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Européennes 2014 : forts enjeux, multiplication des listes et éparpillement des gauches

par Évariste
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Est-ce une élection inutile ? Que nenni ! Les enjeux sont multiples et forts.
D’un côté, l’oligarchie capitaliste développe l’idéologie néolibérale traditionnelle, à savoir qu’il n’y a pas d’alternative à leur politique. Ce point de vue peut-être symbolisé par le propos de Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman : « [Les] difficultés économiques que causent les transformations du monde […] bousculent nos propres institutions, d’abord nationales, mais aussi européennes. Au point même qu’un  »discours anti-mondialisation » peut être tenu sans crainte du ridicule par des responsables politiques dépassés par les événements. Bientôt nous verrons d’éminents hommes politiques créer un mouvement contre le mauvais temps, quelque chose d’inévitable mais qu’on peut aménager ! C’est d’ailleurs un scandale que la Commission européenne n’ait pas trouvé le moyen de nous garantir un droit légitime au soleil tous les jours ! »1
De l’autre côté, se développent trois types de critique de l’euro (et avec des variantes de tout ce qu’il incarne : les institutions de l’Europe, leur fonctionnement et leurs politiques) : l’europhobie réactionnaire des souverainistes de droite et d’extrême droite, l’euroscepticisme « à côté de la plaque » de la gauche de la gauche, et le rejet radical de l’euro par une 2 et ne sont pas plus pertinents l’un que l’autre, la première voulant assimiler le peuple à la nation « barrésienne » et le second ne comprenant pas que l’euro n’est pas amendable, car il est une construction libérale par nature et de longue date partie intégrante de la stratégie capitaliste de restauration des profits par la mise en concurrence des modèles sociaux et la casse des salaires.

Le premier enjeu du 25 mai prochain est dans l’importance de l’abstention, dans la mesure où jusqu’ici, c’est la classe ouvrière et employée qui en faisait son premier choix. Pour nous, l’abstention ne peut pas être un mot d’ordre positif, car une des tâches de la période est bien de rassembler sur un nouveau modèle politique alternatif et non de simplement dire non aux politiques néolibérales : ce non négatif a déjà été la position du peuple français le 29 mai 2005 et n’a débouché sur rien.

Le deuxième enjeu est dans la mesure des rapports de force entre le populisme réactionnaire, les néolibéraux de droite ou de gauche et la gauche de la gauche.

Le troisième enjeu sera dans les conséquences sur le fonctionnement politique de l’Union européenne et de la zone euro.

Le quatrième enjeu est dans la définition de nos tâches pour la période qui vient. D’autant que l’annonce par le Président de la République du report d’un an des élections locales initialement prévues en 2015, si cela venait à exécution, nous donnerait une période de plus de 18 mois sans élections directes. Voilà qui pourrait être propice au développement d’initiatives d’éducation populaire jusqu’ici peu pratiquées par les partis de la gauche de la gauche3.

Les résultats du scrutin du 25 mai seront donc porteurs de leçons importantes pour notre action future. Cependant, nous pouvons déjà y réfléchir en constatant l’augmentation du nombre de listes et la tendance à l’éparpillement des gauches.
Dans toutes les régions métropolitaines sans exception, le nombre de listes bat des records : ainsi, 31 listes en Île-de-France ! Dans cinq des sept régions métropolitaines, c’est 4 ou 5 listes de plus qu’en 2009. Cette multiplication des listes manifeste un éclatement général des formations politiques.

Du côté de l’oligarchie, les trois listes principales (PS, Alternative, UMP) regrouperont l’essentiel de son électorat mais au sein de la seule UMP, pas moins de trois positions principales s’opposent, plus quelques francs-tireur(se)s.

« En face », c’est la poursuite de l’éclatement des gauches : les listes habituelles doivent faire face à des appels à l’abstention et à l’apparition de nombreuses listes concurrentes : une liste féministe de gauche, Nouvelle donne, le Parti pirate, Démocratie réelle, etc.
Cet éclatement est dû, soit à la polarisation sur une prééminence surplombante (une idée prioritaire à toutes les autres pour ceux qui y adhèrent), soit à un décrochement du parti solférinien sans agrégation au Front de gauche ou à Europe Écologie Les Verts (EELV), soit les deux à la fois.
Si on ajoute à cela :
- l’abstention de 41 députés socialistes sur le vote du Pacte de responsabilité, qui n’a donné au PS qu’une majorité toute relative,
- les stratégies variables au sein du Front de gauche et chez EELV lors des élections municipales,
- les différentes fractures thématiques au sein des différentes gauches,
on ne peut qu’être frappé dans la période par le fait du développement du processus croissant d’éparpillement et d’hétérogénéisation des gauches.

