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Des cantonales à la présidentielle

par Évariste
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Les enseignements des élections cantonales françaises sont précieux.
Vous avez tous lu ici et là que le premier tour a montré, par rapport à 2004, une poussée du FN et d’Europe Écologie - les Verts, un léger recul du PS et des divers-gauche, une légère augmentation du Front de gauche, un fort recul de l’UMP et surtout un fort taux d’abstention provenant principalement des couches populaires.
Le deuxième tour a montré le maintien du fort taux d’abstention ce qui révèle une fracture électorale forte, pour la première fois une augmentation de 50 % des voix FN là où il maintenait ses candidats, et le fait que le PS rafle la mise au niveau des postes conquis.

L’abstention massive des couches populaires1

L’accroissement du taux d’abstention pose problème à tous ceux qui travaillent à la transformation sociale. Il ne peut y avoir de transformation sociale sans un soutien massif des couches populaires - les ouvriers et employés -  les seules qui ont un intérêt au changement social. C’est l’enseignement de la période de la gauche au pouvoir et surtout de la période du gouvernement Jospin. La fracture électorale avec les couches populaires devrait beaucoup plus interroger les responsables politiques de gauche. Nous ne parlons pas de ceux qui, à gauche, ont intériorisé la politique turbocapitaliste et qui ne peuvent se maintenir au pouvoir qu’en organisant cette fracture électorale. Pour eux c’est une victoire que seules les couches moyennes salariées (39 % de la population partagée en 24 % pour les couches intermédiaires et 15 % pour les cadres) et non-salariés (3 à 4 % selon les décomptes) participent aux élections. À noter de ce point de vue que même le vote Front de gauche n’a pas beaucoup bénéficié d’un apport en provenance des couches populaires.

Le FN est devenu un parti comme un autre

Pour la première fois, un sondage montre que pour 52 % des Français, le FN est un parti comme un autre. D’ailleurs, pour la première fois, le FN augmente de 50 % au deuxième tour par rapport à ses voix du premier tour là où il s’est maintenu pour
faire un score entre 40 et 45 %. La porosité de l’électorat aux idées de la ligne stratégique de Marine Le Pen devient manifeste. Que de chemin parcouru par cette extrême droite depuis 2002 ! le FN fait presque autant de voix dans les cantons où il s’est maintenu (un peu plus de 400 cantons) qu’au premier tour dans les plus de 1000 cantons où il avait un candidat. De ce point de vue, cette élection montre clairement un recul du camp de la république sociale, car le FN est tout aussi nocif aujourd’hui qu’hier. Et là, on voit bien que le “front républicain” des bobos et des belles âmes est inopérant et que c’est bien l’objectif de renouer les liens entre les couches populaires et la gauche qui devient l’objectif prioritaire.

L’UMP subit un fort recul

La stratégie sarkozienne s’effondre. Poussé par le MEDEF et les forces néolibérales, il est passé en force avec comme seul objectif la privatisation des profits et la socialisation des pertes. Or la poursuite du processus du partage des richesses de plus en plus favorable aux forces possédantes et de moins en moins favorables au salariat notamment des couches populaires et d’une partie des couches moyennes entraîne une désaffection de l’électorat. C’est pourquoi le MEDEF pousse Sarkozy à reprendre la stratégie chiraquienne : les possédants ne cèdent, un peu, que lorsque le rapport des forces les y oblige…

Europe écologie - Les Verts ne profite pas de la catastrophe au Japon

Contrairement aux dires de certains commentateurs, il n’y a pas eu de réelle poussée d’EE-LV. Il y a eu une progression mais son électorat partisan est celui qui c’est le plus abstenu et qui a le plus voté pour d’autres partis, et ses voix proviennent pour moitié d’électeurs qui se sont déterminés dans la semaine précédant le vote. Dans le contexte de ce qui se passe au Japon, on aurait pu s’attendre à une forte mobilisation de l’électorat. C’est donc un piètre score, même s’il progresse, et en aucun cas une poussée. D’ailleurs Cécile Duflot avait annoncé qu’à 13% au premier tour elle sortait le champagne : la fête n’a pas eu lieu.

Le PS rafle la mise

Malgré un score très moyen au premier tour, le PS bénéficie du fort recul de la droite. Il gagne non pas par un élan d’adhésion, mais par le recul de l’autre plus fort que le sien. Il rafle donc la mise en terme de pouvoir départemental. Bien sûr, sans prédire l’avenir, car une présidentielle ne joue pas sur les mêmes ressorts que les cantonales, il va de soi que la victoire du PS est possible en 2012 dans les mêmes conditions : prise du pouvoir par fort recul de la droite sans avoir un fort soutien en adhésion et maintien de la fracture électorale entre les couches populaires et la gauche. Et comme les mêmes causes produisent les mêmes effets…

Le Front de gauche s’installe dans le paysage sans mordre de façon significative dans les couches populaires

Après des élections à la proportionnelle (européenne et régionales), voici le premier test pour le Front de gauche dans une élection uninominale à deux tours.
Il se maintient et se permet même de résister dans ses bastions à une alliance PS-Europe Écologie dirigée contre lui. La prise du pouvoir du PS contre le PCF réalisée en Seine-Saint-Denis dans des élections passées n’a pas pu se produire dans l’Allier et le Val-de-Marne. Mais le Front de gauche a bénéficié du vote de beaucoup d’électeurs habituels du NPA, de LO et d’autres formations d’extrême gauche qui n’étaient pas présentes à ce scrutin et qui le seront à la présidentielle avec Besancenot, Arthaud et sans doute d’autres ! Donc il y a loin de la coupe aux lèvres pour les analystes attentifs. Par ailleurs, l’installation du Front de gauche dans le paysage se fait principalement grâce au soutien des couches moyennes radicalisées et des militants syndicaux et il n’arrive toujours pas à mobiliser de façon significative les couches populaires.

Comment va se passer la campagne présidentielle ?

Il est sans doute trop tôt pour le dire. Comme il est trop tôt pour prédire comment les candidats vont mener leur campagne. Bien sûr, le spectacle (au sens de Guy Debord, La société du spectacle) offert par les primaires socialistes dont personne ne sait encore quelles seront les règles exactes pour pouvoir y concourir ne manquera pas d’avoir un effet positif ou négatif sur cette campagne.
Et même quand les règles seront définitivement connues, encore faudra-t-il voir si la direction du PS agira sur ses élus, pour aider ou empêcher, certains candidats de pouvoir concourir les signatures des élus pour atteindre les quotas nécessaires.
Même question sur le choix du candidat à l’élection présidentielle du Front de gauche qui sera décidé par le PCF d’ici le mois de juin. Nous saurons si la direction du PCF, favorable à la candidature de Jean-Luc Mélenchon, arrivera à convaincre ses troupes et empêcher que le conflit actuel sur ce point entraîne une candidature communiste dissidente ou un soutien minimal de certains durant la campagne.

Suite au prochain numéro !

Et en attendant, n’hésitez pas à utiliser les conférenciers de RESPUBLICA pour en débattre ici et là !

