« Pour un débat public sur la santé ! » : importance d’un appel


L’appel ci-dessous est d’une grande importance. S’il ne résout pas tous les problèmes nés des politiques néolibérales et du mouvement réformateur néolibéral qui lui est attaché, il fait franchir un cran dans la prise de conscience. Alors que le livre Contre les prédateurs de la santé écrit par Catherine Jousse, Christophe Prudhomme et Bernard Teper fut le premier livre qui engagea une réflexion critique contre les complémentaires santé, cette pétition est la première réaction publique d’envergure.
Il faut en mesurer l’importance quand on sait que les mutuelles étaient dans les années 80 majoritairement dirigées par des socialistes et minoritairement par des communistes. Cela avait eu comme conséquence que René Teulade, leader de la Mutualité française, soit nommé ministre de la santé. Et comme autre conséquence que l’ensemble de la gauche politique fasse le black-out sur toute critique contre les mutuelles présentée comme des organisations de gauche.

Cerise sur le gâteau, c’est un gouvernement « d’union de la gauche » incluant des socialistes et des communistes, le gouvernement scélérat de Lionel Jospin qui, en 2001, cédera aux injonctions de l’Union européenne en transformant le Code de la mutualité en code assurantiel. La totalité des mutuelles naguère socialistes et la majorité des mutuelles naguère communistes ont rejoint durant cette période le camp du néolibéralisme. La transformation scélérate du code en 2001 fut la mesure qui a accéléré ce phénomène démarré une quinzaine d’années plus tôt.
Aujourd’hui, la très grande majorité du mouvement mutualiste, alliée aux Instituts de prévoyance des amis de Guillaume Sarkozy (le frère de qui vous savez) et à la fédération Medef des assurances privées multinationales au sein de l’Union nationale des organismes complémentaires à la sécurité sociale (UNOCAM), est une machine qui travaille contre la sécurité sociale solidaire.

Il est donc temps de nettoyer les écuries d’Augias pour pouvoir mieux travailler à un projet alternatif de transformation sociale. Le livre et la pétition y contribuent chacun à sa manière.

Pour un  débat public sur la santé !

Les Français dépensent 12 % de la richesse nationale (PIB) pour se soigner, comme les Hollandais, les Suisses, les Canadiens ou les Allemands. La Sécurité sociale a eu pour ambition pendant un demi-siècle de permettre aux malades d’être soignés sans qu’il ne leur en coûte (trop) tout en cotisant en fonction de leurs ressources. Depuis une décennie, au lieu de renforcer  la lutte contre les dépenses injustifiées et de donner un nouvel élan au service public de l’assurance maladie, le choix a été fait de transférer progressivement  la prise en charge des soins courants (c’est-à-dire hors hospitalisation et hors affections de longue durée ALD) vers les assurances dites « complémentaires » (mutuelles, institutions de prévoyance et assureurs privés à but lucratif). Aujourd’hui, la Sécurité sociale ne rembourse plus qu’environ 50 % des soins courants et bien moins encore pour les soins d’optique, dentaires et d’audioprothèses. Si l’on poursuit dans cette voie, la protection sociale ne prendra bientôt plus en charge que les patients les plus démunis et les malades les plus gravement atteints.

Nous sommes en train de passer, sans débat démocratique, d’une logique de prise en charge solidaire pour tous à une logique d’assistance pour les plus pauvres et d’assurance pour les plus riches.

Or les assurances complémentaires sont :

– moins égalitaires, leurs tarifs varient selon la « gamme » des prestations remboursées et sont plus élevés pour les familles et les personnes âgées,
– moins solidaires, le plus souvent leurs primes n’augmentent pas en fonction des revenus des assurés
– plus chères, leurs frais de gestion dépassent souvent 15 % des prestations versées, contre moins de 5 % pour la Sécurité sociale.

De plus, les contrats collectifs d’entreprise, réservés à certains salariés, bénéficient d’exonérations d’impôts et de cotisations sociales, qui coûtent aujourd’hui plusieurs milliards d’euros à l’Etat et à la Sécurité Sociale, et demain plus encore à la faveur de l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2013, quoi que l’on puisse penser de cet accord par ailleurs.

Les usagers et les professionnels de santé se mobilisent pour arrêter cette dérive qui sonne le glas de notre Sécurité sociale universelle et solidaire, et contribue à creuser les inégalités sociales de santé. Nous demandons que s’ouvre un large débat citoyen, suivi d’un vote solennel de la Représentation nationale, sur le choix entre le financement des dépenses de santé par la Sécurité sociale ou par un assureur privé dit « complémentaire ».

Appel lancé à l’initiative de François Bourdillon, Mady Denantes, Anne Gervais, Bernard Granger, André Grimaldi, Anne Marie Magnier, Martial Olivier-Koehret, Frédéric Pierru, Didier Tabuteau.