La social-démocratie « moderne » a intégré l’oligarchie managériale et accepte le capitalisme, qu’elle gère pour le compte de la bourgeoisie. À sa gauche, les formations « installées » n’ont pas compris le réel état du monde et sont incapables de mobiliser quiconque, tandis que la multiplication de petites formations « radicalisées » manifeste le mouvement brownien d’autant d’éclats de classes moyennes désorientées.
Sommes-nous condamnés à accepter avec fatalité cet éparpillement politique, qui suit celui du mouvement syndical ? Nous devrons revenir sur ce point lors des analyses du résultat des élections du 25 mai prochain. En attendant, nous pouvons méditer sur cet extrait d’un discours de Jean Jaurès, trois ans avant l’unification des socialistes en 1905, dans un moment où la gauche était éclatée (différentes familles radicales et différentes familles socialistes), notamment sa partie la plus à gauche (les socialistes) :
« Ces divisions vont-elles prendre fin et y aura-t-il un jour accord complet des socialistes de toutes fractions et de toutes nuances? Je persiste à le désirer, je persiste à l’espérer… Non, la vérité, c’est que les sectes n’ont pas consenti à disparaître dans la grande unité des socialistes. Eh bien, il faudra que tous les éléments socialistes se fondent peu à peu dans cette unité, non pas par des négociations d’organisations centrales à organisations centrales, mais par la puissance absorbante des fédérations autonomes représentant la vie du parti. »4.
En 1905, la dynamique socialiste a pu s’appuyer sur un minimum de conscience ouvrière, aujourd’hui celle d’une gauche de gauche doit d’abord s’atteler à la dissipation du brouillard petit-bourgeois qui masque la réalité du monde.

  1. ]
  2. Pour nous, populisme désigne un type de discours qui nie la lutte des classes comme moteur de l’histoire et lui substitue la lutte du peuple contre les privilégiés. Par définition, le populisme est divers, il peut être de droite ou de gauche. Ainsi, le populisme de droite ou d’extrême droite prend pour cible de ses critiques les élites (l’« établissement », disait J.M. Le Pen) en prônant le recours au peuple, mais ce n’est qu’un masque de la vieille critique anti-républicaine de la représentation parlementaire. Dans l’histoire, ce populisme réactionnaire a suscité le boulangisme, le poujadisme, le péronisme, etc. En Europe aujourd’hui, on le retrouve principalement dans les mouvements de droite ou d’extrême droite, mouvements électoralistes, nationalistes, racistes, démagogiques, opportunistes, etc. Par contre, c’est au nom des Lumières et des droits de l’homme que le populisme de gauche, humaniste, universaliste, etc., veut mobiliser le peuple contre la classe privilégiée (les possédants, selon J.M. Harribey, les riches, qu’il faut faire payer, selon le PCF). Dans son Dix-huit Brumaire, Marx fustigeait l’impuissance du « démocrate », ce représentant de la petite bourgeoisie qui ne comprenait pas qu’il ne suffisait pas de « donner le signal pour que le peuple fonce avec toutes ses ressources inépuisables sur ses oppresseurs » (p. 144). []
  3. Voir ]
  4. Extrait du discours au Banquet socialiste de Paris du 28 mai 1902. []
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Suite du feuilleton géopolitique ukrainien ("gentils" pro-occidentaux et "méchants" pro-russes)

par Zohra Ramdane

 

Ne dites plus que ReSPUBLICA critique systématiquement tous les néolibéraux, retenez votre souffle, nous déclarons être d’accord avec Gerhard Schröder dans son article sur l’Ukraine dans le journal allemand Welt am Sonntag quand il dit  que « l’erreur fondamentale vient de la politique de l’UE… »
Toujours dans la presse allemande mais cette fois-ci dans le journal allemand Bild am Sonntag, voilà que nous lisons que, comme en Irak, « les mercenaires américains coordonnent et dirigent des opérations de guérilla contre les séparatistes prorusses autour de Sloviansk  » (voir aussi dans Le Monde).
Même s’il est probable que ses renseignements aient été fournis par les services secrets russes, le fait que de façon concomitante dans deux des plus importants tirages de journaux allemands (le Bild et le Welt), une attaque en règle soit portée contre la diplomatie des Etats-Unis et de l’Union européenne, mérite une attention toute particulière en terme de géopolitique. Dit autrement, nous voyons là une conséquence de l’affrontement entre impérialismes qui va aller en s’intensifiant et aussi le fait que chaque impérialisme suscite son opposition interne.

De quoi réfléchir sur le lien avec la géopolitique mondiale et notamment sur les discussions secrètes mené sur le Projet de  Traité TransPacifique (PTTP) et du Projet de Traité TransAtlantique (PTTA). Car il est quand même incroyable qu’un mandat soit donné au représentant de l’Union européenne pour discuter du PTTA avec les Etats-Unis​ sans que les citoyens ​français mais aussi des autres pays puissent en débattre et que les néolibéraux du PS et de l’UMP en disent rien.