  1. ouvriers, employés, représentant 53 % de la population []
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À propos d'une déclaration de Claude Guéant : après la dérive néo-laïque, la dérive laïcarde

par Marie Perret
professeur agrégée de philosophie

Source de l'article

 

Nicolas Sarkozy s’était déjà illustré à Ryad et à Saint-Jean de Latran en célébrant le « Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le cœur de chaque homme » et en faisant l’apologie des racines chrétiennes de la France. À l’époque, il voulait faire croire que la laïcité était synonyme d’intolérance et appelait de ses vœux une « laïcité positive » dont on ne voyait pas très bien ce qu’elle pouvait recouvrir, sinon le désir de caresser les religions dans le sens du poil et d’abolir, à travers le « toilettage » de la loi de 1905, le principe de séparation des Églises et de l’État. Considérer que la laïcité est une position dogmatique, crispée et ringarde, l’affubler d’un adjectif, vouloir lui substituer le principe de tolérance : telle est la logique qui, selon la philosophe Catherine Kintzler, caractérise la « dérive néo-laïque ». Celle-ci n’est du reste pas propre à la droite : on se souvient qu’au moment de l’affaire du voile, tout un pan de la gauche était prête, au nom de la tolérance, à laisser entrer les signes religieux à l’école publique.

Après avoir donné un coup de volant à gauche, voilà que Nicolas Sarkozy donne un coup de volant à droite. Claude Guéant a fait, ainsi, une étonnante déclaration : « Les agents des services publics évidemment ne doivent pas porter de signes religieux, manifester une quelconque préférence religieuse, mais les usagers du service public ne [le] doivent pas non plus ». Va-t-il exiger que les usagers de la Poste retirent la croix qu’ils ont autour du cou ? Il faut reconnaître que ce n’était pas les chrétiens qui étaient visés à travers cette déclaration. Celle-ci date en effet de jeudi dernier, soit trois jours avant le second tour des élections cantonales. Ce sont derrière les voix du Front National que l’UMP courait alors. Prenons au mot le ministre de l’Intérieur : va-t-il demander aux femmes voilées de retirer leur foulard dans le bus ou dans le métro ? Claude Guéant a beau se justifier en disant qu’il songeait uniquement à l’hôpital public, il n’en demeure pas moins que de tels propos alimentent la confusion, à la fois sur la laïcité et sur la religion musulmane. Considérer que cette dernière est par sa nature même hostile à la laïcité, vouloir étendre le principe de laïcité à l’espace de la société civile : telle est la logique qui, cette fois-ci, sous-tend la dérive « laïcarde ». Le sinistre exemple de « Riposte laïque » montre à quelles extrémités celle-ci peut conduire.

Sur la question de la laïcité, le discours de Nicolas Sarkozy est à géométrie variable : pour gagner les voix des électeurs musulmans, le chef de l’État va jusqu’à promettre d’« assouplir » la loi de 1905 afin d’autoriser le financement public des mosquées. Pour gagner celle du Front National, il va jusqu’à suggérer par la bouche de Claude Guéant qu’on interdise aux usagers des services publics de porter le voile. La géométrie variable n’exclut pas la cohérence de fond : chaque fois qu’il prononce le mot de laïcité, Nicolas Sarkozy remet en question ce qui en fait le principe même.

Pour sa gouverne, rappelons à Claude Guéant que, dans une République démocratique, l’espace de la société civile doit être régi par le principe de tolérance : les individus ont le droit d’exprimer leurs appartenances ou leurs croyances à condition qu’ils respectent le droit commun. La sphère de la puissance publique doit, en revanche, rester sous l’égide du principe de laïcité. C’est la raison pour laquelle les agents de l’État et, en premier chef, son représentant, sont tenus au devoir de neutralité en matière religieuse. Rappelons, enfin, que l’école publique est un lieu à part puisqu’il met en présence des libertés qui ne sont pas encore constituées. C’est la raison pour laquelle les élèves ne peuvent porter de signes religieux ostensibles, comme la loi du 15 mars 2004 est venue opportunément le rappeler. Mais ce qui vaut pour l’école publique ne saurait valoir pour les services publics : les « usagers » ne sont pas des élèves et on ne voit pas au nom de quoi il faudrait leur interdire d’arborer les signes de leur appartenance religieuse.

Cette mise au point étant faite, il faut ajouter que les services publics, et en particulier les hôpitaux, n’ont pas à se plier, ni même à tenir compte, des exigences particulières, notamment quand elles sont formulées au nom de la religion ou d’une coutume misogyne. Donner son consentement à des soins et choisir librement son médecin est un droit pour le patient. Mais il n’autorise en aucun cas le patient à refuser qu’un médecin procède à un acte de diagnostic ou de soin pour des motifs tirés de sa religion ou de celle supposée du soignant. Les mêmes règles doivent s’appliquer à tous les patients, quelle que soit leur origine sociale, quelle que soit leur communauté d’appartenance, quelles que soient leurs croyances religieuses.

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Comment la laïcité a été offerte en cadeau au Front national

par Catherine Kintzler
Auteur de "Qu'est-ce que la laïcité", publié chez Vrin, 2007.
http://www.mezetulle.net

Source de l'article

 

Qui aurait dit que la laïcité, réputée ringarde il n’y a pas si longtemps, deviendrait un objet « fashion »  convoité par les politiques ? Convoité ? Il vaudrait mieux dire instrumentalisé. Comme bien d’autres objets de pensée et de droit, la voici à son tour fardée pour un débat biaisé, une récupération cosmétique où on entend tout et n’importe quoi.
Mais l’opération vient de plus loin, préparée par des années d’égarement politique – tant à droite qu’à gauche – enraciné dans une affligeante ignorance qui oscille en réaffirmant toujours la même double erreur : diluer la laïcité dans des accommodements déraisonnables (exemple : « et si on finançait les lieux de culte ? ») ou la durcir vers l’ultra-laïcisme (exemple : « et si on interdisait l’affichage religieux aux usagers des services publics? »).
Rien d’étonnant à ce que le Front national n’ait qu’à se baisser pour ramasser ce cadeau inespéré bichonné par de longues années d’aveuglement des politiques de gauche comme de droite.

Par quel processus la laïcité est-elle tombée dans l’escarcelle du Front national ?

Le président de la République et son gouvernement ont certes bien travaillé à ce transfert inquiétant en faisant un grand écart (du 1.

Deux dérives symétriques et complices

Deux dérives symétriques et complices dans leur diamétrale opposition, auxquelles bien des « forces laïques » se sont livrées, ont en effet préparé depuis une trentaine d’années l’essentiel ce transfert politique. Pour caractériser ces deux dérives et les combattre, il faut inlassablement préciser et rappeler que la laïcité ne se confond, ni avec un « nettoyage » des manifestations religieuses dans la vie civile, ni avec une acceptation de ces mêmes manifestations partout. L’auteur de ces lignes l’a fait depuis de longues années, dans de nombreux textes et se contentera, pour ne pas lasser ses fidèles lecteurs, d’un bref rappel2.

Le régime de laïcité dissocie le domaine de constitution du droit et des libertés (domaine de la puissance et de l’autorité publiques rendant les droits possibles – il inclut notamment l’école publique) d’avec celui de leur exercice (domaine civil ouvert au public et domaine privé de l’intimité). Le premier domaine est assujetti au principe d’abstention (dit encore principe de laïcité), le second jouit des libertés au sens le plus large. Autrement dit, le régime de laïcité articule le principe de laïcité (valide dans le domaine participant de la puissance publique) et le principe de libre affichage des opinions notamment religieuses (valide partout ailleurs).
Sans cette distinction, qui ne se réduit pas à la confortable et souvent obscure opposition privé/public, la laïcité perd son sens : c’est précisément parce que la puissance publique et le domaine qui lui est associé s’astreignent à la réserve en matière de cultes que les libertés d’expression, d’association, etc. peuvent, dans le respect du droit commun, se déployer dans la société civile sous le regard d’autrui (par exemple : la rue, le métro, une boutique, un hall de gare…) et dans l’espace de la vie intime à l’abri du regard d’autrui. Ce déploiement s’effectue conformément au droit commun : l’exercice des libertés ne peut pas être contraire au droit d’autrui.

