus de virulence, car s’il est très virulent, il tue son hôte et meurt avec lui, diminuant ainsi son potentiel de contagiosité entre individus. Or, dans un élevage intensif, un agent infectieux qui est très contagieux peut aussi devenir de plus en plus virulent, car quand les animaux meurent, on les remplace et on rapporte de la matière première au parasite. Par la configuration même de ces élevages, on sélectionne ainsi artificiellement une pathogénicité forte qui ne se serait pas produite dans la nature car les hôtes du virus seraient morts avant. »

Les échanges démultipliés par le principe du libre-échange absolu aggravent encore les risques dus à l’élevage concentrationnaire

Outre l’homogénéité génétique des bêtes et l’extrême promiscuité dans laquelle elles sont élevées – en France un poulet industriel dispose d’une surface équivalente à une feuille A4 – les flux de l’agro-industrie constituent un autre facteur sanitaire aggravant. La fragmentation de la production, avec des sites distincts pour la naissance, l’élevage et l’abattage des bêtes, et leurs circuits de commercialisation mondialisés multiplient les possibilités de diffusion des agents pathogènes. Partie d’Asie du Sud-Est en 2005, l’épizootie de H5N1 a emprunté non pas les couloirs de migrations des oiseaux sauvages, initialement incriminés, mais les routes commerciales pour gagner la Russie, l’Europe et l’Afrique.

Impacts des épizooties pour l’instant relativement « limités » : pour combien de temps ?

Si les scénarios catastrophes d’une contamination à grande échelle de la population humaine ne se sont pas réalisés, ils restent de l’ordre du possible. « La chance qu’on a eu avec le H5N1 à ce jour, c’est qu’il n’y a jamais eu de contamination Homme-Homme démontrée à ma connaissance » explique François Renaud. « Les gens qui sont morts vivaient au milieu des élevages. Mais toute l’angoisse liée à la grippe aviaire réside dans le fait que le virus pourrait recombiner avec d’autres virus qui lui donneraient au hasard des réassortiments la clé pour une transmission Homme-Homme qui serait catastrophique. » Cependant, le Covid-19 montre, et c’est son danger, une transmission « Homme-Homme ».

Des solutions qui se révèlent ineptes pour maintenir un modèle d’élevage intensif et qui ressemblent plus à une fuite en avant

Dans les années 2000 pour minimiser le risque d’introduction de virus dans les fermes, des mesures draconiennes aboutissent à des exploitations comme la Guifei Mountain Sow Farm, en Chine qui concentrent 30 000 porcs réparties dans des tours de 9 étages coupées de l’extérieur, les employés restant en quarantaine avant de pénétrer dans les bâtiments, dont ils ne sortent plus pendant trois mois. « La biosécurité à ce niveau n’a de sens que si l’on fait de l’élevage assez intensif, avec des flux tendus » note François Moutou. « Les conditions et les dérives de l’élevage moderne, avec ses bêtes identiques, imposent des règles extrêmement fortes en la matière. » Au lieu de mettre en place une agriculture à taille humaine associant respect des paysans, respect du bien-être animal et du consommateur par une alimentation saine, le système ultralibéral préfère préserver les profits des multinationales de l’agroalimentaire et mettre une partie de l’humanité en danger.

Pandémies, une fabrique industrielle(4)Titre d’un ouvrage de Lucile Leclair sur les épizooties dans les élevages.