Nous attendons bien sûr les réactions de François Hollande, Manuel Valls et  Laurent Fabius sur les informations des journaux allemands relayés depuis par les journaux français.

 

Laïcité
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Parents accompagnateurs de sorties scolaires : Hamon à peine installé recule sur la laïcité !

par l'UFAL (Union des FAmilles Laïques)
www.ufal.info
http://www.ufal.org

Source de l'article

 

Devrons-nous regretter Vincent Peillon, qui avait au moins fait bénéficier l’école d’une « charte de la laïcité » ? Le nouveau ministre Benoît Hamon vient en effet de déclarer (RMC et BFM TV lundi 12 mai) : « Il faut faire preuve de discernement et regarder de quelle manière, oui, dans un certain nombre de situations, on peut accepter que –c’est déjà le cas des mamans qui portent un voile [accompagnent les sorties scolaires] ». Lapsus révélateur : « accepter » le port de signes religieux à l’intérieur même du service public d’éducation est présenté comme un objectif ministériel ! Nous sommes dans la droite ligne des visites de Valls au Vatican.

Sortie-scolaireLe « discernement » est ainsi explicité par B. Hamon : « une dame avec un voile dans une ville x, on ne peut pas mettre un signe égal [sic] avec une autre dame dans une ville y ». Chaque chef d’établissement ou directeur, sous peine de manquer de « discernement », est ainsi sommé de se soumettre à la sociologie des quartiers, aux pressions communautaristes locales. Laïcité en centre-ville, communautarisme en banlieue ?

Le Conseil d’Etat avait estimé, dans son Etude publiée en décembre 2013 : « Les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation peuvent conduire l’autorité compétente […] à recommander » aux « parents d’élèves qui participent à des déplacements ou des activités scolaires » « de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses. » L’UFAL avait alors dénoncé, dans un communiqué du 24 décembre 2013, une « porte ouverte à tous les « accommodements raisonnables » ; la responsabilité en incombant (…) in fine au chef d’établissement scolaire ». Le ministre vient de confirmer nos craintes, allant même au-delà.

Ainsi, la « circulaire Chatel » du 27 mars 2012 paraît bel et bien enterrée –ce que le Conseil d’Etat ne demandait pas. Elle disait : « les principes de laïcité de l’enseignement et de neutralité du service public […] permettent notamment d’empêcher que les parents d’élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu’ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires. » De « permettre d’empêcher », B. Hamon vient de passer à « pouvoir accepter » : faut-il aussi regretter un ministre de droite ?

L’UFAL rappelle que la Constitution, en proclamant dans son Préambule que « l’organisation de l’enseignement public laïque et gratuit à tous les degrés est un devoir de l’Etat », oblige à un traitement égal sur tout le territoire, et non « au cas par cas ». Que l’enseignement public se déroule dans un cadre laïque ne saurait varier d’une école ou d’un quartier à l’autre.

Les sorties et les déplacements scolaires (bibliothèque, stade, piscine) font partie des activités d’enseignement, et doivent à ce titre être régies par le « principe de laïcité ». C’est la « règle commune » ; « nul ne peut se prévaloir de ses croyances religieuses » pour s’en affranchir. Ces impératifs constitutionnels ne peuvent souffrir de changements d’un ministre à l’autre.

L’UFAL considère qu’une loi s’impose, non pour réglementer la tenue des personnes, mais pour préserver la neutralité confessionnelle de l’ensemble des activités d’enseignement, qu’elles aient ou non pour cadre les locaux scolaires.

Au demeurant, s’agissant des personnes, il tombe sous le sens que la volonté d’un adulte d’imposer l’affichage de sa religion est incompatible avec le minimum requis pour l’encadrement des élèves : neutralité absolue, et égalité de traitement de tous. Un parent encadrant une sortie scolaire n’accompagne pas « son enfant », mais tous les élèves. Il doit manifester qu’il est porteur d’une mission d’intérêt général, et non porte-drapeau d’un particularisme confessionnel, ethnique, culturel, ou politique.

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Le statut scolaire d'Alsace-Moselle au regard de la liberté de conscience

par Monique Cabotte-Carillon
présidente de l’association nationale C.E.D.E.C., Chrétiens pour une Église Dégagée de l’école Confessionnelle

 

On pourrait évoquer le coût financier pour la nation, les problèmes d’organisation de la vie scolaire au sein des établissements, l’égalité entre les citoyens, les amalgames entre les divers héritages (car c’est peut-être le premier lien à dévider pour que la population puisse, en conscience, accepter de rejeter l’inacceptable). Mais je partirai ici de la mise en cause de la liberté de conscience. Ethique politique oblige.

A la lecture des divers documents que le président de l’association Laïcité d’Accord, m’a fait parvenir, j’ai vite réalisé que la première urgence était de supprimer la demande de dérogation pour les cours d’enseignement religieux (on pourra ensuite se poser la question de l’opportunité de ceux-ci au sein de l’école publique… si tant est qu’on puisse la qualifier d’école publique).

