Chronique d'Evariste
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Nicolas Sarkozy et la boite de Pandore

par Évariste
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Dans la mythologie grecque, Pandore fut créée par Zeus pour se venger des hommes. Elle amena avec elle une jarre, qui renfermait tous les maux de l’humanité, dont la Vieillesse, la Maladie, la Guerre, la Famine, la Misère, la Folie, le Vice, la Tromperie et la Passion, ainsi que l’Espérance.

Poussée par la curiosité, Pandore finit par ouvrir sa boite, libérant ainsi tous ces maux. Nicolas Sarkozy, lui, en a fait un programme politique.

Ce programme est appliqué de façon méthodique, avec entre autres exemples : la destruction de la protection sociale (la Vieillesse et la Maladie), la réintégration du Haut Commandement de l’OTAN et l’envoi de nouvelles troupes en Afghanistan (la Guerre), la mise à sac de la vertu républicaine et de l’intérêt général au profit du népotisme, des intérêts des puissants et du bling-bling (le Vice), l’aggravation des injustices sociales - bouclier fiscal, politique de l’immigration, du logement, des bas salaires - (la Famine et la Misère), la laïcité « positive » dans laquelle le prêtre aura plus de place que l’instituteur (l’Espérance), le tout mâtiné de beaux discours sur la République, la Civilisation, l’Écologie, et la régulation du capitalisme (la Tromperie). Restaient la Folie et la Passion : la création d’un ministère de l’identité nationale et le lancement d’un débat sur ce thème dans une perspective électoraliste viennent de libérer ces deux derniers maux.

La Folie et la Passion

Pure Folie, car Nicolas Sarkozy a demandé à Éric Besson de lancer ce débat à travers toute la France pour reconquérir l’électorat d’extrême-droite qui n’aurait guère apprécié l’affaire Frédéric Mitterrand et la tentative avortée de mettre Jean Sarkozy à la tête de l’EPAD. Mais cette stratégie est en train de se retourner contre lui : elle risque bien de remettre le Front National en piste pour les régionales : au petit jeu des thèses nauséabondes et des débats avec du « gros rouge qui tâche »1, l’élève Sarkozy ne dépasse pas encore le maître Le Pen.
Pour ceux qui doutent que ce débat soit autre chose qu’une tactique électoraliste, il suffit de regarder du côté de l’éducation nationale et des universités : Luc Chatel décide de supprimer l’Histoire-Géographie en Terminale S, cependant que les Humanités et les sciences sociales continuent de disparaître des enseignements…  On voudrait un peuple ignorant de son histoire et de ses lettres, dépourvu d’esprit critique, on souhaiterait la pure et simple négation d’un peuple de citoyens, qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
C’est précisément l’Histoire qui nous apprend qu’il aura fallu une révolution pour instaurer un modèle politique fondé sur des principes à la fois rationnels et universels : la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité et la démocratie. C’est l’Histoire qui nous apprend qu’un tel modèle ne peut exister ni se maintenir sans l’instruction publique qui permet de former des citoyens libres et éclairés. Que le combat laïque et le combat social doivent être menés de front pour que l’idéal républicain se réalise pleinement. Que la France a eu ses moments de grandeur quand elle a respecté les principes constitutifs du modèle républicain, et ses moments de bassesse quand elle les a niés ou dévoyés (Empire, restauration, colonisation, pétainisme, racisme et antisémitisme…). Que ce sont les luttes, les grèves et l’action politique qui ont permis aux citoyens d’arracher des droits. C’est à l’aune de cette Histoire qu’il faut juger les actes politiques d’aujourd’hui. Ignorer cet héritage revient à nous livrer pieds et poings liés aux puissants.
Au thème scabreux de l’identité nationale, nous préférons le combat en faveur des principes républicains. L’identité nationale renvoie à l’imaginaire que chacun projette, à partir de son histoire singulière et de son ressenti particulier, sur la France. C’est la raison pour laquelle un tel sujet de débat ne peut qu’alimenter les Passions et les divisions. Il ne peut conduire qu’à la discorde. Les principes républicains sont, au contraire, déductibles d’un modèle politique qu’il est possible de déployer de façon rigoureuse et cohérente. Le modèle républicain a pour visée la volonté générale, sans laquelle il n’est pas de concorde possible.
Ce débat ne peut qu’alimenter la confusion. La tribune que Nicolas Sarkozy a récemment publiée dans le Figaro est, à ce titre, éloquente.

« La France, tu l’aimes chrétienne ou tu la quittes »

Passons sur le fait qu’il estime avoir pris en compte le vote « Non » au référendum de 2005 en plaçant la France à « la tête du combat pour changer d’Europe ». On lui fera remarquer que pour quelqu’un qui se targue de ne pas avoir peur du peuple, il n’a pas osé faire un second référendum… Mais ce n’est pas le sujet.
Ce qui, en revanche, nous amène au coeur du sujet, c’est la série d’amalgames qu’il fait dans cette tribune.
Pour légitimer le débat sur l’identité nationale, Nicolas Sarkozy commence par établir un bien étrange lien entre la votation sur les minarets en Suisse et le supposé besoin d’identité en Europe. Avec tant d’amis qui ont choisi de résider en Suisse, Nicolas Sarkozy devrait pourtant savoir que ce pays n’est ni républicain, ni laïque. Le préambule de la constitution de la confédération helvétique commence ainsi : « Au nom de Dieu Tout-Puissant ! Le peuple et les cantons suisses, Conscients de leur responsabilité envers la Création, […] » Quoi de commun avec la France où un tel référendum serait tout simplement non constitutionnel et dont l’État garantit la liberté de conscience et de culte pourvu qu’elles s’exercent dans les limites du droit commun ? Ce n’est pas la présence de minarets en tant que telle qui pourrait poser problème en France : la seule question qui, dans un État laïque, est susceptible de se poser est celle du financement des édifices religieux (qui ne saurait se faire sur des fonds publics) et du respect des règles de l’urbanisme.
On relèvera cet autre passage, qui ne peut qu’introduire la confusion dans les esprits : « Mais je veux leur dire aussi [aux musulmans, NDLR] que, dans notre pays, où la civilisation chrétienne a laissé une trace profonde, où les valeurs de la République sont partie intégrante de notre identité nationale, tout ce qui pourrait apparaître comme un défi lancé à cet héritage et à ces valeurs condamnerait à l’échec l’instauration si nécessaire d’un islam de France […] » Les musulmans doivent-ils comprendre que « la France, tu l’aimes chrétienne ou tu la quittes » ? Que la civilisation chrétienne est constitutive de la République ? Qu’il y a continuité entre les valeurs chrétiennes et les valeurs républicaines ? Ce serait oublier que la République s’est construite en rupture avec la France chrétienne, que cette rupture a été violente, qu’il aura fallu qu’un sang impur abreuve nos sillons (que le sang bleu des forces monarchistes et cléricales soit versé)2. Il aura fallu plus d’un siècle de combat laïque pour que la séparation entre l’État et les églises soit réalisée en 1905. Et là encore, le moins que l’on puisse dire, c’est que cela ne s’est pas fait sans violence.
Par ailleurs, laisser penser que l’immigration (c’est-à-dire les musulmans ou l’islam, termes qui, sous la plume de Nicolas Sarkozy deviennent des synonymes) pose, en elle-même, un problème d’identité nationale revient à nier notre histoire politique : c’est oublier en effet que la France révolutionnaire a instauré le droit du sol et qu’à cette époque toute personne qui se reconnaissait dans le projet politique républicain pouvait devenir française. Mais c’est aussi s’aveugler sur le véritable problème, qui n’est pas l’immigration elle-même, mais les raisons et les conditions de cette immigration : populations fuyant la misère engendrée par le néolibéralisme, la guerre et les dictatures, filières maffieuses d’immigration clandestine qui se renforcent à la faveur du durcissement des règles d’immigration, xénophobie et discriminations, tout cela produit une main-d’œuvre corvéable à merci et sous-payée, que certains patrons n’hésitent pas à utiliser pour casser les acquis des salariés.

Refuser de participer au débat sur l’identité nationale est une décision légitime, mais insuffisante. Il faut aussi dénoncer cette stratégie de dupe qui consiste à inviter les citoyens à débattre sur l’identité nationale alors même qu’on en sape les fondements. Il faut dénoncer cette dérive dangereuse qui consiste à substituer à la conception républicaine du peuple une représentation ethnique ancrée dans des particularismes religieux et culturels. Il faut, enfin, lutter contre cette politique néolibérale qui nie le principe de laïcité et qui substitue la charité au principe de solidarité.

  1. édifiante citation de Nicolas Sarkozy rapportée par le Canard Enchaîné du 9/12”, qui montre quel mépris un Président peut avoir pour le peuple []
  2. Sur ce point, on peut reconnaître à Christine Boutin une certaine cohérence avec les idées qu’elle défend lorsqu’elle demande à changer les paroles de la Marseillaise []
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Appel à soutenir le Bureau Laïque International

par L'Union des FAmilles Laïques
www.ufal.org

Constatant :

- Que la théorie dite du « choc des civilisations » entre d’un côté un occident chrétien, de l’autre un orient musulman, tend à s’imposer au mépris de tous ceux qui, partout dans le monde, militent en faveur d’un modèle politique fondé sur le principe de laïcité ;
Que, sous couvert de défendre un « droit à la différence », de nombreux Etats légitiment la différence des droits entre les citoyens en fonction de leurs options spirituelles, favorisant ainsi les communautarismes ;

- Qu’avec l’aide des religions, des gouvernements tentent d’embrigader les peuples dans des affrontements guerriers meurtriers ;

- Qu’en plus de lutter contre les inégalités existant entre les hommes et les femmes, ces dernières doivent sans cesse défendre les droits acquis, notamment en matière d’égalité socio-professionnelle et de maîtrise de leur corps ;

- Que, dans de nombreux pays, l’avancée des divers intégrismes vient aggraver leur sujétion ;

- Que, malgré un mouvement de sécularisation et de recul des religions, la mondialisation des politiques néolibérales qui, à la faveur du consensus de Washington, ont engagé dès le début des années 80 la marche forcée vers la privatisation et la marchandisation de toutes les activités humaines a exacerbé les replis communautaires (le désengagement de l’Etat nécessitant le recours à des formes de solidarités traditionnelles et la substitution du principe de charité à celui de solidarité nationale) ;

- Que la posture de la gauche communautariste qui n’hésite pas à faire alliance avec les religieux sous prétexte de contrer l’ « impérialisme occidental » est aussi néfaste que la posture néolibérale qui consiste à désinvestir le champ social, laissant ainsi les mêmes religieux s’engouffrer dans la brèche ;

- Que la crise économique actuelle accentue les inégalités de fait et la pauvreté ;
Mais que, partout dans le monde, de nombreuses mobilisations ont lieu pour lier le combat laïque, le combat féministe et le combat social ;

Les organisations et personnes ci-dessous ont constitué un Bureau Laïque International – dit BLI – basé sur les présentes résolutions, en vue de promouvoir le principe de laïcité dans le monde :

1. Nous affirmons notre attachement au principe de laïcité. Le principe de laïcité, notamment par la stricte séparation des Etats et des Eglises, garantit la non-ingérence de la religion dans la sphère de l’autorité publique, en même temps que la parfaite indépendance vis-à-vis de l’Etat des associations religieuses et spirituelles que les individus forment dans la société civile. La laïcité garantit aux citoyens la liberté de conscience absolue : la liberté de croire, de ne pas croire, de changer de croyance, ainsi que la liberté d’expression. A ce titre, la liberté de critiquer les religions ne saurait être remise en question et prévaut sur toutes les tentatives d’instaurer un délit de « diffamation des religions et de leurs prophètes ».

2. Nous affirmons notre attachement au principe de l’égalité et de l’universalité des droits. Attachés que nous sommes à une conception républicaine de la citoyenneté, nous rejetons toutes les formes de régimes qui, au nom d’un particularisme quelconque, segmentent le corps politique, que ce soit en vue de privilégier une catégorie de citoyens ou de l’exclure. A ce titre, nous entendons lutter contre toutes les formes de discriminations, notamment celles que subissent les femmes et les minorités.

3. Nous refusons le néolibéralisme mondialisé, prédateur et destructeur, qui accroît la paupérisation dont les femmes et les enfants sont toujours les premières victimes et qui requiert, comme palliatif au désengagement de l’Etat, le repli sur des solidarités traditionnelles de type communautaire. Face au néolibéralisme, nous appelons à la globalisation des combats.

Aujourd’hui, en cette date du 9 décembre 2009, nous lançons un appel solennel à toutes les personnes et organisations en accord avec les principes ci-dessus afin qu’elles soutiennent notre initiative en signant ce texte et nous rejoignent.