« La biosécurité est à la fois un remède et un poison. Elle semble rassurante, mais elle aboutit à faire toujours plus de règles pour des élevages toujours plus dangereux. Le problème est qu’elle part d’une situation de crise, une épidémie, pour aboutir à des règles obligatoires hors crise, comme le confinement des animaux en permanence, qui sont imposées aux complexes industriels comme aux fermes paysannes. Ce répertoire de normes pousse à industrialiser les fermes, il revient à imposer le hors-sol. Mais qu’est-ce qui est le plus risqué : 35 000 poulets immuno-déprimés exportés sur tous les continents ou une ferme de 50 poulets qui vend ses animaux sur 50 km ? », interroge la journaliste d’investigation Lucille Leclair.
Au lieu de remettre en cause la logique industrielle qui est à la source de la plupart des épizooties, les mesures imposées poussent à l’éradication des petits producteurs et à favoriser l’élevage intensif. La journaliste poursuit : « En Indonésie, le pays le plus touché, la diversité des producteurs de poulets a laissé place à une concentration des acteurs après la crise, avec trois grandes entreprises fournissant 70 % de la volaille du pays. En Thaïlande, la lutte contre le H5N1 a conduit à un effondrement des races de poulets locales, au profit de races génétiquement homogènes. » Tout ceci, au lieu de limiter les causes des épizooties, les amplifie.
« En France, tous les élevages de porcs sont soumis aux mêmes règles, dont l’obligation de construction de doubles clôtures coûteuses pour éviter les contacts avec les sangliers sauvages, ce qui est un investissement trop lourd pour certains petits producteurs » souligne Lucile Leclair. « Si vous ne respectez pas ces règles, vous ne recevez plus les aides de la PAC et vous n’avez plus le droit d’exercer le métier d’éleveur. Face à cette situation, deux formes de mobilisation sont apparues : certains éleveurs rentrent dans l’illégalité en ne déclarant pas leurs animaux, et il y a aussi un combat plus légaliste pour faire changer les règles, porté notamment par la Confédération paysanne en France, et le réseau Eco-ruralis, un syndicat roumain de 40 000 paysans, qui fait du lobbying à Bruxelles. Le collectif de vétérinaires Zone verte a refusé de participer aux formations de biosécurité dispensées aux éleveurs, et militent pour d’autres règles de biosécurité, comme la sélection de races plus résistantes et pas simplement plus productives, ou la réduction de l’usage des antibiotiques. »

L’antibiorésistance, une autre bombe à retardement sanitaire de l’élevage industriel

D’après l’OMS, plus de la moitié des antibiotiques produits dans le monde sont destinés aux animaux d’élevage, auxquels ils sont administrés à des fins curatives, mais aussi préventives. Dans certains pays, les bêtes consomment jusqu’à 80 % d’entre eux, lesquels favorisent le développement de bactéries résistantes, transmissibles à l’être humain par contact avec les animaux ou consommation de viande.

Repenser notre façon de produire : une nécessité pour l’avenir de l’humanité

Même si certains pays limitent l’usage d’antibiotiques, il est constant que leur usage dans l’élevage continue de croître globalement augmentant la résistance des bactéries aux antibiotiques. Comme dans le sport, les bactéries risquent bien d’avoir une longueur d’avance entre leur capacité de résistance accrue et la découverte de nouveaux antibiotiques plus efficaces. Il nous faut sortir de ce cycle infernal qui transforme, selon le mot de François Renaud(5)Depuis 2005, François Renaud dirige le laboratoire Génétique et évolution des maladies infectieuses où il s’intéresse plus particulièrement à la biologie évolutive des pathogènes qui affectent notre espèce., l’être humain en « chair à pathogènes ».
De nouveaux paradigmes supposent une action de notre part à la fois en tant que consommateurs conscients et citoyens actifs en privilégiant des viandes issues d’élevages respectueux de la condition animale et en réduisant notre consommation carnée à la fois pour notre santé et pour notre portefeuille. Évidemment, cela suppose un pouvoir d’achat suffisant pour les catégories les moins « fortunées », une autre société qui ne laisse personne sur le bord du chemin. Le respect du bien-être des animaux destinés à notre alimentation et le combat pour des conditions de vie dignes pour tous les êtres humains relèvent d’un même combat pour hisser au sommet des préoccupations politiques le temps long qui est celui des grands équilibres planétaires, de la biodiversité et de l’écosystème terrestre contre le temps court de la finance et du productivisme qui gangrène l’économie-monde. Cela suppose une politique agricole à l’échelle locale, nationale et européenne visant à limiter la concentration des terres cultivables, à mettre un arrêt aux nouveaux projets de fermes-usines, à soutenir en priorité l’agriculture biologique, à interdire l’usage de pesticides et d’antibiotiques qui contribuent à la destruction de la biodiversité, à favoriser une agriculture diversifiée en promouvant la polyculture au lieu de la monoculture qui rend arides et artificialise les sols, en promouvant les élevages de petites tailles avec une diversité des races animales, à privilégier les circuits courts et rémunérateurs pour les producteurs.