Les égarements politiques que nous observons depuis trente ans en matière de laïcité sont intelligibles à la lumière de cette disjonction, ou plutôt à la lumière de sa méconnaissance volontaire, ayant pour résultat l’affolement total de la boussole.

  • La première dérive a pris des noms variés, je l’appellerai la laïcité adjectivée (laïcité plurielle, ouverte, positive, raisonnable, raisonnée, etc. ). Elle consiste à vouloir étendre au domaine de l’autorité publique le régime de la société civile. Autrement dit, elle récuse le caractère neutre et minimaliste de la puissance publique républicaine, faisant de l’opinion religieuse une norme, autorisant les propos religieux au sein de l’Etat lui-même (et donc bientôt en son nom?) et aboutissant à légitimer la communautarisation du corps politique. Elle a été notamment désavouée par le vote de la loi de mars 2004 interdisant le port des signes religieux ostentatoires à l’école publique par les élèves comme par les personnels. Elle reprend de la vigueur ces derniers temps avec notamment le plaidoyer pour le financement des lieux de culte – on reviendra sur cette question dans un moment.
  • La seconde dérive, une forme d’extrémisme laïque, ou d’ultra-laïcisme, consiste symétriquement et inversement à vouloir durcir l’espace civil en exigeant qu’il se soumette à l’abstention qui devrait régner dans le domaine de l’autorité publique. Elle a marqué une partie de l’histoire de la IIIe République. Elle a refait surface récemment dans le cadre d’une réaction à la première dérive, et la déplorable affaire dite du gîte d’Epinal en 2007 lui a donné son moment critique. On a vu alors se former des groupes favorables à l’effacement dans l’espace civil de tout signe religieux, et qui ont diffusé récemment des thèmes non pas antireligieux généralement (comme cela serait cohérent avec leur principe) mais plus particulièrement anti-musulmans.
    Le pouvoir de nuisance de cette seconde dérive n’est pas négligeable : elle surfe en effet facilement d’une part sur l’opposition « privé/public » et de l’autre sur des opérations urbaines spectaculaires organisées par l’intégrisme islamique. Après avoir réalisé sa jonction avec l’extrême-droite à la faveur de l’opération « saucisson-pinard », elle vient de faire un groupie de plus en la personne de Claude Guéant, qui a déclaré récemment vouloir astreindre les usagers des services publics à l’abstention de tout affichage religieux. Pourquoi ne pas réclamer alors qu’on fasse taire les cloches et qu’on débaptise les communes portant le nom d’un saint ? Cette incohérence n’est pas un hasard.

Voilà comment ces deux courants se sont relayés et offert la laïcité à Mme Le Pen, l’un en désertant totalement le terrain du combat laïque pendant de longues décennies, l’autre en l’investissant avec des propositions durcies et réactives, les deux en épousant le fonds de commerce des politiques  d’extrême-droite, à savoir la constitution fantasmatique de « communautés » (en l’occurrence « les musulmans ») que les premiers révèrent en criant à la « stigmatisation » et que les seconds abhorrent.

Le mécanisme de balancier est facile à comprendre et à décrire.

A force d’amollir la laïcité, d’en nier l’essence au point d’introduire le discours religieux comme légitime dans le domaine de l’autorité publique, à force de consacrer le fractionnement du corps social en reconnaissance politique d’appartenances particulières, à force de dissoudre l’idée républicaine, on finit par réveiller ou par produire un mouvement réactif et rigide réclamant le « nettoyage » de toute présence du religieux dans l’ensemble de la vie civile et sa restriction à la seule vie intime -  autant dire qu’on réclame l’abolition de la liberté d’opinion. Une telle réaction campe sur l’ambivalence du terme « public », qu’elle interprète non pas comme ce qui participe de l’autorité publique, mais comme tout ce qui apparaît en public. Comment s’étonner alors que l’extrême-droite, criant à l’abandon de la laïcité, n’ait plus qu’à s’emparer d’un ultra-laïcisme aux ordres du nettoyage anti-religieux (que l’on réduit opportunément au nettoyage anti-musulman) ?

 

Faut-il financer les lieux de cultes avec l’argent public ?

A la lumière de ce cadeau insensé, on peut éclairer un sujet à la mode ces derniers temps, bien partagé à droite comme à gauche. Le non-financement public des lieux de culte est étrangement devenu une question alors que l’abstention de la puissance publique en la matière devrait aller de soi dans la France républicaine, où la puissance publique s’abstient de tout soutien à ce qui relève du religieux, de la croyance ou de l’incroyance, et en garantit la liberté précisément par cette abstention aveugle. C’est devenu une question parce que les tenants d’une laïcité adjectivée banalisent l’idée qu’il faut bien aider les cultes si on veut qu’ils soient libres. C’est devenu une question politique brûlante parce que les tenants de l’ultra-laïcisme brandissent un péril dit « d’islamisation » auquel le non-financement des lieux de cultes serait une réponse.

Or le non-financement public des lieux de cultes n’est pas un instrument politique dirigé contre les religions, ni a fortiori contre telle ou telle religion, ce n’est pas une arme à la disposition des tenants du « choc des civilisations ».
Il faut donc expliquer pourquoi le non-financement public des lieux de cultes est normal, pourquoi il est indissociable de la liberté des cultes, et pourquoi leur financement public serait en revanche un problème et pas seulement financier.
J’esquisserai une explicitation autant que possible en forme de réponse aux arguments que l’on entend, parfois même dans la bouche d’élus républicains qui tendent à banaliser l’idée d’une contribution publique aux cultes.

La liberté des cultes n’est pas un droit-créance

L’argument compassionnel est le plus fréquent : « si on ne veut pas de prières dans la rue, si on ne veut pas de prières dans les caves, il faut donner au culte musulman les moyens de sa liberté et de sa dignité ». Cet argument prend pour argent comptant ce qui pourrait n’être qu’une mise en scène : il faut donc vérifier si les phénomènes cités ne sont pas organisés sciemment. Mais il faut s’en prendre  au cœur de ce pseudo-argument en exhibant son fondement.
Son fondement est que la liberté des cultes doit non seulement être garantie par la puissance publique, mais que son exercice devrait être organisé et soutenu par elle – (on reconnaît ici une variante de la distinction entre droits formels et droits réels qui sert bien souvent à abolir les droits dits formels). Autrement dit, ceux qui soutiennent cette thèse font comme si le libre exercice des cultes était un droit-créance, alors qu’il s’agit d’un droit-liberté. Il faut insister particulièrement sur ce point car il permet d’embarrasser les « libéraux » qui par principe n’aiment pas les droits-créance (il faudrait en admettre un de plus?) et les gens « de gauche » qui, partisans traditionnels des droits-créance, devraient expliquer en quoi à leurs yeux les cultes seraient d’intérêt public. On ne peut même pas comparer les cultes à des clubs de foot ou de break dance car ils sont par principe exclusifs sur critère d’opinion.
On peut en revanche comparer la liberté des cultes au droit de propriété : j’ai le droit de m’acheter une voiture de luxe, et si je n’en ai pas les moyens, il n’appartient pas à l’Etat de m’y aider : c’est en ce sens que les cultes sont « privés ». La liberté des cultes n’est comparable, ni au droit à l’instruction, ni au droit à la santé, ni à aucune prestation sociale, ni au droit au logement ou au travail. Une autre grande différence est que la liberté des cultes comprend aussi sa négative : ne pas avoir de culte est une liberté, c’est un droit (et donc le financement public ne financerait qu’un droit partiel au détriment d’un autre).
On ajoutera trois remarques de bon sens :

  • Lorsqu’une association manque de locaux, elle se tourne vers ses adhérents et leur demande une participation financière plus forte.
  • S’agissant d’offices religieux, il n’est pas exclu d’envisager d’organiser plusieurs services successifs en cas d’affluence.
  • La proposition de financement public fait comme si l’exercice d’un culte était une norme sociale et la transforme en norme politique. Or même s’il n’y avait qu’un seul incroyant, il aurait le droit d’objecter que la mesure est injuste et de récupérer son argent.

