Paco Ibañez : des propos inacceptables

Il y a quelques jours un article de Rue 89 revient sur les propos de Paco Ibañez qu’il a tenus au cours d’un concert à propos de Jean-Luc Mélenchon sur les langues régionales déclarant : « Ah oui, Mélenchon ! J’ai lu dans un journal qu’il avait dit : “La France, c’est un pays, avec une langue !” S’il a vraiment dit ça, qu’il ne vienne pas me voir ! C’est un fasciste ! » ; Puis : « C’est ni plus ni moins ce que disait Franco, c’est du fascisme ! »

Cher Paco, moi qui toute petite comme beaucoup d’autres a été nourrie de vos chansons, je suis révoltée par vos propos et souhaite vous répondre :

Adresse à Paco Ibañez

 On vous avez connu fauve contre la dictature franquiste.
Par pitié, ne nous laissez pas de vous cette image d’un « caniche » aux ordres de certains sociaux démocrates communautaristes, des indigènes de la République et de la droite nationaliste ! Car pour ces derniers, tout est prétexte à la division, à l’opposition des peuples : langue, histoire, culture, civilisation -dirait Guéant.

Mes racines sont espagnoles, mon père est né à Ivry sur Seine d’un père catalan, républicain espagnol et d’une mère castillane arrivée en France en 1919 pour s’arracher à la misère. Je suis née en France, ma langue maternelle est le français, je porte un nom catalan,catalan langue que je comprends et que je parle, j’enseigne l’espagnol en France…

Mon grand père catalan était à la « Esquerra republicana », puis au POUM en 1936 quand éclata la guerre civile, il fut reçu comme un chien en France en 39, il fut « l’hôte » du camp de concentration d’Agde où les catalans furent regroupés, avant les compagnies de travailleurs de l’armée française, et le camp de Mauthausen. Toute sa vie, il se battit pour le droit des catalans à vivre leur culture contre le fascisme franquiste qui l’interdisait. Mais voyez-vous à la maison on parlait castillan car universaliste, il savait qu’avec le castillan, on pouvait accéder à d’avantage de connaissances, l’histoire l’avait voulu comme ça.

C’est ainsi qu’on a été nourries ma sœur et moi de Paco Ibañez qui nous aurait été interdit si nos langues connues avaient été le seul catalan et le français dans l’ignorance du castillan. Nos larmes, lorsque nous entendons “Mi pueblo blanco” de Juan Manuel Serrat, notre voisin en Catalogne, chantant en catalan mais aussi en espagnol pour que ses chants parviennent au plus grand nombre, jusqu’à de l’autre côté de l’océan sur le continent latino-américain, sont sans aucun doute partagées par des millions de personnes dans le monde parce qu’il a su dépasser cette vision étroite que vous semblez vous imposer d’une culture, d’une langue et qu’il chante pour le monde entier en castillan.

Oui, il faut défendre les langues ! Toutes les langues ! Car chacune véhicule une part de l’histoire de l’humanité ! Comment pouvez-vous croire que notre combat au Front de Gauche soit autre ? Nous qui voulons être ardemment les héritiers de 1789, de la Commune de 1871, pour tous ceux qui comme moi vibrons à l’Internationale, à la Marseillaise , qui a toujours été le chant premier de tous les révolutionnaires (chanté en Russie en 1917, en Espagne en 1936), mais aussi de «  La Santa Espina », de « Els segadors » ou encore de la chanson de Lluís Llach « l’Estaca »… (1)Sur « la Santa espina ». Sur « els segadors. Sur « l’estaca ».

Faire de la langue un instrument de domination? C’est une évidence ! Relisez “Mémoire d’un paysan bas breton” (2) Mémoires d’un paysan bas-breton, Jean-Marie Deguignet (1834-1905) , et vous comprendrez comment au début du 20ème siècle, l’Eglise et les “bons maîtres” issus de l’Ancien Régime, dominants dans cette notre République encore fragile, imposaient le breton, eux seuls ayant accès à la connaissance grâce au français qu’ils interdisaient aux enfants du peuple. Pour nous la langue, les langues doivent être des éléments de l’émancipation et non de l’enfermement communautariste !

Paco Ibañez je vous en conjure, relisez Jean-luc Mélenchon, relisez nos positions !
Votre déclaration est plus qu’une insulte.
Vous détruisez une part de notre enfance, ma sœur et moi, qui en gardant jalousement vos vinyles pensions être fidèles à votre combat et à celui de notre grand-père, finalement nous le resterons à celui de notre catalan” d’avi”, notre grand-père et à notre castillane “d’abuela.”, notre grand-mère. Le combat de milliers d’autres dont mon histoire n’est qu’un exemple parmi tant d’autres qui s’y reconnaissait aussi. Ce n’était donc pas le votre ?

Pour finir, pour vous Paco Ibañez et pour lever toute confusion puisque vous l’avez créée, voilà la position de Jean-Luc Mélenchon et du Front de Gauche concernant les langues régionales :

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Sur « la Santa espina ». Sur « els segadors. Sur « l’estaca ».
2 Mémoires d’un paysan bas-breton, Jean-Marie Deguignet (1834-1905)