Des difficultés pour lire cette lettre ? Cliquez ici : lettre en ligne - Pour vous désabonner, ici : désinscrire

ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine

n°614 - lundi 4 mai 2009

Envoyé à 40904 courriels inscrits

Mode d'emploi:

Adhésion de soutien:
Bien que le journal électronique soit rédigé par des contributeurs non rémunérés, nous devons faire face à des frais (notamment informatique). C'est pour cela que votre aide financière est la bienvenue pour nous permettre de continuer à vous informer sur les combats de la Gauche Républicaine et Laïque. Pour ce faire vous pouvez faire une adhésion de soutien en vous inspirant du barème ci-après et en nous envoyant sur papier libre vos Noms, Prénoms, Adresse et courriel à :

Les Amis de ReSPUBLICA
27, rue de la Réunion
75 020 PARIS

Barème indicatif :
Chômeurs, RMIstes, Etudiants: 10 euros
SMIC et au-delà: entre 25 euros et 100 euros

1 - chronique d'Evariste

1 - Le FMI au secours du paradis du capitalisme : l'Angleterre !

Pitoyable ! Et le mot est faible ! car il est difficile de garder la tête froide devant la possibilité évoquée ces derniers jours par l’Angleterre : faire appel au FMI pour redresser son déficit public. Hier, pays dominateur par son soit-disant système économique performant, par son exemple de croissance du PIB, par ses innovations financières, par son « libre-échangisme » ! Combien de leçons données par ces brillants économistes, notamment pour la rédaction du TCE et du fameux Traité de Lisbonne ? Personne n’a compté...

Aujourd’hui, le modèle économique anglais révèle sa réalité : du vent ! Une chute libre dans ce modèle « supérieur », dans le « marché libre qui garantit la prospérité », dans la flexibilité, la destruction du social, le règne de « la concurrence libre et non faussée », le communautarisme. Aucun mot n’est assez dur pour qualifier cette réalité qui aujourd’hui crève les yeux : le modèle économique anglais est celui d’une usine à produire de la misère ! Il n’est plus possible de ne pas l’écrire : le libéralisme anglo-saxon est une entreprise de destruction massive de la société et des individus.
Le dernier appel anglais au FMI remonte à 1976, date où le parti travailliste avait fait appel à ce qu’il faut bien nommer « le fossoyeur du tiers monde » tant les politiques du FMI ont fait des ravages dans les pays en voie de développement. Le désastre social des mesures imposées par le FMI avait été tel que le parti travailliste avait mis 20 ans à s’en remettre. Et si Gordon Brown a pour le moment écarté cette éventualité, ce n’est certes pas pour des raisons humanistes (il y a longtemps que le parti travailliste n’en a plus...), mais c’est bien pour des raisons tristement électoralistes...

Le gouffre d’un système : le dogme de la croissance

Le capitalisme repose sur « le dogme de la croissance », illusion terrible qui pose que l’accumulation permanente des biens matériels est source de bonheur, de joie de vivre, de plaisir à exister. Mais une analyse psychologique montre qu’une personne concevant le bonheur comme reposant sur le fait d’accumuler le plus possible d’argent et de posséder le plus de biens possibles a en réalité de sérieux troubles pathologiques et une incapacité à se construire en tant qu’individu. Ainsi, à défaut de « se cultiver » en tant qu’être, une telle personne cherche à posséder pour montrer qu’elle existe. Telle est la logique de l’ère industrielle, que cette logique soit individualisée (sociétés occidentales) ou collectivisée (expérience des ex-pays soviétiques). Il est nécessaire de sortir de cette logique qui avilie tout à la marchandise, par laquelle tout est vécu comme une marchandise.

S’opposer se fera en deux temps : gérer la crise et construire l’avenir

N’en déplaise, si la crise a été déclenchée par la financiarisation et le productivisme, elle est avant tout humaine : chômage, attaques des droits et destructions des infrastructures collectives qui affaiblissent ceux qui n’ont pas l’argent pour eux. La relance keynésienne étant vouée à l’échec, il est impératif d’arrêter les discours axés sur la croissance ou la relance, et ceux qui envisagent le retour d’un état providence tel qu’il a pu se développer dans les trente glorieuses trompent ceux à qui ils s’adressent : ce temps est révolu, il ne reviendra pas. De fait, l’urgence est à « gérer une crise » structurelle, et à « préparer l’avenir ».
Gérer veut dire faire en sorte que l’individu ne finisse pas dans la misère, veut dire avoir accès aux soins, avoir accès à une éducation de qualité et à un logement.
Un plan logement est nécessaire car c’est la part du budget des ménages qui a le plus augmenté et qui pose un réel problème au point de sacrifier la nourriture chez les revenus les plus modestes (l’INSEE ne considère plus le « panier repas » comme un indice pertinent tant celui-ci est désormais soumis au budget logement). Sur ce plan, les prêts à très long terme (plus de 20 ans) font prendre des risques considérables. Il est donc urgent de casser les revenus des rentes immobilières qui vampirisent les ménages par le logement et d’envisager des aides pour les ménages soumis à des prêts immobiliers trop importants et acceptés parce que rendus incontournables.
Pour garantir l’accès à la nourriture, il faut créer et ouvrir des jardins ouvriers pour rendre l’autonomie alimentaire. Il faut également casser les circuits de distributions « longs » en instaurant le protectionnisme face à des pays exploitants leur misère sociale pour produire à bas coût. Refuser les échanges alimentaires internationaux pour les denrées primaires afin de rendre les pays autonomes par régions géographiques. Sur le plan national, il s’agit de favoriser la production locale en mettant en place des réseaux de distributions le plus court possible (du producteur directement au citoyen), et d’attaquer frontalement la grande distribution qui pille les producteurs et les acheteurs : il faut contrôler et imposer des marges ; et compte tenu de l’ampleur de la crise, il est nécessaire d’exiger le retour à des prix plafonnés pour les denrées de premières nécessités.

Construire l’avenir

Construire l’avenir ne doit pas se faire en idéalisant le système des trente glorieuses qui ne pourra revenir compte tenu des performances des taux de productivité actuels. Il est donc impératif de comprendre que la répartition du travail et des fruits de ce travail passera par une réduction importante du temps de travail, mais aussi (et c’est impératif !) par la compréhension que ce qui a mené le système au bord du gouffre et à 3000 chômeurs supplémentaires par jour, c’est le fait de vouloir toujours produire plus. Aussi, les grands axes pour concrètement mettre en place un système alternatif sont d’une part l’appropriation et l’orientation de la fabrication vers des objets durables et réparables, donc refuser la logique de consommation et de gaspillage ! La recherche pour produire doit être ouverte et coopérative : plus de brevets garantissant la rente, les marges, autrement dit : l’actionnariat exigeant des taux de rentabilité impossible à tenir d’un point de vue social et écologique. Le refus du brevet, le développement de la mise en commun, de l’intelligence collective (notamment au moyen d’internet comme outil de communication) a pour but de créer, chercher et mettre à disposition un savoir collectif. C’est déja le cas pour le logiciel libre ou les molécules anti-paludisme déposées dans le domaine public et fabriquées à pris coûtant au grand damne de l’industrie pharmaceutique qui fit tout pour interdire cette fabrication qui la privait de sa rente.

Aujourd’hui, alors que le monde connaît une crise structurelle sans précédent penser un projet alternatif est indispensable ! Et il faut avoir le courage de le dire et de l’argumenter (car sans argument, il n’y que de l’insulte...) : « le capitaliste est un malade de la vie, un névrosé ! ». Aucun programme économique, aucun projet social, aucun discours écologique ne pourra se lever contre le productivisme s’il n’intègre pas cette dimension fondatrice de l’esprit du capitalisme : le rapport maladif à la vie et au monde. Des mesures d’urgence et des projets alternatifs, pour être pérennes, doivent combattre cette dimension et dissocier très clairement la vie heureuse de la consommation, de l’argent, de la possession, de la production et pour cela montrer, dans des mesures sur le logement, sur la nourriture, sur l’emploi, sur la santé, que seul le refus de la rente et du brevet rend possible une alternative durable.

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - politique française

1 - Premier mai record, mais encore… Appel pour une stratégie efficace !

Avec plus d’un million de manifestants, cela fait 5 fois plus de monde que le premier mai de l’an dernier et 3 fois plus de monde que celui de 2003, qui était jusqu’ici le 1er mai le plus réussi en dehors de 2002 qui s'était passé dans des conditions politiques exceptionnelles. C’est donc un 1er mai massif qui vient d'avoir lieu.
Autre caractéristique, c’est la première fois qu’il y avait plus de 280 lieux de manifestations pour 101 départements français.
Bien évidemment, le fait que le premier mai tombe sur un grand week-end, certains ont préféré partir en week-end familial d’autant qu’il a fait particulièrement beau…

Il est difficile de comparer avec le 29 janvier et surtout le 19 mars qui ont vu plus de mobilisation du secteur privé dans la mesure ou cela avait coïncidé avec un mot d’ordre de grève pour permettre une mobilisation massive.
D’ores et déjà, d’aucuns parlent d’un grand événement à la mi-juin après les élections européennes. La question étant de savoir si une action unitaire sera prévue entre temps. Nous serons fixés le 4 mai au soir, date de rencontre des 8 organisations syndicales.
En attendant, il est nécessaire de se poser la question de la stratégie. Celle du «  Que faire ?   » C’est une question difficile, car c’est une chose de demander à chacun d’entre nous ce que l’on souhaite et c’en est une autre de porter un diagnostic sur la volonté du mouvement social dans son ensemble. Et c’est encore une autre chose de se poser la question des relations entre le mouvement social et le champ politique, et de leurs rôles respectifs ; sans omettre, au final, de jauger l’état de conscience et de mobilisation du peuple.