 

D’autres arguments accompagnent l’argument compassionnel

  • « Si on ne finance pas, le financement viendra de l’étranger ». En quoi cela serait-il fondamentalement mauvais ? Et un cadeau public n’empêchera pas dans son principe un cadeau privé. La législation fiscale des associations en revanche a assez de moyens pour contrôler les mouvements d’argent suspects.
  • « Il vaut mieux financer pour avoir un moyen de contrôle. » Il n’y a pas de contrat et encore moins de « deal » entre l’Etat et les citoyens, entre l’Etat et les associations. L’Etat détient une autorité qu’il n’achète pas. Le fisc ne paie pas pour exercer un contrôle, le juge non plus, le policier non plus. A ceux qui avancent cet argument, il convient de faire remarquer qu’ils traitent la République française comme un pouvoir maffieux. On peut d’ailleurs se demander à quoi rimerait un « contrôle » en matière de libertés religieuses.

L’argument du rétablissement de l’égalité entre religions
Il s’appuie sur le caractère historique de la loi de 1905 : les collectivités publiques sont propriétaires des lieux de culte principalement catholiques et se chargent de leur entretien. Mais d’autres cultes ne bénéficient pas de cette disposition… donc il faudrait rétablir l’égalité en injectant de l’argent public dans la construction de nouveaux locaux.

Une telle disposition, si elle était valide, devrait valoir pour toutes les religions, et prendre en compte rétroactivement tous les édifices cultuels construits entre 1906 et aujourd’hui…
On prétend qu’il y aurait un problème parce que l’islam s’est développé en France après la loi de 1905 (et donc aurait été pénalisé par une histoire dans laquelle il n’a pas été présent). Mais la loi de 1905, comme toutes les lois, a été principalement faite pour après sa promulgation ! Toute disposition juridique importante doit affronter la temporalité : « liquider » une situation antérieure, prendre des dispositions transitoires et fixer des délais à partir desquels elle s’applique pleinement. Cela a été fait clairement par la loi de 1905. Et jusqu’à présent aucune religion nouvelle n’est de nature à démentir cette loi fort bien faite : toutes peuvent parfaitement la respecter sans être atteintes dans leur essence religieuse.

Rappelons aussi que, s’agissant des bâtiments du culte catholique absorbés par la loi de 1905, il s’agit d’un patrimoine culturel soumis à des contraintes publiques : les lieux de culte peuvent aussi être affectés parallèlement à d’autres activités. Lorsque j’entre dans une église, personne ne me demande d’observer un culte ni même d’avoir des égards ou du respect pour lui, on ne me demande que de la discrétion comme dans tout édifice public. Lorsqu’une statue est restaurée, sa restauration profite à tous, et cela se fait sur une base historique et mythologique par des opérateurs qui ne sont pas liés organiquement au culte : c’est sur la même base qu’on restaure les frises du Parthénon.

La loi de 1905 et les lieux de culte

L’amendement dit de Vichy à l’article 19

Il faudrait à présent aborder le contenu de la loi de 1905. Je n’en ai pas la compétence, n’étant pas juriste, et je soulèverai seulement un point, celui de l’amendement dit «Vichy » à l’article 19, introduit en 1942 : « Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques. » (c’est moi qui souligne).

Cet amendement  permet de contourner le principe énoncé par l’article 2 de la loi et c’est grâce à lui que certaines collectivités territoriales financent des bâtiments cultuels comme cela s’est vu récemment aux Lilas.

On peut s’interroger d’abord sur le recours dont cet amendement est l’objet par des élus qui se disent par ailleurs laïques.
On peut aussi s’interroger sur le bien-fondé de cet amendement. On devrait en toute rigueur plaider pour le retour à la formulation antérieure (« Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux monuments classés. »), mais ce serait ouvrir dangereusement la boîte de Pandore du « toilettage de la loi ». On peut en tout cas ironiquement le dénoncer et dire que s’il fallait la toiletter la loi, ce serait plutôt en la rendant partout conforme à son principe !

L’Alsace-Moselle

Enfin reviendra peut-être le prétexte de l’Alsace-Moselle. Là encore, je pense qu’il faut se garder d’ouvrir la boîte de Pandore et souligner qu’il s’agit expressément d’une exception qui ne saurait subvertir la règle. Il convient néanmoins à mes yeux de rappeler deux éléments.

  • Le régime concordataire est contraire à l’égalité dans l’exercice des cultes (car certains cultes ne sont pas reconnus) et à celle des citoyens en général, qui doivent payer pour des cultes qu’ils ne pratiquent pas ou qu’ils réprouvent. Il oblige de plus ceux qui veulent échapper à l’enseignement religieux de déclarer ce désir. Une récente proposition du Haut Conseil à l’Intégration suggère que la charge de la déclaration soit inversée et qu’elle incombe à ceux qui souhaitent cet enseignement. Cette mesure dont le coût est nul aurait une haute portée symbolique pour souligner l’anomalie d’un régime concordataire.
  • Le régime concordataire est contraire dans son principe à la liberté religieuse puisqu’il consacre la légitimité d’autorités que les Églises veulent bien lui désigner, et qu’il néglige nécessairement les cultes nouveaux : il lui faudrait sans cesse renégocier s’il voulait être à jour et étendre le financement public à des niveaux imprévisibles. Que se passerait-il en cas de schisme ? Où est la liberté des fidèles face à des appareils religieux désignés par le pouvoir politique, alors qu’ils devraient être seuls à les déterminer ? Le régime de laïcité, par son silence, laisse une entière liberté aux cultes, qu’il encadre par le droit commun.

Le jeu de l’oie à la mode : éviter la case laïcité en en parlant sans cesse

Ainsi, en peu de temps, on a vu les mêmes plaider pour une « laïcité positive » qui mettrait la puissance publique à l’ordre des religions, puis présenter le projet insensé de soumettre « les usagers » des services publics à l’abstention de tout affichage d’opinion religieuse, en passant par le projet de financement public des lieux de culte. Tout et n’importe quoi a été entendu et on peut s’attendre à de brillantes variations dans la suite de ce jeu de l’oie où le but est d’éviter systématiquement la case laïcité. Le Front national serait bien bête de ne pas ramasser la mise de ce gaspillage politique.

En l’absence de boussole, on va d’un extrême à l’autre, on passe d’une laïcité énucléée et dénaturée à un ultra-laïcisme liberticide : tout dans cette affaire respire l’affolement, rien n’y décèle la moindre once de pensée sauf à confondre la pensée avec la panique devant une calculette. Mais cette oscillation s’observe aussi chez d’aucuns qui se prétendent les adversaires politiques des premiers et qui dénoncent aujourd’hui leur fébrilité : la  différence est qu’elle est de plus longue durée, témoignant que l’obstination dans l’absence de pensée et de principes n’est pas une exclusivité.

© Catherine Kintzler, 2011. Lien permanent vers cet article.

