Ingérences américaines et complicités européennes Bien des questions se posent sur ces attitudes interventionnistes et partisanes

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Dessin représentant les bandes rouges du drapeau américain enserrant la planète pour dénoncer l'ingérence

Le récapitulatif, certes partisan et non exhaustif, des vingt dernières années sur le sous-continent, peut éclairer la photo d’une partie de l’Amérique latine d’aujourd’hui, du moins des pays dans lesquels des élections se sont déroulées ces derniers mois (voir les précédents articles : sur l’Argentine et l’Uruguay, sur la Bolivie, la Colombie et le Brésil, sur le Venezuela et sur l’Équateur). D’autres photos suivront au rythme des élections (1)Quelques dates à retenir :
7 février 2021 : élections présidentielles en Équateur ;
28 février 2021 : élections législatives et municipales au Salvador ;
11 avril 2021 : élections présidentielles au Pérou ; élection constituante au Chili ; deuxième tour de la présidentielle en Équateur ;
7 novembre 2021 : élections présidentielles et parlementaires au Nicaragua ;
21 novembre 2021 : élections présidentielles et parlementaires au Chili ;
28 novembre 2021 : élections présidentielles-parlementaires-municipales au Honduras.
ou des soubresauts de l’actualité.

Avec ces « photos », je voudrais montrer le décalage qui existe aujourd’hui entre, d’une part, un sous-continent qui se construit, après des années de pouvoirs souvent autoritaires, quelquefois des dictatures, sous la main toujours active des États-Unis, et d’autre part l’Union européenne qui désormais accompagne l’ingérence nord-américaine.

Il fallait pour cela raconter les efforts de ces présidents hors du commun, Lula, Chavez, Mujica ou Morales… qui se sont unis pour construire une Amérique latine plus solidaire, qui ont mis en place des organisations « pratiques » comme Petro caribes ou l’ALBA, qui ont voulu transformer l’utopie en réalité, pour comprendre ce paradoxe : au moment où ces hommes et ces femmes faisaient – et font encore – de la politique, les États-Unis et l’Europe entraient, eux, dans le monde, qu’ils croient moderne, de la communication. Un monde où l’on intervient dans les médias, d’abord chaque jour, puis chaque heure, puis chaque seconde, un monde où il faut tweeter pour exister, un monde où les agences et les conseillers en communication prospèrent en nombre inversement proportionnel à celui de militants que les partis recrutent.

Quand on est européen et que l’on vit en Amérique latine, on s’interroge. On voit non seulement les États-Unis intervenir sans gêne dans les affaires intérieures des pays latino-américains, on voit aussi l’Europe, et notamment la France (qui s’auto-qualifie pourtant sans hésiter de « pays des droits de l’homme ») au mieux ne rien dire, ou le reste du temps appuyer les décisions américaines. On s’interroge par exemple sur ce blocus contre un pays, le Venezuela, accentué en pleine pandémie parce qu’un président américain en exercice n’en trouvait pas les règles électorales assez transparentes, alors que ce même président, obsédé par la même lubie dans son propre pays et battu en novembre, criait encore à la fraude début janvier. On s’interroge sur l’attitude de l’Union européenne, dont aucun chef d’État ou de gouvernement, hormis l’ex Premier ministre espagnol José Luis Zapatero, ne s’est levé pour dire aux Américains : ça suffit ! discutons-en ! Discuter : Maduro y était prêt, mais les États-Unis et l’Union européenne s’y refusent encore et toujours.

Les militants latino-américains ressentent très fort le mépris américain, mais le ressentent plus fort encore quand il vient de l’Europe, pour laquelle ils ont encore une certaine admiration. Car quand on observe les comportements des politiques américains et européens face aux coups d’État au Honduras, au Brésil, en Bolivie ou au Venezuela, on ne peut s’empêcher de penser que le monde de la communication, dans lequel Américains et Européens sont désormais entrés, annihile toute possibilité de pensée politique. Un simple tweet tient lieu de position officielle sans débat préalable.

Les militants latino-américains regardent avec étonnement cette Europe se fermer politiquement sur les questions d’immigration, laisser passer l’extrême droite, accepter le libéralisme. Qu’est devenue l’Europe contestataire et libre dont ils avaient fait leur modèle ? Les Européens seraient-ils devenus nostalgiques des années Pinochet, de ces années pendant lesquelles le modèle économique dessiné par les Américains s’appliquait à la lettre, au mépris des droits de l’homme ? Le positionnement de l’Europe le leur laisse supposer, qui pilonne sans faire de détail la Bolivie de Morales, l’Équateur de Correa, le Brésil de Lula, le Venezuela de Maduro ; et se tait dès qu’il s’agit de la Colombie de Duque ou du Chili de Pinera. Pourquoi l’Europe porte-t-elle maintenant cette idéologie américaine de « tout sauf la gauche au pouvoir » ?

Les militants latino-américains ne comprennent pas cet acharnement contre le Venezuela alors que dans le pays voisin, la Colombie, des centaines de personnes sont assassinées chaque année pour avoir voulu défendre les plus vulnérables. Que ferait le pouvoir colombien si quelqu’un s’autoproclamait soudain président en Colombie (comme l’a fait Guaido au Venezuela) ?

C’est un fait, les États-Unis font toujours de l’ingérence en Amérique latine, et ils peuvent maintenant compter sur la complicité de l’Europe, la complicité de l’Europe en général et la complicité de la France en particulier.

 

 

Les pays d’Amérique latine n’en ont pas fini de se battre sur le terrain politique. Les Chavez, les Mujica, les Correa, les Lula et les Morales ont fait naître une conscience politique qui n’existait pas avant dans les catégories les plus défavorisées. Jeunes et moins jeunes désormais se forment, lisent, s’informent, et militent pour un sous-continent plus égalitaire et plus uni. Et ils ne veulent pas du modèle « américano-européen ».

Les femmes elles aussi, dans tous les pays de la région, prennent une place toujours plus importante, dans le milieu politique à haut niveau sur

les traces de Cristina Kirchner ou de Dilma Roussef, et dans le milieu associatif, où elles tissent des réseaux très importants, qui préparent l’avenir. Un avenir militant et solidaire, dont la planète a besoin. Pendant 20 ans, les militants latino-américains ont fait de la politique quand les Européens en creusaient la tombe. C’est sans doute pour cela qu’il est si difficile de se comprendre.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Quelques dates à retenir :
7 février 2021 : élections présidentielles en Équateur ;
28 février 2021 : élections législatives et municipales au Salvador ;
11 avril 2021 : élections présidentielles au Pérou ; élection constituante au Chili ; deuxième tour de la présidentielle en Équateur ;
7 novembre 2021 : élections présidentielles et parlementaires au Nicaragua ;
21 novembre 2021 : élections présidentielles et parlementaires au Chili ;
28 novembre 2021 : élections présidentielles-parlementaires-municipales au Honduras.