STRATEGIE A FRONT LARGE

Une première constatation : la stratégie à front large ne fonctionne aujourd’hui que dans le mouvement social et ne fonctionne pas dans le champ politique. Pour tout ceux qui ont abandonné l’idée d’une prise de pouvoir insurrectionnel, rien ne peut se construire en dehors d’une stratégie à front large.
Force est donc de constater pour ceux qui souhaitent construire la transformation sociale par une société mobilisée dans l’action et dans les urnes que c’est le mouvement social qui a la main actuellement, et non le champ politique ; même si beaucoup de militants rêvent de raccourcir le temps par des actions dans le champ politique comme si ce dernier était à tout moment le débouché politique des actions du mouvement social.  Pourtant, il n’en est rien. Ce n’est qu’à certaines périodes historiques que ce débouché politique a un sens.
Ne pas le comprendre, c’est se précipiter dans toutes les impasses qui proposent de raccourcir le temps. Croire le contraire relève d’un idéalisme philosophique pétri de sentiments et d’enthousiasme, alors qu’il faut une analyse rationnelle basée sur la réalité matérielle.
De fait, nous ne pouvons pas travailler en dehors du temps social et politique ; et contrairement aux militants idéalistes (sur le plan philosophique s’entend) il est souvent préférable d’œuvrer dans une stratégie de détour plutôt que de vouloir aller plus vite que la musique du peuple.
N’a-t-on pas remarqué la mise hors champ de nombreux collectifs nationaux, hier mobilisateurs, mais qui ont marginalisé leurs collectifs nationaux par des actions minoritaires au moment où l’aspiration des masses était à la stratégie à front large ? Les citer ici relèveraient de l’acharnement thérapeutique… Ce que la plupart des collectifs nationaux n’ont pas compris, le mouvement syndical, lui, l’a compris. Ils ont donc repris la main… Et tant pis pour les premiers !
N’a-t-on pas, ici et là, vérifié la déception constante des militants politiques qui, après avoir pensé que le grand Soir était proche, se morfondent parce que l’aspiration est à la stratégie à front large alors qu’ils pensent eux, les militants coupés des masses, qu’il faut radicaliser sans elles !
N’a-t-on pas vu, ici et là, des militants politiques parler d’éducation populaire alors qu’elle n’est possible que dans une stratégie à front large, et que cette même stratégie n’a toujours pas montré sa réussite dans le champ politique ? Tout au plus, ce qu’ils appellent éducation populaire n’est en fait qu’une formation pour les cadres de leurs organisations mais sûrement pas de l’éducation populaire pour les citoyens!

PAS DE DEBOUCHE POLITIQUE AUX LUTTES SOCIALES SANS STRATEGIE A FRONT LARGE DANS LE CHAMP POLITIQUE

Malgré toutes ces faiblesses, le mouvement social a un train d’avance sur le champ politique, car la stratégie à front large n’est toujours pas de mise dans le champ politique. Quel idéalisme philosophique de croire que la seule vérité révélée par telle ou telle organisation politique suffit à la rendre crédible par les masses ! Sans doute, les créations du Front de gauche et du NPA, qui sont deux petits pas (très nettement insuffisants pour engager une nouvelle période) vers la stratégie à front large des antilibéraux dans le champ politique, va permettre, au total des deux, de faire plus qu’à la présidentielle. Mais il y aura loin de la coupe aux lèvres !
C’est pourquoi je me risque aujourd’hui à dire que le débouché politique aux luttes sociales n’est pas à l’ordre du jour. Ce qui n’empêche pas de considérer que seul le champ politique peut transformer la société et ses institutions, mais pas à n’importe quelle période historique.

LA STRATEGIE NECESSAIRE DU DETOUR PAR L’EDUCATION POPULAIRE DANS LE MOUVEMENT SOCIAL

Si la revendication de l’unité est forte chez les salariés et les citoyens, nous ne devons pas en conclure que ceux-ci sont prêts pour l’alternative. Trop de confusions philosophiques, idéologiques et politiques existent, tant chez les militants que chez les citoyens. Et cette confusion est un frein à la construction d’une alternative. C’est une chose d’être exaspéré par le néolibéralisme, le communautarisme, l’arrogance des néolibéraux, c’en est une autre de comprendre suffisamment le pourquoi de la réalité et le comment pour s’en sortir. Voilà pourquoi la priorité du moment est à l’éducation populaire.
Mais elle n’est possible pour les citoyens que dans une stratégie à front large. Comment faire de l’éducation populaire quand un militant d’une organisation mène d’abord un combat contre d’autres militants, ayant la même détermination, mais membres dans une organisation concurrente ? Tant que le plus proche de soi sera considéré comme adversaire principal, aucune éducation populaire n’est possible.
Comme la stratégie à front large ne fonctionne pas dans le champ politique mais dans le mouvement social, il n’y a donc aujourd’hui que dans le mouvement social que l’éducation populaire est possible.
Les demandes au réseau UFAL, dont le travail d’éducation populaire dans le mouvement social est la priorité des priorités, montre bien le niveau de demande d’explication, d’analyse et d’alternative existant dans ce même mouvement, surtout depuis le développement de la stratégie à front large. C’est la réponse de l’offre qui est aujourd’hui trop faible tellement de nombreux militants préfèrent les impasses théoriques et pratiques hors champ du mouvement social !

C’EST LA CRISE DU CAPITALISME QUI VA DEVELOPPER LA CONSCIENCE DE L’URGENCE SOCIALE

Mais bien plus que le volontarisme de nombreux militants idéalistes englués dans des impasses théoriques et pratiques, c’est la crise économique et sociale qui va être l’élément déterminant du mouvement lui-même. Il y aura donc une course de vitesse entre le développement de cette crise et le développement de l’éducation populaire dans le mouvement social. Et c’est cette course de vitesse qui sera l’élément déterminant de l’éventuelle stratégie à front large dans le champ politique.
Rien est écrit, il n’y a pas de déterminisme total. Le développement de cette crise peut conduire à une reprise en mains des dirigeants du capitalisme par différents moyens (la sortie autoritaire, l’hyperinflation, etc.) ou par l’alternative d’une formation sociale supérieure voulue et pensée par le peuple. Tout cela dépendra de l’action des masses, et donc de l’efficacité de l’éducation populaire dans le mouvement social, puis de l’éventualité d’une stratégie à front large dans le champ politique, sans laquelle rien n’ira jusqu’au bout !

L’URGENCE EST DONC DE DEVELOPPER L’OFFRE D’EDUCATION POPULAIRE

Comme nous l’avons écrit plus haut, l’éducation populaire demande autre chose que de former ses propres cadres ou de délivrer ses idées sur le web. C’est à une éducation populaire de masse que nous sommes appelés. Quand le réseau UFAL, avec ses partenaires syndicaux et mutualistes, organise plus de 100 réunions publiques par an et autant de formations de formateurs, c’est en fait plus de 1 000 qui seraient nécessaires. Encore faut-il que les cadres et militants se forment et s’organisent en conséquence. L’appel est lancé. Aux militants de décider.

Bernard Teper

2 - La droite a mis les bottes, les sociaux-démocrates les pantoufles

Toujours en colère contre ses anciens amis du Parti socialiste, Jean-Luc Mélenchon ne cesse de pester contre une gauche trop timide, munie d'un programme en demi-teinte. Le sénateur de l'Essonne, qui a créé son Parti de gauche, entend proposer une ligne de rupture avec le capitalisme, mais via les urnes. Pour lui, la crise économique que traverse le système capitaliste indique qu'"un monde est fini", celui du libéralisme. Candidat du Front de gauche aux européennes, en alliance avec le PCF, il tente d'attirer les électeurs déçus du PS. Et espère faire la différence avec un Olivier Besancenot.

Après un 1er Mai réussi, comment analysez-vous la crise sociale que connaît le pays ? Reflète-t-elle pour vous une colère globale ?

Oui. Mais il faut être lucide sur cette colère. Les gens ont peur de ne pas avoir d’avenir. Ils sont révoltés car ils trouvent que les conséquences de cette crise sont injustes. Mais annoncer tous les jours la révolution, c’est de la manipulation. Il y avait bien plus de violence dans les années 1970. Moi, je vois aujourd’hui un monde qui part en petits morceaux. Et un grand désarroi. Il y a donc une immense disponibilité envers la gauche. Elle est pourtant absente. Voila le drame.

Soutenez-vous la démarche d’Olivier Besancenot qui appelle à une marche nationale des sans-emploi ?

Cela me trouble un peu. Le politique n’a pas à surgir, comme ça, dans le mouvement social, en donnant des consignes. Les syndicats, par leur unité, ont levé le couvercle de la résignation sociale. Notre responsabilité est de lever la résignation politique. Le lien du social au politique n’est pas mécanique. Regardez la Guadeloupe. Ce qu’a fait le LKP est remarquable mais le mouvement social s’est arrêté aux portes du politique. A nous d’offrir une alternative politique plutôt que de faire des surenchères avec les syndicats.

Partagez-vous le pronostic de Dominique de Villepin, celui d’un "risque révolutionnaire" ?

Il voit ça comme un risque ; pour moi, c’est plutôt une chance. Sinon, comment le pays va-t-il sortir du trou noir ? Les gens qui perdent leur travail ont un vécu de bêtes prises au piège ; ils se demandent comment finir de payer la maison ou les études des gamins. Les chefs politiques leur parlent une langue étrangère, tellement loin de la réalité ! Ils se comportent en commentateurs et non en acteurs. La plupart d’entre eux ne sont pas mentalement préparés à cette crise. Ils ont bien vécu les vingt glorieuses du libéralisme. Ils ont du mal à admettre ce qui arrive. Ils sont dans le même état de sidération que celui dans lequel la gauche s’est trouvée après l’effondrement du mur de Berlin : une incapacité à nommer ce qui se passe, à proposer autre chose. Ils ne parviennent pas à comprendre que le monde d’hier est bel et bien fini.

Qui mettez-vous derrière ces "ils" ?

Tous les "importants". Mais d’abord Nicolas Sarkozy. La droite, il faut le reconnaître, a un vrai chef de guerre. Il a le sens des situations de lutte, pense tout en termes de combat, et projette toute son énergie sur un seul objectif : "Profiter de la crise" - ce sont ses mots - pour faire ce qu’il appelle des "réformes structurelles". Il est dans une logique de confrontation sociale. Mais il n’est pas sorti du cadre et sa vision pour la France est très datée : les années Reagan.

François Bayrou annonce qu’il est entré en résistance contre le sarkozysme. Pourrait-il un jour devenir votre allié ?

C’est un homme qui tient tête. Il exprime des valeurs utiles à notre temps. Mais son programme économique est de droite et il ne s’en cache pas. N’oublions pas les leçons de l’histoire : l’illusion centriste a été mortelle pour la gauche partout où elle a été pratiquée en Europe.

C’est un avertissement en direction de vos anciens amis socialistes ?

Ah ! mes amis socialistes. Ils sont toujours entre deux chaises : Martine Aubry est archaïquement sociale-démocrate. Elle vit dans un monde qui n’existe plus : celui du compromis social entre capital et travail dans le cadre de l’Etat nation. Le PS pense que le capitalisme a oublié le social et qu’il suffit d’en mettre un peu pour avoir une société plus juste. Combien de temps cette bulle d’illusions va-t-elle mettre pour éclater ? Quand on vit une récession d’une telle ampleur, on ne peut plus faire croire qu’un petit coup de croissance à l’ancienne suffira à panser les plaies. Je prône l’insurrection civique pour tout changer et organiser la transformation autour de trois axes : la planification écologique, la refondation républicaine et un nouveau partage des richesses.

Dans vos prises de position récentes, vous semblez plus indulgent envers Ségolène Royal...

Ce qui me plaît chez elle, c’est qu’elle cogne. Elle a une forme d’obstination contre Sarkozy qui est plutôt roborative. La gauche ne cogne pas assez, car le parti dominant, le PS, est dans la connivence. Voyez son positionnement européen : des promesses pour une Europe plus sociale incompatibles avec le traité de Lisbonne qu’il soutient comme Sarkozy. Un autre exemple : quand le PS continue à cultiver l’illusion qu’il veut mettre en place une régulation du capitalisme, de quoi parle-t-il ? De l’OMC et du FMI, deux institutions dont le cœur des politiques est le contraire de ce qu’il faut faire !