Une famille dont les convictions spirituelles n’ont aucun lien soit avec une confession religieuse des « cultes reconnus », soit avec toute démarche religieuse, car elle se revendique indifférente aux questions religieuses, athée ou agnostique, (et je pourrais y ajouter les croyants dans mon genre, outrés par le procédé proposé) va donc devoir se soumettre à l’obligation d’une « supplique » : la demande de ne pas participer à ce qui est peut-être pour elle une mascarade contraire à sa conscience, à ce qu’elle veut être. Cela me paraît scandaleux de ne pas respecter des personnes qui ne sont quand même pas dans le cas de susciter des troubles pour la société ! A propos de société, comment peut-on obliger des citoyens à se signaler aux yeux des autres comme non-membres d’un groupe religieux qui, lui, aurait droit de cité. Sans compter que l’inscription est archivée dans le corps du « dragon » informatique.

Entrons dans le concret des propos échangés au sein d’une famille X d’Alsace-Moselle pour qui l’inscription au cours d’enseignement religieux suscite quelques réticences chez l’enfant, mais dont les parents ne souhaitent pas se démarquer du voisinage, cas qui n’a rien de rarissime. On risque fort d’entendre ceci : « Mieux vaut faire comme tout le monde, ne te fais pas remarquer, après tout, si cela ne te fais pas de bien, cela ne te fera pas de mal. » Ceci se situe à l’inverse de l’éducation à la liberté de conscience qui s’enracine dans la liberté du choix. Je songe en particulier aux enfants des milieux ruraux ou de communautés localement restreintes comme la communauté israélite.

Je ne peux m’empêcher de faire ici une incise en évoquant ce qui s’est passé avec l’affaire Baby-Loup. Le camp des plaignants (et c’est volontairement que je dis pas « la plaignante » ) brandissait la liberté de conscience d’une femme qui n’aurait pas été respectée…mais on oubliait un peu vite qu’il fallait aussi tenir compte de X libertés de conscience, celles des enfants.

Par ailleurs, quelle est pour l’enfant réticent (je ne parle pas de ceux qui y vont de bon cœur) la portée de cours subis ? Cela risque de conduire vers une « incroyance » enracinée dans une critique acerbe des propos entendus malgré soi. Je connais des cas similaires, en particulier pour des personnes ayant subi un internat religieux. Pourquoi ne pas faire le pari d’une aumônerie de l’enseignement public, extérieure aux locaux scolaires quand il n’y a pas d’internat (ou volontairement choisi à l’extérieur comme l’ont fait maints aumôniers après 1968) ? Si le jeune est d’accord pour y aller, il ne fait que ratifier son baptême – ou sa demande de baptême – en se rendant volontairement dans un lieu « extérieur ». Y viendront – régulièrement ou pas – n’importe quels camarades curieux de ce que peut être le christianisme ou la confession israélite pour rester dans le cadre des possibilités locales énumérées sur les fameux formulaires. L’aumônerie de l’enseignement public dans la « France de l’intérieur » ne marche pas si mal ; si on tient compte de ce que sont les demandes. Les inscrits sont peu nombreux ? Mais ce n’est pas mieux ici (j’ai regardé sur les documents les pourcentages d’inscrits aux « cours » de religion). J’y ai aussi lu que l’accueil de jeunes non-inscrits était pris en compte. Le texte vaut le détour Il s’agit d’une circulaire estampillée « rectorat de Strasbourg » et datée du 5 avril 2012. Voici ce qui est précisé au paragraphe 2.2.1. : «  Les cours d’enseignement religieux dispensés dans les collèges aussi bien que dans les lycées sont confessionnels » Cela me laisse perplexe. Faut-il entendre par là qu’il n’est pas question de sortir d’un enseignement dogmatique et d’organiser par exemple des débats sur l’articulation entre société et foi personnelle ? Mon explication me paraît peu solide sur le plan théologique. Peut-être s’agit-il seulement de rappeler que les cours de religion sont placés sous la seule responsabilité des représentants officiels des différentes confessions qui veilleraient à ce que les « présents » soient bien inscrits. Bref, j’ai des problèmes avec le mot confessionnel. Le paragraphe suivant doit pouvoir apporter quelque éclaircissement. Le voici : « Toutefois, et au seul niveau du lycée, l’éveil culturel et religieux peut constituer une modalité particulière de cet enseignement (les 5 derniers mots étant soulignés) pour répondre à des besoins ou à des préoccupations exprimés par des jeunes, des familles, des enseignants ou des chefs d’établissement. En aucun cas cet enseignement ne peut être imposé » La prise en compte de la liberté de conscience suscitant chez quiconque une démarche interrogative (relevant du domaine culturel et religieux) est respectée. L’honneur est sauf !