  1. Cet alignement sur une laïcité accommodée et adjectivée ne s’est heureusement pas fait unanimement au sein de ce qu’il est convenu d’appeler les forces de gauche. On rappellera par exemple que c’est en réaction devant l’immobilisme (pour ne pas dire plus) des “forces laïques” traditionnelles que le ]
  2. Voir notamment sur ce blog : ]
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Le MEDEF pousse Nicolas Sarkozy à revenir à la stratégie de Jacques Chirac

par Bernard Teper

 

Sous Chirac, la droite néolibérale organisait ses contre-réformes régressives sur l’essentiel en répondant positivement à quelques revendications de certains syndicats en contrepartie d’un accord de ces mêmes syndicats sur la contre-réforme régressive légèrement amendé.
Puis, le MEDEF a pensé que l’on pouvait aller plus vite dans les contre-réformes en passant en force sans négociation avec aucun syndicat. L’arrivée de Nicolas Sarkosy, candidat du MEDEF, a permis de faire cette politique (loi HPST, loi sur les retraites, et de nombreux autres textes). La faible mobilisation lors du vote sur la loi HPST1 a encouragé Nicolas Sarkozy à passer en force sans négociation avec quiconque pour la loi sur les retraites. Mais contrairement à ce que croit encore certains militants anti-libéraux (pas tous heureusement!), il est erroné de croire que l’échec de la mobilisation est le seul enseignement que nous pouvons en tirer. La résistance forte du peuple fut exemplaire à plusieurs titres et la droite néolibérale tient compte de ces enseignements. Il serait bon que la partie de la gauche antilibérale qui n’en tient pas compte rattrape leur retard à l’allumage.

Quels sont ces enseignements:
1) Le début du retour des salariés du privé (fortement majoritaires en France) et des couches populaires (ouvriers, employés soit 53% de la population française) dans la lutte contrairement à 1995 et 2003. Ce sont eux qui pallient au recul de la mobilisation chez les fonctionnaires et chez les régimes spéciaux. Et tous les analystes politiques sérieux savent que, dans l’histoire, c’est la montée des luttes dans le privé (et surtout des couches populaires) qui créent les conditions soit d’un recul sur l’ensemble des fronts sociaux de la droite et du patronat soit de la transformation elle-mème
2) Le soutien de près de 70% du peuple au mouvement sur les retraites. Il faut bien voir que c’est très rare de voir cela dans les conflits sociaux. Ce qui fait que la contestation populaire est sortie intacte de cette séquence.
3) La traduction politique de cet état de fait, c’est que les couches populaires vont d’abord se réfugier dans l’abstention (abstention record des cantonales 2011 par rapport à toutes les élections cantonales) car le retour partiel du lien entre l’Intersyndicale unie et les couches populaires n’a que très peu touché la nature du fossé entre les couches populaires et la gauche politique. Puis, c’est que l’UMP recule fortement dans les élections politiques et que donc le bras armé du MEDEF est en difficulté. Le MEDEF ne peut donc pas rester les bras ballants. Et enfin que la compétition entre ceux des couches populaires qui croient encore au bulletin de vote se passe principalement entre la gauche et le FN.

Le premier tour a montré que cela a surtout profité à EELV (+4% par rapport à 2004) et au FN. Un peu au Front de gauche (+1%) mais n’a pas profité au PS (-1%). Le deuxième tour a corroboré le premier tour avec des gains principalement pour le PS et les Verts.

Comme souvent le MEDEF s’adapte : il se dit qu’il vaut mieux revenir à l’ancienne stratégie de Jacques Chirac à savoir d’aller moins vite dans la régression (tout en y allant avec détermination) sur l’objectif central du MEDEF qui reste inchangé2 en lâchant à certaines organisations syndicales des gains sur des points sérieux mais seconds que l’on ne peut pas écarter d’un revers de main et qui permettrait, en tout cas c’est le souhait du MEDEF, de casser définitivement l’unité de l’Intersyndicale.
Voilà pourquoi on voit Madame Parisot devenir la chevalière blanche de l’accroissement du congé paternel. Et la grande majorité des médias se polarise sur ce point en montrant que c’est le MEDEF (et bien sûr derrière la droite néolibérale) qui fait des propositions qui vont dans le sens du progrès.

Quelle doit être la réaction des républicains de gauche et d’extrême gauche attachés au modèle laïque de la république sociale?
Oui, nous sommes pour l’augmentation du congé paternel comme nous avons été pour la loi contre les signes religieux à l’école ou pour la loi contre le voile intégral. Mais cela ne modifie en rien notre volonté à combattre avec la plus grande détermination tout le reste qui est le plus important à nos yeux ! Notamment tout ce qui touche à la sphère de constitution des libertés (école, services publics, protection sociale), aux droits sociaux, à l’actuelle dictature médiatique insupportable, aux principes républicains (liberté, égalité, fraternité, laïcité, solidarité, démocratie, sûreté, souveraineté populaire, universalité des droits et développement écologique) et sur tout ce qui touche aux 4 ruptures nécessaires (démocratique, laïque, sociale et écologique).
Et cette position, nous devons la propager face à ceux qui vont être contre une mesure positive parce que c’est le MEDEF qui la médiatise ou d’autres qui vont baisser la garde contre le turbocapitalisme sur le simple prétexte que l’adversaire cède sur une revendication positive mais secondaire.
Et là, un seul moyen, développer, aux cotés du pilier du champ politique et du pilier du champ syndical, le pilier de l’éducation populaire refondée et tournée vers l’action. Déjà, sur le thème “Refonder la République sociale : une urgence pour l’émancipation” fait l’objet de nombreux stages de formation, de réunions publiques, de cycles de conférences regroupant les différents domaines de la République sociale. Il faut amplifier cette campagne. Nous sommes sur un rythme de plus de 100 initiatives par an.
Pour cela, c’est vous qui pouvez engager cette bataille de tous les instants, c’est vous qui pouvez “déplacer les montagnes”.

Chiche, on en parle ensemble !

  1. mobilisation qui arrive maintenant d’ailleurs, ce qui montre que rien n’est perdu ! []
  2. détricoter le programme du CNR comme expliqué par Denis Kessler du 4 octobre 2007 dans la revue Challenges []
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Les enseignements des élections professionnelles à la SNCF

par Bernard Teper
Responsable du secteur Education populaire de l'Union des FAmilles Laïques
Portail des secteurs de l'UFAL : www.ufal.info

http://www.ufal.org

 

Des élections professionnelles à la SNCF ont maintenu la CGT comme la première organisation et de loin de l’entreprise.
Elle est représentative à hauteur de 37,3% . A noter cependant, qu’elle subit pour la troisième fois une érosion de son score (-1,93 % cette fois-ci, -0,8 % la fois précédente et -3,9 % en 2006). De plus, elle perd son monopole de signature d’un accord national. L’UNSA et la CFDT, qui dépassent à elles deux les 30%, peuvent maintenant le faire.

Vient ensuite l’UNSA (qui fait suite à l’ancien syndicat FMC, Fédération de la maîtrise et des cadres) qui a subi une forte poussée électorale, de plus de 3 points (+3,4%), avec aujourd’hui 21,46% des voix. Elle reste néanmoins plutôt un syndicat de techniciens et d’encadrement même si elle tente de s’implanter dans toutes les catégories.

Sud-Rail avec 17,38% fait un score similaire à la dernière consultation(-0,29%) et voit donc sa progression de ces 10 dernières années stoppée. A noter que dans le personnel d’éxécution, ils font 23,79%. C’est le front renversé de l’UNSA en matière de représentation par couches sociales.

Puis vient la CFDT avec 13,76% qui gagne 2,2%. il est à noter que cette poussée n’est pas due à un développement de la CFDT mais est due à deux apports nouveaux :

  • d’anciens responsables de FO Cheminots qui ont rallié la CFDT car disait-ils, les trotskistes lambertistes du POI ont une emprise totale sur le syndicat cheminot
  • mais également l’entrée dans la CFDT des anciens autonomes des conducteurs FGAAC.