Vous trouvez la gauche en petite forme face à la droite ?

Hélas, oui. A droite, ils assument la situation, ils se battent. A gauche, le PS est tétanisé. A droite, la relève est flamboyante : Villepin le romantique, Bayrou le Quichotte. La gauche dominante est terne. La droite a mis les bottes, les sociaux-démocrates sont en pantoufles.

L’émiettement de la gauche n’est-il pas une opportunité pour Nicolas Sarkozy ?

Bien sûr que si. C’est la raison pour laquelle j’ai essayé de rassembler ce qu’on appelle l’autre gauche et proposé de bâtir un bloc politique qui assume sa diversité et qui, avec un programme anticapitaliste, essaie de construire une nouvelle majorité politique. Les communistes ont aussi cette vision. Ils ont joué le jeu, pas Besancenot. Le NPA a choisi la voie d’un parti d’avant- garde qui se construit dans la délimitation politique avec le reste de la gauche. Si on avait réussi un rassemblement large, on pouvait espérer passer devant le PS aux européennes et construire un programme de rassemblement de toute la gauche sur une ligne de rupture. Cette perspective est reportée. Mais si, malgré tout, le Front de gauche crée une dynamique et rassemble largement, comme je le vois dans le Sud-Ouest, on aura réussi. Après, mon objectif est de poursuivre ce front, un peu comme Die Linke en Allemagne.

Propos recueillis par Françoise Fressoz et Sylvia Zappi
Article paru dans l’édition du monde du 03.05.09

Voir cet article sur son site d'origine

Jean-Luc Mélenchon www.jean-luc-melenchon.fr

3 - L’union des contestations sociale et politique pour sortir de l’idéologie keynésienne

Le mouvement social a des allures de tableau. Il montre une urgence, mais l’erreur serait de se contenter de la seule urgence, de l’immédiateté, de l’apparence de cette situation, donc d’exclure de cette contestation l’analyse et la concrétisation politique d’une alternative.
La situation amène plusieurs niveaux de considérations, tous liés les uns aux autres. L’urgence sociale et la crise économique, la structure même du capitalisme, la fin d’une ère, celle de « l’économisme » de « l’ère industrielle » et à gauche : le rêve keynésien. Rares sont les situations où tout un ensemble d’éléments se réunissent : chacun de ces éléments est à lui seul un symptôme pour un médecin attentif à la société qu’il occulte ; mais la convergence de tous ces symptômes est elle aussi un élément primordial, car c’est la rareté de cette convergence qui donne le sens global de ce qui est en train de se passer.

De la rue aux panneaux publicitaires

Un système aussi dur que le capitalisme ne peut se maintenir sans domestiquer les individus, sans les abrutir. Mais malgré cet abrutissement médiatique, le mal-être persiste car ce système détruit de la «  richesse humaine  » au profit des «  valeurs marchandes et monnayables  ». Ce mal-être pourrait être un élément de prise de conscience, voila pourquoi quantité de méthodes sont mises à contribution pour détourner l’attention de l’individu et l’entraîner sur des fausses pistes. Apparaissent donc des grandes stratégies visant à canaliser les pensées vers de prétendus ennemis. C’est la théorie du choc des civilisations où un Occident chrétien (et éclairé bien entendu !) aurait pour ennemi inévitable et héréditaire un Orient musulman (obscurantiste évidemment !). Viennent aussi les moyens pour occuper le temps de cerveau : le «  temps de vie  » des individus. Les tenants du capitalisme savent parfaitement que le temps libre rend possible l’esprit critique, la création, l’invention et la comparaison, donc l’action ! Culture de la consommation des modes et des biens jetables, culture de l’argent, culture de l’éphémère, culture de la réalisation de soi au travail, culture des passe-temps dont la seule fonction est d’occuper le temps de vie dont un individu dispose : tout cela crée un carcan, un manque de temps permanent pour les échanges avec autrui, les plaisirs autre que celui de la consommation, la prise de conscience, l’imagination (et donc l’imagination politique…).
Enfin, il s’agit donc de rendre docile et de duper. Donc il convient de détruire cet individu conscient de sa personne et de son destin commun avec les autres qu’est l’individu-citoyen : celui qui se conçoit en tant qu’individualité dans sa vie personnelle, et comme citoyen lorsque c’est nécessaire ; c’est à dire un membre et un acteur du Pacte Républicain qui rend possible la construction d’un cadre pour se concevoir une existence heureuse. La culture de la peur de l’éthique libérale anglo-saxonne, au sens où MaxWeber la met en évidence, distille l’anxiété, la peur et l’a priori négatif pour être le poison qui ronge toute positivité et confiance avec autrui et dans le rapport au monde. La peur rend faible, craintif et agressif. Autant d’éléments qui tarissent efficacement tout projet commun, tout dialogue, toute ouverture. Atomiser la société, en faire une masse informe d’individualités méfiantes entre elles : voila la solution pour pérenniser le système actuel.

La fin de «  l’ère industrielle  » et des miracles du keynésianisme

Ces panneaux publicitaires révolutionnaires, testés dans le métro parisien, sont équipés de «  blue tooth  » pour communiquer avec les passants, et d’un système de reconnaissance visuelle pour lire leurs visages. L’usage de ces technologies montre à quel point le système actuel se veut intrusif. La télévision captant l’esprit des gens ne suffit plus : il faut aller plus loin ! Utiliser les connaissances en biologie pour mieux capter l’attention, s’immiscer dans les regards, déchiffrer les attitudes pour... vendre, colporter, vanter, encore et toujours la culture et les valeurs de vie qui assoient le capitalisme et sa phase ultime qu’est le néolibéralisme. Négation de la vie, négation du monde vivant avec l’entrée dans la crise écologique, ce système est entré dans sa phase finale avec l’effondrement boursier. Et il ne pouvait en être autrement ! La bourse est le symbole ultime de la rentabilité et du paradigme de l’ère industrielle : elle est négation du monde réel, des être humains, du monde vivant, de la réalité de la vie. La bourse est le lieu où se sont concentrées toutes les faiblesses du système jusqu’à le rompre lui-même. La négation du monde réel est si grande que le système a accumulé une quantité de dettes telle qu’il ne s’en remettra pas. Pour ces raisons, toute politique, tout programme, toute déclaration économiques basés sur des plans de relance keynésiens sont illusoires et mensongères : elles visent l’effet placebo ou indique l’ignorance de la réalité. Car l’effet placebo ne suffit plus pour les douleurs accumulées et ce sont elles qui sont sur les pavés de France en ce début d’année 2009. Hélas, la tradition de la gauche est encore largement dominée par l’économisme de l’ère industrielle : cette pensée idéaliste qui conçoit l’économie en dehors de la civilisation et des réalités du monde, pensée qui s’imprègne dans le XIXème siècle, celui de l’ouvrier comme fourmi de son usine dans un monde donné aux hommes pour être exploité sans limites de ressources ou de temps, pensée où l’économie pilote les programmes politiques et où la croissance du PIB est «  l’horizon du bonheur  ».
Comme une évidence, la médiocrité éthique, en terme de valeurs de vie, conduit à la médiocrité politique.

Le changement de paradigme se fera par l’association des urnes et de la rue

Les grèves à venir sont un ressort considérable : elles montrent qu’une population est encore capable de réagir, de se mobiliser... Mais la rue ne peut être une finalité en soi ! Elle doit être politisée : c’est à dire porter un projet alternatif, une autre société. La rue sans les urnes, ou les urnes sans la rue : voila des impasses qui conduiront à l’échec tous les partis politiques qui n’auront pas intégré ce dualisme. De même, un militant est doit être à la fois dans un parti et dans le mouvement social. L’un pour la globalité et les lois, l’autre pour la réaction et l’enracinement dans la réalité. L’un sans l’autre n’a strictement aucun sens !
La crise qui est face à nous est une crise structurelle : elle repose sur la constitution même du capitalisme : sa vision macroscopique (l’économie et la rentabilité), ses valeurs de vie (la consommation, la passivité des individus), son rapport au monde vivant (fait pour être exploité) et au temps (aucune limite de ressources, ni de temps de vie). Parce qu’il est en totale contradiction avec la réalité du monde, ce paradigme a mené à une crise qui en marque la fin. Car au delà le capitalisme ne pourra s’imposer après la crise que par la violence, le sécuritaire, l’embrigadement. Plus tôt nous changerons de paradigme, plus tôt nous endiguerons les dégâts subis et empêcherons de nouvelles pertes et douleurs humaines. À «  l’économisme  », paradigme de l’ère industrielle, il faut opposer un paradigme nouveau comme base pour concevoir nos visions politiques : un paradigme qui propose non pas le travail, mais le temps libre à l’usage de soi comme repère de vie ; non pas le PIB, mais les richesses humaines comme indicateurs ; non pas un monde pensé comme exploitable à volonté, mais une humanité lié au monde qui le porte et le nourrit ; etc.
La tradition de gauche doit comprendre ce changement de paradigme et ne plus faire le jeu de l’économisme qui limite sa pensée politique. La crise ne pourra être éviter, mais elle est la possibilité de rompre avec les vieilles lunes pour se tourner vers l’a-venir et concevoir un monde meilleur.

Guillaume Desguerriers

4 - Les tentations positives

Le comptage ethnique, la notion de multiculturalisme élevée en norme est, pour moi, une hydre mortifère et stigmatisante envers toutes les communautés lovées en république laïque. La sortie de la « sphère intime » et l’entrée en statistiques de ces éléments de discrimination ne seront jamais positives. Va-t-on compter le nombre d’individus parlant l’occitan pour définir le nombre de sièges de professeurs d’occitan dans les universités ? Si oui, cela pourrait être intéressant côté biodiversité culturelle mais quid des communautés dont la quantité ne dépassera pas le seuil d’intérêt électoral ? Quid des communautés dont les revendications faites d’exceptions culturelles ou cultuelles pousseraient à des conceptions moyenâgeuses de la société (père excusé d’avoir tué son fils homosexuel ou sa fille coupable de relations sexuelles hors-mariage = traduction brutale de relativisme culturel ! Additionner deux jolis mots, ne font pas nécessairement une jolie idée).

Je vois déjà les lobbies corrompre notre politique et ce qu’il nous reste de valeurs communes. En France nous vivons toujours à l’ombre des lumières liberté, égalité, fraternité qui attirent encore les flux migratoires sur notre sol malgré les dérives racistes du quotidien qui stimulent le repli identitaire chez bien des jeunes, ou les enferment dans un système parallèle fait de débrouille et de délinquance. Non ! Renforcer les outils communautaristes, c’est séculariser les communautés qui revendiquent leur intolérance des homosexuels, des femmes, des juifs, etc. La communautarisation de la France nous mène inéluctablement vers une compétition communautaire qui s’exprime déjà dans des rixes ethniques chez les jeunes, les adultes ; eux se battront pour le pouvoir sur les individus.