Autre interrogation grave portant sur le respect de la liberté de conscience des Alsaciens et Mosellans : celle que me suggère le feuillet « Demande de dispense d’enseignement religieux en cours de scolarité ». Une anecdote pour pointer du doigt des procédés inacceptables engendrés par ce qu’on pourrait appeler pudiquement le climat local. Le 6 février dernier, le C.E.D.E.C. fut reçu à l’Observatoire de la Laïcité rue Saint Dominique à Paris par M. Cadène, alors porte-parole de M. Bianco (qui vient d’être appelé à d’autres fonctions). Nous étions trois pour « expliciter » nos convictions. J’avais préparé un dossier dans lequel j’avais glissé dans des intercalaires transparents des feuillets justifiant les points que nous voulions soulever (concernant en gros ce qu’il était possible de réaliser maintenant sans vider les caisses de l’Etat, voire en réalisant quelques économies. Quand nous avons évoqué la situation découlant du Statut Scolaire d’Alsace-Moselle, je lui montrai le feuillet concerné et lui fis cette remarque : « Vous pouvez constater qu’il est écrit en gros et en gras, en haut de la feuille à gauche :  A ne distribuer qu’à la demande expresse des parents ou de l’élève majeur. Quelle est la liberté de conscience des parents, ou du jeune majeur, qui ignore l’existence de cette possibilité ? Ce papier aurait pu au moins figurer dans les feuillets distribués, au même titre que le règlement intérieur, à chaque rentrée aux élèves. »

Au sein d’un établissement scolaire d’Alsace-Moselle, la liberté de conscience des adultes peut être elle aussi soumise au vent du large. Dans un travail non dénué d’humour, « Du régime dérogatoire des cultes, et autres singularités mosellanes et alsaciennes », Michel Seelig (auteur du blog http://blogs.mediapart.fr/blog/michel-seelig) nous suggère que le sens de l’obéissance des chefs d’établissement risque d’être mis à mal si leur conscience n’est pas au diapason de la parole rectorale. Voici ce qu’il écrit : « La neutralité des agents de l’Etat n’est pas respectée. Ainsi, en 2012, la circulaire rectorale aux chefs d’établissements pour l’Académie de Strasbourg comportait ces formules remarquables :   »Il n’y a pas lieu d’encourager les demandes de dispenses de l’enseignement religieux ; à l’inverse, toute action visant à faire connaître les programmes de cet enseignement doit être encouragée ». Le lien ombilical avec le ministère de l’Education nationale est bel et bien coupé. Quel zèle ! J’ose quand même espérer qu’aucun chef d’établissement ne s’est fait taper sur les doigts pour non respect de directives. »

On pourrait aussi parler des enseignants du primaire qui refusent d’assurer tout enseignement religieux, des parents dont les avis divergent sur l’opportunité d’inscrire ou pas l’enfant au cours d’enseignement religieux avec querelles familiales à la clef…

Sur le plan juridique, Laïcité d’Accord a clairement préparé le terrain en résumant la requête des avancées possibles : « Les associations et organisations laïques d’Alsace et de Moselle demandent la fin de l’obligation de la demande de dispense, au primaire comme au secondaire, par l’abrogation des articles D 481-5 et D 481-6 du Code de l’Education. » Il faut donc, à l’école primaire, sortir l’heure de religion des 24 heures de l’enseignement général. Ce qui est demandé c’est le caractère optionnel de l’enseignement religieux. Ceux qui suivront cet enseignement seront ceux qui l’ont demandé. Je suppose que la porte d’autres avancées reste ouverte.

Quant à la liberté de conscience du citoyen français, elle se trouve aussi interpellée. Devenu – en principe – allergique à la notion de « privilèges », il n’accepte pas l’existence des privilégiés que sont des ministres des cultes, groupe qui bénéficierait de 60 millions d’euros par an (chiffre donné par Michel Seelig) somme à laquelle il faut ajouter ce que coûte l’enseignement religieux, sans doute 10 millions supplémentaires. Alors que la cassette de l’Etat sonne le creux.

Autre question importante en ce qui concerne l’emploi : le principe d’égalité est-il respecté quand – fait remarquer Henri Pena-Ruiz dans son Dictionnaire amoureux de la laïcité – « les cours de religion ne doivent être dispensés que par des enseignants de même confession que celle qu’ils enseignent, ce qui contredit les principes du recrutement républicain et laïque de la fonction publique, puisque seul le mérite, et non l’orientation religieuse,doit être pris en compte » ?