Les fondateurs du BLI

Coalition for a Secular State, Serbia
Collectif citoyen pour l’égalité et la laïcité (CCIEL), Montréal
Council of Ex-Muslims of Britain
Development Alternatives with Women for A New Era (DAWN),  international network
Equal Rights Now – Organisation against Women’s Discrimination in Iran
Iran Solidarity
Iranian Secular Society
MAREA
, feminist journal, Genova, Italy
Parti pour la Laïcité et la Démocratie (ex MDSL), Algérie
Protagoras, Croatia
One Law for All Campaign against Sharia Law in Britain
Organization for Women’s Liberation (OWL), Iran
Secularism Is A Women’s Issue (SIAWI), international network
Southall Black Sisters, UK
Union des Familles Laïques (UFAL), France
Women Against Fundamentalism, UK
Women’s Initiative for Citizenship and Universal Rights (WICUR) international network
Women in Black - Belgrade (WIB), Serbia
Women Living Under Muslim Laws (WLUML), international network

Sunila Abeysekera, is a human rights activist and is the executive
director of International Women’s Rights Action Watch Asia Pacific
Zarizana Abul Aziz, lawyer, human rights activist, Malaysia
Samia Allalou, journaliste, Algérie/France
Hakim Arabdiou, militant laïque, France
Soheib Bencheikh, théologien, spécialiste des religions et de la laicité, ancien mufti de Marseille, France
Djemila Benhabib, auteure de « Ma vie à contre-Coran », récipiendaire du Prix des écrivains francophones d’Amérique
Codou Bop, journaliste, Dakar, Sénégal
Caroline Brancher, co-responsable du secteur féminisme et laïcité de l’UFAL, Paris
Ariane Brunet, co-fondatrice de Urgent Action Fund , Montréal
Sonia Correa,  co-coordinator of Sexuality Policy Watch and Research Associate at ABIA (Brazilian Interdisciplinary Association for AIDS - Brazil), Rio De Janeiro
Yvonne Deutsch, feminist peace activist, Jerusalem
Lalia Ducos, présidente de WICUR, Paris-Alger
Alda Facio, jurist and feminist human rights activist, part of the Campaign for Debaptisation, Costa Rica
Caroline Fourest, essayiste, Paris/France
Gigi Franscisco, coordinator of the DAWN international network, Manila, The Philippines
Pierre Galand, président du Centre d’action laïque (CAL), Belgique
Nadia Geerts, initiatrice du R.A.P.P.E.L. (le-rappel.be), Belgique
Laura Guidetti, President and co-founder of MAREA, Genova, Italy
Marieme Helie Lucas, fondatrice du WLUML et coordinatrice de SIAWI, Algérie/France
Hameeda Hossain, co-chair of South Asians for Human Rights and Chairperson of Ain o Salish Kendra, Dhaka, Bangladesh
Ayesha Imam, Sociologist, human rights activists, Nigeria
Harsh Kapoor, founder of South Asia Citizens Web (sacw.net), France/Inde
Sultana Kamal, lawyer and human rights activist, Executive Director of Ain O’Salish Kendra, Dacca, Bangladesh,
Cherifa Kheddar, présidente de l’association ” Djazairouna” des Familles Victimes du Terrorisme Islamiste, Algérie
Catherine Kintzler, philosophe, Paris, France
Monica Lanfranco, journalist, co-founder of MAREA, Genova, Italy
Azar Majedi, president of OWL, Iran/U.K
Maryam Namazie, Campaigner, Iran/U.K
Henri Pena Ruiz, philosophe de la laïcité, France
Fariborz Pooya, Iranian Secular Society, Iran/U.K
Venita Popovic,  Zenica, Bosnia and Herzegovina
Mary Jane Real, lawyer and human rights activist, Manilla, The Philippines
Rhoda Reddock, feminist historian, Professor at the University of the West Indies at St. Augustine, Trinidad and Tobago
Nina Sankari, Présidente de l’Initiative Féministe Européenne (IFE), Pologne
Aisha Shaheed, historian and women’s rights activist,Canada/Pakistan/UK
Mohamed Sifaoui, journaliste, Algérie/France
Madanjeet Singh, UNESCO Goodwill Ambassador and founder of South
Asia Foundation
Fatou Sow, sociologue au CNRS, Dakar, Sénégal
Gila Svirsky, Women In Black, Jerusalem
Lino Veljak, Professor of philosophy, University of Zagreb, founder of PROTAGORAS, Croatia
Fiammetta Venner, journaliste, Paris/France
Vivienne Wee, anthropologist and women’s rights advocate, Singapore and Hong Kong, China
Stasa Zajovic, founder of WIB-Belgrade, coordinator of the Coalition for a Secular State, Serbia

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Et si on changeait de bon peuple ?

par Djemila Benhabib
auteure de "Ma vie à contre-Coran : une femme témoigne sur les islamistes" aux éditions VLB

L’image de cette petite et riche enclave au cœur de l’Europe célèbre pour sa fondue, sa raclette, son chocolat et enviée partout dans le monde pour ses stations de ski et ses lacs paisibles, miroirs où se reflètent des paysages et jardins bucoliques, serait-elle en train de changer ? Que dire de sa flore humaine? Les Suisses auraient-ils subi des mutations biologiques accélérées pour célébrer le deux centième anniversaire de Darwin et sa théorie de l’évolution ? Les Suisses, d’habitude si «pragmatiques», s’enflammeraient pour quatre minarets ? Seraient-ils tout simplement trouillards ou plutôt courageux ? Et s’ils étaient ni l’un ni l’autre? Se pourraient-ils qu’ils craignent tout simplement la montée fulgurante de l’islamisme politique partout dans le monde et en particulier en Europe ?

Une chose est sûre, les Suisses viennent de créer un précédent en assénant un coup de massue populaire à la gent politique. En effet, leur vote massif pour l’interdiction des minarets n’est pas tant une victoire de l’extrême droite qu’une défaite des politiques, incapables de recentrer le débat sur les valeurs fondamentales de la démocratie, à savoir la laïcité, l’égalité entre les hommes et les femmes et l’égalité des chances. Il est évident que ce suffrage traduit un écart de plus en plus profond entre le bon peuple et l’élite bien pensante qui avale, cette fois-ci bien difficilement, la pilule. Faut-il pour autant annuler le vote comme le réclame certains ? Et pourquoi ne pas changer de peuple ? Y a-t-on pensé ? Pourtant, tout avait été mis en place pour que l’on « vote bien ». Quasiment toute la classe politique suisse, de la droite à la gauche, des écolos aux curés, des gauchos aux patrons, avait mené le bal pour appeler à voter non. On a sorti la grosse artillerie habituelle : quiconque s’affichait en faveur de l’interdiction a été accusé de xénophobe, de raciste, d’intolérant et d’islamophobe. Des alliés ont même été appelés au renfort : l’ambassadeur de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) est invité à faire campagne pour le non après avoir vertement critiqué la Suisse. Ce qui a fait dire au journaliste Vincent Pelligrini : « C’est un peu l’histoire de celui qui voit la paille dans l’œil du voisin et pas la poutre dans le sien » ! L’OCI, là où fourmillent des dictatures et des théocraties islamiques, qui mène une campagne acharnée pour faire reculer partout dans le monde - et à l’ONU en particulier - les droits des femmes et des homosexuels, qui fait tout pour réduire la liberté d’expression et de conscience au nom du respect des religions, des traditions et des cultures, est montée au créneau pour défendre la démocratie en Suisse.

Pendant la campagne, le bon peuple s’est bien gardé d’exprimer ses penchants. Motus et bouche cousue. De toute façon, à quoi bon ? Pour les bien-pensants, la problématique est si simple : en quoi l’existence de 4 minarets menacerait-elle la quiétude des Suisses ? On aurait cru entendre Jean Charest parlant des accommodements de la Société d’automobile et d’assurance du Québec (SAAQ) et de son projet de loi 16 ou encore Françoise David qui défend corps et âme le port du voile islamique dans la fonction publique québécoise ou la FFQ qui, main dans la main avec Présence musulmane, mène la même campagne. Faites un tour en Iran et vous verrez bien quelle liberté ont les femmes dans une théocratie islamique, même en Algérie qui ne ressemble franchement pas au pays des mollahs; le sort des femmes est peu enviable. Au moins pour le bon peuple, c’est clair. On ne peut réduire la démocratie à une comptabilité d’épicier. Qu’il s’agisse de la burqa en France, des quatre minarets en Suisse, des quelques cas d’accommodement à la SAAQ ou du port des signes religieux dans la fonction publique québécoise, on ne saurait réduire ses nombreuses manifestations à des « épiphénomènes, des micro-problèmes ou encore à des perceptions ». Tout le monde sait que le problème est ailleurs. De nombreuses études, reportages et ouvrages démontrent que la Suisse a été infestée d’islamistes et que c’est à Genève que l’islam politique des Frères musulmans a élu domicile, parrainé par Saïd Ramadan qui n’est nul autre que le gendre du fondateur du mouvement des Frères musulmans, Hassan al-Banna et père de Tariq Ramadan. Le premier centre islamique – celui de Genève – a servi de modèle aux nombreux centres islamiques implantés depuis le début des années 1960 en Europe avec le soutien de l’Arabie saoudite. La Suisse va en effet assumer une double fonction dans la stratégie islamiste : celle de “coffre-fort” et de lieu de prédilection à leur propagande. De cela personne ne veut parler. Ni les politiques, ni la « bien-pensance », comme l’a baptisée Élisabeth Badinter. Pour le bon peuple, la beauté des minarets ne saurait cacher ni la laideur des discours qui s’y tiennent ni la lâcheté et surtout pas la complicité de la bien-pensance. Puisse seulement le bon peuple être entendu !

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Signes religieux : les cathos montent au créneau

par Nadia Geertz

Source de l'article

Faut-il défendre les racines chrétiennes de l’Europe ? Ou refuser pareillement tout signe convictionnel dans les administrations publiques, au nom de la laïcité ? Une « déclaration écrite sur la liberté d’exposition dans les lieux publics de symboles religieux représentatifs de la culture et de l’identité d’un peuple » déposée au Parlement européen par Sergio Silvestris, Mario Mauro, David Maria Sassoli, Gianni Pittella et Magdi Cristiano Allam revendique le droit « de tous les États membres d’exposer également des symboles religieux dans les lieux publics ou les établissements institutionnels, là où ces symboles sont représentatifs de la tradition et de l’identité de tout le pays et sont par conséquent des éléments fédérateurs de l’ensemble de la communauté nationale, respectueux de l’orientation religieuse de chacun ».

La récente décision de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, qui a défini la présence du crucifix dans les établissements scolaires italiens comme “une violation du droit des parents d’éduquer les enfants selon leurs convictions” , n’a visiblement pas plu à tout le monde. Selon les auteurs de la déclaration, cette décision est apparue « en contradiction avec l’identité culturelle italienne, fortement influencée par les racines chrétiennes qui constituent un des fondements de l’histoire et de la tradition des peuples ».

On le voit, la laïcité est loin d’être acquise en Europe. Trop souvent encore, certains se drapent derrière le paravent des racines chrétiennes de celle-ci pour refuser de traiter les religions de manière égale, feignant de ne pas voir qu’exhiber un crucifix dans une salle de classe peut légitimement heurter la sensibilité des élèves et parents ayant une autre confession, voire pas de confession du tout.

Loin de moi l’idée de nier que l’Europe ait des racines chrétiennes. En revanche, réduire l’Europe à ces racines-là, c’est faire fi des Lumières, qui ont enclenché un mouvement fondamental de mise à distance du religieux au profit d’une universalité laïque. Les droits de l’homme, en ce sens, sont au moins autant le produit de l’universalisme des Lumières que celui du christianisme. Et dans une société de plus en plus métissée, il est non seulement vain, mais encore contraire à l’esprit de la démocratie moderne, de prétendre unir les citoyens autour d’une bannière de foi.

Que cela plaise ou non aux catholiques, il faudra bien qu’ils admettent qu’un Etat moderne ne peut traiter différemment les convictions religieuses, fût-ce au nom d’une tradition. Et qu’ils devront donc accorder aux uns les droits acquis qu’ils prétendent sauvegarder aux autres.

Verra-t-on alors demain des bâtiments officiels ornés d’un crucifix, d’un croissant, d’une étoile de David, d’un flambeau laïque et d’autres symboles, afin de refléter la diversité convictionnelle ? C’est ce qu’a imaginé sans rire le bourgmestre d’une commune belge, interpelé par une association laïque désireuse de voir disparaître le crucifix qui ornait encore une salle de la maison communale.

Or, la séparation des Eglises et de l’Etat passe nécessairement par le refus de la présence de tout symbole religieux dans la sphère institutionnelle. Une séparation qui, manifestement, heurte la sensibilité de certains croyants. Et pas toujours ceux qu’on croit.

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Plaidoyé pour une grande vigilance sur les mots

par Marième Helie Lucas

Pourquoi la rigueur dans l’utilisation des concepts devient un élément crucial de la lutte contre l’intégrisme musulman en Europe.

Depuis deux décades, nous Algériens — restés au pays et/ou exilés —, avons fait l’expérience, ô combien amère, de l’abandon par la gauche, l’extrême gauche, et les organisations de droits humains de la cause anti-intégriste et laïque que nous défendons.

Or, c’est au nom des droits religieux, des droits des minorités, des droits culturels que les organisations de droits humains et d’une partie de la gauche ont soutenu les intégristes.

Car ils reprennent à leur compte, sciemment ou pas, plusieurs des prétentions des intégristes: celle d’être les représentants d’un peuple opprimé, celle d’être les représentants, quasi exclusifs, de l’Islam et des musulmans, celle d’être porteurs d’une loi authentiquement islamique.

Cette démission de ceux qui auraient dû être nos alliés est sous tendue par une grande confusion idéologique et conceptuelle, en particulier entre islam, musulmans ( qu’ils utilisent de façon interchangeable), intégristes ; sans parler de leur usage immodéré et erroné du terme “sharia”. Or, chaque fois que ces confusions sont à l’œuvre, elles apportent, de fait, de l’eau au moulin intégriste. Ces confusions sont voulues et manipulées par les intégristes.