En fait, l’accroissement est donc du à ces apports et non pas à son développement.

FO Cheminots n’est plus représentatif (il faut 10% pour être représentatif) au niveau national avec 8,5% des voix malgré le renfort de militants chrétiens dissidents de la CFTC ( quand on vous dit que tout est possible à la SNCF !).

La CFTC et la CGC n’existe pratiquement plus (moins de 1,5% des voix ensemble). Le score de ces deux dernières organisations posent de plus en plus le problème du privilège exhorbitant qu’elles ont en tant que syndicat dit représentatif dans les différentes institutions paritaires alors que l’UNSA et Solidaires en sont exclus Même si ces organisations ont certains bastions ici et là, la remise à plat des syndicats dits représentatifs apparaît indispensable.
Ces résultats corroborent l’analyse faite lors du mouvement des retraites. Nous avions vu un recul de la mobilisation des fonctionnaires et des régimes spéciaux (nous voyons là un recul à la SNCF de 2,22% des syndicats radicaux CGT et Sud Rail) alors que l’on a vu un développement important de la mobilisation du secteur privé principalement des couches populaires (ouvriers, employés).

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Salma Boukir : "Les gens sont réceptifs aux projets concrets"

par Hakim Arabdiou

 

Salma Boukir a commencé sa vie professionnelle, comme secrétaire dans un collège, à Ighram, une petite commune rurale, près d’Akbou, dans la Vallée de la Soummam, en Algérie.

Elle a mené parallèlement une riche activité citoyenne. C’est ainsi qu’elle participa activement, durant l’année de 1994, en Kabylie, à la campagne de boycott scolaire. Cette campagne s’était soldée par une année blanche pour tous les élèves du primaire à l’université. Mais les sacrifices en valaient largement la peine. Il s’agissait de revendiquer l’introduction de la langue tamazight (berbère) comme langue d’enseignement dans les établissements du primaire à l’université, et son adoption, comme langue nationale et officielle, au même titre que l’arabe. Salma Boukir a longtemps milité aussi, à partir de 1989, dans l’un des tout premiers syndicats autonome, le Syndicat Autonome des Travailleurs de l’Éducation et de la Formation –SATEF, dont elle a été l’un des cadres locaux.

Elle fut également membre, de 1997 à 2001, du bureau régional de Bejaïa, puis du Conseil national, chargée du secrétariat des libertés et des droits de la personne humaine.
Elle fut aussi déléguée du SATEF dans les instances du mouvement du Printemps Noir de Kabylie 2001 à Bejaïa, et membre fondateur du Comité de Suivi et de Solidarité de la Ville d’Akbou, en 2001, également.

Elle a quitté, en 2001, l’Algérie pour la France où elle s’était inscrite de 2003 à 2007, à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, à Paris, en vue de préparer une maîtrise sur les évènements du printemps Noir de Kabylie, de 2001. Mais ce projet n’a pas abouti.
Elle exercera pendant plusieurs années des emplois précaires, jusqu’en novembre 2006, date à partir de laquelle elle a suivi une formation en ressources humaines. Elle occupe depuis un poste intéressant dans une entreprise de Services à la personne, à Puteaux-La défense, en proche banlieue parisienne.

Hakim Arabdiou : Dans quelles circonstances votre association a-t-elle été créée ? Et Quels sont ses objectifs ?
Salma Boukir
: Je suis membre fondateur, en 2009, de l’association, AKAM ( Akbou, Kabylie, Méditerranée). Elle a notamment pour ambition de « Promouvoir et soutenir toute initiative ou action visant : l’insertion ; la sensibilisation au développement durable et à l’économie sociale et solidaire ; l’amélioration de la condition féminine ; et la protection des droits de la personne humaine ».

Je suis également membre fondateur de l’association, ADEKA : Association pour le Développement de la Kabylie. Cette association est née, en 2008, à Boulogne-Billancourt, en banlieue parisienne, dans la foulée des Premières rencontres Franco-Algériennes de Solidarité pour le développement. Ces rencontres, intitulées, « Migrants et projets de Solidarité et Développement avec les villes et villages de Kabylie », se sont tenus les 6 et 7 décembre 2008 sur l’initiative de l’Association IDméditerranée. L’ambition de cette dernière est de consolider les réseaux d’acteurs associatifs en France, en mutualisant leurs savoir-faire en vue d’initier, soutenir et d’accompagner des projets de développement micros-locaux, en Kabylie.

H. A. : Avez-vous des partenaires en Kabylie ? Comment votre association est-elle perçue par les différents acteurs, notamment les autorités politiques ?
S. B. :
Nos premiers interlocuteurs en Algérie sont les citoyens dans les villages, et ensuite les élus communaux, et quelquefois régionaux. L’accueil fait à notre association est plutôt encourageant, car les gens sont réceptifs à ce qui est concret et surtout, parce que notre association n’a pas la prétention de se substituer aux acteurs locaux. Nous partons des besoins réels des gens sur place, nous écoutons leurs doléances, puis nous tentons d’y répondre, dans la mesure du possible, en essayant de trouver des financements, auprès du fonds européens et ailleurs.

Nos deux projets en cours sont la réhabilitation d’une maison traditionnelle Kabyle, dans un village de la commune d’Ighram, à Akbou, afin de préserver le patrimoine architectural de cette région d’Algérie, et en lui donnant une seconde vie, avec le projet de créer au sein même de ce maison, d’une petite médiathèque. Ainsi, ce village se verra doté d’un espace où jeunes et moins jeunes, femmes et hommes pourraient se retrouver, échanger, créer.

L’autre projet a trait à la construction d’une déchetterie à Tizi Hibel, le village du grand écrivain algérien, Mouloud Feraoun. On sait à quel point le problème des déchets et de leur traitement pose problème, même dans les pays développés, alors que dire s’agissant d’un village, en Kabylie ; c’est presque impensable. Pourtant, ce projet avance normalement.

Bien évidemment, nous ne pouvons citer, dans les limites de cet entretien, tous les projets qui sont en cours de réalisation et que nous envisageons de lancer.

H. A. : Votre association rencontre-elle des difficultés particulières, et quelles sont ses projets ?
S. B. :
Des difficultés ? Il y en a toujours. Mais pour le moment, elles ne sont pas insurmontables. Mise à part les lenteurs administratives, le montage de dossiers financiers, les allers -retours sur place en Algérie, etc. Sachant que l’association ne bénéficie pour le moment d’aucune subvention : les adhérents y travaillent bénévolement et profitent de leurs déplacements privés ou de leurs études pour accomplir leurs missions. Cela prend donc plus de temps pour l’avancement des projets.

H. A. : Un dernier mot ?
S. B. :
Merci à Respublica de nous offrir cette occasion pour faire connaître notre association, auprès de ses lectrices et lecteurs. Aussi, je profite de cette tribune pour inviter les personnes intéressées par nos activités à se joindre à nous. Aujourd’hui, il est plus qu’impératif de s’investir en direction des villes et villages porteurs de projets concrets, mais qui manquent cruellement de moyens pour les mener à bien. Tandis que nous, dans l’immigration, nous sommes en mesure de les trouver et de les leur fournir. Alors faisons-le ensemble.

Propos recueillis par Hakim Arabdiou

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Le discours de Mme Le Pen menace juifs et musulmans

par Alain Jakubowicz
président de la LICRA

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Elle a la gouaille et croit en son avenir, les sondages sont pour elle. Marine Le Pen ne se satisfait pas de l’imprécation hargneuse, de l’allusion méprisante et de la plaisanterie blessante qui étaient la marque de fabrique de son père. Elle sait que ces saillies à moteur antisémite l’ont cantonné dans un rôle de trublion provocateur dont la capacité de nuisance ne recouvrait aucune perspective politique réelle.

