Combattre efficacement le FN : avec la gauche de gauche… si elle existe !

Ce n’est pas avec le social-libéralisme que le FN sera battu. Car le FN fait son beurre sur les ravages causés par les gestions néo-libérales : insécurités physique, sociale et culturelle, relégations territoriales, dislocation des repères symboliques, absence de perspective politique progressiste. Les promesses économiques du FN sont connues : taxation de 15% des résultats nets des 50 plus fortes capitalisations boursières, nationalisation des banques, création de nouvelles tranches d’impôts sur les hauts revenus, augmentation de 200 euros des salaires inférieurs à 1,4 SMIC, retraite à 60 ans. Ce « programme économique », assorti de l’idée que l’immigration est  l’arme du grand capital  « pour peser à la baisse sur les salaires et les droits sociaux des travailleurs français », ne peut être que populaire. Il a fait partie des munitions dont le FN s’est doté pour récupérer le 6 décembre 2015 des centaines de milliers de votes ouvriers et employés qui allaient naguère à la gauche. Avec sa phraséologie huilée et bien adaptée aux souffrances sociales, il peut aujourd’hui escompter, pour les prochaines échéances électorales, accentuer le passage des couches populaires de la gauche à l’extrême droite, en conquérant les suffrages d’ouvriers et employés qui se sont abstenus le 6 décembre. (1)Voir la chronique d’Evariste dans le n° 798.

C’est pourquoi le premier axe de notre travail d’éducation populaire est de montrer que le programme économique du FN est une immense escroquerie, puisqu’il ignore la réalité de la crise structurelle qui mine le capitalisme et qu’il impute l’austérité aux seuls intérêts du capital et de la finance. Au lieu de proposer une autre politique favorable aux couches populaires, il maintient la croyance fataliste dans la légitimité des possédants.

Contre le FN, qui essaie ainsi de faire croire, comme certains courants de gauche ou gaullistes, que le repli de la France sur l’hexagone sans changer le rapport social de production est possible, nous devons également montrer, deuxième axe, que le capitalisme (et donc son oligarchie) imposerait le libre-échange à toute volonté de protectionnisme, sauf pour le plus fort, qui lui pourra se protéger.

Un objectif politique du FN, comme de toute extrême droite, est de diviser les couches populaires, aujourd’hui en fustigeant les couches populaires de culture musulmane. Les islamo-gauchistes, qui font l’inverse, rejoignent en cela le FN dans ce même travail néfaste de division. Cette prétendue « gauche de la gauche » ne sera donc pas plus efficace que le néo-libéralisme pour faire reculer le FN. À l’inverse, notre troisième axe de la lutte contre le FN est le rassemblement du peuple, quelle que soit l’origine culturelle des citoyens et des travailleurs, contre les diviseurs FN, néolibéraux et islamo-gauchistes.

Notre quatrième axe se règle sur Jaurès pour qui « Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène. Un peu de patriotisme éloigne de l’Internationale ; beaucoup de patriotisme y ramène. ». L’application de cette ligne demande de réévaluer la nation et de soutenir les mouvements des peuples en lutte contre l’austérité et pour leur émancipation.

Un cinquième axe d’éducation populaire consiste à dissocier les personnes qui, après s’être reconnues dans la gauche, se rallient au FN pour les raisons évoquées ci-dessus, et la toxicité politique du FN. Avec le FN sont directement réactivées la xénophobie de la France de la première moitié du XXe siècle et les haines de la guerre d’Algérie. (2)Voir Nonna Mayer, « Le mythe de la dédiabolisation du FN » : http://www.laviedesidees.fr/Le-mythe-de-la-dediabolisation-du-FN.html. Désormais, la marge de manœuvre stratégique du FN, sur le long terme, ne lui vient pas seulement de son incrustation nationale, mais aussi de sa participation décisive à la montée des extrêmes droites européennes autoritaires, anti-modernes et xénophobes. Ce deuxième enjeu importe à tous les peuples d’Europe et de Méditerranée.
Oui, nous estimons que le plan A de la possibilité de l’euro social est une impasse, que le plan B de la sortie de l’euro demain matin à 8h 30 en est une autre, et que le retour à la monnaie commune comme du temps du SME, en est une troisième. (3)Voir https://www.gaucherepublicaine.org/chronique-devariste/zone-euro-le-plan-c-entre-dans-le-debat/7396901.
Oui, l’euro est un carcan qui empêche toute politique progressiste, mais en sortir n’est possible qu’en cas de collapsus économique ou d’une crise politique paroxystique. Et il est urgent de s’y préparer pour ne pas être aussi démuni qu’en septembre 2008.
Il importe de concrétiser la formule historique déjà citée de Jaurès : oui, après l’implosion de l’euro et la sortie du carcan de l’Union européenne, il faudra être capable de développer les grandes coopérations européennes et méditerranéennes indispensables, soit sous forme d’États-Unis d’Europe, soit sous une autre forme à débattre, pourvu qu’elles permettent les transferts économiques et sociaux nécessaires à la reprise du progrès social.
Tout cela demande de passer d’une gauche de la gauche moribonde à une gauche de gauche capable alors de mobiliser les couches populaires.