Je ne vois pas d’autre issue plus honorable que le renforcement des valeurs républicaines par la proclamation du peuple français entier ; et vu le score de Chirac contre Le Pen, une telle mobilisation est à notre portée ! Il faut rassembler les forces vives de la république, tous ces citoyens qui poussent la porte des associations pour défendre leur conception de l’antiracisme, du féminisme, de la lutte contre l’antisémitisme, ou encore les groupes de défense des droits de l’homme ou de la laïcité par exemple… Tous doivent se rencontrer et développer un outil commun de surveillance du socle républicain qui permet la réconciliation d’identités plurielles et sereines vis-à-vis des allogènes à leur groupement ou à leur comportement.

Unir autant de volontés différentes est possible car elles sont cohérentes avec les valeurs républicaines et font toutes partie du même canevas démocratique. Mon expérience associative montre qu’il n’est pas nécessaire d’être homosexuel pour lutter contre l’homophobie, femme pour comprendre le sexisme, noir ou arabe pour comprendre le racisme ou être juif pour comprendre l’antisémitisme. Il suffit de croire en la fraternité et de la mêler à toute réflexion. Je me fiche de savoir que mon député est de telle confession, de telle couleur, du moment qu’il est juste et dévoué à son mandat.

Je sais qu’un Obama n’est pas ici pour demain, mais n’est-t-il pas le produit de la discrimination positive américaine ? N’est-t-il pas, finalement, le produit de son parti, un produit marketing alléchant pour redorer le blason du « in god we trust ». La spécificité française vaut mieux que cela ! Abandonner un modèle qui ne nécessite qu’une chose : être réinvesti par la volonté populaire pour adopter un modèle qui a inspiré le 11 septembre me paraît être une bêtise fondamentale. Mon problème n’est pas Sarkozy en soi, mais que permettront de telles modifications aux politiques de demain ? Ne glisserons-nous pas d’une discrimination positive vers une exploitation raciste des fichiers ? Oui, nous avons besoin de réformes, mais pas forcément sur les chantiers exploités par les politiques people.

Le seul prisme valable d’une république laïque est l’individu en tant qu’atome de l’ensemble ; dès que cette république s’intéresse à un groupe d’individus elle se fourvoie. J’attends que ma nation offre un modèle où chaque individu puisse s’épanouir avec une pléthore d’outils d’émancipation et qu’elle ne valorise pas tel ou tel groupe de personnes qui viendrait négocier des avantages et des exceptions par revendication victimaire ou religieuse. Laissons une certaine liberté aux instituts de sondage pour répondre à ces questions, car je ne recevrais pas positivement un agent du recensement sur ces questions d’appartenance intime.

Karim BEY SMAIL

3 - école publique

1 - Accord avec le Vatican : la défense de la laïcité exige un recours pour excès de pouvoir

L’UFAL a pris connaissance du décret n° 2009-427 du 16 avril 2009 entérinant l’accord entre la République française et le Vatican sur la reconnaissance des grades et diplômes catholiques dans l’enseignement supérieur.
Ce décret viole le principe législatif du monopole de la collation des grades universitaires par l'Etat ainsi que le principe de laïcité posé par la Constitution et défini notamment par la loi de 1905.

Ce décret est dangereux car il fait primer la religion sur la citoyenneté. Ainsi, des Français, parce qu’ils sont catholiques, relèveront non plus de l’Etat français mais de l’autorité d’un Etat étranger. Ceci ne peut aboutir à terme qu’à d’autres dérives du même ordre. A quand la reconnaissance de diplômes par des Etats musulmans ? Ce décret est également inquiétant puisqu’il remet en question l'indépendance des savoirs et de l'objectivité scientifique : pourquoi pas un diplôme sanctionnant les thèses « créationnistes » comme aux Etats-Unis ?
Enfin, l'UFAL dénonce les prétendues campagnes "d'information" menées par les auteurs et les bénéficiaires de ce texte tendant à tromper la population. Ils prétendent justifier cet accord avec le Vatican au motif qu'il existerait déjà des accords de reconnaissance réciproque de diplômes avec d'autres pays. Il y a pourtant une différence majeure entre un diplôme allemand reconnu en France et un diplôme délivré en France par un enseignement français mais relevant d'un culte. On ne saurait, sans violer notre Constitution laïque, opérer une confusion entre un Etat et un culte quelconque.
L’UFAL va donc étudier la possibilité de déposer un recours en annulation de ce décret auprès le Conseil d'Etat, ou de s’associer à une telle action, dans le délai imparti de deux mois suivant la date de publication au Journal Officiel.

Voir cet article sur son site d'origine

L'Union Des FAmilles Laïques www.ufal.org

2 - Quand le prêtre formera l'instituteur

On assiste à un assaut sans précédent pour tenter d’affaiblir l’enseignement républicain et laïque au profit de l’enseignement privé et confessionnel. En principe, la République "ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte". En coulisse, tout est fait pour torpiller l’esprit de cette loi dès qu’il s’agit d’éducation nationale.

Dans la plus grande discrétion, tout un pan du discours prononcé par Nicolas Sarkozy à Saint-Jean-de-Latran vient d’entrer en vigueur. On se souvient de cette phrase dans laquelle le président plaçait le prêtre au-dessus de l’instituteur "dans la transmission des valeurs". Depuis, il a tenté de minimiser. Ces mots traduisent pourtant une vision de la transmission et de l’enseignement que son gouvernement applique à la lettre.

Dans une autre partie de son discours, moins célèbre, le président regrettait que la République ne reconnaisse pas la "valeur des diplômes délivrés par les établissements d’enseignement supérieur catholique". On pensait à la reconnaissance de diplôme de théologie... Ils n’ont pas à être validés par la République puisqu’elle ne "reconnaît aucun culte". Mais le président s’obstine. Notamment avec l’arrière-pensée de pouvoir estampiller la formation des imams rêvée par le ministère de l’intérieur mais dispensée par la Catho. Un bricolage qui ne fait que renforcer l’impression d’une gestion postcoloniale de l’islam, donc la propagande islamiste. Tout en tuant à coup sûr l’esprit de 1905.

L’affaire est plus grave qu’il n’y paraît. Les décrets de cet accord - signé en catimini entre la France et le Vatican le 18 décembre 2008 - viennent de tomber. Ils prévoient la "reconnaissance mutuelle des diplômes de l’enseignement supérieur délivré sous l’autorité compétente de l’une des parties". Or cette "reconnaissance" ne vaut pas seulement pour les matières théologiques mais aussi profanes. Autrement dit, le baccalauréat ou d’éventuels masters.

L’accord feint d’appliquer une directive européenne (le processus de Bologne), pensée pour reconnaître les diplômes étrangers, mais il change de nature à partir du moment où il est signé avec le Vatican, pour "reconnaître" des diplômes délivrés sur le sol français par des établissements de l’Eglise. Ce qui revient non seulement à casser le monopole des diplômes qu’avait l’Etat depuis 1880, mais aussi l’esprit de l’article 2 de la loi de 1905.

Jusqu’ici, les établissements catholiques privés pouvaient parfaitement préparer des élèves au bac, mais ceux-ci devaient passer leur diplôme avec tous les autres. Petite astuce connue des professeurs : de nombreux établissements privés choisissent de ne présenter que les meilleurs élèves sous leurs couleurs et d’envoyer les autres en candidats libres pour améliorer leur score de réussite au bac. Appâtés par des pourcentages tournant autour de 100 %, de plus en plus de parents se tournent vers ces établissements au détriment de l’école publique.

Le gouvernement fait tout pour encourager ce choix : démantèlement de la carte scolaire, baisse du nombre de professeurs dans le public... Le plan banlieue est à sec, mais on racle les fonds de tiroirs pour financer - sur fonds publics - l’ouverture de 50 classes privées catholiques dans les quartiers populaires. Un grand lycée Jean-Paul-II est sur les rails. Un collège tenu par l’Opus Dei est déjà sous contrat.

Il ne manquait plus que ça : la fin du diplôme d’Etat... Justement au moment où l’Etat annonce vouloir supprimer les IUFM, brader les concours, et remplacer leur formation par un master que pourrait préparer n’importe quel établissement privé. Comme ça, en plus de délivrer le baccalauréat, le Vatican pourra ouvrir des masters destinés directement aux futurs enseignants.

Un comité 1905 vient de porter plainte devant le Conseil d’Etat. S’il n’obtient pas gain de cause, le prêtre aura le champ libre pour reprendre la main sur l’instituteur.

4 - laïcité

1 - Interview de Nadia Geerts

Nadia Geerts, agrégée de philosophie et professseure de morale, est une figure connue des combats laïque et républicain en Belgique, et de plus en plus dans les courants similaires en France. Elle préside aussi, depuis sa fondation en 2000, le Cercle républicain (www.crk.be) : une association qui milite pour l'abolition de la monarchie en Belgique. Elle est membre également, depuis de nombreuses années, du comité de rédaction de RésistanceS (www.resistances.be), l'observatoire de l'extrême droite en Belgique.

Nadia Geerts a écrit deux ouvrages : Baudouin sans auréole (en 1993) et L'école à l'épreuve du voile (en 2006). Elle a également dirigé un ouvrage collectif la Laïcité à l'épreuve du XXIè siècle (en 2009) aux éditions Luc Pire.
Elle a crée, en 2007, le Réseau d'Actions pour la Promotion d'un Etat Laïque (R.A.P.P.E.L.) dont l’objectif principal est de faire introduire le principe de laïcité dans la Constitution belge.

Hakim Arabdiou : Beaucoup d’Européens et de non-Européens ignorent que l’Etat belge n’est pas laïque.

Nadia Geerts : La Constitution belge ne mentionne en effet nulle part la laïcité. Trois de ses articles, cependant, sont interprétés par certains comme le fait que la Belgique serait, de fait, un Etat laïque : l’article 19 de la Constitution, qui garantit la liberté des cultes, leur exercice public et la liberté de manifester ses opinions en toute matière ; l’article 20, qui prévoit que «  nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte ni d’en observer les jours de repos  », et l’article 21, qui stipule que «  l’État n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque.   ». Cet article prévoit également que «  le mariage civil devra en principe toujours précéder la bénédiction nuptiale.   » Personnellement, je ne pense pas que ce soit suffisant pour qu’on puisse réellement parler d’un Etat laïque. Ainsi, les cultes sont subventionnés en Belgique (6 cultes sont reconnus, auxquels il faut ajouter la laïcité organisée, et prochainement le bouddhisme et l’Eglise adventiste), et des cours de religion sont dispensés dans l’enseignement public.

Hakim Arabdiou : Vous nous mettez d’ailleurs en garde contre l’emploi impropre par la législation belge du terme «  neutralité  » de l’Etat envers les religions et… la laïcité.

