Penser « la sortie du capitalisme » est une nécessité pour l’avenir politique de la gauche

D’abord parce que nombre de signes de cette crise sont présents sous nos yeux : crises économiques et sociales dans tous les secteurs, mais également crise écologique majeure. Cette situation de dépression économique, engendre une remise en cause globale des fondements idéologiques de notre société, et par là même, elle provoque une crise individuelle au sens d’une perte des repères et des valeurs pour la construction d’une vie. La situation est donc différente de mai 68, et c’est bien la conjonction de ces diverses crises qui n’a rien d’un hasard et met en évidence la fin d’un cycle : le système n’est plus à même de créer du sens, quel que soit le niveau que l’on observe. Il est donc tourné de plus en plus sur la destruction et la génération des souffrances que nous constatons. Ensuite, il convient de rappeler que penser la politique, c’est d’abord penser une société et son nouveau paradigme ; et que la gauche est historiquement là pour proposer une sortie au capitalisme. Tel a été son fer de lance pendant des décennies, et sans cette perspective, la pensée de gauche perd le lien avec sa composante historique dans l’évolution des sociétés, c’est-à-dire son âme et sa force (de là son errance politique actuelle et sa quête de sens… ).

Enfin, à l’heure où certains tenants du capitalisme tâchent de maintenir la confiance dans le système (reprise économique en 2010, CAC40 à la hausse, etc. ), il est important d’opposer une vision réaliste, c’est-à-dire de tirer les conséquences de la situation actuelle et d’affronter la remise en cause nécessaire : la gauche a entériné depuis longtemps « l’évidence incontournable » de la société capitaliste et sa nature « indépassable ». Elle doit donc revenir sur sa soumission au paradigme dominant, l’économisme, et se remettre sur sa voie naturelle qui est l’alternative au capitalisme, sans verser dans la gabegie du soviétisme qui n’était en réalité qu’une forme économique différente du paradigme dominant (la réduction des hommes et de la nature à la seule sphère économique et à des fins de productions, d’exploitation et de mise au travail), qui n’a donc pu déboucher que sur une autre forme d’exploitation de l’homme par l’homme.

Notons également – et l’indice est révélateur – que nombre de ceux qui sont dans les instances du capitalisme osent de plus en plus exposer le dysfonctionnement de la machine capitaliste et de son paradigme. On citera Marie-Paule Virard, ex-rédactrice en chef des Echos (ce grand « journal de gauche… ») et Patrick Artus, directeur de la recherche de la banque Natixis, qui ont signé Le capitalisme est en train de s’autodétruire en 2005, puis Globalisation, le pire est à venir en 2008 (mais avant la crise financière ! ). Notons aussi Alan Greenspan, ex-directeur de la FED, qui expose les mêmes opinions dans Le temps des turbulences. Pour tous, le système est en bout de course.

Ainsi, la gauche doit, dès aujourd’hui, repenser et proposer la sortie du capitalisme aux populations et aux individus en souffrance. Plus tôt elle le fera, plus elle évitera les souffrances, plus elle disposera des acquis des dernières années. Au delà, elle disposera surtout de la misère (et il est rare qu’une politique dont la force est fondée sur la misère soit porteuse de lumières). Pour toutes ces raisons, la gauche du XXIe siècle doit se caractériser par le fait de renouer avec l’alternative au capitalisme comme objectif de ses positions ; alors le militant de cette gauche retrouvera sa place politique : celle de bâtir un monde meilleur.