Marine Le Pen, elle, cherche le pouvoir. Elle ne s’en cache pas et c’est son droit. Pour l’obtenir, elle a, entre autres, besoin de respectabilité pour diversifier sa clientèle électorale et rendre possibles des alliances futures. L’entreprise est délicate car, pour effacer l’image sulfureuse qui s’attache à son nom aux yeux de la majorité des Français, elle ne doit pas pour autant décevoir le noyau dur des militants du Front national, ceux qui s’amusaient aux déclarations choquantes de Jean-Marie Le Pen, ceux qui ont soutenu Bruno Gollnisch justement parce que ses positions le rendaient infréquentable.

La présidente du FN compose avec eux au sein du nouveau comité central du parti dont le patriarche Le Pen demeure président d’honneur. Marine Le Pen sait que l’efficacité électorale de son discours tient en grande partie à sa capacité de rencontrer, voire de susciter, les craintes et les fantasmes d’une société où l’inquiétude du déclassement nourrit la recherche du bouc émissaire.

Ainsi le musulman a pris la place tenue hier par le juif, l’Arabe ou l’immigré dans la dialectique frontiste. Ne nous y trompons pas : ceux qui parlent de l’islamisation de la France sont guidés par la même obsession xénophobe que ceux qui dénonçaient la judaïsation de notre pays dans les années 1930. L’étranger, quel que soit son visage, reste responsable pour l’extrême droite des maux de notre -société.

Alors, parce que Marine Le Pen a qualifié au détour d’une interview “les camps” de “barbarie suprême”, devrait-on lui décerner un certificat d’honorabilité ? C’est un peu court… Elle a pris soin, dans cette communication très préparée, car attendue, de soustraire tout qualificatif au mot “camp”, amalgamant de la sorte des situations bien disparates : détention, travail et extermination.

Point de détail ? Sans spécifier la Shoah, Marine Le Pen entend ainsi clore une polémique qu’elle renvoie au fond à un passé sans intérêt. Cette seule déclaration devrait-elle suffire à absoudre le FN de son lourd passif ? Certainement pas.

Le parti n’a pas fait le deuil de ses réminiscences antisémites, groupuscules nationalistes, pétainistes et autres passéistes gravitant encore autour de lui. Enfin, le souvenir encore très frais de Marine Le Pen se refusant à condamner l’ignominie de la conférence négationniste de Téhéran en 2006 montre que les réflexes les plus élémentaires de la lutte contre l’antisémitisme ne sont en rien acquis.

Vigilance et fermeté

C’est pour ces raisons et au regard des valeurs universelles que nous défendons que nous voulons exprimer notre profonde préoccupation devant le développement actuel d’un populisme dont l’Europe offre divers exemples et dans lequel une partie de la France semble prête à basculer. Il est bien sûr nécessaire de faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté vis-à-vis des islamistes radicaux.

Mais nous savons que stigmatiser la population musulmane tout entière pour lutter contre les excès, la haine et les violences de groupes spécifiques est non seulement inefficace, mais aussi injuste. Les juifs sont dans notre pays une petite minorité. Mieux que d’autres, ils savent, ils devraient savoir, ce que c’est que d’être dénoncés comme les responsables des maux de la société, et ils doivent s’interdire eux-mêmes cette dérive.

Plus encore, tant que le discours du FN reste un discours d’exclusion et de xénophobie, inviter Marine Le Pen à s’exprimer sur l’antenne d’une radio juive était une décision irresponsable. En raison de leur histoire et de son histoire, les juifs ne doivent lui fournir ni tribune ni certificat d’honorabilité.

Souvenons-nous qu’en quelque lieu et en quelque temps qu’elle soit parvenue à prendre le pouvoir, l’extrême droite n’a été pourvoyeuse que de haine, de malheur et de trahison.

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La politique énergétique du Danemark. Vers un scénario 100% renouvelable en 2050

par Thierry DE LAROCHELAMBERT
Chaire Supérieure de Physique-Chimie
Docteur en Énergétique
Chercheur à l’Institut FEMTO-ST
CNRS-UMR6174 – Dpt ENISYS

 

Le Danemark est aujourd’hui le premier pays au monde à avoir adopté une politique énergétique officielle planifiée globale de réduction drastique de sa consommation énergétique. Il est également le premier producteur mondial d’éoliennes, le premier pays à construire des éoliennes en mer et à injecter la plus grande part d’énergie renouvelable intermittente dans son réseau électrique. Il est enfin le seul pays dont l’ensemble des ingénieurs s’est fixé comme mission de donner à leur pays les moyens scientifiques et technologiques pour parvenir à couvrir 50% de ses besoins énergétiques en 2030 et 100% en 2050.

Pour lire la suite, téléchargez l’article au format PDF : La politique énergétique du Danemark.

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Livre : Le Rendez-vous des civilisations

par Hakim Arabdiou

 

L’ouvrage, Le Rendez-vous des civilisations, de Youssef Courbage et d’Emmanuel Todd1 se veut une réponse à des thèses telles que celles contenues dans des livres tels que celui du, Choc des civilisations, du néoconservateur états-unien, Samuel Huntington, membre du courant politique, connu comme l’un des instruments les plus serviles du complexe militaro-industriel états-unien.

Les coauteurs y réfutent la conception essentialiste de l’islam ; une conception qui constitue souvent l’antichambre de la musulmanophobie. Selon cette thèse, les musulmans sont culturellement réfractaires à la modernité, à cause de leur croyance en l’islam, lequel est la cause de tous leurs maux, et qui constitue de surcroît une menace pour l’Occident.

Les deux auteurs s’appliquent méthodiquement à mettre en pièces cette contre-vérité dans le domaine de la démographie. Selon eux, l’islam n’est pas plus nataliste ou populationniste que le judaïsme, le christianisme, le bouddhisme, l’indouisme, l’animisme… Et pour cause ! L’Europe judéo-chrétienne a connu elle aussi une forte croissance de sa population, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, avant d’entamer la transition vers la modernité démographique.

Cette dernière se définit par des taux très bas de natalité et de mortalité. Elle a également pour corollaire un taux de fécondité universel de 2,10 enfants par femme, permettant le renouvellement normal d’une génération.

Ils en veulent aussi pour preuve par exemple l’entrée entre 1985 et 1990 des deux-tiers des pays arabes dans cette transition. Il s’agit de l’Algérie, de la Libye, de la Mauritanie, de l’Irak, de la Syrie, du Soudan, de la Jordanie et l’ensemble des monarchies du golfe.

Ceci est illustré par la chute de leur taux moyen de fécondité, en l’espace d’une génération, seulement. Il est passé de 7,5 enfants en 1975, à 3,6 enfants en 2005. Les autres pays musulmans ont connu le même phénomène. Leur taux moyen, qui était de 6,8 enfants, n’est plus que 3,7 enfants par femme.

Avec 2,34 enfants en moyenne, les pays du Maghreb se situent en tête de classement en matière de baisse de fécondité. Ils sont suivis de près par les pays musulmans ex-socialistes avec une moyenne de 2,54 enfants par femme. Cependant, les taux de fécondité dans la quasi-totalité des pays musulmans du Proche, Moyen et Extrême-Orients n’ont pas encore franchi le plancher de 3 enfants.

Mais les mauvais élèves sont (temporairement) le Yémen et les pays musulmans d’Afrique Noire. Ils en sont à la phase initiale de cette transition, avec une moyenne élevée de 5,9 enfants par femme. Un taux au demeurant pas si éloigné que celui des pays chrétiens de cette région du monde et aussi dans d’autres coins de la planète.