Par exemple, j’appartiens à un réseau international qui s’appelle “Femmes Sous Lois Musulmanes” ( Women Living Under Muslim Laws). Notez bien les termes utilisés et le pluriel. Vous ne pourriez imaginer le nombre de fois où cela se transforme en “Femmes Sous Loi Musulmane” (au singulier) ou même “Femmes sous Loi Islamique” (encore cette année dans l’Humanité !).

Il apparaît immédiatement que pour bien des gens, y compris des journalistes, y compris des intellectuels, y compris des militants qui nous soutiennent, d’une part islam et musulman sont des mots équivalents, et d’autre part qu’il existe une loi divine issue de l’islam.

Islam

L’islam est une croyance, une idéologie, une philosophie, ce terme appartient donc au domaine des idées, des débats philosophiques et théologiques.

Mais comme le dit le théologien Soheib Bencheikh1: ” je n’ai jamais vu un Coran marcher dans la rue “. C’est donc par la lecture qu’en font des gens bien réels que nous approchons un texte quel qu’il soit. Ou bien la spécialiste du Fiq Ziba Mir Husseini2 , quand quelqu’un ose dire devant elle: ” l’islam dit que… “, rétorque: ” L’islam ne parle pas ”.

L’un comme l’autre affirment ainsi avec humour que l’islam est nécessairement médiatisé au travers de gens réels et différents, en particulier de croyants et pratiquants musulmans, qui prétendent le représenter et l’incarner.

Il ne viendrait à l’idée de personne de confondre christianisme (la doctrine) et chrétiens (les gens), ni de prétendre que tout ce que dit et fait quelqu’un qui se dit chrétien reflète nécessairement les idées ou les valeurs du Christ. Cette confusion est pourtant constamment faite entre islam et musulmans. Il est donc parfaitement indispensable de distinguer l’idée de ce qu’en disent et font ses interprètes et ses incarnations.

De plus, il ne viendrait non plus à l’idée de personne de prétendre que les idées ou les valeurs dites chrétiennes sont identiques, selon qu’elles sont présentées par l’Opus Dei ou bien par les tenants de la théologie de la libération en Amérique latine. Pourtant cette homogénéité dans les interprétations est prêtée à l’islam.

Malgré l’évidence, il y a encore beaucoup de gens qui feignent d’ignorer qu’il y a des lectures de l’islam progressistes et des lectures de l’islam extrêmement régressives. La comparaison avec l’Opus Dei, d’une part, et la théologie de la libération d’autre part, est parfaitement soutenable en ce qui concerne les théologiens progressistes et ultra conservateurs dans l’islam.

A moins que l’on ne soit personnellement concerné en tant que croyant, en tant que laïques, nous n’avons pas à nous occuper de l’islam. Chaque fois que nous utilisons le mot ” islam “, alors que nous parlons en fait de gens bien vivants qui se disent adeptes de cette idéologie, nous donnons de l’eau au moulin intégriste : en effet, lui, veut entretenir la confusion, ce qui lui permet de prétendre que c’est l’islam qui est attaqué chaque fois que l’on critique ce que disent et font des gens qui se disent musulmans — et les intégristes en particulier qui prétendent ” être ” l’islam. C’est ainsi qu’ils ont forgé le concept d’islamophobie qui fait florès partout en Europe (alors qu’il s’agit souvent dune fondamentalistophobie fort justifiée!) et réduit au silence ceux tentés d’avoir une vue critique de leurs actions.

En ce sens, peu importe que l’on dise: ” l’islam est une religion de paix, de tolérance, etc. “, ou bien que l’on dise l’inverse: ” l’islam est une religion de violence, de barbarie, etc. “. Dans les deux cas, on essentialise l’islam. Je renvoie dos à dos les intégristes qui nous bassinent avec les qualités de l’islam et les racistes et ethnocentristes qui nous bassinent avec ses défauts. Il est inutile de s’interroger sur sa ” nature ” : l’islam est ce que les gens qui s’en réclament en font.

Il est donc loin d’être homogène. Ce qu’on voit de l’islam à travers ses fidèles change selon les périodes de l’histoire, les lieux et les cultures où il est pratiqué, et la politique dont il est l’enjeu.

Amis, n’utilisez plus le mot ” islam “, à moins que vous ne soyez vous même théologien ou philosophe en conversation avec d’autres théologiens ou philosophes. La plupart du temps, vous parlez de gens, pas d’idéologie.

Musulmans

Au contraire, ce que disent et font les musulmans appartient au domaine de la sociologie et de la politique, et non pas au domaine des idées. Il se peut — ou pas — qu’ils agissent en conformité avec leur lecture de l’islam. Mais en tant que laïques, ce n’est pas cet aspect qui nous intéresse. Que les musulmans agissent de façon islamique ou pas n’est pas notre propos. Devant tel ou tel comportement, il est donc vain de débattre sur le thème : ” est ce que c’est vraiment islamique? “. C’est ce qu’il font en tant que citoyens qui nous préoccupe.

Et pas plus que les chrétiens, ils ne forment un groupe homogène. Ni par leur interprétation de leur religion, ni par leur culture.

On parle en Europe, de plus en plus, de ” culture musulmane “, comme si des gens qui vivent sur différents continents pouvaient avoir une culture identique. C’est encore une tentative intégriste d’homogénéisation. Comment croire une seconde que la femme soudanaise excisée, la Nigérienne recluse, l’Afghane privée d’école, la Somalienne lapidée , la féministe marocaine, la footballeuse palestinienne, la chef d’État bangladaise, la rockeuse algérienne, la danseuse sénégalaise dans les petits “bals-poussière”, l’Indonésienne à la fleur dans les cheveux, le businessman singapourien, l’entrepreneur sud africain, le commerçant indien, l’intellectuel bosniaque, le paysan malien, l’ingénieur algérien et le chômeur ougandais aient une culture commune? Sans parler de tous ceux qui vivent en Europe, en Australie, aux Amériques… Que vivent une même culture les pays où il est rendu obligatoire par la loi de prier cinq fois par jours et ceux où, pendant le ramadan, s’asseyent ensemble au restaurant amis qui jeûnent et qui déjeunent ? Que des différences de classe aussi tranchées que celles qu’incarnent la bourgeoise pakistanaise et l’intouchable indienne (et musulmane, hé oui ! ils ont aussi des castes !) ne produisent pas des cultures différentes? C’est pourtant ce que veulent nous faire croire les intégristes.

Qui croirait qu’une Philippine ou une latina de l’Altiplano, chrétiennes, mères de famille nombreuse à qui leurs lois non laïques interdisent la contraception, partagent la même culture qu’une Française “chrétienne” qui ira à l’église quinze fois dans sa vie pour quelques mariages et quelques enterrements, et n’aura que deux enfants?

Amis, cessez donc de parler de ” culture musulmane “: cela n’existe pas. C’est une invention des intégristes. Cela ne peut tout simplement pas exister, vu que des musulmans, il y en a partout dans le monde et dans toutes les ” cultures “. Mais c’est au nom de ” notre ” supposée culture commune, transcontinentale et a-historique qu’ils réclament ségrégation sexuelle, codes de la famille séparés, cursus scolaires différents, etc. en Europe aujourd’hui.

Nul d’ailleurs n’aurait l’idée de la désigner comme “chrétienne”, cette femme qui ira à l’église une quinzaine de fois dans sa vie; on parlera d’elle comme d’une Française, d’une Suisse, d’une Espagnole… Sa religion, si elle en a une, n’est pas le marqueur essentiel de son identité. Plus probablement on ne lui posera même pas la question…

Mais dites donc à quelqu’un en France, et même à nos amis !, que vous êtes algérienne, iranienne ou pakistanaise : vous entendrez neuf fois sur dix: “ah, vous êtes musulmane… !”

Car voici l’autre aspect de la question : qui est musulman? En tant que laïque, pour moi, c’est quelqu’un qui croit en l’islam. Mais pour la plupart des gens ici en France, c’est quelqu’un qui vient, ou dont les parents ou les grands parents sont venus d’un pays musulman. On transforme une foi en un accident géographique, de lieu de naissance. C’est faire insulte à la fois aux croyants dont on nie l’adhésion personnelle à une foi, et aux non croyants dont on nie la liberté de penser. C’est là une grande victoire des intégristes : ils ont obtenu qu’une identité religieuse nous soit supposée et donc imposée — automatiquement.

Amis, ne parlez plus de ” musulmans “, sauf si vous faites référence à des croyants déclarés. Et il n’y en a pas beaucoup en France… (pas plus que parmi les chrétiens). Bien que la France laïque n’entretienne pas de statistiques à ce sujet, des études de différents laboratoires du CNRS ou associés ont pratiqué des sondages : parmi la population française originaire d’Afrique ( principalement du Maghreb) et de Turquie, 20% déclarent n’avoir aucune religion (pour 28% dans l’ensemble de la population française) et ce pourcentage atteint 25% parmi les citoyens français d’origine algérienne qui constituent la majorité parmi la population française issue de migrants. Parmi les français d’ascendance africaine et turque qui déclarent avoir une religion, 21% assistent rarement à des cérémonies religieuses (pour 15% dans l’ensemble de la population française). Quant à ceux qui se déclarent croyants musulmans, 21% seulement sont pratiquants3. On voit bien que les pourcentages de la population française dite ” musulmane ” sont comparables à la population dite ” catholique ” . Pas plus de croyants chez les uns que chez les autres.

Comme vous le voyez, seule une petite proportion d’entre nous peut légitimement être appelée ” musulman ”.

En outre, de plus en plus de croyants musulmans veulent vivre leur foi sur le plan exclusivement personnel et refusent d’en faire le marqueur de leur identité sociale. Seulement 15% parmi les croyants musulmans déclarés seraient ennuyés que leurs fils épousent une non musulmane… Par ailleurs, 54% de la population française totale, 56% des français d’ascendance africaine ou turque et 57% de ceux qui se déclarent croyants musulmans estiment que la laïcité est pour eux une garantie de liberté de croyance et de culte. Le concept de laïcité a une connotation très positive pour 82% des citoyens français d’origine africaine et turque et 83% des croyants musulmans qui se revendiquent tels estiment que la laïcité est la meilleure façon de faire vivre ensemble des gens d’opinions différentes. Une large majorité, 60% des français d’origine africaine ou turque et 60% de ceux qui se déclarent croyants musulmans espèrent que le foulard ne sera pas accepté dans les écoles en France, car ” l’école c’est fait pour étudier seulement “.4
C’est pourquoi nous pouvons faire alliance pour défendre la laïcité avec des croyants musulmans laïques ou chrétiens laïques, c’est-à-dire des citoyens qui, d’une part, gardent leurs croyances pour la sphère privée, et, d’autre part, soutiennent, en leur capacité de citoyens, le projet politique de séparation entre les États et les religions.

Intégristes

Je ne ferais pas aux lecteurs de ResPublica l’injure d’expliciter ici la différence entre musulmans et intégristes !

Par contre, je vous donnerais ma définition de l’intégrisme : ce n’est pas un mouvement religieux, c’est un mouvement politique, qui rassemble des gens dont les opinions politiques varient de l’ultra conservatisme à l’extrême droite, qui utilise la religion pour parvenir au pouvoir politique ou s’y maintenir.
Il est donc bien inutile de débattre religion avec eux, ils n’en ont cure… Ce n’est qu’un outil de mobilisation et de manipulation des masses entre leurs mains.

Comme les nazis, les intégristes musulmans croient, non pas en une race supérieure aryenne — mais en une croyance supérieure, l’islam — leur version de l’islam. Comme les fascistes, ils croient en un passé mythique garant et témoin de leur supériorité : ce n’est plus le glorieux passé de Rome, c’est l’Âge d’or de l’islam. Comme les nazis et les fascistes, ils en tirent la conclusion qu’ils ont le droit de supprimer physiquement les ” untermensch ” (sous humains) — ou les “kofr” — et c’est d’ailleurs ce qu’ils ont fait en Algérie pendant dix ans. Comme eux, ils sont capitalistes, comme eux ils mettent les femmes à leur place: ” église, cuisine, berceau “, selon la célèbre formule des nazis.

Je ne voudrais pas contrarier les historiens en confondant des mouvements situés dans des contextes économiques et historiques différents; mais il n’est pas inutile de se pencher sur certaines similitudes de leurs doctrines, avant d’en faire les martyrs d’une religion opprimée.

Les intégristes musulmans sont les membres d’un mouvement politique. Ils exterminent en premier lieu des populations ” musulmanes ”.

Le mythe d’une loi divine, instrument de la politique intégriste

Les intégristes prétendent non seulement qu’ils ” sont ” l’incarnation de l’islam, le seul, le vrai, mais aussi que Dieu leur a donné une règle à appliquer dans les sociétés humaines. J’ai déjà donné des exemples, dans un papier précédent5 de l’extrême diversité des lois dans les pays musulmans, qui vont des plus ouvertes aux plus répressives. J’ai également exposé comment ces lois trouvaient leurs sources, certes dans des interprétations religieuses, mais également et tout autant dans des coutumes locales, voire même des lois coloniales, et surtout qu’elles étaient modelées pour servir des intérêts politiques à un moment donné de l’histoire.

Les intégristes nient cette diversité et choisissent parmi diverses traditions religieuses hétérogènes, parmi diverses traditions culturelles, parmi diverses utilisations politiques des lois, celles, les plus rétrogrades, qui aideront à installer et assoir leur dictature politique, et à contrôler d’une main de fer les citoyens, leur vie privée, leur expression politique.

