À propos du « récit national » : Républicanisme, gauchisme, marxisme

Le propre de la bourgeoisie est d’exécrer le jacobinisme. Le propre de la petite bourgeoisie est de le craindre. Les ouvriers et les travailleurs conscients croient au passage du pouvoir à la classe révolutionnaire, opprimée, car c’est là le fond du jacobinisme, la seule issue à la crise, la seule façon d’en finir avec le marasme et la guerre. (Lénine, 1917)

L’Anticapitaliste (revue) n°81 a publié récemment un texte de L. Ripart, relatif au « récit national ». L’initiative est bienvenue, dans un contexte où le chauvinisme franchouillard se déploie en miroir de l’obscurantisme islamoïde. On trouvera dans ce texte une incontestable richesse documentaire. Malheureusement, ce savoir est mis au service d’une orientation peu défendable pour un marxiste. D’où cette contribution.

« La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire » (Marx)

L’un des objectifs du texte est de pourfendre la « gauche républicaine »

« Notre histoire n’est pas donc celle de cette nation abstraite dont la droite sarkozyste ou la gauche républicaine dressent un portrait mythifié (…) ».

Malheureusement, ce concept de « gauche républicaine » mériterait une définition plus précise. Car sous cette dénomination, on trouve effectivement d’authentiques chauvins – dans la tradition de JP Chevènement et de son courant. On y trouve aussi divers regroupements incontestablement extérieurs au mouvement ouvrier, p. ex. les francs-maçons. Et c’est un fait que ces courants ne sont pas avares de pitreries « tricolores ».

Mais historiquement, le mouvement ouvrier, lui, en tout cas jusqu’aux innovations en cours au NPA, a toujours aussi été « républicain » dans une certaine mesure (on reviendra sur cette mesure) :

« Camille Desmoulins, Danton, Robespierre, Saint-Just, Napoléon, les héros, de même que les partis et la masse de la première Révolution française, accomplirent (…) la tâche de leur époque, à savoir l’éclosion et l’instauration de la société bourgeoise moderne. Si les premiers brisèrent en morceaux les institutions féodales et coupèrent les têtes féodales, qui avaient poussé sur ces institutions, Napoléon, lui, créa, à l’intérieur de la France, les conditions grâce auxquelles on pouvait désormais développer la libre concurrence, exploiter la propriété parcellaire du sol et utiliser les forces productives industrielles libérées de la nation, tandis qu’à l’extérieur, il balaya partout les institutions féodales dans la mesure où cela était nécessaire pour créer à la société bourgeoise en France l’entourage dont elle avait besoin sur le continent européen »i

En s’en prenant ainsi au « républicanisme », l’Anticapitaliste s’en prend en fait à un des éléments constitutifs du mouvement ouvrier.
Ce n’est pas rien.

1789 et nous

À propos de la Révolution française, D. Bensaid écrivait les choses suivantes :

« Au fil des ans, elle s’embourgeoise, s’étatise, se bureaucratise, jusqu’à son institutionnalisation sous la III° République. La République, c’est ce qui reste quand on a retranché la révolution, enlevé le haut (la souveraineté populaire) et le bas (l’audace révolutionnaire) »ii

L’Anticapitaliste va plus loin dans le même sens :

« Sur la question de l’histoire nationale, comme d’ailleurs sur beaucoup d’autres, la Révolution apporta de profondes transformations plus qu’une véritable rupture ».