Comme toute moyenne, ces taux cachent des disparités, parfois considérables entre pays. C’est ainsi que cette fécondité n’est plus en Bosnie que de 1,2 enfant, au Liban de 1,69 enfant, en Azerbaïdjan de 1,70 enfant et au Kazakhstan de 1,89 enfant. Soit des taux inférieurs à celui de la France, qui tourne autour de 2,10 enfants. Les femmes musulmanes d’autres pays ont une fécondité semblable ou proche de celle des Françaises, à l’instar des Iraniennes qui mettent désormais au monde en moyenne, 2 enfants, des Tunisiennes, 2,02 enfants, des Albanaises, 2,15 enfants, des Turques, 2,35 enfants, des Marocaines, 2,43 enfants, des Algériennes, 2,57 enfants, et des Libyennes, 2,85 enfants.

Cette baisse sensible de fécondité n’est d’ailleurs pas propre aux sociétés musulmanes, tant elle est devenue un fait mondial. Le moteur en est le contrôle moderne des naissances.

Si pour les prophètes de malheur les cultures sont des faits irréconciliables, annonciateurs de conflits futurs, nos deux spécialistes estiment au contraire que l’avenir tend, c’est inéluctable, à un rapprochement des cultures humaines.

L’ouvrage ne comporte pas moins quelques idées fort discutables. Nous en citerons deux principales.

C’est ainsi que les intéressés confondent, modernisation et modernité, concepts qui se réfèrent pourtant à deux réalités différentes. La modernisation est relative à un processus anhistorique. Par exemple, le passage du véhicule à essence au véhicule électrique. Alors que la modernité désigne un état de civilisation, apparu à un stade donné de l’histoire de l’humanité, à savoir à partir de la Renaissance au XVe siècle, en Europe. La modernité politique par exemple se caractérise fondamentalement par la substitution du pouvoir de droit humain au pouvoir de droit divin.

De même que selon les deux auteurs, c’est la transition vers la modernité démographique, qui est la cause entre autres des révolutions anglaise de 1640, française de 1789, bolchévique d’Octobre-1917 en Russie tsariste, chinoise de 1949 sous la direction de Mao Tsé Toung, du renversement du Chah d’Iran en 1979, de la guerre civile au Liban de 1975 à 1990, du terrorisme islamiste, en Algérie, dans les années 1990 et 2000, etc. Cette transition entraînerait une révolution des mentalités, qui déstabiliserait individus et sociétés, et qui aboutirait à ces violences.

  1. Le Rendez-vous des civilisations, Youssef Courbage et Emmanuel Todd, édition du Seuil, 2007, Paris
    Youssef Courbage est démographe et Emmanuel Todd est historien et anthropologue. []
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Pour Israël, la fusion nucléaire ce sont les colonies de Cisjordanie

 

Ha’aretz, le 17 mars 2011

Par Ari Shavit

Traduction : Tal pour La Paix Maintenant

À plusieurs reprises cette semaine, des textos du lobby des colons, “Yesha”, ont fait vibrer mon portable. La première fois, c’était une phrase du ministre Gideon Sa’ar : « Nous devons reprendre les constructions en Judée et Samarie. » Puis vinrent les mots du ministre Gilad Erdan : « Lâchez les freins à la construction en Judée et Samarie. » La troisième fois, ce fut le tour du député Zeev Elkin : « Il est temps de construire des villes en Judée et Samarie. » La quatrième fois, on cita le député Yariv Levin : « J’exige la délivrance immédiate de permis de construire dans les villes de Judée et Samarie par le gouvernement et le ministre Barak. » Le cinquième citait le ministre Moshé Ya’alon : « Nos deuils nous imposent de construire et développer les implantations en Judée et Samarie. »

J’ai d’abord pris tous ces textes pour une farce de Pourim. Après tout, il est inconcevable que gens intelligents comme Sa’ar, Erdan et Ya’alon n’aient pas encore compris quel désastre les implantations nous ont amené. Il est impensable qu’un homme sensé comme le dirigeant du conseil des colonies ne comprenne toujours pas quel désastre nous apporteraient de nouvelles constructions dans les colonies. Il n’est pas possible que les colons aient à ce point la tête dans les nuages.

Mais après cinq ou six messages, je me suis rendu compte qu’il ne s’agissait ni d’une farce, ni d’un poisson d’avril. Ces esprits vagabonds errent vraiment, l’aveuglement de ces aveugles est total. La droite n’a rien appris et rien oublié, elle a continué de vivre dans un univers parallèle. Il n’y a donc aucune porte de sortie. C’est à la droite d’adresser un texte en réponse à ces types. Le voici :

Les colons sont comme la centrale nucléaire de Fukushima – un projet grandiose aux proportions gigantesques implanté au mauvais endroit sur la base d’hypothèses fausses. Les constructeurs de la centrale électrique japonaise n’ont pas pris en compte le fait que la terre tremblerait un jour à la magnitude de 9 sur l’échelle de Richter. Pas plus que les bâtisseurs des colonies. Les constructeurs de la centrale électrique japonaise n’ont pas pris en compte le fait qu’un jour le tsunami la frapperait. Pas plus que les bâtisseurs des colonies. Mais là-bas comme ici la terre a tremblé. Le tsunami a frappé. La centrale électrique de Fukushima s’est muée en cauchemar ; tout comme le projet des implantations.

Il faut dire les choses telles qu’elles sont : ce ne sont pas les colonies qui ont causé le conflit israélo-palestinien, et leur donner un coup d’arrêt ne mettra pas fin au conflit. Mais elles induisent l’escalade du conflit et poursuivre la construction dans les implantations amènera Israël à les perdre. Aussi les colonies doivent-elles être arrêtées, non seulement au nom de la paix, mais au nom de la sécurité nationale. Afin d’assurer l’avenir d’Israël et de sauver le sionisme.

On peut débattre de la question morale. La gauche dira que les colonies sont résolument immorales, la droite dira qu’elles sont suprêmement morales. Mais au plan de la réalité politique, aucune discussion n’est possible. Les colons ont gagné la bataille dans les collines, mais l’ont perdue dans le monde. De ce fait, les implantations sont aujourd’hui en dehors des frontières internationales légitimes. Et elles placent Israël en dehors des frontières internationales légitimes.

Le nuage radioactif d’illégitimité qui s’élève des colonies se dirige vers Israël et met son existence en danger.

Lors de la construction de la centrale électrique de Fukushima, dans les années soixante-dix, on pouvait croire qu’elle supporterait n’importe quel séisme ou raz-de-marée. Lors de la construction des implantations, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, on pouvait croire qu’elles supporteraient n’importe quelle tempête politique. Aujourd’hui, il est clair que ces deux espoirs se sont brisés. Les hypothèses de base de la compagnie japonaise et celles du Goush Emounim (mouvement messianique qui prêche la souveraineté israélienne dans les Territoires) se sont révélées sans fondement. Elles ont conduit à la construction de générateurs d’énergie sur la ligne de fracture la plus dangereuse qui soit.

Après ce qui s’est produit, il est inconcevable que les Japonais installent un septième et un huitième réacteurs sur la côte. Après ce qui s’est avéré, il est inconcevable Israël installe d’autres colonies dans les collines. L’avenir nous regarde droit dans les yeux – un projet massif construit il y a quarante ans menace l’État qui l’a construit.

Les radiations qui s’en échappent sont mortelles. Assez de textos, les gars. Arrêtez de divaguer dans l’éther. Il est temps de geler les implantations, de les fermer et de chercher d’autres sources d’énergie. Il est temps de rentrer à la maison.