Modulation des allocations familiales : la trahison du Gouvernement vis-à-vis des familles et de la Sécurité sociale

Communiqué de presse du 17 octobre 2014
Source : http://www.ufal.org/tout-sur-l-ufal/modulation-des-allocations-familiales-la-trahison-du-gouvernement-vis-a-vis-des-familles-et-de-la-securite-sociale/

Alors qu’il n’y a que 8 jours que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été présenté en Conseil des ministres et 3 jours qu’il a été discuté en commission à l’Assemblée nationale, chaque jour apporte ses nouvelles mesures contredisant celles de la veille.

Hier, le Président de la République a choisi de prendre à contre-pied ses arbitrages du printemps 2013 : l’austérité passera par la modulation des allocations familiales en fonction des revenus. Bref, une navigation à vue qui fracasse les principes hérités du Conseil National de la Résistance sur les icebergs du néolibéralisme et fait ainsi sombrer notre protection sociale solidaire, qui a pourtant montré toute sa pertinence en jouant le rôle d’amortisseur des effets de la crise.

Une première tentative de plafonnement avait été abandonnée l’an dernier devant l’opposition unanime des associations familiales et de l’UFAL en particulier. Cette décision de moduler les allocations familiales en fonction des revenus est une nouvelle offensive visant à casser le système d’allocations.

La Sécurité Sociale verse une compensation reconnaissant le travail d’éducation des parents

La Sécurité sociale verse une allocation financée par la cotisation sociale (autrement dit : par le salaire indirect socialisé payés aux  travailleurs). En ce sens, les allocations familiales ne poursuivent aucun objectif « redistributif » mais visent à reconnaître par le salaire indirect le travail lié à l’éducation des enfants. Réduire les prestations de la Sécurité sociale et les cotisations sociales qui les financent (les cotisations familles disparaîtront à l’horizon 2017 dans le cadre du pacte de responsabilité), ce n’est rien d’autre que d’abaisser les salaires !

La modulation des allocations familiales par le revenu des parents aboutira à une situation intenable socialement. En effet, comment, dans ces conditions garantir l’attachement des Français à un système social de moins en moins « généreux » pour ceux qui le financent via leur salaire ? La logique est claire : la modulation des allocations familiales (énième coup de rabot porté à l’endroit des familles) oblige encore davantage ceux qui en ont les moyens à orienter leur épargne vers des solutions individuelles pour un coût très supérieur, sans pour autant alléger les difficultés des personnes les plus fragiles.

Ne tombons pas dans le piège de la « justice sociale » que nous tend le Gouvernement : la Sécurité sociale n’a pas pour objet de corriger les inégalités

Au lieu de faire de la politique familiale un investissement égalitaire pour l’avenir de la Nation, le Gouvernement choisit d’en faire un gisement d’économies et d’opposer les Français entre eux selon leur niveau de revenu : élever un enfant ne constituerait pas le même travail éducatif de parent suivant le revenu que l’on perçoit ! La conséquence voulue est une division des Français sur des questions où ils se retrouvaient jusqu’à présent.

À ceux qui se laissent abuser par l’argument de « justice sociale », nous rappelons que la modulation des allocations familiales n’est que l’acte initial d’une modulation des autres prestations sociales selon le niveau de revenu, et en premier lieu du remboursement des dépenses d’assurance maladie couvertes, elles aussi, par la Sécurité sociale. Une telle perspective est totalement inacceptable pour l’UFAL.

Si la majorité au pouvoir entendait rétablir la justice sociale, elle œuvrerait par exemple à réhabiliter l’impôt sur le revenu républicain et progressif, vecteur essentiel de redistribution de revenus pour corriger les inégalités sociales.

Annexe

Une remise en cause du salaire socialisé nuisant à la cohésion sociale entre les familles

Extrait d’un texte d’Olivier Nobile (avril 2013) qui constitue l’argumentaire le plus complet sur ce sujet : http://www.ufal.org/sante-protection-sociale/courrier-des-lecteurs-plafonnement-des-allocations-familiales/7520/

L’universalité des allocations familiales s’inscrit indéniablement dans le projet républicain de sécurité sociale créé au lendemain de la guerre par le Conseil National de la Résistance. Par le système d’allocations familiales, le législateur entendait, assurer une aide financière universelle à l’ensemble des familles.

Les allocations familiales financées (du moins à l’origine) principalement par les cotisations sociales prélevées directement sur la valeur ajoutée des entreprises, constituent en ce sens l’un des pans essentiels du salaire socialisé versé par la Sécurité sociale, au même titre que les retraites par répartition, ou l’assurance maladie. Contrairement à la politique fiscale, le système d’allocations familiales versées par les CAF ne poursuit par conséquent aucun objectif redistributif et vise au contraire à garantir une égalité républicaine devant les charges de famille indispensable à la cohésion sociale du pays.

Les réformes de la Sécurité sociale mises en œuvre par les législateurs de droite comme de gauche ont largement mis à mal ce principe en mettant fin au mouvement d’universalité du salaire socialisé. Il en découle un double mouvement de « réformes » visant :

  • d’une part à cantonner de plus en plus directement le bénéfice des prestations familiales aux seules familles les plus modestes. C’est en ce sens que la majeure partie des prestations familiales sont actuellement versées sous conditions de ressources. En outre, c’est ce mouvement à visée ouvertement redistributive qui a ouvert la voie d’une fiscalisation massive des allocations familiales, autrement dit une substitution de la CSG à la cotisation sociale dans le financement de la branche famille ;
  • d’autre part à encourager les familles les plus aisées à consacrer une part croissante de leur épargne individuelle à la couverture de leurs besoins sociaux via notamment une politique fiscale incitative.

Les conséquences de cette politique sont néfastes à la cohésion sociale du pays comme l’UFAL l’a répété à de nombreuses reprises.

  • Tout d’abord, les réformes mentionnées engendrent un mouvement de rejet croissant de la part des classes moyennes à l’endroit des politiques sociales du pays, auxquelles elles bénéficient de moins en moins alors même qu’elles contribuent à leur financement.
  • En outre, la transformation de la politique sociale en instrument quasi-exclusif de lutte contre la pauvreté entraîne un mouvement de stigmatisation sociale des bénéficiaires des prestations sociales, ces derniers n’en bénéficiant qu’au titre de l’assistance et non plus en qualité d’allocataires ou d’assurés sociaux.
  • Enfin, élément le plus grave, cette politique crée de nouvelles catégories de laissés pour comptes : les classes moyennes inférieures, « trop pauvres pour être riches et trop riches pur être pauvres », autrement dit, tous ceux qui ne peuvent ni bénéficier de la solidarité nationale ni consacrer une part suffisante de leurs revenus ou de leur épargne à la couverture individuelle de leurs besoins sociaux.

Le plafonnement des allocations familiales s’inscrit par conséquent directement dans cette politique de stratification de la politique sociale qui est aux yeux de l’UFAL une menace grave à la cohésion sociale entre l’ensemble des familles et constitue l’une des raisons essentielles du populisme et du vote contestataire anti-républicain.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que l’UFAL réaffirme son attachement à une politique familiale universelle tout en militant activement pour la mise en œuvre d’une réforme structurelle ambitieuse dans l’intérêt de l’ensemble des familles et ce, dès le premier enfant.