On pourrait longuement ergoter pour savoir où est la « profonde transformation » et où est la rupture. Notons simplement que là, L’Anticapitaliste s’oppose frontalement au marxisme, au mot près :

« La Révolution française opéra une rupture complète avec les traditions du passé, elle balaya les derniers vestiges du féodalisme (…) »iii

Républicanisme

L’article en question se situe dans un contexte. On sait qu’une partie du mouvement ouvrier est tentée par l’accommodement avec des courants du type « indigènes », CCIF, etc., violemment hostiles à la laïcité dans laquelle elles ne voient que « racisme d’État » (!). Or laïcité et régime républicain « à la française » sont inséparables. On comprendra donc la nécessité dans laquelle se trouvent nos islamo-gauchistes de cogner sur le régime républicain. Pour Ph. Marlière, habituel contributeur de la très islamo-gauchiste revue Contretemps, « la République est un consensus mou » :

« De manière générale, lorsque vous étudiez l’histoire du républicanisme et de la laïcité française, vous vous rendez compte que ces deux notions n’ont jamais été exclusivement associées à la gauche, et encore moins au mouvement ouvrier. Je dis par là même que la République, surtout après 1875, n’est certainement pas synonyme de gauche radicale ou de socialisme. Il y a en réalité très peu de moments républicains de gauche. La République a essentiellement été « bourgeoise » ou conservatrice en France. »iv

En fait, la stabilisation du régime républicain en France fut menée à bien, en tout cas finalisée, par le parti radical, le parti de la gauche bourgeoise, central dans la vie politique de 1875 à 1958. Et c’est un fait que l’installation de la III° République se fit avec le soutien des socialistes d’alors – réformistes comme révolutionnaires.

Autre exemple. Confronté à la tentative de restauration monarchiste de Mac-Mahon, Marx écrivait à Sorge qu’« il faut espérer que la république bourgeoise sera victorieuse sinon l’ancien jeu reprendra à zéro »v.

Et Engels justifia cette opinion quelques mois plus tard :

« le maintien du gouvernement républicain existant lui offrirait au moins la perspective d’obtenir un niveau de liberté publique et individuelle tel qu’il lui permette de mettre sur pied une presse ouvrière, une agitation fondée sur des réunions et une organisation comme parti politique indépendant »vi.

D’où :

« Ce fut donc une nouvelle preuve du haut niveau de l’intelligence politique instinctive de la classe ouvrière française (…) les ouvriers, comme un seul homme, firent du maintien de la République leur tâche immédiate la plus importante ».

La III° République était certes bourgeoise, colonialiste, et ne réglait en rien la question sociale. Il n’en demeure pas moins que l’établissement d’une certaine démocratie politique constitua une avancée indéniable, qu’évidemment les militants ouvriers reconnaissaient comme telle.

Marx ou Marlière, il faut choisir !

La question de la Nation

La question de la nationalité est bien sur un élément central de cette discussion. L’anticapitaliste distingue à juste titre deux conceptions antagoniques :

« La première serait celle de l’ancienne France, historiquement portée par l’extrême droite, qui conçoit la nation comme une communauté charnelle. La seconde serait celle de la France révolutionnaire qui définirait la nation comme une communauté politique, fondée selon le philosophe et militant du PG, Henri Peña-Ruiz, sur le triptyque « Liberté, Égalité, Fraternité », seule source de ce nouveau contrat social.

Cette conception a une évidente part de vérité, dans la mesure où la gauche républicaine est effectivement porteuse d’une conception de la nation qui diffère profondément des perceptions ethniques ou religieuses qui sont à la source du nationalisme d’extrême droite. Pour autant, elle a aussi d’évidentes limites, dans la mesure où elle surestime la coupure entre l’Ancien Régime et la Révolution ».

(On a vu plus haut ce qu’il en est concernant la fameuse « surestimation » de 1789).

En tout cas, la première conception, ethniciste, est celle que porte la Droite la plus radicale – p. ex. Sarkozy ou désormais Fillon. C’est elle qui mène à la remise en cause de l’acquis démocratique que représente le droit du sol, à la réaffirmation de « l’identité chrétienne de la France », etc.

Le mouvement ouvrier, traditionnellement, se range derrière la seconde, celle dans laquelle l’auteur voit « une part de vérité ». Une part seulement…

Le choix de pointer Peña-Ruiz, membre du PG, n’a d’ailleurs rien de fortuit. Dans un contexte où JL. Mélenchon est régulièrement dénoncé par la direction du NPA, c’est indiquer aux militants, combien ces conceptions sont à prendre avec des pincettes1.