A la réalité historique des lois faites de main humaine, les intégristes opposent le mythe d’une loi divine, qu’ils nomment la ” sharia ”.

C’est un mot que je n’emploie pas et que je vous invite à ne plus employer, car, tout autant que certains des concepts discutés ci-dessus, il donne réalité à quelque chose qui n’existe pas. Tous les théologiens musulmans s’accordent à dire que le mot ” sharia ” veut dire la voie, le sentier, vers Dieu, un chemin éminemment personnel. Et qu’à aucun moment ce mot ne peut désigner une loi temporelle. Pourtant journalistes et intellectuels en Europe, y compris ceux qui nous soutiennent, se gargarisent de: ” selon la sharia, la sharia dit que… etc. ” en faisant suivre ce préalable des diktats les plus farfelus des intégristes. C’est ainsi qu’ils donnent crédit non seulement aux versions des lois dites islamiques les plus dévastatrices pour la liberté des individus, mais également au mythe qu’il existe une loi divine qui serait appliquée dans les authentiques pays musulmans et qui devrait être respectée au nom des droits humains.

Pourtant ces mêmes gens trouveraient ridicule de parler de LA loi chrétienne, sachant bien que les pays chrétiens ont des lois différentes; par exemple que la France a instauré le divorce quelque cinquante ans avant l’Italie et l’Espagne, bien que tous trois soient des pays catholiques.

Chaque fois, amis, que vous prononcez le mot ” sharia “, dans le sens de ” loi islamique ” et non dans son sens théologique, non seulement vous énoncez une contre vérité aisément démentie par le simple examen des lois dans les pays musulmans, mais vous aidez considérablement les intégristes dans leur entreprise de monopolisation, d’homogénéisation, de captation. La ” sharia “, cela n’existe pas — ou alors dites moi laquelle de toutes ces lois hétérogènes et contradictoires dites musulmanes ( c’est-à-dire faites par des humains qui se disent musulmans) est la seule, la vrai, la divine? — si toutefois vous croyez que ça existe.
Mais à force d’en parler, les intégristes sont arrivés à faire, que par conformisme, par paresse intellectuelle, par ignorance, par peur, le terme est repris par tout le monde. Ensuite, il ne leur reste plus qu’à dire: ” la sharia dit que…, c’est-à-dire l’islam dit que… ” pour réduire au silence tous ceux qui craignent d’être pris pour des racistes ” islamophobes “ …

Je plaide pour une très grande vigilance: les mots sont dangereux. Refusons d’utiliser le vocabulaire intégriste, si nous ne voulons pas véhiculer leur idéologie.

Les musulmans ne sont pas l’islam et vice versa; les intégristes ne sont ni l’islam ni les musulmans, ce sont des forces politiques d’extrême droite; les citoyens descendants d’émigrés de pays dits musulmans peuvent être ou ne pas être des musulmans, ce n’est ni leur nom ni le pays d’origine de leurs ancêtres qui vous renseigneront sur leur religion; et la sharia n’est pas une loi. Il n’y a pas Une loi islamique d’essence divine, il y a des lois dites musulmanes, variées, manifestement de facture humaine.

C’est Kant qui a dit : ” Tout concept renvoie à une métaphysique “. Je dirais bien que tout concept renvoie à une analyse politique… J’y ajouterais les mots d’Audrey Lorde qui, femme noire, poètesse et lesbienne vivant aux États Unis, en savait un bout sur l’oppression: “On ne combat pas l’oppression avec les outils du Maître”.

Amis, rayez de votre vocabulaire ces mots qui font gagner aux intégristes la bataille idéologique.

  1. Soheib Bencheikh, ancien Grand Mufti de la Mosquée de Marseille, Directeur de l’ISSI, Institut Supérieur des Sciences Islamiques à Marseille. []
  2. Ziba Mir Husseini, iranienne, universitaire, chercheuse, anthropologue et spécialiste de droit musulman, a enseigné à Téhéran et à New York, vit actuellement à Londres. []
  3. Brouard et Tiberj, CEVIPOF et Sciences Politiques, Juin 2005, Rapport au politique des français issus de l’émigration []
  4. Brouard et Tiberj, CEVIPOF et Sciences Politiques, Juin 2005, Rapport au politique des français issus de l’émigration []
  5. ResPublica n° 628 du 12.11.09 []
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Le pantalon interdit aux Parisiennes

par Hakim Arabdiou

A l’instar de l’islamodictateur et génocidaire soudanais, Omar al Bachir, les autorités parisiennes avaient interdit, en 1800, aux Parisiennes de porter des pantalons.

Selon un journal britannique, Les droits des femmes d’Evelyne Pisier révèle l’existence, toujours en vigueur, d’une loi en ce sens.

Elle stipule que « Toute femme désirant s’habiller en homme doit se présenter à la Préfecture de police pour en obtenir l’autorisation… » C’est « grâce » à cette clause que, par exemple, Rosa Bonheur, une artistique peintre connue de ses contemporains du XIXe siècle, et première femme à recevoir la Légion d’honneur, en 1865, avait demandé et obtenu, en 1852, l’autorisation, renouvelable tous les six mois, de s’ « habiller en homme », selon l’expression consacrée de la Préfecture de police de Paris.

La loi en question fut assouplie, en 1892 et 1909, permettant aux intéressées le port du pantalon d’équitation, à condition qu’elles tiennent une cravache à la main, pour montrer qu’il s’agit bien d’un tel vêtement, ou lorsqu’elles conduisent un vélo.

Cependant, toutes les tentatives d’abroger cette loi furent vouées à l’échec. C’est ainsi qu’en 1969, le Préfet de police de Paris avait trouvé absurde de la modifier en fonction de la mode. La dernière tentative, datant de 2003, fut celle du député UMP de l’Indre, Jean-Yves Husson, auprès de Nicole Ameline, ministre déléguée à la Parité et l’Égalité professionnelle. Celle-ci lui avait prétexté que « la désuétude est parfois plus efficace » qu’une abrogation en bonne en due forme.

Outre-Manche, il avait fallu attendre, 1967, pour que l’amendement, condamnant à 2 ans de travaux forcés les relations sexuelles entre homosexuelles, soit aboli. Cette disposition avait été introduite, en 1885, en pleine ère victorienne, par un député, un certain, Henry Labouchère, lors des débats du Parlement britannique, qui avait élevé en même temps l’âge des rapports sexuels entre hétérosexuels. Ce n’est d’ailleurs qu’en 2 000 que cet âge fut abaissé à 16 ans. Quant aux étudiantes de la prestigieuse université de Cambridge, en Grande-Bretagne, il avait fallu attendre 1947 pour qu’elles accèdent à ce statut.

Pourtant, la reine Victoria (1819-1901) — qui avait imposé durant son long règne (1837-1901) une chape de plomb de puritanisme extrême sur les mœurs et les femmes britanniques, un puritanisme couvert, comme c’est souvent le cas, d’une épaisse couche d’hypocrisie — fut loin d’être un modèle de vertu. Elle était, selon un auteur québécois, d’une biographie du célèbre économiste britannique, John Maynard Keynes, une grande amateure de whisky et de bals. Après la mort de son mari, le prince consort Albert, elle avait aussi prit comme amant son valet, John Brown.

Sources :

  • Serge Kauder, Une loi française interdit aux femmes de porter le pantalonwww.ksi.fr
  • Le Pantalon interdit aux Parisiennes (sans auteur), El Watan du 30 novembre 2009
  • Gilles Dostaler, Keynes et ses combats, édit. Albin Michel, Paris, 2009
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Un féminisme gangrené par le relativisme

par Micheline Carrier

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Aux insoumises de ce monde.

Tel des otages atteints du syndrome de Stockholm1, des féministes ont commencé depuis quelque temps à trouver des vertus à l’oppression et aux oppresseurs. Des silences aussi bien que des prises de position illustrent cette forme d’accommodement. Les exemples les plus courants sont ceux de la prostitution et des symboles religieux, par exemple le port du foulard islamique. Parce que quelques-unes l’ont affirmé, on s’est fait accroire que la plupart des femmes prostituées et des femmes portant le foulard islamique ont le choix. C’est commode, on n’a pas à remettre en question les codes patriarcaux profanes ou religieux qui incitent à faire un tel “choix”, ni surtout à interpeller ceux qui en tirent profit : pères, frères, conjoints, patrons, collègues, amis, voisins.

Au Québec, on marche sur des chardons ardents si l’on s’avise de critiquer les valeurs sexistes et les coutumes misogynes de certains groupes ethno-religieux. Critiquer le sexisme des Québécois de souche, d’accord. Mais critiquer publiquement le sexisme des Québécois dont les coutumes et la religion écartent les femmes des lieux publics fréquentés par des hommes, leur imposent de se cacher ou de se raser les cheveux, les placent en retrait dans les lieux de culte ou leur interdisent certaines fonctions publiques, ce serait du racisme. Dénoncer le Vatican, mais pas les imams, les rabbins et les intégristes religieux bien que les uns et les autres voient les femmes comme des êtres à soumettre. On dit agir ainsi au nom de la “tolérance” et du “respect”. L’égalité des femmes et des hommes ne concernerait- elle donc pas tous les groupes ethno-culturels qui composent la société québécoise ?

Pour une féministe, c’est aussi un exercice périlleux de critiquer des positions ou des non-positions d’autres féministes. Plusieurs ont choisi de se taire de peur d’apporter de l’eau au moulin des adversaires, toujours à l’affût des divisions, ou de se faire reprocher leur “manque de solidarité”. Quand des récalcitrantes insistent trop, on impose un moratoire ou la censure, comme cela s’est produit pour les débats sur la prostitution et sur l’extrémisme religieux dans des listes de discussions féministes. Tant de luttes menées par des femmes pour le droit de prendre la parole…

La société entière est gangrenée par un relativisme multiforme, et le féminisme n’y échappe pas. Tous les systèmes de valeurs s’équivaudraient et, si l’on n’adhère pas à ce credo, c’est qu’on est une fieffée occidentale blanche, colonialiste et peut-être même xénophobe. On tente parfois de se convaincre que porter le voile islamique (hijab, foulard, burqa) ne signifie pas autre chose que de porter un quelconque vêtement, comme on s’est fait croire que la prostitution est simplement un “travail comme un autre” et un mode de vie marginal. C’est un choix, et de quel droit discute-t-on le choix d’autrui ? Certaines “éprouvent” et “pensent” ce que toutes les femmes musulmanes sont censées éprouver et penser face aux critiques du foulard islamique. Elles se sentent “humiliées”, “exclues”, “rejetées”, “jugées”… par procuration. Mais on a la solidarité sélective. Cette belle empathie s’étend-elle autant aux femmes musulmanes qui, au Canada comme dans le monde entier, refusent un symbole religieux qui s’accompagne le plus souvent de la perte de leurs droits fondamentaux, ces femmes qui subissent des menaces en raison de leur insoumission ?

Tout le monde sait que, chez les musulmans, seules les femmes sont encouragées à “faire le choix” de porter un signe distinctif qui les stigmatise, mais on n’aurait pas le droit de s’interroger publiquement sur le sens et les conséquences de cette “distinction” . Il me semble qu’une telle attitude n’a rien de féministe. Il y a plus d’indifférence ou de condescendance que de respect et de tolérance dans le fait d’accepter que des femmes canadiennes, quelle que soit leur origine, - en l’occurrence il s’agit de Canadiennes musulmanes - soient marquées publiquement comme des êtres mineurs et dangereux pour l’autre sexe, qu’elles soient utilisées (“instrumentalisé es”) comme porte-étendard idéologique et marginalisées par leur propre communauté. Pour démontrer ô combien elles sont tolérantes et solidaires, certaines ont même suggéré de manifester en faveur du droit de porter ce symbole imposé aux femmes musulmanes.

Burqa “sanctifiée” et féminisme égaré

Des féministes de l’université Wilfrid-Laurier “ont exprimé à l’unanimité leur frustration devant l’obsession actuelle autour du port du voile islamique et l’islamophobie grandissante” , rapporte Roksana Bahramitash, directrice à la recherche à la Chaire de recherche du Canada en islam, pluralisme et globalisation de l’Université de Montréal.2 Car, bien entendu, le fait de critiquer le port du foulard islamique serait forcément faire preuve d’islamophobie… Quant à “l’obsession autour du voile islamique”, elle découle du fait que ce symbole de la soumission des femmes contredit carrément tous les beaux discours qu’on tient sur l’égalité des sexes dans notre société. Selon celles qui le refusent, le port de ce foulard est souvent le prélude de l’érosion de droits sociaux et politiques. En outre, qu’y a-t-il d’”obsessif” à craindre les intégristes religieux - et non pas l’ensemble des musulmans - qui se servent de ce symbole pour imposer leurs messages et leurs valeurs à une société qui choisit la laïcité ?

Et Roksana Bahramitash de proposer un défilé de solidarité pour le port du voile islamique dans les rues de Montréal, à l’occasion de la Journée internationale des femmes. On manifeste déjà pour le droit de choisir “librement” d’être opprimé-es sexuellement (pour la prostitution, sa décriminalisation et celle du proxénétisme), pourquoi ne pas défiler aussi pour le droit de choisir l’oppression religieuse ? Oserai-je demander qui tire avantage de cette belle “ouverture” d’esprit ? Parmi celles qui défileraient dans les rues de Montréal ou de Toronto pour soutenir les porteuses du foulard ou hijab, combien ont déjà manifesté ou signé une pétition contre le harcèlement et les tortures infligés aux femmes qui refusent de le porter dans d’autres pays (et même ici) ? Ces femmes, qui luttent contre l’extrémisme religieux au prix de leur vie, appellent régulièrement à l’aide les féministes occidentales3, qui sont trop occupées à démontrer qu’elles ne sont pas racistes.