Que dire aux personnalités politiques nationales qui peuvent commencer à régler le problème ? Posez sans crainte un acte en faveur de la laïcité en Alsace-Moselle. La charte de la laïcité présentée par M. Peillon est un acquis, un pas… Mais sans lendemain. Pourquoi hésiter ? Les militants laïques seront affublés du surnom de « laïcistes » ? C’est déjà fait. Les hiérarchies religieuses y regarderont à deux fois avant de déléguer des hommes ou des femmes de paille pour organiser des « manifestations » (certains ne seront peut-être pas fâchés de voir percé cet abcès). Le risque de récupération par des « extrémistes » est maintenant trop manifeste pour que ces « religieux » l’ignorent. Les élections municipales étant maintenant derrière nous, les élus – ou non élus – seront moins en quête d’ « identité ». En tout état de cause, la liberté de conscience, socle de cette avancée, sera plébiscitée par les plus jeunes. Là est peut-être l’avenir

Version abrégée d’une intervention de l’auteur à Strasbourg, le 15 avril 2014

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"Les Trois sœurs du Yunnan", film de Wang Bing

par Vincent Denorme
0 de Conduite

 

En collaboration avec l’association 0 de Conduite

Dix ans après avoir filmé les naufragés de la désindustrialisation dans le monumental A l’Ouest des rails, Wang Bing poursuit, dans une version rurale, avec Les trois sœurs du Yunnan à tracer la cartographie d’une Chine invisible, à l’ombre des cités côtières du pays, enivrées par le mirage des « bienfaits » du capitalisme globalisé.

Loin des images touristiques, quelque part dans l’immensité des montagnes du Yunnan, dans un village perché à plus de 3 000 mètres d’altitude, trois sœurs vivent seules dans une ferme. Yingying, âgée de 10 ans, veille sur ses sœurs Zhenzhen, 6 ans, et Fenfen, 4 ans. La mère a quitté le foyer, quant au père, il est parti en ville grossir les bataillons de travailleurs précaires dans l’espoir d’améliorer les conditions de vie de sa famille. Certes, une tante et un oncle taiseux affairés à leurs tâches quotidiennes ainsi qu’un grand-père endurci par le climat sont présents dans le voisinage et tiennent lieu de « proches », si tant est que ce mot ait un quelconque sens dans le parti pris du réalisateur.

Sans point de vue surplombant, se plaçant à hauteur des enfants sans tomber dans une empathie facile, la caméra de Wang Bing ne perd à aucun moment ces trois sœurs livrées à elles-mêmes dans leur quotidien boueux, froid et humide. C’est dans un va et vient entre la maison, à l’intérieur en clair-obscur enfumé, et les monts environnants, baignants dans une brume épaisse sous de violentes bourrasques de vent, que se mêlent jeux, travaux paysans, vie domestique et désœuvrement. Autant de moments sans liens directs entre eux. La trame narrative s’effiloche au profit de la force de l’action.

Un western sans chevauchée

A la différence d’un de ses précédents films, Fengming, chronique d’une femme chinoise, la parole se fait ici rare. Le réalisateur saisit avant tout des gestes dans leur durée, car Wang Bing sait prendre le temps, c’est-dire trouver le juste tempo afin de dépasser le caractère descriptif pour rendre compte de la difficulté du combat de ces enfants pour être au monde à travers leurs actions.

Décrotter des chaussures, préparer le feu, couper des choux, laver des pommes de terre ou ramasser des pommes de pin, autant de scènes qui s’inscrivent dans un présent sans mémoire ni avenir. Hormis peut-être le bref moment où Yingying est à l’école mais qui est vite rattrapée par ses taches à la ferme après le rappel à l’ordre du grand-père.

La marche dans les paysages est un motif central et récurrent du film sans pour autant tomber dans le piège contemplatif. Les sœurs arpentent les grandes étendues pour y amener les bêtes ou chercher le crottin. On devine que les monts qu’elles parcourent inlassablement leur sont intimes, familières et qui finissent par être trop petits. Le paysage ressemble à celui d’un de western mais auquel il manquerait tout espoir de chevauchée. Paradoxalement, ces étendues sont comme une limite à ces enfants où toute projection est impossible au delà de la ligne d’horizon. « Personne ne veut de moi ? Ni de moi, ni des cochons ? » s’interroge le petit Fenfen, parmi les cochons, face à l’espace bouché par la brume.

Rien ne peut se construire dans cette temporalité et cet espace du quotidien. C’est justement là que réside la vraie violence du film au-delà des guenilles et des poux. Ce sentiment devient plus fort encore lorsque Yingying se retrouve seule après le départ de ses deux petites sœurs pour la ville avec leur père. C’est certainement la partie la plus aiguë du film.

Mais ces actions et ces espaces sans perspective sont, malgré tout, submergés par la vitalité des enfants qui annihile tout sentiment de misérabilisme. Si l’inscription dans l’espace, tout comme dans la temporalité, est difficile, ne reste ici que l’énergie des corps où l’épuisement et l’abattement ne sont pas de mise. Le combat continue, un combat profondément humain.

On pourra vérifier la rigueur et la singularité de son travail en (re)voyant les films et les photographies de Wang Bing, actuellement présentés au Centre Pompidou jusqu’au 26 mai.