En fait, la conception de la Nation comme communauté politique et non ethnique n’a rien de spécifique à Peña-Ruiz. Elle a émergé chez les philosophes des Lumières. Rousseau définissait la citoyenneté comme

« le pacte social établi entre les citoyens une telle égalité, qu’ils s’engagent tous sous les mêmes conditions et doivent jouir tous des mêmes droits »vii

Comme l’écrivait l’historien britannique E. Hobsbawn :

« (…) pour les nationalistes la création des entités politiques qui comporteraient cette assimilation découlerait de la préexistence de quelque communauté se distinguant des étrangers (nos fameux « gaulois » – NR), alors que du point de vue démocratique révolutionnaire, le concept central était le peuple souverain des citoyens (…) »viii

On pourrait aussi citer l’historien de l’immigration G. Noiriel, qui définit la Nation dans les termes suivants :

« C’est un regroupement d’individus parmi d’autres, dont la spécificité tient au fait qu’il réunit des personnes qui luttent pour conquérir ou pour défendre leur liberté politique. Cette liberté, c’est ce qu’on appelle la souveraineté »ix

La conception de la nation comme communauté politique est quasi-universellement défendue à gauche, la constitution d’États nationaux durant le XIX° siècle vue comme un incontestable pas en avant de l’Histoire. D’où le mot d’ordre de « défense de la République », que porta tout le mouvement socialiste jusqu’au début du XX° siècle face aux menées de la réaction cléricalo-monarchiste.

À propos du communautarisme

La Nation est donc pour les progressistes une communauté politique. Dans cette conception, une stricte égalité politique (et non sociale…) entre ses membres est nécessaire. L’égalité devient donc un concept-clé, d’où le fameux principe selon lequel « la République ne reconnaît aucune communauté », le refus de toute différenciation de la citoyenneté (par exemple des tribunaux religieux pour les affaires familiales – on n’en est pas loin en Grande-Bretagne).

D’où ce qu’expliquait Clermont-Tonerre :

« Il faut tout refuser aux Juifs comme nation ; il faut tout leur accorder comme individus ; il faut qu’ils soient citoyens »

lors du débat parlementaire relatif à l’émancipation des juifs à la Constituante (23.XII.1789).

Là encore ces conceptions sont profondément progressistes. Elles tendent à unir les travailleurs et non à les diviser selon un axe ethnique ou religieux, ainsi que le prônent les défenseurs divers du « multiculturalisme ».

Exemple typique de cette politique de division « multiculturaliste » : la pseudo revendication de salles de prières dans les entreprises (pourquoi pas des synagogues, tant qu’on y est ?), qui n’est pas sans rappeler la vieille demande cléricalo-patronale d’implanter des aumôneries dans les usines.

L’École républicaine

« Depuis leur révolution, les français ont énormément insisté sur l’uniformité linguistique, et c’était à l’époque tout à fait exceptionnel »x

La maîtrise de la langue, c’est la condition de la participation à la communauté politique dont il est question ci-dessus (la Nation). Or selon G. Noiriel, à l’époque de la révolution, 80 % des habitants du royaume ne parlaient pas le français. On ne s’étonnera donc pas que le décret du 2 thermidor An II impose le français comme seule langue de l’administration dans un contexte où les révolutionnaires font pression pour imposer le français et s’opposer aux langues régionales.

Dans ce contexte, quelques décennies plus tard, l’École républicaine eut la lourde tâche d’assurer la pénétration des valeurs républicaines, ce qui passait par l’apprentissage de la langue. La bataille fut féroce, village après village. S’adressant aux instituteurs de se circonscription, en 1887, un inspecteur leur rappelait leurs devoirs en ces termes :

« Je n’admets pas qu’un instituteur ne soit pas républicain. Il ne vous est pas demandé de crier sur les toits : « je suis républicain ». Il ne vous est pas demandé non plus de parler politique dans toutes vos conversations ; mais si devant vous on attaquait l’idée républicaine, il faudrait avoir le courage de la défendre »xi.