J’aurais honte, quant à moi, de participer à une telle mascarade dans les rues. Ce serait trahir toutes ces femmes qui résistent à l’oppression politique et religieuse avec un courage dont je me sentirais incapable. Toutes celles qui sont mortes et qui mourront pour défendre leur liberté. Pas au Moyen Âge, mais dans ce siècle et en cette année même. Plus de 40 femmes tuées pour “violation des règles islamiques”, en Irak seulement, au cours de l’année 2007. De plus, a-t-on déjà oublié les années sanglantes de l’Algérie quand des femmes ont été égorgées pour ne pas avoir fait le choix de porter le foulard ? Toutes ces femmes qui, au Québec et au Canada même, se taisent car elles ne sentent aucun soutien dans le non-interventionnis me de la plus grande partie du mouvement féministe. Peut-être pourrions-nous nous mettre à l’écoute également du message de Persepolis, ce dessin animé qui raconte en 90 minutes comment les Iraniennes sont revenues au Moyen Âge en moins de 20 ans.

Farzana Hassan, présidente du Muslim Canadian Congress (à ne pas confondre avec le Canadian Islamic Congress), note que même la burqa est aujourd’hui “sanctifiée” tant par les forces conservatrices islamistes que par la gauche occidentale qui l’endosse au nom du multiculturalisme. Mais rarement, dit-elle, les antécédents historiques de la burqa sont-ils évoqués au cours des débats.4 Bien plus, ajouterais-je : il se construit une mythologie romantique et fantasmatique autour du voile, du hijab ou de la burqa, comme il s’en est construit une autour de la prostitution. Et des féministes participent allègrement à la construction et à la propagation des mythes.

En octobre dernier, des membres d’une liste de discussion féministe pancanadienne évaluaient la possibilité de porter une burqa rose par “solidarité avec nos soeurs musulmanes”, à la suite d’une invitation du Canadian Islamic Congress qui suggérait une Journée nationale de la “burqa rose” (“National Pink Hijab Day”) pour recueillir des fonds destinés à la recherche sur le cancer du sein. Certaines disaient voir dans la burqa le choix de la “modestie” (un mot proscrit pour les Québécoises et Canadiennes de souche, mais réhabilité pour justifier l’oppression religieuse islamiste) en réaction aux modes occidentales… C’est le discours même des conservateurs et des intégristes. Il y a quelques mois, par exemple, un article du quotidien The Gazette de Montréal affirmait que les femmes voilées étaient de bien meilleures féministes que toutes ces femmes « qui se promènent pratiquement nues dans les rues. »5 « Comme si, entre la robe de sœur et le bikini, il n’y avait pas de demi-mesure, commente une amie. La Vierge ou la putain ! Un retour au point de départ. C’est à cela aussi que le voile nous ramène. »

Comment des personnes bien informées peuvent-elles manquer de discernement au point de soutenir la misogynie et la violence que représente le port de la burqa, imposé ou choisi ? Ne perçoivent-elles pas le cynisme d’une initiative qui cherche à donner de la légitimité à l’enfermement des femmes musulmanes dans un vêtement qui les rend littéralement invisibles et qui est la négation même du corps féminin - de la sexualité féminine considérée comme la source du “mal” -, en récupérant une cause populaire (la recherche sur le cancer du sein) qui touche intimement et dramatiquement de nombreuses femmes dans leur corps et dans leur sexualité ? Comment peuvent-elles même songer à servir de caution à cette activité, à se laisser manipuler par des gens qui méprisent les femmes au point de vouloir les faire disparaître de leur vue ?

Tarek Fatah, membre fondateur du Muslim Canadian Congress, a suggéré aux féministes de réserver leur empathie aux femmes qui se battent pour leur liberté et celle d’autrui au risque de leur vie. Il fait partie des musulman-es qui ont le courage d’affirmer publiquement leurs convictions en dépit des menaces (ce sont les opinions de ces femmes et de ces hommes qui fournissent les principales références de cet article). Les propos de Tarek Fatah, qui ne sont ni son premier ni son dernier appel aux féministes canadiennes, méritent réflexion :

« La burqa n’a rien à voir avec la modestie ou la bigoterie. C’est la pire forme d’assujettissement des femmes, et elle reflète l’idée que des femmes sont des biens meubles. Ce sont les hommes qui ont imposé la burqa comme “instrument“ de modestie. Il est triste et tragique que certaines femmes adhèrent à cette misogynie au nom de l’égalité et des droits des femmes. Aujourd’hui, malheureusement, les porteuses de burqa ont pu convaincre beaucoup de féministes que si une femme choisit d’être une personne de seconde classe, on devrait respecter ce choix. « Des pratiques qui incitent et forcent des femmes à se mettre en retrait dans les lieux de prière, poursuit Tarek Fatah, qui les confinent à des sous-sols obscurs ou les isolent dans des endroits murés ne devraient jamais obtenir l’appui de quel que groupe de lutte pour l’égalité que ce soit, encore moins d’un groupe de femmes. Quand Raheel Raza a proposé la première prière musulmane animée par une femme à Toronto, elle a été menacée et traitée d’apostate, pourtant peu de féministes se sont levées pour défendre les droits des femmes musulmanes à diriger une prière musulmane. Maintenant, on parle avec sympathie et empathie des mêmes groupes qui condamnent les femmes musulmanes à la régression. (…). Les femmes du Pakistan, de l’Arabie Saoudite, d’Iran et d’Indonésie se battent contre les conservateurs fondamentalistes qui ont obtenu l’appui de la gauche libérale au Canada ! Les féministes canadiennes devraient s’inspirer de la féministe égyptienne Nawal Saadawi et de la féministe pakistanaise Asma Jahangir et non de la mascarade des “hijabs roses”… », conclut Tarek Fatah.6

On n’a pas entendu de tels porte-parole musulmans à la Commission Bouchard-Taylor. S’il y en avait eus, le co-président Gérard Bouchard, qui a affiché sa naïveté, feinte ou réelle, devant les critiques adressées au port du foulard islamique en tant que véhicule idéologique, aurait été mieux instruit d’un phénomène que connaît quiconque suit l’actualité depuis quelques années, et que doit connaître a fortiori un sociologue et historien.

La condescendance peut être du racisme

Une attitude condescendante à l’égard des symboles religieux imposés aux femmes musulmanes (comme envers tout symbole religieux dans l’espace public) ne peut en rien aider ces dernières à affirmer leurs droits. Certaines diront peut-être qu’il revient aux femmes musulmanes elles-mêmes de mener leurs propres luttes, un argument qui relève du je-m’en-foutisme, non de la solidarité et du respect de la liberté d’autrui. À tout le moins ne leur rendons pas la tâche plus difficile en banalisant les signes de leur oppression. Quelle serait aujourd’hui, par exemple, la situation des femmes victimes de viol et de violence conjugale si le mouvement féministe ne les avait pas soutenues dans leur combat pour la reconnaissance de leur situation et le respect de leurs droits ?

Le véritable racisme ne réside-t-il pas dans le fait d’accepter pour des femmes d’autres cultures ce qu’on a combattu pour soi-même pendant des décennies, c’est-à-dire l’oppression religieuse et politique ? C’est ce que laissent entendre deux intellectuelles ontariennes musulmanes, Haideh Moghissi et Shahrzad Mojab : « Tergiverser devant des pratiques culturelles nuisibles, comme le font des gens de la gauche et des féministes, c’est tolérer pour les autres ce qui est intolérable pour “nous”. Cette attitude encourage le contrôle patriarcal des femmes qui n’ont pas eu la chance d’être nées blanches et occidentales. »7

Dans Internet, une Québécoise musulmane a posé le problème de cette façon : « […] si l’on est d’accord sur l’universalité des droits des femmes, alors je ne comprends pas cette frilosité à l’attaquer (le voile) au nom d’un relativisme culturel ou de pluralité de points de vue. » Les déclarations de principe ne sont pas toujours suivies d’actions conséquentes. Comme la liberté de choix, l’universalité a connu au fil du temps bien des accommodements.

La deuxième partie de cet article peut être lue ci-dessous ou à la page : “Un féminisme non interventionnisme face à l’extrémisme religieux”.

  1. Le syndrome de Stockholm désigne la propension des otages partageant longtemps la vie de leurs geôliers à adopter un peu ou tous les points de vue de ceux-ci. []
  2. “Un défilé de solidarité pour le port du voile“, Le Devoir, 31 décembre 2007. []
  3. “Le Réseau international de solidarité avec les femmes iraniennes appelle à l’aide“, Sisyphe, le 24 novembre 2007. []
  4. “The sanctification of the burka“, October 21, 2007. []
  5. Henry Aubin, dans The Gazette, le 19 avril dernier. []
  6. PAR-L, Octobre 2007, traduction libre de M. Carrier. []
  7. Haideh Moghissi and Shahrzad Mojab, Of “Cultural” Crimes and Denials Aqsa Pervez, Znet, January 08, 2008. []
Politique française
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Non aux dépassements d’honoraires médicaux

par L'Union des FAmilles Laïques
www.ufal.org

Appel à signatures : pour signer cette pétition et rejoindre les 4.700 premiers signataires

Compte tenu du coût des soins, très peu d’entre nous pourraient se soigner si la Sécurité Sociale n’assurait pas un remboursement substantiel des frais médicaux. Sans une profonde remise en cause du système de rémunération des actes médicaux, la seule façon d’y parvenir consiste à encadrer les honoraires médicaux.

Or, depuis des décennies, l’encadrement des honoraires facturés aux malades, subit une succession de remises en cause.

Aujourd’hui, la différence entre les honoraires réglés par les patients et les remboursements de la Sécu représente plus de 6 milliards d’euros (plus de 2 Mds pour les médecins, 4 Mds pour les dentistes).

Cette charge, considérable, repose principalement sur le budget des ménages et elle contraint un grand nombre de nos concitoyens à renoncer aux soins.

Devant cette situation qui dégrade gravement le droit à la santé, le gouvernement, avec la complicité de la quasi-totalité des représentants sociaux (syndicats, mutualité, associations, seule la CGT s’est abstenue) au sein de deux instances destinées à gérer l’assurance maladie (l’UNCAM et l’UNOCAM), vient d’instaurer de nouvelles possibilités pour les médecins de dépasser les tarifs de remboursement sous le vocable de « secteur optionnel ».

Bien qu’actuellement limitées, ces nouvelles dérogations aggravent un recul du principe d’encadrement des honoraires et annoncent une libéralisation générale des prix en matière de santé.

La santé est la condition fondamentale d’une vie harmonieuse. C’est un droit inscrit dans notre Constitution. Chacun doit pouvoir se soigner, quels que soient ses moyens financiers.

Nous exigeons du gouvernement qu’il abandonne sa volonté de détruire notre système de sécurité sociale fondé sur la solidarité. Nous exigeons de nos représentants au sein des organes de gestion de l’assurance maladie qu’ils assument la mission qui leur est confiée : promouvoir une protection sociale collective et solidaire. Nous refusons que les soins deviennent de vulgaires produits soumis à un « marché » de la santé.

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Monsieur le Président, devenez camusien !

par Michel Onfray
philosophe, université populaire de Caen

Source de l'article

Monsieur le Président, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps. Vous venez de manifester votre désir d’accueillir les cendres d’Albert Camus au Panthéon, ce temple de la République au fronton duquel, chacun le sait, se trouvent inscrites ces paroles : “Aux grands hommes, la patrie reconnaissante”. Comment vous donner tort puisque, de fait, Camus fut un grand homme dans sa vie et dans son oeuvre et qu’une reconnaissance venue de la patrie honorerait la mémoire de ce boursier de l’éducation nationale susceptible de devenir modèle dans un monde désormais sans modèles.

De fait, pendant sa trop courte vie, il a traversé l’histoire sans jamais commettre d’erreurs : il n’a jamais, bien sûr, commis celle d’une proximité intellectuelle avec Vichy. Mieux : désireux de s’engager pour combattre l’occupant, mais refusé deux fois pour raisons de santé, il s’est tout de même illustré dans la Résistance, ce qui ne fut pas le cas de tous ses compagnons philosophes. De même, il ne fut pas non plus de ceux qui critiquaient la liberté à l’Ouest pour l’estimer totale à l’Est : il ne se commit jamais avec les régimes soviétiques ou avec le maoïsme.

Camus fut l’opposant de toutes les terreurs, de toutes les peines de mort, de tous les assassinats politiques, de tous les totalitarismes, et ne fit pas exception pour justifier les guillotines, les meurtres, ou les camps qui auraient servi ses idées. Pour cela, il fut bien un grand homme quand tant d’autres se révélèrent si petits.

Mais, Monsieur le Président, comment justifierez-vous alors votre passion pour cet homme qui, le jour du discours de Suède, a tenu à le dédier à Louis Germain, l’instituteur qui lui permit de sortir de la pauvreté et de la misère de son milieu d’origine en devenant, par la culture, les livres, l’école, le savoir, celui que l’Académie suédoise honorait ce jour du prix Nobel ? Car, je vous le rappelle, vous avez dit le 20 décembre 2007, au palais du Latran : “Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé.” Dès lors, c’est à La Princesse de Clèves que Camus doit d’être devenu Camus, et non à la Bible.

