Le lobby catholique à la manœuvre

« Vous avez beau ne pas vous occuper de politique,
la politique s’occupe de vous tout de même 
».
Charles de Montalembert (1810-1870,
représentant du catholicisme dit alors libéral)

On se rappelle qu’en 2013 des organisations qui interviennent dans des champs différents se sont coordonnées pour combattre la loi Taubira sur le « mariage pour tous », marquant un renouveau du cléricalisme en France au travers d’une mobilisation inattendue. (Voir l’article de Zohra Ramdane publié il y a déjà un an.)
Son étendue a bénéficié des moyens de ces participants. « Les différents navires qui composaient la réalité de notre ossature (AFC, Printemps Français, Alliance Vita, PCD, ICHTUS et tant d’autres) se sont pour beaucoup considérablement renforcés, » explique un militant catholique.

Parmi celles-ci les Association familiales catholiques (AFC) qui défendent une conception particulièrement rétrograde et dogmatique de la famille ont mis à la disposition des militants leurs importants moyens logistiques (affrètement de cars, mobilisation sur internet, plate-forme téléphonique). Elles se sont trouvées appuyés par Familles de France, proche de l’UMP.

Grâce à leur 35 000 adhérents, les AFC pèsent dans des structures comme l’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales), et le CESE. Comme le précise leur président Antoine Renard qui fut aussi le parte parole de la « manif pour tous », les AFC disposent pour cela d’atouts précieux : leur ancienneté, leur ancrage institutionnel et, de fait, une capacité à faire adhérer et à mobiliser au-delà de leur représentativité réelle dans le pays. D’où un financement privé et public important.Car il faut se souvenir que, comme tous les mouvements familiaux et en vertu du Code de l’action sociale et des familles, les AFC sont financées par la cotisation sociale patronale (branche Famille). Chaque salarié contribue donc (jusqu’à nouvel ordre…) à son insu à financer un mouvement dont l’objectif est d’imposer les dogmes de l’Eglise à la société !

Au niveau européen

C’est ainsi que les AFC se retrouvent à la manœuvre en offrant encore une fois leur appareil pour s’incruster dans les possibilités données par les traités européens de faire le droit en dehors des parlements nationaux.

Les AFC sont la cheville ouvrière de l’organisation « Un de nous » qui a massivement inondé les réseaux sociaux et envoyé plus de 80 000 mails aux députés européens, et qui va recueillir 1,8 millions de signatures de plusieurs États membres de l’Union européenne à une pétition pour tenter de faire reconnaître le statut de personne à l’embryon. Doté d’une identité, l’embryon serait de facto sous la protection de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (voir plus particulièrement l’article 2).

C’est encore les AFC qui étaient présentes lors de l’intense lobbying au Parlement européen pour faire rejeter le rapport Estrela qui prévoyait des avancées pour les droits des femmes en Europe.

C’est donc vers une interdiction généralisée de l’interruption volontaire de grossesse, et même de l’interruption médicalisée de grossesse, que l’on se dirige dans toute l’Europe (voir le cas espagnol, traité dans ce numéro par J. Estivill).

Sommes-nous à la veille d’un triomphe du cléricalisme ?

Hier les forces du cléricalisme catholique pouvaient être divisées entre tendances doctrinales qui les liaient ou les écartaient plus ou moins du Vatican. Le passage de Benoît XVI à la papauté a recréé de l’unité autour de la doctrine sociale de l’Eglise. Cela a favorisé l’appel aux familles à adhérer aux AFC lors de la dernière Conférence des évêques de France.
Pour les laïques, voilà un double sujet de réflexion :

– Comment se porter en soutien des mouvements familiaux institutionnellement reconnus dans notre pays sinon en adhérant à ceux qui sont laïques (tel l’UFAL)  pour tenter de rééquilibrer cette représentation et de ne pas la laisser aux mains des défenseurs de la famille traditionnelle ?

– Comment éviter la dispersion groupusculaire des mouvements laïques en France même et au niveau européen pour contrebalancer l’influence triomphante du catholicisme clérical, toujours appuyé par plusieurs Etats et qui regagne de la vigueur ?