Un autre auteur islamo-gauchiste ayant droit aux honneurs de L’Anticapitaliste, S. Kouvelakis, ne voit dans tout ceci que réaffirmation d’un « ordre néo républicain »xii. Il se trompe lourdement. Ce qui est en cause, c’est la mission émancipatrice, républicaine et laïque de l’École publique.

Contrairement à ce que défend un certain gauchisme, donc, permettre à tous les citoyens de communiquer entre eux ne relevait pas de l’oppression bourgeoise vis-à-vis de peuples opprimés (bretons ou maghrébins) mais de la construction, du renforcement du régime républicain, et de l’unité de classe du prolétariat.

Malheureusement, on est en droit de douter de la fermeté de L’Anticapitaliste pour soutenir cette tradition politique « jacobine » lorsqu’on lit ce qui suit :

« Cette logique (chauvine – NdR) devait aboutir à la grande boucherie de la Première Guerre mondiale, qui fut en grande partie préparée par l’histoire nationale, comme ce fut le cas en France où les écoles de la III° République avaient soigneusement préparé la population à combattre l’Allemagne, en leur offrant le modèle de leurs ancêtres Gaulois affrontant les Teutons »2.

Impérialisme et république

Autre aspect critiquable de l’article de l’Anticapitaliste (mais aussi des travaux de Bensaid, Fr. Sabado, etc.) : son incapacité à distinguer nettement les deux époques du capitalisme – capitalisme ascendant et impérialisme. L’Histoire du capitalisme y est présentée de façon linéaire de la III° République à nos jours, ce qui interdit de comprendre le changement de stratégie des marxistes à l’époque impérialiste.

L’impérialisme (qui émerge donc au tournant du XX° siècle) est l’époque où l’antagonisme entre rapports de production et croissance des forces productives devient une entrave à la croissance des forces productivesxiii. La contradiction est à vif, la poursuite du progrès passe nécessairement par la rupture avec l’économie de profit, le capitalisme.

Et l’une des conséquences majeure de cette contradiction, c’est l’incapacité du capitalisme à dépasser le stade des États-nations, d’aller vers des entités supérieures, telles que des États-Unis d’Europe.

C’est d’autant plus évident que depuis les années 80 a émergé la « mondialisation » capitaliste, c’est-à-dire qu’est apparu un marché mondial pleinement intégré qui se heurte à chaque instant à la persistance de frontières nationales.

Nécessairement, ce changement d’époque historique implique un changement stratégique du mouvement ouvrier.

Deux stratégies

Même si « à aucun moment, il (le parti communiste) ne néglige d’éveiller chez les ouvriers une conscience claire et nette de l’antagonisme violent qui existe entre la bourgeoisie et le prolétariat »xiv, le fait est que Marx envisageait la politique révolutionnaire sous l’angle d’un bloc de la bourgeoisie libérale et du mouvement ouvrier naissant :

« En Allemagne, le Parti communiste lutte d’accord avec la bourgeoisie, toutes les fois que la bourgeoisie agit révolutionnairement contre la monarchie absolue, la propriété foncière féodale et la petite bourgeoisie ».

Encore plus nettement, son « adresse » de 1850 aux communistes allemands les appelle à « forcer les démocrates à intervenir », « pousser à l’extrême les propositions des démocrates »…

De ce point de vue, 1848 représente une date-clé, mais encore faut-il dire pourquoi. À ce propos, D. Bensaïd écrivait : « Depuis juin 1848, la République sans adjectif ne suffit plus ». Eh bien si !

1848 marque l’émergence du mouvement ouvrier comme sujet autonome. Mais croire qu’à partir de 1848, la république sociale était à l’ordre du jour était une erreur. Ne serait-ce que parce que le poids social du prolétariat industriel dans un pays essentiellement rural interdisait de penser à une victoire ouvrière. Même la Commune est une anticipation. En 1871, pour les mêmes raisons, le prolétariat parisien n’avait pas les moyen de vaincre. Au XIX° siècle, la république sociale, la dictature du prolétariat n’était encore qu’une perspective.