Notes de bas de page

1 Tours, France : en analysant les données scientifiques publiées sur les 75 dernières années, une étude du CHU de Tours établit un lien formel entre exposition professionnelle aux pesticides et risque de leucémie aiguës myéloïde. Ces travaux sont publiés dans Scientific reports (groupe nature). Ils sont commentés pour Medscape par le Pr Olivier Hérault, hématologue, CHRU de Tours.
2 Les nouveaux arbitrages qui viennent d’être rendus pour l’application française de la PAC confirment la ligne suivie depuis le début de cette réforme : on sacrifie la majorité des paysans au profit d’un petit nombre d’exploitants à gros effectif. Autrement dit, on choisit de maintenir les productions plutôt que les producteurs. Loin de l’idée qu’on pourrait se faire d’une agroécologie paysanne… A noter, un point positif de ces annonces, l’aide aux légumineuses, même si elle reste encore à préciser, devrait permettre de favoriser l’autonomie des fermes, et donc de réduire la dépendance à l’alimentation animale importée. Depuis les premiers arbitrages, il est clair que cette PAC n’a que très peu en commun avec une agroécologie paysanne… La nouvelle PAC, qui va bientôt être négociée au niveau européen, devra être d’abord celle des paysans.
3 Publiée le 27 janvier 2021.
4 Titre d’un ouvrage de Lucile Leclair sur les épizooties dans les élevages.
5 Depuis 2005, François Renaud dirige le laboratoire Génétique et évolution des maladies infectieuses où il s’intéresse plus particulièrement à la biologie évolutive des pathogènes qui affectent notre espèce.
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Ce travail me tue

Au Festival Off d’Avignon du 9 au 19 juillet 2021

par Claudine Granthomme

 

La Compagnie Théâtre en Action, dirigée par Renata SCANT, sera présente du 9 au 19 juillet 2021 au Théâtre de la Rotonde, dans le cadre du Festival Off d’Avignon, pour présenter sa création Ce travail me tue. Cette pièce, écrite par Renata Scant, met en scène un kaléidoscope de personnages, de milieux sociaux, d’âge et de métiers différents. Mais tous, qu’ils aient ou non adhéré au modèle libéral, expriment maintenant un mal être, une violence qu’ils somatisent dans leur corps. Certains personnages vivent et témoignent d’un drame mais le rythme de l’écriture, la vivacité des enchaînements, certains épisodes plus loufoques et la présence d’un SDF à la Coluche qui mène le jeu façon « cabaret » apportent un contrepoint de vitalité et d’humour .

Ce spectacle porte en effet sur un déséquilibre sociétal qui s’accentue depuis ces 20 dernières années . « Le système économique libéral de concurrence acharnée a créé des méthodes de gouvernance qui maltraitent les salariés et l’expression « ce travail me tue » est devenue une réalité. La souffrance au travail est une pathologie à l’interface de la psychologie individuelle, des modèles économiques prévalents, de l’organisation du travail, des choix éthiques de notre société »  écrit la psychanalyste Marie Pezé. L’homme, la personne, a été réduite à devenir un matériau dans une chaîne de production, « une ressource humaine ».

Les personnages parlent beaucoup. Ou ne parlent pas. Ils sont sous le choc de leur nouvel état.

L’écriture alterne monologue, dialogue ou forme chorale. C’est cependant la sensation de solitude qui domine… jusqu’à ce qu’émerge l’appel à rompre la chaîne de l’impuissance…

 

La distribution :

  • Texte : Renata Scant
  • Mise en scène : Renata Scant
  • Assistant de réalisation : Gaëtan Martin
  • Scénographie : Erick Priano
  • Costumes : Eric Chambon
  • Lumières : Jérôme Roussaud
  • Comédiens : Claudine Granthomme, Renata Scant, Jérôme Roussaud, Pierre Simon-Chautemps.
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Sur l'obéissance

par ReSPUBLICA

 

« Dire ce qu’on pense et faire ce qu’on dit »

Texte reçu de Claire LARTIGUET- PINO 

Merci  pour l’article de Florent Bussy qui pointe un obstacle majeur au renversement ou dépassement d’un système qui nous mène tout droit vers des catastrophes. Cet obstacle, c’est : l’obéissance, l’acceptation, la résignation, le sentiment d’impuissance, le fatalisme, le désespoir.

