La nouvelle Charte des valeurs mécontente l’islam politique au sein du CFCM : actes 2 et 3

Après la déclaration de rupture du recteur de la Grande Mosquée de Paris (fédération  musulmane proche de l’Algérie) avec les partisans intégristes de l’islam politique au sein du Conseil français du culte musulman (voir notre récent article), la confrontation continue entre les fédérations islamiques et les fédérations islamistes, contrairement à ce que racontent les médias dominants qui reprennent des phrases du CFCM officiel sans les vérifier.

Une nouvelle écriture de la Charte des valeurs a été effectuée. Elle n’a d’abord été signée que par quatre des neuf fédérations islamiques intégrés au sein du CFCM (l’UMF dirigée par Mohamed Moussaoui proche du Maroc, le RMF, proche du Maroc, dirigé par Anouar Kbibech, la GMP, proche de l’Algérie, dirigé par Chems Hafiz et la FIACCA proche des associations islamiques d’Afrique, des Comores et des Antilles avec une composante chiite, dirigée par Assami Fassassi ) comme précisé par Mohamed Sifaoui.

La charte a d’abord été rejetée par quatre fédérations islamistes : les deux émanations de la droite religieuse turque (Milli Görus, une organisation clérico-nationaliste dirigée par Fatih Sarikir en France, et le CCMTF, proche de l’AKP du président Erdogan et dirigé par Ibrahim Alçi), une fédération vitrine de la Confrérie des Frères Musulmans (« Musulmans de France », ex-UOIF, animée aujourd’hui par Amar Lasfar) et l’organisation prosélyte Tabligh, « Foi et pratique » dirigée par Hamadi Hammami.

La neuvième fédération islamique, la Grande Mosquée de la Réunion, n’a pas signé, uniquement pour des raisons tactiques, car elle se veut une structure locale réunionnaise et ne veut pas accepter le sigle Islam de France.

Sur la charte des valeurs, le texte est très clair sur le dossier de l’apostasie (ridda) car les signataires s’engagent à ne pas criminaliser, ni stigmatiser, ni attenter à l’intégrité physique et morale ceux qui quittent ou qui changent de religion.

Le texte est très clair sur l’acceptation des articles 9.1 et 9.2 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui est le texte sommital qui régit la laïcité française et les droits de l’homme  pour  plus de 40 États qui ont signé cette convention et qui est appliqué par la Cour européenne des droits de l’Homme qui siège à Strasbourg (et qui n’a rien à voir avec la Cour de justice de l’Union européenne qui siège à Luxembourg !).

Le texte est très clair contre les pratiques présentées comme ne relevant pas de l’islam (certificats de virginité, excision, mariages forcés et même la médecine dite « prophétique »).

Le texte est très clair contre le racisme, l’antisémitisme, les actes antimusulmans, l’homophobie, la misogynie qualifiée d’ « expressions de déchéance de l’esprit et du cœur ».

Le texte cite très clairement les courants de  l’islam politique appelés communément  salafisme (wahhabisme), le Tabligh, les courants de pensée liés  aux Frères musulmans et aux courants nationalistes qui s’y rattachent (ce dernier vocable concerne les deux fédérations de l’islam turc).

Le texte est clair en estimant que « les dénonciations d’un prétendu racisme d’État, comme toutes les postures victimaires, relèvent de la diffamation… Elles nourrissent et exacerbent à la fois la haine antimusulmane et la haine de la France. »

« Haine antimusulmane » est préféré à « islamophobie » ce qui est totalement juste dans une société laïque car le terme « islamophobie » inventé par les intégristes de la Confrérie des Frères musulmans est un mot qui inclut l’interdiction de la critique religieuse!

Bien évidemment, ce n’est que l’acte 2. Car il y a eu, quelques jours après, l’acte 3. Celui qui a vu,  au dernier moment, la signature de ceux qui avaient critiqué la charte de façon véhémente. Ce fut l’œuvre de la takkia (dissimulation, méthode éprouvée de la Confrérie, d’Hassan El Banna à nos jours en passant, entre autres, par Tariq Ramadan, quand l’intérêt de la Confrérie est en jeu, pour reprendre la position doctrinale dès que cela est possible) des Musulmans de France, vitrine des intégristes de la Confrérie des Frères musulmans.

Nous continuerons le feuilleton s’il y a du nouveau mais déjà on voit aujourd’hui ce que les trois fédérations islamistes et/ou clérico-nationalistes ont refusé de signer, et ce qui paraît acceptable aux autres. À transmettre d’urgence aux obsédés de l’identité religieuse et ethnique, d’où qu’ils viennent : ce conflit au sein du CFCM est là pour nous rappeler que la réalité politique n’est pas faite de « communautés » diverses et variées, mais de clivages idéologiques. À charge pour la gauche d’en tirer les leçons et de renouer avec son projet républicain d’émancipation !