De même, comment justifierez-vous, Monsieur le Président, vous qui incarnez la nation, que vous puissiez ostensiblement afficher tous les signes de l’américanophilie la plus ostensible ? Une fois votre tee-shirt de jogger affirmait que vous aimiez la police de New York, une autre fois, torse nu dans la baie d’une station balnéaire présentée comme très prisée par les milliardaires américains, vous preniez vos premières vacances de président aux États-Unis sous les objectifs des journalistes, ou d’autres fois encore, notamment celles au cours desquelles vous avez fait savoir à George Bush combien vous aimiez son Amérique.

Savez-vous qu’Albert Camus, souvent présenté par des hémiplégiques seulement comme un antimarxiste, était aussi, et c’est ce qui donnait son sens à tout son engagement, un antiaméricain forcené, non pas qu’il n’ait pas aimé le peuple américain, mais il a souvent dit sa détestation du capitalisme dans sa forme libérale, du triomphe de l’argent roi, de la religion consumériste, du marché faisant la loi partout, de l’impérialisme libéral imposé à la planète qui caractérise presque toujours les gouvernements américains. Est-ce le Camus que vous aimez ? Ou celui qui, dans Actuelles, demande “une vraie démocratie populaire et ouvrière”, la “destruction impitoyable des trusts”, le “bonheur des plus humbles d’entre nous” (Œuvres complètes d’Albert Camus, Gallimard, “La Pléiade”, tome II, p. 517) ?

Et puis, Monsieur le Président, comment expliquerez-vous que vous puissiez déclarer souriant devant les caméras de télévision en juillet 2008 que, “désormais, quand il y a une grève en France, plus personne ne s’en aperçoit”, et, en même temps, vouloir honorer un penseur qui n’a cessé de célébrer le pouvoir syndical, la force du génie colérique ouvrier, la puissance de la revendication populaire ? Car, dans L’Homme révolté, dans lequel on a privilégié la critique du totalitarisme et du marxisme-léninisme en oubliant la partie positive — une perversion sartrienne bien ancrée dans l’inconscient collectif français… —, il y avait aussi un éloge des pensées anarchistes françaises, italiennes, espagnoles, une célébration de la Commune, et, surtout, un vibrant plaidoyer pour le “syndicalisme révolutionnaire” présenté comme une “pensée solaire” (t. III, p. 317).

Est-ce cet Albert Camus qui appelle à “une nouvelle révolte” libertaire (t. III, p. 322) que vous souhaitez faire entrer au Panthéon ? Celui qui souhaite remettre en cause la “forme de la propriété” dans Actuelles II (t. III, p. 393) ? Car ce Camus libertaire de 1952 n’est pas une exception, c’est le même Camus qui, en 1959, huit mois avant sa mort, répondant à une revue anarchiste brésilienne, Reconstruir, affirmait : “Le pouvoir rend fou celui qui le détient” (t. IV, p. 660). Voulez-vous donc honorer l’anarchiste, le libertaire, l’ami des syndicalistes révolutionnaires, le penseur politique affirmant que le pouvoir transforme en Caligula quiconque le détient ?

De même, Monsieur le Président, vous qui, depuis deux ans, avez reçu, parfois en grande pompe, des chefs d’État qui s’illustrent dans le meurtre, la dictature de masse, l’emprisonnement des opposants, le soutien au terrorisme international, la destruction physique de peuples minoritaires, vous qui aviez, lors de vos discours de candidat, annoncé la fin de la politique sans foi ni loi, en citant Camus d’ailleurs, comment pourrez-vous concilier votre pragmatisme insoucieux de morale avec le souci camusien de ne jamais séparer politique et morale ? En l’occurrence une morale soucieuse de principes, de vertus, de grandeur, de générosité, de fraternité, de solidarité.

Camus parlait en effet dans L’Homme révolté de la nécessité de promouvoir un “individualisme altruiste” soucieux de liberté autant que de justice. J’écris bien : “autant que”. Car, pour Camus, la liberté sans la justice, c’est la sauvagerie du plus fort, le triomphe du libéralisme, la loi des bandes, des tribus et des mafias ; la justice sans la liberté, c’est le règne des camps, des barbelés et des miradors. Disons-le autrement : la liberté sans la justice, c’est l’Amérique imposant à toute la planète le capitalisme libéral sans états d’âme ; la justice sans la liberté, c’était l’URSS faisant du camp la vérité du socialisme. Camus voulait une économie libre dans une société juste. Notre société, Monsieur le Président, celle dont vous êtes l’incarnation souveraine, n’est libre que pour les forts, elle est injuste pour les plus faibles qui incarnent aussi les plus dépourvus de liberté.

Les plus humbles, pour lesquels Camus voulait que la politique fût faite, ont nom aujourd’hui ouvriers et chômeurs, sans-papiers et précaires, immigrés et réfugiés, sans-logis et stagiaires sans contrats, femmes dominées et minorités invisibles. Pour eux, il n’est guère question de liberté ou de justice… Ces filles et fils, frères et soeurs, descendants aujourd’hui des syndicalistes espagnols, des ouvriers venus d’Afrique du Nord, des miséreux de Kabylie, des travailleurs émigrés maghrébins jadis honorés, défendus et soutenus par Camus, ne sont guère à la fête sous votre règne. Vous êtes-vous demandé ce qu’aurait pensé Albert Camus de cette politique si peu altruiste et tellement individualiste ?

Comment allez-vous faire, Monsieur le Président, pour ne pas dire dans votre discours de réception au Panthéon, vous qui êtes allé à Gandrange dire aux ouvriers que leur usine serait sauvée, avant qu’elle ne ferme, que Camus écrivait le 13 décembre 1955 dans un article intitulé “La condition ouvrière” qu’il fallait faire “participer directement le travailleur à la gestion et à la réparation du revenu national” (t. III, p. 1059) ? Il faut la paresse des journalistes reprenant les deux plus célèbres biographes de Camus pour faire du philosophe un social-démocrate…

Car, si Camus a pu participer au jeu démocratique parlementaire de façon ponctuelle (Mendès France en 1955 pour donner en Algérie sa chance à l’intelligence contre les partisans du sang de l’armée continentale ou du sang du terrorisme nationaliste), c’était par défaut : Albert Camus n’a jamais joué la réforme contre la révolution, mais la réforme en attendant la révolution à laquelle, ces choses sont rarement dites, évidemment, il a toujours cru - pourvu qu’elle soit morale.

Comment comprendre, sinon, qu’il écrive dans L’Express, le 4 juin 1955, que l’idée de révolution, à laquelle il ne renonce pas en soi, retrouvera son sens quand elle aura cessé de soutenir le cynisme et l’opportunisme des totalitarismes du moment et qu’elle “réformera son matériel idéologique et abâtardi par un demi-siècle de compromissions et (que), pour finir, elle mettra au centre de son élan la passion irréductible de la liberté” (t. III, p. 1020) - ce qui dans L’Homme révolté prend la forme d’une opposition entre socialisme césarien, celui de Sartre, et socialisme libertaire, le sien… Or, doit-on le souligner, la critique camusienne du socialisme césarien, Monsieur le Président, n’est pas la critique de tout le socialisme, loin s’en faut ! Ce socialisme libertaire a été passé sous silence par la droite, on la comprend, mais aussi par la gauche, déjà à cette époque toute à son aspiration à l’hégémonie d’un seul.

Dès lors, Monsieur le Président de la République, vous avez raison, Albert Camus mérite le Panthéon, même si le Panthéon est loin, très loin de Tipaza - la seule tombe qu’il aurait probablement échangée contre celle de Lourmarin… Mais si vous voulez que nous puissions croire à la sincérité de votre conversion à la grandeur de Camus, à l’efficacité de son exemplarité (n’est-ce pas la fonction républicaine du Panthéon ?), il vous faudra commencer par vous.

Donnez-nous en effet l’exemple en nous montrant que, comme le Camus qui mérite le Panthéon, vous préférez les instituteurs aux prêtres pour enseigner les valeurs ; que, comme Camus, vous ne croyez pas aux valeurs du marché faisant la loi ; que, comme Camus, vous ne méprisez ni les syndicalistes, ni le syndicalisme, ni les grèves, mais qu’au contraire vous comptez sur le syndicalisme pour incarner la vérité du politique ; que, comme Camus, vous n’entendez pas mener une politique d’ordre insoucieuse de justice et de liberté ; que, comme Camus, vous destinez l’action politique à l’amélioration des conditions de vie des plus petits, des humbles, des pauvres, des démunis, des oubliés, des sans-grade, des sans-voix ; que, comme Camus, vous inscrivez votre combat dans la logique du socialisme libertaire…

A défaut, excusez-moi, Monsieur le Président de la République, mais je ne croirai, avec cette annonce d’un Camus au Panthéon, qu’à un nouveau plan de communication de vos conseillers en image. Camus ne mérite pas ça. Montrez-nous donc que votre lecture du philosophe n’aura pas été opportuniste, autrement dit, qu’elle aura produit des effets dans votre vie, donc dans la nôtre. Si vous aimez autant Camus que ça, devenez camusien. Je vous certifie, Monsieur le Président, qu’en agissant de la sorte vous vous trouveriez à l’origine d’une authentique révolution qui nous dispenserait d’en souhaiter une autre.

Veuillez croire, Monsieur le Président de la République, à mes sentiments respectueux et néanmoins libertaires.

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Quand Sarko ment...

par Jean-Paul Beauquier

Deux gros mensonges en peu de temps…

L’argent prêté aux banques au nom des Français (sic) a rapporté plus de 2 milliards d’€ d’intérêts à l’État… Mais la plus value-réalisée, entre la valeur des actions en 2008 et en 2009 et inscrite dans la comptabilité des banques, signifie que le paiement de cet intérêt n’a rien coûté aux banques et que l’État a perdu l’occasion d’un bénéfice qui n’aurait pu être réalisé sans son aide…
Cette perte aussi réelle pour les comptes publics que le gain pour les comptes privés, à moins qu’on nous explique que la virtualité de certains écrits comptables ne jouent que dans un sens, ne saurait être la preuve d’une bonne gestion des finances publiques.
L’État, nous dit-on, emprunte tous les jours sur les marchés financiers mondiaux… y compris à des banques françaises… à des taux supérieurs à ceux qu’il a demandés pour son aide à ces mêmes banques et supérieurs à ceux que les banques centrales consentent à ces mêmes banques en recherche de liquidités…
L’État va placer un emprunt… qui va toucher des commission? Les banques…
Elles paieront un impôt l’an prochain?
Certes, mais sur un montant allégé par toutes les commodités offertes par une fiscalité qui ne taxe le capital qu’après moult déductions, sans compter ce qui aura passé dans les paradis fiscaux et que nul n’ira rechercher…
Le crime d’accaparement est donc avéré… Robespierre, au secours!

Pas plus de vérité sur les collectivités territoriales: l’UMP, cornaquée par l’occupant de l’Élysée, compte mener campagne sur « la folie fiscale des régions ».
Outre qu’il est naturel que les collectivités territoriales disposent des personnels en nombre suffisant pour assurer les missions que le gouvernement lui a déléguées sans transférer les moyens susceptibles d’y faire face dans des conditions satisfaisantes, il est bon de rappeler, comme le fait Laurent Fabius dans La Gazette des communes (30.11.2009) que sur 100 € d’impôts, le gouvernement en prélève 78 et 2 seulement vont aux régions ; que l’augmentation moyenne de l’impôt régional a été de 3 € par habitant et par an dans les 5 années précédentes et que la région qui a procédé à la plus forte augmentation est précisément l’Alsace, gérée par l’UMP!
Au demeurant, la libre administration des collectivités territoriales ne joue que pour les compétences que la loi autorise, y compris par conséquent dans la faculté de moduler telle ou telle taxe pour abonder son budget.
La suppression de la taxe professionnelle pose la question du financement de son remplacement : ce qui est prévu montre un transfert vers les ménages et nul ne croit, et ne peut décemment croire, à un État vertueux qui compenserait durablement le manque à gagner : ni les modes de calcul imaginés par des technocrates bien rodés à ce genre de manipulation, ni la situation d’endettement public (100 fois supérieur à celui cumulé des régions) ne laissent sur ce point le moindre doute.

Les libéraux que le président représente ont la phobie de l’emploi public : ce ne peut pas être pour des raisons de meilleur fonctionnement ou de diminution des coûts.
Et ce n’est assurément pas pour cela qu’il voulait mettre un de ses fils à la tête d’un établissement public appelé à superviser la plus grande opération financière des décennies à venir dans notre pays avec le Grand Paris… Que de marchés…
En termes macro-économiques la nature de la propriété ne joue pas sur la rentabilité, mais elle pèse sur la répartition de la plus-value : le transfert massif de la richesse créée par le travail collectif du travail vers le capital — à moins que ce soit par la spéculation,  mais dans ce cas il faudrait réviser quelques «valeurs» fondamentales, depuis une vingtaine d’années, dans le même temps que le PIB mondial s’accroissait dans des proportions considérables — a non seulement creusé des écarts insupportables entre nations riches ou émergentes et nations pauvres mais à l’intérieur de chaque pays entre les classes sociales en déstabilisant les classes moyennes, là où il en existe, et en précarisant encore davantage les classes pauvres.
Pauvreté et paupérisme sont des mots du XIXème  siècle pour les néo-libéraux et leurs laquais politiques… mais ils sont bien contraints de manier le concept de seuil de pauvreté s’ils ne veulent pas instaurer partout l’état de barbarie et de violence sociale !