Nadia Geerts : La neutralité est un concept fourre-tout, qui peut servir à justifier des attitudes très différentes. Ainsi, la laïcité française promeut une certaine vision de la neutralité de l’Etat, qui est à mille lieues de celle que nous pratiquons en Belgique: chez nous, très souvent, on considère que l’Etat est neutre, dès lors qu’il ne privilégie aucune confession ou conviction, sans que cela interdise, par exemple, à l’Etat de financer les cultes. A cette confusion s’ajoute le fait que la laïcité étant en Belgique financée sur le budget des cultes, elle apparaît à beaucoup comme étant un mouvement philosophique à l’égal des religions, une sorte de "religion athée". De ce fait, il devient extrêmement difficile de promouvoir la laïcité en tant que principe politique d’organisation de l’Etat.

Hakim Arabdiou : Vous relevez le paradoxe que 80 % des règlements des établissements scolaires publics ou privés interdisent les signes religieux à l’école, notamment le voile islamiste (car se sont les seuls qui le revendiquent), tout en prodiguant un enseignement des trois religions monothéistes pour les élèves qui le souhaitent.  

Nadia Geerts : Aujourd’hui, ce chiffre (qui date de 2006), est même passé à 90 %. Mais cette interdiction se fait par le biais des règlements d’ordre intérieur des établissements scolaires ; les responsables politiques ayant toujours refusé jusqu’ici d’édicter une règle commune. Je pense que la difficulté tient en effet en partie (outre les considérations électoralistes) au fait qu’il est difficile de soutenir à la fois que les religions ont droit de cité dans l’école (sous forme de 2h de cours hebdomadaire où chaque élève a le droit de se voir enseigner les préceptes de son culte) et que les signes d’appartenance religieuse ne peuvent y entrer.
C’est cette incohérence que le R.A.P.P.E.L. veut lever en remplaçant les cours de morale et de religion, par un cours commun à tous les élèves.

Hakim Arabdiou : Votre courant, le Cercle républicain, considère que le combat contre la l’alignement par les pouvoirs publics belges du statut de la laïcité sur celui des religions, est comme un préalable au combat pour l’instauration de la laïcité dans votre pays.

Nadia Geerts : Ce n’est pas la position du Cercle républicain, mais celle du R.A.P.P.E.L. Nous pensons en effet que tant que la laïcité sera considérée comme un "septième culte", elle ne pourra acquérir une position de surplomb consistant à organiser la cœxistence des différents cultes et de l’athéisme.

Hakim Arabdiou :  Vous estimez corrélativement dommageable que cet indispensable combat de clarification du concept de laïcité soit sacrifié par une partie du courant laïque belge, car ce sacrifice contribue à retarder l’avènement de la laïcité en Belgique.

Nadia Geerts : Historiquement, les laïques belges ont très longtemps été en position de faiblesse, dans un pays majoritairement catholique. Aussi ont-ils fini par opter pour la revendication de leur reconnaissance en tant que culte, conscients qu’ils ne parviendraient pas, à moyen terme, à instaurer un Etat véritablement laïque. Cette attitude peut se comprendre, compte tenu des rapports de force existant à l’époque, et je ne jette donc pas la pierre aux laïques d’hier. Mais en même temps, il faut bien constater que la situation actuelle constitue une entrave à l’instauration d’un véritable Etat laïque. Evidemment, cela impliquerait à mon sens la mise en cause principielle du financement des cultes, et donc de la laïcité. Ce qui explique que certains laïques soient si réticents aux propositions du R.A.P.P.E.L.

Hakim Arabdiou :  Vous montrez dans votre ouvrage combien les habitants de Belgique, y compris les musulmans, sont, comme ailleurs, confrontés à l’offensive convergente de la droite conservatrice, de l’extrême droite et des fascistes musulmans contre certaines valeurs humaines universelles, notamment celles des musulmanes, avec la complicité active de la frange antilaïque au sein de la gauche.

Nadia Geerts : Oui, il y a clairement une division dans le monde laïque, entre (comme le pointe très justement Caroline Fourest) ceux qui sont prirotiairement antifascistes (et s’opposent donc au fascisme islamiste comme à tous les autres) et ceux qui sont prioritairement anticolonialistes (et promeuvent donc une alliance avec les forces les plus réactionnaires de l’islam contre l’impérialisme occidental). Il est ainsi assez édifiant de lire, sous la plume de certains intellectuels dits progressistes, un soutien inconditionnel au Hamas et au Hezbollah par exemple. Manifestement, certains laïques éprouvent beaucoup de difficultés à être aussi critiques envers le cléricalisme musulman qu’ils ne l’ont été et ne le restent envers le cléricalisme catholique, parce qu’en fonction d’une lecture marxiste de certaines problématiques sociétales, ils choisissent d’être inconditionnellement du côté de l’opprimé musulman. Or, il me semble que si, indéniablement, les populations d’origines immigrées sont encore fréquemment victimes de racisme, cela ne justifie pas le soutien inconditionnel à toutes les exigences religieuses de la frange la plus réactionnaire d’entre eux. Le discours d’extrême droite augmente encore la confusion en stigmatisant l’islam, attitude propice à l’amalgame qui consiste à dire que dès lors que l’extrême droite critique l’islam, toute personne critiquant les dérives fondamentalistes de cet islam est également raciste. Or, il y a infiniment plus de points communs entre le monde tel que le rêvent les intégristes de tous poils et les extrémistes de droite qu’entre la vision du monde des progressistes et celle des intégristes.

Hakim Arabdiou :  Ne pensez-vous pas que les laïques et les féministes en Occident n’évoquent pas suffisamment la grande majorité des musulmanes dans leurs pays, ou en Occident, qui  refusent de porter le hidjab ; que beaucoup le portent sous la contrainte ou le matraquage idéologique ; et qu’une très grande partie parmi celles qui le portent ne respectent pas l’objectif assigné à cet habit, qui est de contrôler leur sexualité et de les priver de certains droits sociaux.

Nadia Geerts : C’est évident. Tout comme il est évident que l’argument "culturel" ne tient pas pour justifier le port du voile : les voiles sombres et enveloppants qu’on voit de plus en plus se propager dans les rues de Belgique n’ont rien de commun avec le voile traditionnel que portaient les Marocaines : c’est un code vestimentaire directement importé d’Arabie Saoudite, et dont la volonté est clairement de mettre la femme sous contrôle. Actuellement, on monte en épingle le discours de quelques femmes ou jeunes filles qui prétendent que "leur voile, c’est leur choix", mais on passe sous silence le fait que, partout dans le monde musulman, le voile est le premier instrument des islamistes pour imposer leurs codes sociétaux, ce dont nombre de femmes de ces pays sont parfaitement conscientes. Personnellement, je n’ai rien contre les femmes qui choisissent librement de porter le voile. Mais il faut bien comprendre que dans le cadre scolaire, on ne peut, contrairement à ce que prétend une certaine frange de la gauche, défendre à la fois le droit des filles à porter le voile et leur droit de ne pas le porter. Les règles qui prévalent à l’intérieur des établissements scolaires devant nécessairement valoir pour toutes, on ne peut que choisir entre soutenir le droit des filles à porter leur voile (en abandonnant alors celles qui le portent sous la contrainte) et soutenir le droit de celles qui voudraient se débarrasser de leur voile, au moins dans l’espace émancipateur de l’école. Personnellement, entre ces deux attitudes, mon choix est fait.

Hakim Arabdiou

2 - Exigeons le retrait de la resolution de l’Onu combattant la diffamation des religions

Le réseau international de solidarité des Femmes Vivant Sous les Lois Musulmanes (WLUML) est très inquiet au sujet de la Résolution des Nations Unies qui « combat la diffamation des religions ».
Le 18 décembre 2007, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté cette Résolution recommandée par sa Troisième Commission (Social, Humanitaire et Culture), et soutenue depuis longtemps par l’Organisation de la Conférence Islamique (OIC) qui a une délégation permanente auprès des Nations Unies.

En mars 2009 le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a de nouveau approuvé la Résolution qui somme les Etats membres de rédiger des lois qui interdisent la critique des religions ; elle mentionne spécifiquement l’Islam mais les lois pourraient s’appliquer à toutes les religions et croyances. 23 membres du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies ont voté en faveur de la Résolution, 11 ont voté contre, et 13 se sont abstenus.
Avant le vote, des centaines de laïques, religieux, media, associations de femmes ou autres, du monde entier, ont appelé le Conseil à Genève à rejeter les propositions qui étaient présentées par les 56 Etats de l’OIC. Des groupes de la société civile ont fait valoir que la Résolution « combattant la diffamation des religions » pourrait être utilisée dans certains pays pour réduire au silence et intimider les défenseurs des droits humains, des minorités religieuses et des dissidents, et autres voix indépendantes. En fait cette résolution permet de réduire de manière dramatique les libertés d’expression, de parole, de religion et de conscience. L’article 12, qui « souligne la nécessité de combattre la diffamation des religions par des actions stratégiques et harmonisées aux niveaux local, national, régional, et international par l’éducation et la prise de conscience » peut être utilisé pour réduire au silence des voix progressistes qui critiquent les lois et coutumes soi-disant fondées sur des textes et préceptes religieux. De surcroît cette Résolution aura un effet désastreux sur les lois nationales de plusieurs pays qui ont déjà fait valoir qu’ils se soumettront aux traités internationaux sur les droits humains seulement s’ils ne vont pas à l’encontre de lois d’origine islamique. Le WLUML maintient que cette Résolution n’a pas sa place dans la législation internationale car seuls les individus - pas les concepts ou croyances –peuvent être diffamés.
Après avoir rencontré le 9 décembre 2008 à Athènes le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la Liberté d’Opinion et d’Expression Frank LaRue, le Représentant de l’OSCE pour la Liberté des Medias Miklos Harszti, le Rapporteur Spécial de l’OAS pour la Liberté d’Expression Catalina Botéro, et le Rapporteur Spécial de l’ACHPR (Commission Africaine sur les droits de l’Homme et des Peuples) pour la Liberté d’Expression et l’Accès à l’Information Faith Pansy Tlakula, firent une déclaration commune sur la diffamation des religions et la législation anti-terroriste et anti-extrémiste dans laquelle ils déclarèrent : « Le concept de » diffamation des religions » ne concorde pas avec les définitions internationales concernant la diffamation qui font référence à la protection de la réputation des individus alors qu’on ne peut pas invoquer la réputation pour les religions, ou toute autre croyance ». Les droits de l’Homme sont inaliénables et indivisibles. Une Résolution qui aurait pour effet d’être utilisée pour empêcher un débat constructif, la critique, et l’expression créative a le pouvoir de restreindre considérablement les droits des membres les plus vulnérables de la société, notamment les femmes et/ou les membres de groupes minoritaires religieux, sexuels, ou ethniques. Cette Résolution n’aura aucun effet pour contrer le racisme ou la stigmatisation des musulmans. Ceux qui soutiennent cette Résolution utilisent précisément la discrimination à laquelle sont confrontées des minorités en raison de leur identité religieuse ou ethnique pour compromettre dangereusement les droits des minorités et aussi des majorités à la liberté d’expression, de croire ou ne pas croire, le droit de réinterpréter les textes et lois religieux, et le droit à la liberté sexuelle, ces droits qui sont reconnus par les législations nationales et internationales, sans crainte de répression et condamnations.