Et en ce qui concerne la France de la III° République, « république tout court » par excellence, si les marxistes se prononcent contre la participation au gouvernement (affaire Millerand), personne ne s’oppose (et surtout pas Engels) à un bloc circonstanciel avec les radicaux de Clemenceau. Exemple : la loi de séparation de l’Église et de l’État, votée en 1905, tant par les radicaux que les socialistes.

L‘époque « des guerres et des révolutions », selon la formule fameuse de Lénine, ne s’ouvre que 40 ans plus tard, en 1917. La révolution russe, produit de la guerre impérialiste, ouvre une époque, où la question de la prise du pouvoir devient une question immédiate, et plus seulement une perspective historique. D’où l’expression d’« époque de la révolution socialiste internationale » aussi utilisée par Lénine.

Internationalisme

Nécessairement, le changement d’époque dont il est question ci-dessus impliquait donc une changement radical de stratégie politique. L’heure devient donc celle du combat ouvert contre la bourgeoisie, pour le gouvernement ouvrier dans chaque pays.

Certes dans une série de cas, la question nationale garde son importance (Irlande, pays dominés…). Il n’en demeure pas moins que d’une façon générale, les États nationaux existent et se concurrencent (d’où les deux guerres mondiales).

« L’action commune internationale » envisagée par Engels devient à l’ordre du jour, ce qui signifie aussi la fin de la coopération (conflictuelle) qui perdurait (en tout cas en France) entre bourgeoisie républicaine et mouvement ouvrier.

« Pour le prolétariat européen, il ne s’agit pas de défendre la «Patrie» nationaliste qui est le principal frein au progrès économique. Il s’agit de créer une patrie bien plus grande : les Républiques des États-Unis d’Europe, première étape sur la voie qui doit mener aux États-Unis du Monde.»xv (Trotsky : le programme de la Paix, 1914).

C’est lignes sont d’autant plus d’actualité de nos jours, à l’heure de la mondialisation capitaliste, qui fournit d’une certaine façon la base matérielle du dépassement du stade national.

Dans ces conditions, le vieux mot d’ordre de « défense de la République », parfaitement justifié à l’époque du capitalisme ascendant, devient celui de la préservation de l’ordre capitaliste. Ainsi sera-t-il utilisé à fond par les directions du PCF et de la SFIO pour contenir le mouvement des masses en 1936. Et le clivage entre réformistes et révolutionnaires se concrétise par la défense d’une alliance exclusive des organisations ouvrières (le Front Unique) ou la subordination de celles-ci au vieux parti radical (ce qui est l’essence de la politique de Front Populaire). À l’heure de l’impérialisme, le mouvement ouvrier révolutionnaire ne peut être partie prenante d’un quelconque camp « républicain ».

Défendre les acquis

À l’époque impérialiste, la politique de bloc républicain devient donc obsolète.

Mais ceci ne signifie évidemment pas qu’on soit indifférent à un retour en arrière. Ainsi l’unité nationale est un acquis et le retour au communautarisme, au provincialisme (p. ex. sous la forme de « l’Europe des régions » et sa déclinaison française – régionalisation/décentralisation) serait un immense recul social (ne serait-ce qu’à cause de la disparition de nos acquis nationaux – statuts, services publics, etc.).

Là encore, un retour à Marx n’a rien d’inutile :

« (…) les ouvriers doivent non seulement poursuivre l’établissement de la république allemande une et indivisible, mais encore essayer de réaliser, dans cette république, la centralisation la plus absolue de la puissance entre les mains de l’État. Ils ne doivent pas se laisser induire en erreur par tout ce que les démocrates leur racontent de la liberté des communes, de l’autonomie administrative, etc. Dans un pays comme l’Allemagne, où il reste encore à faire disparaître de si nombreux vestiges du moyen âge et à briser tant de particularisme local et provincial, on ne saurait en aucune circonstance tolérer que chaque village, chaque ville, chaque province oppose un nouvel obstacle à l’activité révolutionnaire, dont toute la puissance ne peut émaner que du centre. On ne saurait tolérer que se renouvelle l’état de choses actuel qui fait que les Allemands sont obligés, pour un seul et même progrès, de livrer une bataille particulière dans chaque ville, dans chaque province »xvi.