Une campagne électorale s’ouvre ? Sarko l’a «nationalisée» ? Tant mieux. Utilisons ce temps comme un temps de lutte, car il faut mettre fin au vampirisme de l’équipe qui pille et pollue la France.

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Réforme des collectivités territoriales : appel à résister !

par les Citoyens de la modernité

Décembre 1789 : création des départements et des municipalités pour casser les provinces et donner le pouvoir aux citoyens.1

Décembre 2009 : casse des départements et des communes pour retirer le pouvoir aux citoyens.

Face au pouvoir personnel d’un seul, aujourd’hui être moderne c’est tout faire pour redonner le pouvoir aux citoyens et non pas les éloigner des centres de décisions. Avec notamment la réforme des collectivités locales de Nicolas Sarkozy, c’est la destruction de la République et de ses valeurs qui est organisée. Une volonté qui s’inscrit dans un processus plus global avec par exemple le bouclier fiscal pour les riches et le couvre-feu pour les enfants, la négation de la laïcité et les discours identitaires et sécuritaires, l’instrumentalisation du Parlement et les libertés élémentaires bafouées, la marchandisation de la culture et la libéralisation des services publics de proximité, le recul de l’IVG, la suppression du juge d’instruction… Comme une revanche du pétainisme.  Mais, 221 ans après l’Assemblée des Trois ordres du Dauphiné à Vizille en Isère, qui leva le vent révolutionnaire en réclamant la convocation des Etats généraux, le Dauphiné montre une nouvelle fois la voie de la résistance face à ce coup d’Etat. Car oui ! « la réforme Sarkozy ne se discute pas, elle se combat ! » (Claude Bertrand, vice président du Conseil général de l’Isère).

C’est pourquoi, de manière pluraliste, un comité de citoyens de la modernité s’organise pour dénoncer et contrer ce train de réformes antidémocratiques et dangereuses. Des personnalités locales et nationales, scientifiques, politiques, associatives, syndicales, des artistes, des historiens, des écrivains, des philosophes… se rassemblent ainsi pour refuser cette trahison des valeurs de liberté, d’égalité, de laïcité et de solidarité, qui ont façonnées notre pays depuis 1789, en passant par toutes les grandes avancées jusqu’au Conseil national de la Résistance.

Le 9 décembre 2009 (date anniversaire de la création des départements il y 220 ans le 9 décembre 1789) aura lieu une prise de parole sous forme de conférence de presse à l’emplacement même de la salle du Jeu de paume devant le château de Vizille. Et le 14 décembre 2009 (date anniversaire de la création des communes le 14 décembre 1789) au cœur même du Grenoble historique qui vit les grenoblois se révolter contre le pouvoir royal lors de la journée des tuiles le 7 juin 1788, une manifestation de résistance festive sera proposée avec tous ceux, citoyens, organisations politiques, syndicales et associatives qui souhaiteront s’associer au Comité des citoyens de la modernité pour défendre, au-delà de la démocratie, toutes les valeurs républicaines de liberté, de laïcité, mais aussi les services publics…

Car oui ! La modernité est bien dans la réappropriation des valeurs et institutions républicaines, en redonnant le pouvoir aux citoyens, depuis la commune jusqu’à la nation en passant par les départements comme niveaux structurants de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, en phase avec les agglomérations communales, les régions et l’Europe. C’est tout l’inverse que veut imposer la réforme Sarkozy. A ce véritable coup d’Etat où il est projeté un véritable hold-up démocratique en remplaçant le système électoral actuel par des élections uninominales à un tour, il nous faut opposer une alternative fondamentale, globale et cohérente, par l’implication citoyenne au soutien d’une démocratie proche des réalités et des besoins ; un service public au service du bien commun et de l’intérêt collectif, partout et sur l’ensemble du territoire ; la solidarité et la recherche incessante de l’égalité par des institutions qui organisent les coopérations et les projets partagés ; l’ambition d’une nouvelle République ouverte au monde ; enfin, une alternative capable d’inscrire les destins individuels dans des projets collectifs porteurs de sens.

C’est tout le sens de l’appel à résister du Comité de citoyens de la modernité : « pour se souvenir de l’avenir » (Aragon).

Le Comité des citoyens de la modernité (premiers signataires) :

José Arias, vice-président du Conseil général de l’Isère – Ariane Ascaride, comédienne – Clémentine Autain – Claude Bardoux – Michel Barrionuevo, conseiller municipal de Sassenage - Gérard Beck, militant associatif – Djemila Benhabib, auteure de « ma vie à contre-coran » – Michel Belletante, metteur en scène – Claude Bertrand, vice-président du conseil général de l’Isère en charge de la culture et du patrimoine – Henri Biron, militant écologiste – Alain Bœuf, journaliste – Christian Borg, militant antifasciste – Saïd Bouamama, sociologue – Katia Boutchoueva (dit Bout’chou), poétesse, animatrice de la scène slam – Roger Briot, ingénieur chercheur CNRS, retraité – Robert Chambrial, médecin – Astrig Chouteau, ingénieur chimiste – Gérard Chouteau, universitaire – La Compagnie Jolie môme – Chantal Cornier, directrice d’Institut de formation de travailleurs sociaux – Jean-Claude Coux, conseiller général de l’Isère – Didier Daeninckx, écrivain – Brigitte Daïan, militante associative – Annie David, sénatrice – Michel Dibilio, metteur en scène – Bérénice Doncque, comédienne – Pascal Dupas, éducateur – Michel Etiévent, écrivain – Bernard Floris, enseignant-chercheur – Denise Foucard, présidente de Culture et Entreprises 94, Officier des Arts et des Lettres, Chevalier de la Légion d’honneur – Michel Fugain – Jacques Gaillot, ancien évêque – Françoise Gerbier, maire de Venon, conseillère régionale – Paul Hickin, artiste graveur, scénographe de théâtre – Jean-Christophe Le Duigou, dirigeant syndical – Jacqueline Madrennes, enseignante – Roger Martelli, historien – Bastien Maupomé, poète – Claude Mazauric, historien – Bernard Merlino – Bernard Miège, universitaire – Paul Muzard – Antoine Porcu, chevalier de la Légion d’honneur, ancien député et conseiller général – Joëlle Prévost, ingénieur CNRS – Luc Quinton, plasticien colleur d’histoires – Jack Ralite, sénateur, animateur des Etats généraux de la culture – Daniel Rigaud, conseiller général de l’Isère – Claude Roussilhe, militant associatif – Guy Rouveyre, conseiller général de l’Isère – Georges Séguy, président d’honneur de l’Institut d’histoire sociale – Lucien Sève, philosophe – François Sikirdji, médecin – Odette Sikirdji, militante associative culturelle – Armand Soler, militant de la cause des sans-papiers – Guy Stoll, militant associatif – Marcel Trillat, réalisateur – Anne Tuaillon, syndicaliste – Patrick Varela, syndicaliste – Robert Veyret, conseiller général de l’Isère – Myriam Zerkaoui, militante antifasciste…

La manifestation du 14 décembre 2009 à Grenoble a d’ores et déjà reçu le soutien de : l’Union départementale CGT Isère – le Collectif des Fonctions publiques de l’Isère - le Comité Ras l’front du voironnais – la Fédération pour une alternative sociale et écologiste (FASE 38)…

signatures à : luc.quinton@laposte.net

  1. 9 décembre 1789, création des départements et 14 décembre 1789, création des municipalités. []
Amérique Latine
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Honduras-Bolivie-Uruguay : lignes de fracture du continent

par Christophe Ventura
Mémoire des Luttes,
co-auteur de "En finir avec l'eurolibéralisme" (Editions des 1001 Nuits, Paris, 2008).

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A posteriori, on mesure à quel point le putsch organisé par l’oligarchie du Honduras le 28 juin 2009, avec le soutien implicite, puis direct des Etats-Unis, trahissait, depuis le départ, un état de nervosité croissant de cette dernière face à la montée des aspirations populaires dans la vie politique et économique du pays.
Alors que le 29 novembre, on assistait là bas à une mascarade électorale portant au pouvoir, dans un contexte de forte abstention, le président conservateur – non légitime - Porfirio Lobo, en Uruguay, le candidat du « Frente Amplio » (Front élargi), José « Pépé » Mujica, emportait avec 51,2 % des voix l’élection présidentielle. Un événement qui, avec le triomphe d’Evo Morales en Bolivie le 6 décembre, démontre que la gauche progressiste, dix ans après son émergence, dure, s’enracine, et même se développe en Amérique latine.

En obtenant près de 63 % des voix à l’élection présidentielle et les deux tiers des sièges au Parlement avec son parti - le Mouvement vers le socialisme (MAS) - , Evo Morales inaugure ainsi un nouveau mandat ( le second, mais le premier dans le cadre de la nouvelle Constitution) et consolide le mouvement de révolution démocratique en cours en Amérique du Sud.

La crise systémique internationale, les difficultés et contradictions inhérentes à des processus qui visent la transformation des structures économiques, politiques, et sociales de la société, les campagnes médiatiques offensives et à charge contre les plus emblématiques des gouvernements de transformation du sous-continent (Bolivie, Equateur, Venezuela), les menaces des Etats-Unis qui organisent leur retour militaire sur place, notamment via l’ouverture de sept nouvelles bases en Colombie n’y changent rien : un vaste mouvement populaire, profondément réfractaire au néolibéralisme et aux nouvelles prétentions impérialistes du puissant voisin étatunien, traverse durablement l’Amérique latine et peut s’appuyer sur des gouvernements qui relaient largement ses revendications.

Dans tous ces pays, et sous des formes diverses qui correspondent aux contextes des uns et des autres, une relation dynamique se construit entre mouvements populaires, forces politiques et gouvernements autour de quelques moteurs :

  • la refondation citoyenne de la nation par l’organisation de constituantes (un « constitutionalisme populaire » selon la formule de Hugo Chavez),
  • la réappropriation sociale des ressources naturelles et énergétiques,
  • le développement de politiques sociales et environnementales ambitieuses.
  • Sur ce dernier point, les pays de l’Alliance bolivarienne des peuples d’Amérique (Alba), notamment la Bolivie, sont à la pointe des propositions reprises par les mouvements sociaux de la planète pour lutter contre le réchauffement climatique (reconnaissance de la dette écologique des pays du Nord, rejet des agrocombustibles, fin du régime privé des brevets, instauration de taxes globales sur toutes les transactions financières, etc.),
  • l’indépendance vis-à-vis des Etats-Unis et des institutions financières internationales ( FMI, Banque mondiale, OMC),
  • le développement de nouvelles formes d’intégration régionale : Union des nations sud-américaines (Unasur) et Alba.

Certains journalistes du Monde se demandaient quelques jours avant l’élection bolivienne, qui, à part « une poignée d’entreprises étrangères attirées par ses richesses naturelles et des altermondialistes fascinés par la charge symbolique du syndicaliste d’origine aymara parvenu au pouvoir (…) s’intéresse aujourd’hui à la Bolivie ? »
N’en déplaise à nos médias en campagne, la réponse s’impose : les peuples.

Cette nouvelle n’est pas bonne pour les oligarchies sud-américaines. Le coup d’Etat au Honduras a constitué le point de départ d’une nouvelle bataille politique et idéologique entre ces dernières, leurs alliés et les peuples en mouvement. Certains médias ont déjà choisi leur camp.

Retrouvez les articles de Mémoire des luttes
Source : http://www.marianne2.fr

Algérie
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Les habits neufs de Patrick Buisson

par Mohammed Harbi
historien

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A ceux qui sous-estimaient les problèmes posés par la mémoire étatique en France, la loi du 23 février 2005 a sonné l’heure du rappel à l’ordre. Dans le bilan sur l’Algérie et sur la politique qui y a été menée depuis 1830, s’exprime une conception du temps politique qui est celle d’un révisionnisme suivant lequel le changement ne pourrait s’exprimer que dans la continuité. A cet égard, le discours des idéologues du sarkozysme sur la question coloniale recèle une auto-estimation de la politique de la France dont le ton et le contenu procèdent de l’esprit missionnaire et d’une réhabilitation du fait colonial. La suppression de l’article 4 de la loi du 23 février 2005 à l’initiative du président Chirac ne vaut pas pour eux.

Avec Patrick Buisson, «conseiller écouté» du président Nicolas Sarkozy et ancien directeur du journal d’extrême-droite Minute, et Michel Déon, membre de l’Académie française, le nationalisme chauvin incarné par Maurice Barrès (1862-1928) et Charles Maurras (1858-1952), revêt des habits neufs. Ressurgissent alors dans le débat ses thèmes de prédilection : protéger la France des étrangers qui menacent ses valeurs propres, défendre l’armée, hier dans l’affaire du capitaine Dreyfus, aujourd’hui dans la défense de la répression militaire, policière et psychologique du peuple algérien en lutte pour son indépendance. On peut le vérifier en parcourant l’ouvrage de Patrick Buisson, La guerre d’Algérie qui donne au lecteur français une vision apologétique de l’Algérie coloniale et de l’action des militaires. Les générations nouvelles y retrouvent, sorties du congélateur, les images puisées dans les archives des services psychologiques de l’armée. Pour un ouvrage insouciant de la dimension historique de la colonisation produit avec légèreté et sans honte, c’en est un.