La Coalition Internationale des Défenseurs des Droits Humains des Femmes, dont fait partie le WLUML, proclame dans son rapport de la Journée Internationale des Femmes 2009 : « Nous insistons sur l’importance du travail effectué par les défenseurs des droits humains des femmes pour renseigner, surveiller et protéger ceux qui sont menacés à cause de leur religion ou leur foi ou dans l’exercice de leur droit à la liberté d’expression. Nous considérons que ces deux droits sont interdépendants et se renforcent mutuellement et nous observons que les tentatives de les limiter sur la base de « diffamation des religions » fragiliseront les conditions existantes, et gêneront le travail de leurs défenseurs en légitimant les attaques les prenant pour cibles. » Adopter cette Résolution placerait en effet les doctrines religieuses hiérarchiquement au-dessus des droits des individus.

La protection des droits humains fondamentaux étant en tête de la mission et du mandat des Nations Unies, nous exigeons que la Résolution sur « le Combat contre la diffamation des religions » soit révoquée et que les droits à la liberté d’expression et de conscience soient respectés et défendus par les légistes et les gouvernements nationaux.

Le WLUML Femmes vivant sous les lois musulmanes
www.wluml.org

3 - Excommuniés !

De temps à autre, l’actualité nous offre involontairement des sujets de réflexion morale. Tout se passe alors comme si une succession d’éléments dramatiques s’abouchait en exemple, échappant ainsi à la fugacité du fait-divers pour éclairer plus largement l’état d’esprit d’une nation, voire d’une époque. Le dernier en date vient du Brésil où une excommunication (contre une équipe médicale et la mère d’une victime) a été prononcée, voici deux semaines, par un archevêque particulièrement dogmatique. Avant de s’interroger sur le caractère anachronique de cette sentence, il convient de résumer les faits qui l’ont entraînée.

Une fillette de 9 ans, fréquemment violée par son beau-père depuis l’âge de 6 ans, s’est retrouvée précocement enceinte, qui plus est de jumeaux. Le médecin qui l’examine prescrit logiquement une interruption de grossesse, d’autant plus qu’un accouchement pourrait lui être fatal, vu sa constitution chétive. Cette mesure médicale a tout pour faire l’unanimité, y compris chez les catholiques, puisque la grossesse résulte d’un viol et qu’elle peut mettre en danger les jours de la mère. Elle rencontre cependant un opposant de taille en la personne de Dom José Cardoso Sobrinho, archevêque de Recife, pour qui « le viol est moins grave que l’avortement ». Et de frapper d’excommunication – autrement dit d’exclusion de la communauté chrétienne – la mère de l’enfant qui l’a amené à consulter, ainsi que le docteur Severiano Cavalcanti et son équipe qui l’ont avortée. La gamine, quant à elle, est épargnée en raison de son âge, de même que son abominable parâtre qui, démasqué, a été mis sous les verrous. Cette mesure, qui peut paraître dérisoire à des laïques, est gravissime pour des catholiques et tous les acteurs de cette triste histoire le sont, comme d’ailleurs la majorité des habitants du Brésil. L’affaire se répand et fait grand bruit dans l’opinion ; au point que le président Lula (lui-même chrétien) intervient dans le débat en faveur du médecin sanctionné. Le Vatican en est, bien entendu, informé et, finalement, par la bouche amène du porte-parole pontifical, le cardinal Giovanni Battista Re, il avalise la décision du prélat brésilien, car « le vrai problème, c’est que les jumeaux conçus étaient des personnes innocentes qui ne pouvaient être éliminés. »

On reste consterné devant tant de rigidité morale ; consterné par cette opiniâtreté à écarter la vérité criante des faits au profit d’une loi abstraite. Finalement, cet intégrisme-là n’a rien à envier à celui des fatwas décrétées par d’autres dignitaires religieux en d’autres parties du monde. Certes, il y a des causes historiques à ce durcissement de la parole écclésiale. On se souvient sans doute que le Brésil, voici quelques décennies, fut le champ d’expérience de la théologie de la libération professée par Dom Helder Camara. La lutte contre la misère, l’ignorance et les oppressions de toutes sortes était au centre de son programme. Un programme jugé un peu trop marxiste par Jean-Paul II qui s’appliqua, dès 1985, à y remettre de l’ordre. La nomination de Dom José Cardoso Sobrinho en est une conséquence. Il n’en reste pas moins que sa décision n’est guère propre à redorer le blason de l’Eglise. Elle donne non seulement du grain à moudre à tous ceux qui, pour une raison ou une autre, la rejettent mais elle aussi est de nature à diviser les chrétiens eux-mêmes. Une grande partie d’entre eux souhaite, on le sait, que l’Eglise ajuste davantage son discours à la réalité du monde d’aujourd’hui. Ce n’est donc pas cet arbitraire d’une autre époque, illustration assez parfaite de la lettre primant sur l’esprit, qui va apaiser leurs interrogations. Comment comprendre, en effet, qu’une telle sentence puisse être prononcée par le représentant d’une religion d’amour et de compassion, au vu du scandale que constitue en soi l’histoire de cette malheureuse fillette ? Comment justifier un pareil manque d’humanité de la part de ceux qui sont censés la protéger ? Ce sont là des questions graves et, pour une fois, reconnaissons que le vieux proverbe « vox populi, vox dei », est sans doute la conclusion qui s’impose ici.

Jacques LUCCHESI

4 - Pour la laïcité complète et visible des services publics au Québec

Critique d’une proposition du conseil d’administration de la Fédération des femmes du Québec

Le 9 mai prochain, les membres de la FFQ seront invitées à entériner une proposition de leur conseil d’administration en faveur de l’autorisation du port de signes religieux ostentatoires dans la fonction et les services publics québécois[1].

Cette position est étonnante de la part d’un organisme dont plusieurs batailles fondatrices étaient tournées vers l’objectif de la libération des femmes de l’emprise des dogmes religieux. En fait, si elle était endossée par les membres, cette prise de position pourrait remettre en question la place de la FFQ en tant qu’acteur majeur en matière de défense du droit à l’égalité des femmes.

Les services publics doivent être laïcs

La question du port des signes religieux dans les services publics soulève plusieurs enjeux, particulièrement celui de la laïcité. Même si (malheureusement) le Québec n’a adopté aucune déclaration formelle de laïcité, l’État se présente comme laïc. Le gouvernement et, au premier chef, le Premier ministre Charest, l’ont répété à plusieurs reprises. On ne peut ignorer non plus le fait que le Québec ait demandé l’abrogation de l’article 93 de la Constitution canadienne pour enlever aux catholiques et aux protestants des droits acquis, sécularisant le système scolaire public dans l’intention que les religions n’y jouent plus de rôle. Si l’on adhère à la prémisse à l’origine de cet amendement constitutionnel, selon laquelle la laïcité est essentielle pour permettre à nos institutions de s’adapter à la plus grande diversité sociale, il faut poursuivre nos efforts pour protéger cette laïcité récemment et durement acquise. La Commission Bouchard-Taylor a invité le gouvernement à mieux définir sa conception de la laïcité, mais jusqu’à présent, cette proposition est restée lettre morte. L’initiative de la FFQ offre donc une excellente occasion pour réfléchir à cet enjeu auquel sont confrontées actuellement les sociétés modernes.

Travailler dans les services publics comporte des obligations

Malheureusement, l’analyse proposée par la direction de la FFQ est décevante : incomplète, confuse, elle donne l’impression que la réflexion a été orientée vers une conclusion décidée d’avance.

D’abord, quoi qu’en disent les auteures de la proposition, il n’y a pas que le port du voile (hijab) qui soit en cause : si celui-ci devait être autorisé, il faudrait aussi permettre le port des turbans et des poignards sikhs, des kippas juives et des crucifix ostentatoires. Veut-on vraiment être soigné à l’hôpital par un infirmier qui porte un poignard ? Le citoyen juif orthodoxe se sentira-t-il à l’aise de passer un examen de conduite avec une femme portant le hijab ? Faut-il vraiment que les citoyen-nes sachent à quelle religion appartient un-e employé-e de l’État ?

Enfin, si la FFQ reconnaît la validité des obligations vestimentaires et autres signes religieux pour les employé-es des services publics, par quelles justifications pourra-t-elle refuser d’autres obligations réclamées au nom de croyances religieuses, tel le refus de travailler avec des personnes de l’autre sexe, l’obligation de prier à certaines heures et à certains endroits, l’impossibilité de côtoyer des non-croyants, le prosélytisme, etc. ?

Les dirigeantes de la FFQ ajoutent à la confusion en situant dans le même cadre d’analyse les usager-ères et les employé-es des services publics. Or, les responsabilités des un-es et des autres ne sont pas du tout les mêmes. Seul-es les employé-es des services publics sont tenu-es à un devoir de réserve qui restreint, dans l’exercice de leurs fonctions, différentes libertés comme la liberté d’expression ou d’opinion politique. Ces restrictions sont essentielles, car les employé-es de services publics sont mandataires en quelque sorte de toutes et tous les citoyens, et seule la plus grande neutralité peut assurer l’impartialité, ce qui implique aussi l’apparence d’impartialité. En outre, travailler dans les services publics n’est pas un droit absolu, c’est surtout une possibilité qui s’accompagne de devoirs et d’obligations pour tous et toutes.

Avoir des services publics laïcs a aussi comme conséquence que l’État n’a pas à savoir à quelle confession religieuse appartiennent les citoyen-nes et ses employé-es, ni s’ils et elles appartiennent même à une confession. On ne peut donc pas chercher à obtenir une représentativité des différentes confessions religieuses au sein de l’appareil public, car cette information est privée et non vérifiable. Par contre, l’État doit continuer d’accroître le nombre d’employé-es visé-es par les programmes d’accès à l’égalité qui, rappelons-le, n’incluent pas les confessions religieuses.

Les symboles sont des discours

Si une image vaut 1000 mots, les symboles sont quant à eux des discours. Et les symboles religieux sont des discours religieux. Est-ce que la neutralité des institutions publiques peut vraiment être assurée par la multiplication de ces discours chez les employé-es des services publics ? On peut en douter, sans compter que cette visibilité ostentatoire, clamant des appartenances religieuses, risque de mener à une surenchère par laquelle chaque groupe voudra se rendre visible.