Les Trois sœurs du Yunnan.
Réalisateur : Wang Bing.
France/Hongkong, 2012.
2h 28 min
Distributeur : Les Acacias.

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"Ainsi se tut Zarathoustra", BD de Nicolas Wild

par Nicolas Pomiès

 

Zarathoustra, tout le monde en a au moins entendu parler. On sait que c’est le titre d’une œuvre majeure de Nietzsche qui annonce la mort de Dieu, condition préalable à l’enseignement du dépassement de soi conduisant au Surhomme. Cependant peu savent que Zarathoustra est un véritable « prophète », fondateur du zoroastrisme. Il serait né dans le nord ou l’est de l’actuel Iran ou peut-être en Bactriane, actuel Afghanistan, plus de 1 000 ans  av. J.-C. Le zoroastrisme est une réforme du mazdéisme qui doit son nom à son dieu principal, Ahura Mazda.

Cette réforme, qui est intervenue au cours du Ier millénaire av. J.-C. , est devenue la religion officielle des Perses sous la dynastie des Sassanides (224-651), jusqu’à ce que l’islam arrive. Elle a fortement imprégné le chiisme musulman et toute la société iranienne au point d’être encore très présente culturellement mais aussi par la présence d’une communauté résistante.

Les zoroastriens hier comme aujourd’hui respectent le feu comme symbole divin. Zoroastre prêchait un dualisme reposant sur le combat entre le Bien et le Mal, la Lumière et les Ténèbres. Le zoroastrisme est donc l’une des premières religions monothéistes.

La philosophie existentielle de Zarathoustra, proclamée plus de 1 700 ans av. JC., est la première révolution humaniste et libératrice de l’Histoire, autant pour les femmes que pour les hommes, car comme l’a écrit le grand spécialiste français de Zarathoustra Paul du Breuil  « les femmes perses jouissaient d’une liberté unique dans l’Antiquité grâce à la reforme de Zarathoustra avant qui la femme arya était une véritable esclave, comme pour Aristote chez qui la femme relève d’un statut proche de l’esclavage ».

C’est dans cette atmosphère zoroastrienne, que furent abandonnés tous les dogmes et tous les cléricalismes. La première déclaration des droits de l’homme fut rédigée au 6e siècle av. JC, sous Cyrus, le premier roi des Perses.
Selon cette charte, découverte au 19e siècle en Mésopotamie, gravée sur un prisme d’argile et conservée aujourd’hui au British Museum, les peuples de l’empire jouissaient d’une liberté totale de croyance, de langue et de coutumes : « J’ai accordé à tous les hommes la liberté d’adorer leurs propres dieux et ordonné que personne n’ait le droit de les maltraiter pour cela. J’ai ordonné qu’aucune maison ou propriété ne soit détruite. J’ai garanti la paix, la tranquillité à tous les hommes. J’ai reconnu le droit de chacun à vivre en paix dans le pays de son choix… » .

C’est aussi durant cette période que le temple de Jérusalem, détruit au 7e siècle av. JC. par le Babylonien Nabuchodonosor, fut rebâti par les juifs déportés en Babylonie qui grâce à Cyrus purent regagner leur pays. Cyrus entra ainsi dans la Bible.

C’est dans cette religion à la philosophie des plus moderne que nous plonge de manière très originale Nicolas Wild. Originale parce qu’il s’agit d’une bande-dessinée, en noir et blanc, d’un dessin très doux.
Originale aussi parce que l’auteur se met en scène, il est le héros contemplateur de l’histoire. Sa bédé c’est du vécu. Il dessine, se dessine comme un (vrai) journaliste de la presse écrite aurait décrit un périple sans prendre parti, simplement en décrivant ce qu’il vit.  Le rythme de l’histoire est intéressant. Le lecteur a l’impression d’être dans la peau de l’auteur-héros. Dès les premières planches sur Paris où il converse avec des réfugiés afghans, en passant par l’Iran des Mollahs où il nous fait découvrir la communauté zoroastrienne, jusqu’à une Suisse à s’interroger sur le meurtre d’un dénommé Cyrus Yazdani, figure emblématique de la culture zoroastrienne. Humaniste au franc-parler, passionné par l’histoire de  sa religion et de sa communauté,  Cyrus s’était attiré les foudres de la République islamique à plusieurs reprises, se voyant régulièrement pris à partie ou menacé de mort.
Son assassinat intervient dans une vague de meurtres ayant touché les leaders zoroastriens à travers le monde (entre 2005 et 2008) mais qui ressemblent plus à des affaires de mœurs qu’à des assassinats politiques…

Sans perdre son indéfectible sens de l’humour, Nicolas Wild décortique les « non-dits » d’un procès instruit comme une banale affaire de mœurs… et nous propose sa propre version des faits. S’inspirant de la vie de Kasra Vadarafi, il a préféré créer le personnage de Cyrus Yazdani afin de pouvoir jouer sans complexe avec la vérité…

La qualité de l’ouvrage lui a valu d’obtenir le 20e prix France Info de la Bande dessinée d’actualité  ainsi que d‘avoir été sélectionné au festival de la Bande dessinée d’Angoulême.