L’évocation des drames que l’Algérie a vécus après 1962 n’excuse pas l’ordre colonial de ses pratiques - extorsion de biens par la violence de la loi du conquérant fondée sur la logique capitaliste, racisme, contraintes physiques qui relèvent de crimes contre l’Humanité, sans compter une politique obscurantiste, et j’en passe. Buisson devrait, avant de parler de l’Algérie, balayer devant sa porte, repenser l’histoire de France et réviser les mythes fondateurs de l’empire colonial au lieu de les cautionner dans l’enthousiasme avec la chaîne Histoire qu’il dirige, en collaboration avec deux institutions d’État, la Direction du patrimoine et des archives du Ministère de la Défense et l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense et avec la chaude recommandation du Secrétariat d’État aux Anciens combattants. L’ouvrage de Buisson relève de l’imposture. C’est une provocation dans laquelle il serait dommageable de tomber.

Les relations franco-algériennes ne sont pas seulement des relations d’État à État, ni une affaire de capitalistes à la recherche de marchés juteux. C’est aussi un mélange de réseaux d’échanges et d’amitiés, de liens personnels entre deux sociétés et deux peuples, entre une Algérie ouverte sur l’avenir et une France métissée, faite de diversités culturelles et ethniques, et rebelle à la xénophobie. Nous le constatons tous les jours quand des enseignants de lycées nous invitent à dialoguer avec leurs élèves, quand des associations se penchent sur notre guerre de libération en prenant leurs distances avec les interprétations officielles, quand des Anciens combattants reversent leur retraite de soldats au profit de projets dans les zones où ils ont combattu. C’est en allant à la rencontre de ce mouvement que seront neutralisés les attardés du parti colonial, dont se réactive l’antigaullisme et la haine de l’Algérie à la veille de chaque échéance électorale. Qu’on ne s’y méprenne pas, les «haines rentrées» alimentent la discorde entre les peuples toujours à leur détriment.

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Algérie : les forces républicaines doivent transcender leurs divergences

par le PLD
Parti pour la Laïcité et la Démocratie

Source de l'article

Déclaration politique générale

L’Algérie vit ces derniers jours des moments exceptionnels grâce à la qualification de son équipe nationale de football à la coupe du monde. Cette victoire a permis à la société de se réapproprier les symboles de la nation, de renouer avec des moments de liesse populaire et de communion nationale inoubliables.

Grâce à cette extraordinaire opportunité, l’Algérie et en particulier sa jeunesse a réussi, au grand dam des islamistes, à retrouver un niveau remarquable de convivialité et à reconquérir les espaces de vie désertés pendant deux décennies de terrorisme. Les manifestations populaires qui se sont emparées de tout le territoire national, expriment la volonté farouche d’en découdre avec le marasme ambiant et délivrent un véritable message d’espoir.

L’événement sportif a permis encore une fois de tomber le masque d’un pouvoir essentiellement préoccupé par les considérations politiciennes de sa propre survie . En Égypte, la campagne haineuse sans précédent déclenchée contre l’Algérie ne peut pas cacher le fait que le pouvoir égyptien a instrumentalisé le sport pour tenter de « normaliser » une succession politique au sommet.

Le PLD dénonce tout autant les vaines tentatives de récupération politicienne du pouvoir algérien que les manigances de division de deux peuples frères orchestrées par le pouvoir égyptien. Par de telles attitudes, le pouvoir politique, aussi bien en Algérie qu’en Égypte, démontre qu’il continue de frayer dans les eaux troubles de la manœuvre politicienne et tente de verrouiller l’accès de la société aux vertus de la démocratie en assurant la pérennité de systèmes politiques corrompus et antidémocratiques.

Pendant que la fête, boudée par les islamistes, enflammait tout un peuple, le terrorisme islamiste continue à frapper et à assassiner froidement. De nouvelles tueries ont eu lieu dans la wilaya de Boumerdes (Legata) le 25 novembre 2009. Voilà où conduit la politique de « réconciliation nationale » : un terrorisme, requinqué par le compromis islamo-conservateur, qui ne renonce pas à l’instauration de la « dawla islamiya » [État islamique].

Le PLD s’incline de nouveau devant la mémoire de toutes les victimes du terrorisme (forces de l’ordre, patriotes, militaires, gendarmes, citoyens), et présente aux familles ses sincères condoléances et les assure de sa plus totale solidarité. La déclaration tonitruante de M. Zerhouni , ministre algérien de l’Intérieur, selon laquelle : « Il faut s’attaquer à la matrice idéologique du terrorisme » faite à l’occasion de la 14e conférence des ministres de l’intérieur des pays de la Méditerranée sur la sécurité sonne comme un aveu d’échec face à l’islamisme politique.

Le pouvoir porte une lourde responsabilité devant la société puisqu’il reconnaît avoir fait fausse route. A aucun moment, il n’a considéré que le combat contre l’islamisme est une lutte éminemment politique qui ne saurait s’accommoder d’aucun compromis avec les courants islamistes, y compris avec ceux qui se prétendent modérés. Il n’a jamais admis aussi que cette bataille doit se mener simultanément sur les tous les fronts : sécuritaire, idéologique, économique et social sans qu’aucun de ces segments ne soit sous-estimé.

Au lieu de travailler au rassemblement de toutes les forces républicaines acquises à la modernité et la démocratie, le pouvoir s’est refusé de voir l’avenir en promulguant la loi sur la « Réconciliation Nationale », véritable acte de trahison. Au plan social, la situation est explosive.

Le pouvoir fait feu de tout bois pour faire face à un mouvement social qu’il n’arrive pas à endiguer et confirme son incapacité à mettre les réserves du Trésor pourtant colossales au service du développement du pays et les revendications légitimes des travailleurs.

Aujourd’hui, les secteurs de la Santé Publique, [de l’enseignement ] du Secondaire et du Supérieur sont paralysés par des grèves des travailleurs. Le PLD salue les premières victoires des syndicats autonomes des enseignants du secondaire.

Cependant, la lutte doit continuer pour la satisfaction des revendications des praticiens de la santé publique, des enseignants des lycées et des universités ainsi que celle de tous les autres secteurs sociaux économiques. L’unique réponse à ce pouvoir sourd aux revendications des travailleurs est la mobilisation la plus large comme viennent de le démontrer avec force les enseignants. Le PLD se joint à l’élan de solidarité des ligues, organisations nationales et personnalités avec les journalistes tunisiens emprisonnés, dont Taoufik Ben-Brik, et dénonce les entraves des autorités tunisiennes au préjudice du collectif d’avocats dont Maître Hocine Zehouane empêchés arbitrairement d’en assurer la défense. Le PLD appelle de nouveau les forces républicaines à transcender leurs divergences pour se rassembler dans le respect de leur diversité en vue de consacrer tous leurs efforts à la construction d’une Algérie républicaine, démocratique, sociale et laïque.

Alger le 28 novembre 2009, P/ LE BUREAU NATIONAL PROVISOIRE DU PLD.

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Hidjab dans l'uniforme officiel d'une école publique québécoise : réponse de la FCSQ

par ReSPUBLICA

Suite à la publication, dans notre n° 629, d’une lettre ouverte à la Fédération des Commissions scolaires du Québec, rédigée par plusieurs associations sous l’égide d’Initiative de Femmes pour la Citoyenneté et les Droits Universels , cet organisme nous a demandé de publier leur réponse que vous trouverez ci-après. Nous publions également la réponse de Lalia Duclos dans ce même numéro.

La Rédaction de Respublica

Madame Lalia Ducos
Présidente
Initiative de Femmes pour la Citoyenneté et les Droits Universels

Objet : Lettre à la Fédération des commissions scolaires du Québec publiée le 23 novembre par les sites Internet Respublica et Tolerance.ca

Madame Ducos,

C’est avec un très grand étonnement que nous avons pris connaissance de la Lettre à la Fédération des commissions scolaires du Québec publiée entre autres sur les sites Internet Respublica et Tolerance.ca. Dans votre lettre, qui fait référence à une information publiée par les médias québécois à l’effet que l’école Marguerite-De Lajemmerais de Montréal avait intégré le voile islamique à l’uniforme officiel de l’établissement, vous affirmez que « la Fédération des commissions scolaires du Québec a proposé de laisser la décision à la direction de chaque école ». Il s’agit d’une affirmation erronée.

C’est pourquoi, tel que je vous l’ai expliqué lors de notre conversation téléphonique, nous vous demandons de faire un rectificatif auprès des signataires ainsi que des diffuseurs de cette lettre pour les raisons suivantes :

1. Il y a erreur sur l’interprétation de cette information puisque la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) n’a jamais émis de position sur la situation dénoncée dans votre lettre. Nous n’avons fait aucune déclaration et n’avons pas été interpellés par les médias dans ce dossier. Pour ce qui est de la question des accommodements raisonnables en général, la FCSQ a fait valoir au gouvernement du Québec en décembre 2007 l’importance pour le réseau scolaire d’avoir des balises et des références claires en cette matière. Dans le mémoire que nous avons présenté à la Commission Bouchard-Taylor, nous demandions également au gouvernement que soit réaffirmé de façon particulière le respect de l’égalité entre les sexes comme étant une valeur fondamentale de la société québécoise. Vous pouvez consulter ce mémoire sur notre site Internet au www.fcsq.qc. ca dans la section Publications. Quant aux préoccupations que vous pourriez avoir sur les suites à donner aux recommandations de la Commission Bouchard-Taylor, nous vous invitons à les communiquer directement au gouvernement. Soyons clair, notre Fédération n’a aucune juridiction sur la question des uniformes des élèves et encore moins sur les écoles et les commissions scolaires.

2. La Commission scolaire de Montréal (CSDM), pour sa part, a clairement indiqué dans le journal Le Devoir du 13 novembre (voir article ci-joint) que même si cette décision avait été prise par l’école et que même si elle reconnaît que le code vestimentaire d’une école ou l’imposition d’un uniforme relèvent des prérogatives de l’école et de son conseil d’établissement, il était « hors de question qu’il y ait des signes religieux distinctifs comme celui-là, ou autres, à l’effigie d’une école ou d’une commission scolaire ». De plus, la CSDM précise dans cet article qu’elle entend « adopter une politique et une directive portant sur les uniformes ». Il est donc clair qu’elle entend encadrer ses écoles à cet égard.

Nous estimons important de faire cette précision quant au rôle et aux responsabilité s de la Fédération des commissions scolaires du Québec dans ce dossier et c’est pourquoi nous vous demandons de transmettre cette information à tous ceux et celles qui auraient pu être induits en erreur sur cette question.

Veuillez agréer, Madame Ducos, nos sentiments les plus distingués,

Caroline Lemieux, Attachée de presse

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Réponse de Lalia Ducos à la FCSQ

par ReSPUBLICA

Suite à la publication, dans notre n° 629, d’une lettre ouverte à la Fédération des Commissions scolaires du Québec, rédigée par plusieurs associations sous l’égide d’Initiative de Femmes pour la Citoyenneté et les Droits Universels , cet organisme nous a demandé de publier leur réponse ce que nous faisons dans ce même numéro. Vous trouverez ci-après la réponse de Lalia Duclos à la FCSQ.

La Rédaction de Respublica

Chères amies, Chers amis,
Nous avons reçu une réponse de la Fédération des Commissions Scolaires du Québec (FCSQ) que nous vous communiquons;
Cependant nous tenons à signaler que notre appel été envoyé directement à la FCSQ par mail et par fax le 11 Novembre et un 2ème envoi a eu lieu le 19 Novembre, également par mail et par fax.
Nous sommes étonnés que la FSCQ ait tant tardé à nous faire savoir que la question des uniformes ne dépend pas de sa juridiction;

Nous sommes également étonnés qu’un organisme aussi important n’ait pas transmis le courrier à la Commission Scolaire De Montréal (CSDM) qui semble décisionnaire en la matière.
La FCSQ, nous apprend dans le chapitre 2 de sa lettre : « que la Commission Scolaire de Montréal, a pour sa part, clairement indiqué dans le journal LE DEVOIR du 13 novembre que, même si cette décision avait été prise par l’école et que même si elle reconnait que le code vestimentaire d’une école ou l’imposition d’un uniforme relèvent des prérogatives de l’école et de son conseil d’établissement, il était “hors de question” qu’il y ait des signes religieux distinctifs comme celui-là, ou autres, à l’effigie d’une école ou d’une commission scolaire ». De plus la Commission Scolaire De Montréal précise dans cet article qu’elle entend « dopter une politique et une directive portant sur les uniformes”.  Il est donc clair qu’elle entend encadrer ses écoles à cet égard » ( fin du chapitre 2)

Nous nous félicitons de la décision de la Commission Scolaire de Montréal et nous remercions la Fédération des Commissions Scolaires du Québec quant à la précision de son rôle et de ses responsabilités, mais en allant plus loin dans la déclaration de la CSDM, nous remarquons que la décision prise ne pourra être mise en application qu’en 2010-2011 (voir déclaration dans le site http://www.sisyphe.org/

Aussi nous maintenons notre pétition pour montrer notre désapprobation VIS A VIS DE  la décision prise par l’école et le conseil d’établissement  de l’école Marguerite De Lajemmerais et pour  soutenir la CSDM ET LES ORGANISATIONS LAIQUES LOCALES pour toute action menée contre ces dérives communautaires.

Association Initiative de Femmes pour la Citoyenneté et les Droits UniverselsWomen’s Initiatitive for Citizenship and Universal Rights (WICUR)