Finalement, ce qui désole dans l’argumentaire développé par le conseil d’administration de la FFQ, c’est l’aval implicite accordé à la vision des fondamentalistes : en effet, les pressions en faveur du port des symboles religieux découlent d’une lecture fondamentaliste de textes écrits, il y a plus de 1000 ans. La majorité des pratiquant-es, fussent-ils de confession musulmane, hindoue, juive, sikh ou chrétienne, sont capables d’interpréter leurs textes « sacrés » et de les adapter au contexte contemporain. Les sociétés modernes qui ont adhéré à la démocratie ont en commun de réserver la pratique religieuse à la sphère privée et, surtout, elles ont choisi de gérer l’espace public, le vivre-ensemble, sur la base de règles démocratiquement choisies. Les fondamentalistes récusent, par essence, la primauté des règles démocratiques (comme la laïcité, l’égalité de tous et de toutes, la mixité des milieux, l’égalité des sexes sur le marché du travail, etc.) sur celles qu’ils considèrent émanant d’un dieu. Appuyer la vision fondamentaliste constitue une trahison de toutes celles et tous ceux qui luttent, ici et ailleurs dans le monde, parfois au péril de leur vie, pour leur droit à la liberté de conscience et pour une lecture des textes dits sacrés qui respecte la laïcité démocratiquement choisie.

Se solidariser avec les femmes qui luttent contre l’oppression

Comme le souligne le document de la direction de la FFQ, la question du hijab se pose avec encore plus d’acuité, mais pour des raisons qui débordent les exigences de la laïcité. En effet, on ne peut ignorer le contexte dans lequel s’inscrivent les revendications liées au hijab. À cet égard, il faut remarquer que les auteures réfèrent beaucoup aux femmes « racisées »[2], un terme dont elles usent et abusent, et qui renvoie « au fait que les groupes dont il est question font l’objet d’une stigmatisation basée sur la race » (page 1, document de la FFQ). Or, la liberté religieuse, invoquée ici, renvoie non pas à la race, mais plutôt à la liberté de conscience. En revanche, les auteures font bien peu de cas des femmes « sexisées » (stigmatisées en raison de leur sexe) par ces « obligations » vestimentaires, une problématique qui devrait pourtant se retrouver au cœur des préoccupations d’une organisation féministe.

Les motivations pour porter ce hijab peuvent être multiples : conviction religieuse ou fierté identitaire, modestie ou pour se faire remarquer, contre l’autorité parentale ou encore parce que la famille l’y oblige. Mais le hijab n’a qu’une seule signification : les femmes, et seulement les femmes, doivent se cacher les cheveux (et parfois le cou, le visage, les mains) quand elles se présentent dans l’espace public car leur chevelure serait source de désordre.

Le mufti de la mosquée de Marseille, Soheib Bencheikh, qu’on ne peut taxer d’islamophobie, écrit :
« Le voile est une fausse route pour les jeunes filles. Rien dans le Coran ne leur impose d’afficher ainsi leur foi. Le voile conduit trop souvent à des comportements inquiétants, comme le refus de la mixité, de l’égalité des sexes, des cours de biologie ou de sport. »[3]

On pourrait également citer l’anthropologue iranienne Chardott Djavann, Talisma Nasreen qui nous rappelle comment « aucune religion ne prône l’égalité entre les femmes et les hommes »[4], ou des femmes venues s’établir ici, comme Homa Arjomand (qui a mené la bataille contre les tribunaux islamiques en Ontario), l’auteure Djemila Benhabib, la présidente du Conseil musulman canadien, Farzana Hassan, ou la députée québécoise Fatima Houda-Pépin, et bien d’autres. On peut aussi référer aux témoignages recueillis auprès de femmes musulmanes par Yasmina Chouakri, responsable du Comité des femmes des communautés culturelles à la FFQ. [5] Toutes ces femmes, nées dans des familles musulmanes, pratiquantes et non pratiquantes, répètent à quel point le voile est « instrumentalisé » par des mouvements politiques qui n’ont rien de démocratique.

Compte tenu de ces voix qui se font entendre, comment se fait-il que la direction de la FFQ demande à ses membres de privilégier la voix de ceux et celles qui endossent la vision des fondamentalistes ?

Lire la suite sur le site de Sisyphe

Notes

[1] Débat sur la laïcité et le port de signes religieux ostentatoires dans la fonction et les services publics québécois - Proposition et réflexion du conseil d’administration pour l’assemblée générale spéciale qui aura lieu à Québec le 9 mai 2009, 18 pages, document PDF à télécharger depuis le site de la FFQ.

[2] NDLR de Sisyphe – Le terme "racisé" est un anglicisme qui prend des raccourcis avec les faits et confond des concepts différents.

[3] « On entre dans une radicalisation délirante ! », Le Parisien, mercredi, le 21 janvier 2004.

[4] « Aucune religion ne prône l’égalité entre les femmes et les hommes »

[5] Propos recueillis dans le cadre de l’avis du Conseil du statut de la femme : Droit à l’égalité entre les femmes et les hommes et liberté religieuse (2007)

Voir cet article sur son site d'origine

Diane Guilbault collaboratrice de Sisyphe.
auteure de Démocratie et égalité des sexes, éditions Sisyphe, 2008.

5 - La burqa : un linceul posé sur des femmes-fantômes

Suite au refus d’octroyer un logement à une famille dont l’épouse porte une burqa (voir affaire de Vénissieux), le MRAP national en conclut à un acte « islamophobe ». (voir le communiqué national du MRAP)

Les faits : "La Société Anonyme de Construction de la Ville de Vénissieux (SACOVIV), organisme social, a rejeté une demande de logement à une famille au motif que la mère de famille portait la burqa"

Aussi insupportable que soit cette bâche posée sur la femme ! Il y a bien discrimination dans l’accès à une prestation dans la mesure où la loi ne condamne pas cette camisole qui entend éradiquer la femme dans l’espace public.

Mais cette discrimination est précédée d’une autre ; la burka est en effet une prison de toile pour des millions de femmes dans les pays islamistes et quelques centaines en France.

C’est l’expression de la barbarie sexiste la plus absolue. La femme n’a même plus le droit à un visage comme dans le cas du Hijab. Elle est réduite à l’état de chose soustraite à la vie sociale et enfermée dans un linceul.

Dans le communiqué national, les considérations, au demeurant fondées, concernant le déficit de logements sociaux, ne sauraient masquer le silence volontaire et révélateur concernant cette négation radicale de la femme.

Plus grave ! alors que l’organisme SACOVIV a seulement invoqué une pratique de la religion incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française, la direction nationale du MRAP considère la Burka comme une tenue musulmane. Sur le site national le communiqué est d’ailleurs classé dans la rubrique "islamophobie" et non dans une rubrique « discrimination ».

La Halde est appelée à la rescousse sous couvert de la lutte contre les discriminations, afin de permettre au MRAP national de légitimer la bâche de toile en tant que vêtement musulman ce qui permet alors de présenter ceux qu’elle indignent comme des islamophobes.

La majorité des musulmans ne considèrent pas ce linceul posé sur des femmes-fantômes comme une tenue musulmane.

Voir cet article sur son site d'origine

Le MRAP Des Landes

5 - Proche-Orient

1 - Sondage : une majorité de Palestiniens et d’Israéliens veulent une solution à deux États

Sondage The Associated Press, publié dans Ha’aretz.

(traduction T.A. pour La Paix Maintenant)

 

La grande majorité des Israéliens et des Palestiniens veut vivre en paix côte à côte dans des États séparés, d’après un sondage de source indépendante publié mercredi dernier. Les résultats du sondage, commandé par le mouvement OneVoice, indiquent que 74 % de Palestiniens et 78 % d’Israéliens sont prêts à accepter une solution à deux États.

La marge d’erreur est de 4,1 % côté palestinien et de 4,5 % côté israélien, selon les sondeurs.

Le sondage a été réalisé par téléphone en Israël, et en face-à-face dans les territoires palestiniens. OneVoice a déclaré que ce sondage contredit les craintes d’une baisse de soutien à la solution à deux États en Israël et dans les territoires palestiniens.

D’après son site internet, OneVoice vise à rapprocher les Israéliens et les Palestiniens ; le mouvement plaide en faveur d’une solution à deux États et pour “faire entendre puissamment la voix des modérés parmi les Israéliens et les Palestiniens, leur donnant la force de reprendre la main dans la résolution du conflit”.

OneVoice réunit plus de 650. 000 signataires, en nombre plus ou moins égal parmi les Israéliens et les Palestiniens.

Le sondage a été mené par Colin Irwin, de l’institut d’Études irlandaises à l’université de Liverpool, Nader Saïd de l’Arab World for Research and Development in the West Bank, et l’institut de recherche Dahaf à Tel-Aviv.

Voir cet article sur son site d'origine

La Paix Maintenant www.lapaixmaintenant.org

6 - à lire, à voir ou à écouter

1 - L’AFIS : s’affranchir par l’information scientifique

Comment les "vérités" trouvées sur internet peuvent elles si facilement ébranler nos certitudes ?
Pourquoi les moindres arguties disposant d’un vernis pseudo-scientifique ont elles autant de succès ?

La réponse est simple : nous n’avons pas tous la formation scientifique ou les outils d’analyses suffisants pour faire la part des choses.
Les tours du World Trade Center ne seraient pas tombées sur le seul effet des avions écrasés mais avons nous les connaissances en thermodynamique suffisantes pour choisir parmi les démonstrations éparses ?
Un élu "Vert" prétend qu’il est nécessaire de limiter les naissances humaines pour sauver la Planète mais que connaissons nous de la démographie et des sciences humaines ?
Bref nous sommes tous des ilotes face aux flots d’informations dont nous disposons sans cesse.

Aussi l’Association Française pour l’Information Scientifique se donne pour but de promouvoir la science contre ceux qui nient ses valeurs culturelles, la détournent vers des œuvres malfaisantes ou encore usent de son nom pour couvrir des entreprises charlatanesques. La science ne peut résoudre à elle seule les problèmes qui se posent à l’humanité, mais on ne peut les résoudre sans faire appel à la méthode scientifique. Les citoyens doivent être informés des progrès scientifiques et techniques et des questions qu’ils soulèvent, dans une forme accessible à tous et en toute indépendance vis-à-vis des intérêts privés, quels qu’ils soient. Ils doivent être mis en garde contre les fausses sciences et ceux qui dans les médias leur prêtent la main par intérêt personnel ou mercantile. Voilà la mission à laquelle l’AFIS veut se consacrer.

Au travers de sa revue Science et pseudo-sciences disponible sur abonnement ou dans 3000 points de ventes elle veut donc :
- retenir dans l’actualité scientifique et technique, un certain nombre de faits pour en considérer d’abord la signification humaine,
- diffuser une information scientifique constituée de nouvelles d’actualité dans toutes les branches de la recherche, dans un langage accessible à tous,
- dénoncer sans réserve les marchands de fausses ou de pseudo-sciences (astrologie, soucoupes volantes, sectes, "paranormal", médecines fantaisistes) et les charlatans malfaisants pourvoyeurs de l’irrationnel,
- défendre l’esprit scientifique contre la menace d’un nouvel obscurantisme.