On est loin, très loin, de l’exaltation du nationalisme breton, etc. qu’affectionne tant l’Anticapitaliste !

En guise de conclusion

Il existe dans ce qui reste du NPA tout un courant pour qui l’hostilité des réactionnaires de tout poil à l’Islam suffit à rendre les défenseurs de cette religion (effectivement moyenâgeuse3) sympathique. Ce campisme naïf se conjugue généralement à une remise en cause du « jacobinisme » traditionnel du mouvement communiste.

Incontestablement, l’article de L. Ripart accompagne ce courant. Relativiser les acquis « républicains », leur importance, c’est encourager le communautarisme islamo-gauchiste. Il est vrai que dans une organisation où les questions théoriques sont traitées avec une telle légèreté, c’est extrêmement facile.

Au-delà de sa fausseté sur ces aspects, le problème de ce genre de texte, c’est qu’il isole un peu plus ce qui reste du NPA – les travailleurs français sont viscéralement attachés aux acquis de ce type, et même ceux venant du Maghreb vomissent littéralement les pratiques moyenâgeuses voire ouvertement racistes de ces courants. C’est évidemment encore plus le cas depuis les crimes barbares de Charlie-Hebdo, du Bataclan, etc.

En ce sens, la publication d’un article tel que celui-ci et ce qu’il accompagne augurent mal, très mal, de l’avenir du NPA.

NOTES

1En fait le livre de Peña-Ruiz (« Qu’est-ce que la laïcité ? ») est important. Sa lecture est recommandée, particulièrement dans un parti où l’hostilité traditionnelle du mouvement ouvrier aux bigots est remise en cause (c’est la fonction du mot d’ordre de « lutte contre l’islamophobie », qui dévie l’indispensable combat à mener contre la xénophobie sur le terrain religieux).

2Soit dit en passant, l’affaire des gaulois n’était à cette époque qu’une tentative républicaine pour renforcer le nouveau régime sur le plan idéologique. C’est effectivement discutable, mais il faut rappeler que depuis un siècle la science historique a progressé, et que le problème (incontestable) n’en est devenu un qu’avec le développement de l’immigration à la fin du XX° siècle.

3Le philosophe Y. Quiniou (Pour une approche critique de l’islam) a amplement démontré le caractère obscurantiste, totalitaire, de cette religion.

iK. Marx : Le XVIII brumaire de Louis Bonaparte (1852).

iiD. Bensaïd : La révolution française refoulée (2005).

iiiF. Engels : Socialisme utopique et socialisme scientifique (1880).

ivPh. Marlière : La république est un consensus mou (revue Ballast, juin 2015).

vK. Marx : Lettre à Sorge – 27.IX.1877.

viF. Engels : les travailleurs européens en 1877.

viiJJ. Rousseau : Le contrat social (1780)

viiiE. Hobsbawn : Nations et nationalisme depuis 1780.

ixG. Noiriel : « Qu’est-ce qu’une nation ? ».

xE. Hobsbawn : op. cit.

xiJ. Ozouf, « Nous les maitres d’école ».

xiiS. Kouvelakis : « Je plaide donc coupable… ». Contre l’ordre néo-républicain, pour l’universalisme révolutionnaire. (juin 2016).

xiiiLénine : L’impérialisme, stade suprême du capitalisme.

xivK. Marx : Manifeste du parti communiste (1848).

xvTrotsky : le programme de la Paix, 1914

xviMarx : Adresse à la Ligue des communistes, 1850.