Comment les vieilles molécules font la culbute Pratiques de l'industrie pharmaceutique

Dans un article intitulé « Le prix d’un médicament contre la toxoplasmose bondit de 5 400 % en un jour » (1)http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/09/22/le-prix-d-un-medicament-contre-la-toxoplasmose-a-bondi-de-5-400-en-un-jour_4767396_3234.html, reprise de http://www.nytimes.com/2015/09/21/business/a-huge-overnight-increase-in-a-drugs-price-raises-protests.html?_r=1., on apprend que l’inflation du prix des génériques aux Etats-Unis atteint des sommets et que le Congrès américain a ouvert une enquête à ce sujet, menée par les démocrates Sanders et Cummings.
On comprend l’inquiétude du législateur à partir du cas du Daraprim (pyrimethamine), traitement de référence pour la toxoplasmose. De 2010 à 2015, son prix a été multiplié par 750. Or cette molécule (sur le marché depuis 1953) a été rachetée en août 2015 par Turing Pharmaceuticals qui a immédiatement fait passer le prix du comprimé de $13,50 à $750 !
Martin Shkreli, fondateur et directeur général de Turing (un ancien gestionnaire de fonds d’investissement de 32 ans déjà mis en cause par la société Retrophin pour des pratiques du même ordre), justifie cette hausse par le petit nombre de patients utilisant le Daraprim et par la nécessité de financer la recherche sur de meilleurs traitements.
D’autres exemples ?

  • La Cycloserine, molécule lancée en1955 et utilisée pour le traitement de la tuberculose, a vu son prix passer de $500 à $10 800 les 30 comprimé après son rachat par Rodelis Therapeutics. Ce laboratoire qui achète des molécules « clé en main » a quand même accepté de restituer la cycloserine à son ancien propriétaire, une organisation à but non lucratif, qui la vendra finalement 1 050 dollars.
  • Valeant Pharmaceuticals après avoir racheté à Marathon Pharmaceuticals deux médicaments utilisés en cardiologie, Isuprel et Nitropress, s’est empressé d’augmenter leurs prix respectifs de 525 % et 212 $. (En 2013, Marathon avait déjà multiplié les prix antérieurs par 5 en rachetant ces molécules.)
  • La Doxycycline, antibiotique très prescrit, a vu son prix s’envoler depuis qu’il a été acheté par West Ward. La boîte de 500 comprimés est désormais vendue 1 849 dollars au lieu de 20 dollars il y a deux ans.

Au-delà des génériques, de nouvelles molécules comme le Praluent et le Repatha sont visées, vendues à des prix jugés sans rapport avec leur bénéfice thérapeutique. Preuve supplémentaire du caractère artificiel de ces prix,  un tweet de la candidate démocrate à la Maison Blanche, Hillary Clinton, annonçant des propositions pour stopper l’escalade des prix des médicaments, a provoqué à Wall Street le 21 septembre une chute brutale des cours des entreprises de biotechnologies (biotechs) .

Voilà de parfaits exemples de la logique de fixation des prix d’une marchandise capitaliste, qui n’est pas du tout celle qu’on nous serine partout dans les manuels d’économie, selon lesquels le prix est déterminé par l’offre et la demande en référence au coût de production.
Le prix de la marchandise capitaliste dépend du profit qu’elle permet de réaliser, et quand son coût de production est infime, et c’est le cas pour les vieilles molécules (pas de recherche à faire), il n’y a pas de norme de coût pour le taux de profit, juste le jeu sur la demande en fonction de sa réactivité au prix.
Or, en matière de santé, on peut comprendre qu’elle est particulièrement faible et qu’on peut augmenter le prix quasiment ad libitum, jusqu’au moment où les assureurs n’y trouvent plus leur compte et où les pouvoirs publics s’en mêlent. Le fait qu’un simple tweet d’Hillary Clinton ait fait chuter le cours des « biotechs » renvoie au même mécanisme que pour Volkswagen dont le cours a chuté de plus de 25 % sans que la richesse réelle que constitue la firme ait diminué d’un centime : dans le monde du marché capitaliste pur, tout n’est que fiction, et la réalité de la production matérielle est dissimulée derrière un rideau de fumée.
Si elle n’embraye pas sur la critique du capitalisme, la pure dénonciation de la cupidité de laboratoires sans scrupules ne mènera pas plus loin que celle des banquiers ou des paradis fiscaux (c’est tout un : les labos achètent avec l’argent des fonds, de retraite ou autres, qui spéculent sur la possible hausse des prix).