Que faire après le 17 novembre ?

Les 244.000 manifestants, selon le ministre de l’Intérieur, sont largement contredits par les retours que nous avons eus et par les photos que nous avons reçues. Une fois de plus, les chiffres du ministère de l’Intérieur répondent plus aux intérêts du pouvoir qu’à la vérité. Une manifestation liée à la colère militante sans préparation politique donne donc un résultat de même nature qu’un grand appel fait par le mouvement syndical revendicatif cette année !

C’est le premier étage de notre réflexion : il devrait poser questions et débats au sein d’un mouvement syndical revendicatif qui a été bien absent de cette révolte populaire.

Le 2e étage de notre réflexion concerne les mots d’ordre entendus dans ces blocages. Ces mots d’ordre (“La vie, pas la misère”, “Stop au racket”, “Hausse des taxes, non! Baisse des retraites, non!”, “Je suis un papa de 38 ans, ouvrier, magasinier, cariste au chômage. Aujourd’hui, c’est le peuple qui se soulève contre un petit roi”, « Il paraît qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du travail. », « Songez qu’une fois qu’on a fait le plein, on n’a plus d’argent pour les sorties”, “Macron, dehors”, “Rends l’ISF d’abord”, etc.) sont des mots d’ordre que nous retrouvons dans les manifestations syndicales bien que le mouvement syndical revendicatif ait été largement absent de ces blocages. Cela relativise la position de ceux qui – voyant la direction de l’extrême droite soutenir le mouvement du 17 novembre – se sont effrayés eux-mêmes. Car c’est bien un « mouvement d’en bas » qui a eu lieu ce samedi-là, n’en déplaise aux couches moyennes supérieures radicalisées.

Nous en venons donc au 3e étage de notre pensée : la composition sociale des « bloqueurs » relève des ouvriers, des employés, des artisans, du petit patronat en voie de paupérisation. C’est-à-dire des catégories qui ensemble sont la majorité du pays. N’oubliez jamais que les couches moyennes salariées (intermédiaires et supérieures) ne représentent que 39 % de la population française…

D’où le 4e étage de notre réflexion, à savoir la question du « Que faire ? ». Nous avons dans notre chronique précédente (https://www.gaucherepublicaine.org/chronique-devariste/a-la-veille-dun-17-novembre-heteroclite-comment-structurer-la-mobilisation-populaire-et-en-elargir-les-enjeux/7401974 ) développé une proposition à soumettre au débat sur une façon de répondre au « Que faire ? ». Nous avons reçu quelques courriels nous disant que cela faisait un peu « donneurs de leçons ». Ce n’était en fait que de montrer qu’il y avait une alternative plus efficace que le refus de participer de la part du mouvement syndical revendicatif à cette révolte populaire. Le mouvement du 17 novembre donne raison à tous ceux qui ont critiqué la position pour le moins attentiste des directions d’un mouvement syndical qui s’englue dans les manifestations « saute-mouton ». Il est donc de la plus haute importance d’en débattre partout où c’est possible, quitte à organiser les réunions publiques si nécessaire.

Ne pas laisser la question stratégique à nos adversaires

Nous pensons utile à cet égard de reproduire cet extrait de Vladimir Ilitch Oulianov, écrit après la conférence de Zimmerwald en 1916 dans son débat avec Rosa Luxembourg :

« Croire que la révolution sociale soit concevable sans insurrections des petites nations dans les colonies et en Europe, sans explosions révolutionnaires d’une partie de la petite bourgeoisie avec tous ses préjugés, sans mouvement des masses prolétariennes et semi-prolétariennes politiquement inconscientes contre le joug seigneurial, clérical, monarchique, national, etc., c’est répudier la révolution sociale. C’est s’imaginer qu’une armée prendra position en un lieu donné et dira “Nous sommes pour le socialisme”, et qu’une autre, en un autre lieu, dira “Nous sommes pour l’impérialisme”, et que ce sera alors la révolution sociale ! C’est seulement en procédant de ce point de vue pédantesque et ridicule qu’on pouvait qualifier injurieusement de “putsch” l’insurrection irlandaise.

Quiconque attend une révolution sociale “pure” ne vivra jamais assez longtemps pour la voir. Il n’est qu’un révolutionnaire en paroles qui ne comprend rien à ce qu’est une véritable révolution. »
(Bilan d’une discussion sur le droit des nations à disposer d’elles-mêmes – Sur la question irlandaise) Lénine 1916

On ne le répétera jamais assez : débattre de la question stratégique en réunion à front large est un impératif catégorique au sens de Kant. Tous les partisans laïques d’une République sociale devraient inviter à des initiatives d’éducation populaire refondée sur la question stratégique. Ne laissons pas la question stratégique à nos adversaires. Il est utile de renforcer au  maximum les débats en cours sur cette question, et bien d’autres, dans nos organisations et à l’extérieur de celles-ci.

Sommes-nous  prêts à cela ? Alors agissons ensemble !
Faites-nous remonter toutes les initiatives allant dans ce sens et toutes les réflexions collectives ancrées dans le réel qui peuvent faire progresser le mouvement social.