Elle se veut indépendante de tout groupe de pression et veut éviter toute concession au sensationnalisme, à la désinformation et à la complaisance pour l’irrationnel.

Essentiel en cette période où le capital a trouvé un moyen d’améliorer son taux de profit en exploitant les incertitudes scientifiques, les peurs millénaristes et les réflexes réactionnaires !

http://www.pseudo-sciences.org/

Nicolas Pomiès

Nicolas Pomiès

2 - Exposition de peinture : « technique mixte peinture-tissage contemporain »

Khadidja Seddiki, artiste peintre-licière, d’origine algérienne, expose, depuis le 11 avril dernier, plus d’une cinquantaine de ses œuvres, dans l’enceinte de la Mairie de gauche du 12e arrondissement de Paris, sur l’initiative du service culturel de cette municipalité. C’est volontiers que l’artiste a accepté de répondre à nos questions.

Hakim Arabdiou : Khedidja Seddiki, voulez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Khedidja Seddiki : Je suis originaire d’El Bayadh, une ville située dans le sud-ouest de l’Algérie, près du mont Amour, une ville réputée pour ses tapis ; une ville où, dans chaque demeure, trônait en bonne place un métier à tisser. J’ai donc grandi au milieu des tisserands et des artisans. Ma maman était tisserande, et c’est elle, la première, qui m’a transmis son amour et son savoir-faire du tissage. Il n’empêche qu’au début, avec le mode de vie de plus en moderne, je considérais cette technique comme désuète. Un peu plus tard, je me suis rendue compte de la valeur de ce patrimoine. C’est pourquoi, par mes créations artistiques, je veux rendre hommage aux tisserands du monde entier, en particulier à celles de mon pays, car ce sont en majorité des femmes qui transmettent jour après jour leur savoir-faire dans l’anonymat.

Hakim Arabdiou : Comment vous est venue la vocation de votre métier ?

Khedidja Seddiki : Dès l’âge de dix ans mes parents et mes enseignants ont décelé mes prédispositions en dessin, et m’ont encouragé à suivre des études artistiques. J’ai alors suivi dans un centre dans ma ville une formation technique dans le domaine du dessin de maquettes et de modèles de tapis ; et j’ai commencé à tisser. J’ai pu ensuite accéder à l’École nationale des Beaux-arts d’Oran, puis à l’École supérieure des Beaux-Arts d’Alger. J’ai également obtenu, en 1980, une bourse d’études jusqu’en 1986, à l’Académie royale des Beaux-arts de Bruxelles, où je me suis spécialisée en arts plastiques. J’ai suivi ensuite une formation en tissage artistique à l’Académie des arts et métiers de Bruxelles.

Hakim Arabique : C’est à l’issue de vos études en Belgique que vous êtes venue vivre en France ?

Khadidja Seddiki : Non, je suis rentrée en Algérie, afin de transmettre mon savoir et promouvoir mon art dans mon pays. C’était en 1987. J’avais été recrutée au Musée des Beaux-Arts d’Alger en tant qu’attachée de recherche, et j’avais créé, en parallèle, dans le cadre du service pédagogique et culturel du musée, un atelier de peinture et de tissage pour enfants. Quelques années plus tard, j’ai participé, avec de nombreux confrères et consœurs algériens, à une exposition en hommage à Picasso à Alger et en France. Or il se trouve, et je le dis avec beaucoup de modestie, que j’étais l’unique artiste-peintre algérienne à avoir réalisé une œuvre tissée en hommage à Picasso, et qui s’intitulait « Ombre et lumière ». J’ai obtenu de l’État français,
en 1991, une bourse de recherche, on appelle cela une résidence d’artistes, pendant trois ans, aux Gobelins, à Paris. Les Gobelins sont une grande et magnifique institution, spécialisée dans le domaine du patrimoine de la tapisserie et du tissage artistique, où ont été réalisées de grandes œuvres de Chagall, Picasso, Miro, Matisse et de nombreux autres artistes.

Hakim Arabdiou : Vous avez finalement trouvé en France de meilleures conditions à votre travail d’artiste?

Khadidja Seddiki : Mon souhait était une fois de plus de rentrer dans mon pays. Ceci d’autant plus que Ahmed Asselah, le directeur de l’École supérieure des Beaux-Arts d’Alger, m’avait proposé de créer un atelier de tissage et de peinture dans son établissement. Malheureusement, M. Asselah a été assassiné par les terroristes durant cette période. Je n’avais pas pu, non plus, rentrer en Algérie à cause de la situation dramatique que le pays traversait, et du fait également que je venais d’entamer une carrière professionnelle en France. J’en ai profité pour préparer, en 1994-1995, une maîtrise dans le domaine du tissage à Paris Denis-Diderot, à Jussieu.

Hakim Arabique : On constate divers types de peinture dans votre exposition.

Khadidja Seddiki : Effectivement, ce que vous avez vu, aujourd’hui, dans ce vernissage, c’est l’articulation de l’exposition autour de trois aspects. Il s’agit d’estampes, d’œuvres tissées et d’un grand nombre d’œuvres que j’ai intitulées « technique mixte peinture-tissage contemporain ». C’est une technique inédite que j’ai mise au point voilà une quinzaine d’années. C’est ma spécialité. Je suis pour cette raison une artiste peintre-licière.

Hakim Arabdiou : Pouvez-vous nous donner la signification du mot licière ?

Khadidja Seddiki : Une œuvre tissée fonctionne en deux temps. Le peintre possède le rôle de créateur et le licier (qui veut dire tisserand) celui de réalisateur technique. Un artiste accompli doit mener les réalisations esthétique et technique, et obtenir ainsi une homogénéité de l’œuvre.

Hakim Arabdiou : Et comment procédiez-vous auparavant ?

Khadidja Seddiki : Auparavant, je peignais ; et ensuite je tissais ma peinture. Le résultat est une double œuvre : une peinte et une seconde tissée. Peinture et tissage sont les deux pôles complémentaires à ma créativité. A force de pratiquer, associé à mon désir de forger mon propre style, j’ai fini par fusionner ces deux passions en une seule œuvre. Cette fusion a engendré une troisième dimension : la musique.

Hakim Arabdiou : Pourquoi la musique ?

Khadidja Seddiki : Parce que lorsque je tisse, j’ai la sensation d’entendre des sons musicaux. Une fois l’œuvre achevée, elle se révèle aussi par la vue au visiteur de l’œuvre. Ce qui fait qu’il y a une musique du silence. Vous avez dû observer, que dans chaque œuvre, figurent des fils verticaux et des fils horizontaux.

Hakim Arabdiou : Oui.

Khadidja Seddiki : Les fils verticaux symbolisent la chaîne du métier à tisser et aussi des instruments à cordes tels que le violon, la harpe, la guitare, le luth ; et les fils horizontaux évoquent des portées et une participation musicale.

Hakim Arabdiou : Je suppose que vous avez déjà eu l’occasion d’exposer votre œuvre ?

Khadidja Seddiki : Oui. J’expose tous les ans, aussi bien individuellement que collectivement, tant en Algérie, qu’en France : plusieurs fois à Paris et sa banlieue (Châtillon, Montrouge…), en Bourgogne, en Alsace, en Ardèche, dans les Cévennes, à Cannes, à Rouen, etc. J’ai exposé aussi dans d’autres pays : la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, le Canada, la Tunisie, les Etats-Unis d’Amérique, la Suisse, les Pays-Bas, l’Espagne, etc.

Hakim Arabdiou : Quels sont vos projets ?

Khadjidja Seddiki : Deux expositions m’attendent à Montréal, l’une en mai, avec des confrères canadiens et algériens, et l’autre en juin, seule, au Musée de design textile. Je vis et travaille depuis le début des années 1990 entre Sèvres et Paris, et à Vanves, dans les Hauts-de-Seine, où j’ai réalisé, il y a quelques peu, un rêve que je portais en moi depuis plusieurs années : celui d’ouvrir un atelier de tissage-école d’art que j’ai appelé « TissarT »[1], pour les enfants, les adolescents et les adultes.

Hakim Arabdiou : Vous menez également une activité citoyenne ?

Khadidja Seddiki : J’ai été entre autres co-présidente de l’Association de dialogue interculturel à Sèvres et à Meudon. C’est une association qui regroupe des personnes de bonne volonté, juives, chrétiennes et musulmanes, désireuses de développer un dialogue entre concitoyens, issus de ces trois cultures, dans un esprit de fraternité, de tolérance et de paix. L’Art, qui est ma vocation et ma profession, n’a cessé de me conforter dans cette conviction d’un langage universel et commun à l’humanité. Notre action la plus importante a été l’organisation, du 27 mars au 6 avril 2008, à Sèvres, d’une semaine culturelle, que nous avions intitulée, « Al Andalous », et qui a rencontré un vif succès. Je ne suis plus co-présidente, car ma petite école d’art accapare tout mon temps.

Notes

[1] TissartT, atelier-école, 5, rue Raymond Marcheron, 92170 Vanves.

Hakim Arabdiou

Agenda

lundi 11 mai 2009, 20:30

Comment la politique de colonisation est devenue la plus grande menace pour la société israélienne

Cercle Bernard Lazare
10 rue St Claude
(métro St Sébastien Froissart)
à Paris 75003

Nous recevrons Dror Etkes, membre de l’association Yesh Din qui veut dire « Il y a une loi ! » ou « La loi existe ! ».

Yesh Din est une organisation israélienne créée en mars 2005 qui a pour but de s’opposer aux violations des droits de l’homme pratiquées par les autorités israéliennes dans les territoires occupés de Cisjordanie. Actuellement, elle assure le suivi juridique de 4 grands projets juridiques, portant chacun sur un domaine particulier du respect du droit et de l’application de la loi en Cisjordanie :

Dror Etkes, qui fut le directeur de l’Observatoire des Colonies de La Paix Maintenant de 2002 à 2007, est en charge de ce quatrième projet. Le titre de son intervention est :

« Comment la politique de colonisation est devenue la plus grande menace pour la société israélienne »

Entrée libre pour nos adhérents à jour de leur cotisation. PAF 5 € pour les non-adhérents.

samedi 16 mai 2009, 09:00

Colloque Europe : la santé dans la tourmente

Salle du Conseil régional d’Ile-de-France
57 rue de Babylone - Paris 7ème
Métro Saint-François Xavier ou Sévres-Babylone

Organisation : UFAL, Mémoire des luttes, UNAM

Contact : ufalsiege@ufal.org | 01 46 27 09 25

Pour plus d'informations : cliquez ici

Pour vous inscrire : cliquez ici

Voir l'agenda complet en ligne

ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine est édité par l'association:
"Les Amis de ReSPUBLICA"
27 rue de la Réunion
75020 PARIS

Courriel: respublica@gaucherepublicaine.org
Site: http://www.gaucherepublicaine.org