A ce sujet, j’ai co-écrit  avec  un camarade, une étude du Discours de la servitude volontaire d’Etienne de la Boétie (*), c’est pourquoi je voudrais compléter cette analyse que je partage complètement.

Malgré cet obstacle qui a toujours existé, le mouvement social a connu des avancées notables : nos révolutions du XIXème siècle, La Commune de Paris, la révolution espagnole de 1936-1939, le Front Populaire, les apports du Conseil de la Résistance (et pardon pour les oublis). Tous ces mouvements ont été soit écrasés par la force, soit isolés, méconnus et oubliés, soit trahis ou dévoyés. Pourtant, les consciences sont toujours en éveil, des voix contestataires s’expriment, les luttes continuent mais sans effet depuis ces trente dernières années.

Il faut dire qu’entre temps, en France nous avons connu la trahison des partis de gauche au pouvoir. L’espoir d’un monde meilleur n’a-t-il pas été dévitalisé par cette expérience consternante? Leur responsabilité est écrasante. A ma connaissance, il n’y a pas eu de bilan critique ni de remise en cause claire et nette du social-libéralisme, ce qui aurait pu reconduire une confiance en eux.

Combien de militants, sympathisants plus ou moins actifs ont été écœurés et de ce fait, neutralisés pour les combats à venir ? Où sont-ils ? Que font-ils ? Sont-ils avec, contre nous ou nulle part ?

Mais d’autres voix s’élèvent pour l’écologie, le féminisme, contre les exclusions et oppressions de toute nature. Elles sont actives mais cloisonnées et éparpillées alors que toutes ces forces ont le même ennemi: un système capitaliste de plus en plus féroce technologiquement, économiquement, militairement, idéologiquement et qui s’étend maintenant à la planète entière.

La conséquence en est une inefficacité des luttes, au détriment d’une force collective dont « la désobéissance civile » serait, oui, une stratégie efficace car elle réunirait la légitimité (notre cause est juste), le nombre (on est des millions)  et l’unité qui, les trois réunis, sont invincibles.

C’est cette dernière condition qui manque. Pourquoi ? Peut-être parce que,  même dans les groupes d’opposition, il n’y a pas de possibilité de débats. Même dans ces groupes, « l’état agentique de la soumission » fait son œuvre. Il faut, oui, « développer la culture de l’insoumission, de la contestation, de la démocratie » mais c’est exigeant :

Il faut déjà être capable de réfléchir par nous même, or « rien ne nous y invite ».

Il faut aussi être capable de l’exprimer et avoir le courage de le faire (au risque d’être la brebis galeuse qui fait entendre une voix dissonante et se fait éjecter du troupeau ?).

Mais il faut aussi  être capable d’écouter une autre voix (voie ?) que la sienne et avoir à cœur, dans le respect de ses convictions de reconnaître les arguments valables, de  concéder des points d’accord et de réfuter ce qui ne nous semble pas acceptable, avec des arguments (et non des insultes).

Comme chaque fois qu’on veut jouer ensemble, il y a des règles. Ici, s’interdire le déni des faits, la mauvaise foi, les procès d’intention et, bien entendu, les injures.

C’est ainsi qu’on aborde la complexité des situations, qu’on peut nuancer ses positions et qu’on peut avancer ensemble sur les points d’accord, quitte à envisager des étapes, faire des bilans et ne pas oublier les pistes qui n’ont pas été retenues. C’est ce qu’on appelle « l’intelligence collective ».

Car toutes nos convictions, même les plus sincères, ne sont que des hypothèses. Prenons les au sérieux mais nous avons à les démontrer, à faire nos preuves. La démocratie directe, c’est une belle direction mais on a beaucoup de chemin à faire…

 

 (*) On peut  se procurer ce texte : Tyrannie, servitude : un cercle vicieux, de Jean-Pierre Baudet et Claire Lartiguet en PDF (60 pages) en le demandant à l’adresse : tyraser@yahoo.fr



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