Indéniablement la lecture de cet ouvrage vous donnera envie d’en savoir plus sur le zoroastrisme et sur l’histoire de Cyrus le Grand qui plus de 1 000 ans avant Jésus-Christ inventa une forme de laïcité.

Ainsi se tut Zarathoustra  

Dessinateur : Nicolas Wild
Scénario : Nicolas Wild
Éditeur : La boîte à bulles
Collection : Contre-coeur
Date de parution : 01 Mars 2013
ISBN-13 : 978-2849531075
Illustration : Noir et blanc

Courrier des lecteurs
Rubriques :
  • Débats

À propos de l'article "Les rentiers de la santé" 

 

Reçu de « Cronos », à propos de l’article Les rentiers de la santé

Le problème permanent est que lorsqu’on donne des moyennes, il faille admettre qu’il y est des minimas et bien sûr, des maximas, donc il est malhonnête de traiter l’ensemble d’une profession de bourgeois pourris. Certaines personnes de cette profession ont l’envie « stupide » de faire un vrai travail de santé, de conseils dans un environnement sain, d’où le choix de la campagne, et, non pas celui de distributeur de médicaments et de cosmétiques en ville ou en galerie marchande, afin d’y faire fortune, ce qui existe aussi et en plus nombreuse proportion d’ailleurs. Je veux pour preuve les quelques petites pour ne pas dire minuscules pharmacies qui subsistent encore à la campagne où un ou une pharmacien bosse seul, pas pour le plaisir, mais par manque de moyens à dégager un salaire correct pour une préparatrice en pharmacie, tout cela afin qu’un service de santé soit encore présent dans les campagnes françaises, car les médecins, hormis quelques improbables roumains, ont eux désertés les zones rurales. Au fait, il faut savoir entre autres joyeusetés qu’une officine aussi petite soit-elle, coûte très cher, celle de mon épouse lui a coûté 545 000 € il y a 7 ans, 12 ans de crédit, il lui reste 5 ans à payer, et la pharmacie est aujourd’hui INVENDABLE, elle ne vaut plus que ce qu’elle doit à la banque. Elle ne produit plus assez de chiffres d’affaires pour être viable, non quelle soit mal gérée, mais grâce essentiellement aux baisses de prix des médicaments assénés depuis plus de 6 ans en continu [... ] les déremboursements par contre eux font grimper les prix aux firmaments et les gens ne les achètent plus et se soignent plus ou mal, c’en est les conséquences.

Réponse de Pierre Nicolas

Comme vous le soulignez fort justement, il faut se méfier des moyennes, qu’il s’agisse de pharmacies, de joueurs de football, d’intermittents du spectacle ou de chefs d’entreprises. Nous partageons votre attachement au travail de santé, et votre souci de permettre aux habitants des zones rurales d’accéder aux soins au même titre que les habitants des grandes villes. La pharmacie, comme la poste et l’école, fait partie des services indispensable aux habitants des zones rurales. D’une certaine manière, vous assurez une forme de mission de service public. Nous comprenons qu’être assimilés à des « rentiers de la santé » puisse vous faire réagir. Mais vous n’êtes pas concerné. Il n’y a rente que s’il y a écart entre les revenus de l’officine et les revenus du travail correspondants à la qualification de docteur en pharmacie, c’est-à-dire si la propriété génère un profit et l’accumulation d’un capital. Dans la situation que vous décrivez, cette rente n’existe pas, au contraire. Mais, en moyenne, si ! Une pharmacie coûte très cher. Parce que ça rapporte beaucoup. En moyenne !
Dans un village, la pharmacienne comme l’institutrice assurent des missions comparables par l’importance qu’ont l’accès de tous à l’éducation et à la santé. Devenir propriétaire d’une pharmacie coûte très cher. Comme devenir propriétaire d’une école ? Dans le cas de l’école, l’institutrice n’est pas propriétaire de l’école !  Elle n’a pas à s’endetter pour acheter son école, pour passer ensuite sa vie à rembourser un crédit, et, parce qu’il n’y a pas assez d’élèves pour que l’école soit viable, finir par se retrouver avec une école invendable qui ne vaut même pas ce qu’elle doit à la banque. Ce serait absurde. Pourtant, c’est ce qui existe pour les pharmacies. L’école n’a pas à être rentable. C’est un service public. Une pharmacie aussi. Un enseignant doit être justement rémunéré par rapport à sa qualification. Un docteur en pharmacie aussi.
Un jour, ce sera le cas. La santé sera un service public. Un service public de la République sociale. Car la santé est un droit.