Santé : que penser des engagements du nouveau Président ?

Voici le résumé des engagements pris durant la campagne par François Hollande, dans le domaine de la santé, de la dépendance et du handicap. Beaucoup de bonnes mesures sont prévues, nous verrons si elles seront concrétisées, dans la mesure où certains engagements ne sont pas chiffrés (pas de chiffrage sur les Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation -MIGAC- supplémentaires, ni sur la réforme de la tarification à l’activité -T2A).
Nous pouvons regretter que cela n’aille pas assez loin avec certaines propositions comportant des risques : pas de suppression des dépassements d’honoraires, malheureuse confirmation du secteur 2, manque de clarté sur les partenariats publics-privés, pas d’engagement à augmenter le remboursement de l’assurance-maladie, autorisation d’une contractualisation mutuelles-assurance-maladie hors intervention de l’assurance-maladie, rien sur le développement des maisons de retraite publiques, rien sur l’arrêt de la tendance à la privatisation des lits hospitaliers, etc. (Pour comparer avec des propositions plus conformes aux intérêts des assurés sociaux concernant le système de santé et d’assurance-maladie, voir les pages 56 à 92 du livre Contre les prédateurs de la santé, écrit par Catherine Jousse, Christophe Prudhomme et Bernard Teper dans la collection « Osez la République sociale » (2ème édition, éd.)

Hôpital et ARS

  • Nous ne pouvons que nous réjouir de voir le projet présidentiel imposer un délai maximum d’une demi-heure pour accéder aux soins d’urgence, notamment en créant de nouveaux Smur dans les zones isolées et des transports héliportés dans les zones de montagne et territoires ultramarins.
  • Nous ne pouvons que nous réjouir à l’idée de favoriser les projets de santé territoriaux en lien avec les hôpitaux. Encore faut-il préciser concrètement ce que cela veut dire. Par exemple, faut-il comprendre qu’il y aura un accroissement de la démocratie sanitaire et sociale, régulièrement réduite depuis les ordonnances de 1967, la contre-réforme Juppé de 1995 et la loi Sarkozy-Bachelot de 2009 ?
  • Nous ne pouvons que nous réjouir d’une volonté de réformer la tarification à l’activité (T2A) et de la compléter par un financement des missions d’intérêt général ou des missions sociales.
  • Nous nous réjouissons de la volonté de supprimer la convergence tarifaire public/privé car il ne peut pas y avoir d’égalité entre un hôpital public et une clinique privée à but lucratif pour des actionnaires.
  • Nous ne pouvons que nous réjouir de la volonté de négocier un « nouveau pacte social » pour les personnels hospitaliers, prenant en compte la promotion sociale, les conditions de travail et les contraintes liées aux nouvelles organisations territoriales. Mais nous jugerons sur les actes pour voir si ce n’est pas un simple effet d’annonce
  • Nous ne pouvons que nous réjouir du projet de doter chaque établissement de santé d’un centre d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) pour enfin pouvoir appliquer la loi.
  • Nous ne pouvons que nous réjouir à l’annonce d’une nouvelle loi sur la santé mentale, garantissant « l’accessibilité du système de soins en santé mentale, à renforcer le dépistage et les capacités en établissement ».
  • Nous sommes plus circonspects sur le projet de renforcer la démocratie dans les ARS, car de deux choses l’une : ou c’est un effet d’annonce, ou c’est revenir à la gestion de la Sécurité sociale par les élus des assurés sociaux, comme prévu par le Conseil national de la Résistance.

Assurance maladie et complémentaires

  • Fixer un Ondam autour de 3 % par an sur 2013-17 et atteindre l’équilibre des comptes de la sécurité sociale en 2017, en supprimant notamment des niches sociales et en élargissant l’assiette de prélèvement nous paraît totalement insuffisant concernant les recettes. Il convient plutôt de modifier la répartition des richesses qui fait qu’en 30 ans le manque à gagner pour les salaires et les prestations sociales est de 9,3 points de PIB, soit 186 milliards d’euros par an. Ne pas vouloir modifier radicalement la répartition des richesses (ce que les économistes appellent le partage de la valeur ajoutée), c’est refuser de faire des propositions réalistes et constructives.
  • Sur les complémentaires santé, la proposition présidentielle de lancer un débat sur la place et le rôle des complémentaires est louable mais nous préférerions un engagement concret. La proposition présidentielle de permettre aux mutuelles de contractualiser (par conventionnement) avec les professionnels de santé afin de favoriser l’accès aux soins est surprenante, car pourquoi ce genre d’initiative ne serait-il pas pris par l’assurance-maladie? Pourquoi vouloir « doubler » l’assurance-maladie alors qu’il suffit de rétablir un partage des richesses plus juste pour qu’elle rembourse mieux ? La proposition présidentielle de rétablir une taxation fortement différenciée entre les contrats complémentaires dits solidaires et responsables et les autres semble aller dans le bon sens mais pourquoi dès lors ne pas aller au bout de la logique en rompant avec la « concurrence libre et faussée » entre les mutuelles, les instituts de prévoyance et les assurances à but lucratif pour les actionnaires et atteindre à terme la suppression de la sinistre Union nationale des organismes complémentaires à l’assurance-maladie (UNOCAM) de la non-moins sinistre contre-réforme Juppé de 1995 ?

Soins de ville

  • Nous approuvons le projet de réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins en développant l’offre de premier recours, notamment en créant des pôles de soins de proximité, adossés éventuellement à des hôpitaux que nous souhaitons publics !
  • Nous approuvons le projet présidentiel de créer des pôles santé de proximité et d’organiser un accès à un service d’urgence en moins d’une demi-heure en tout point du territoire (si cela est calculé durant les heures de pointe !).
  • Nous approuvons le projet présidentiel d’instaurer à titre expérimental le tiers payant chez les médecins de premier recours mais nous souhaitons sa généralisation rapide.
  • Nous approuvons le projet de compléter le paiement à l’acte par une part forfaitaire accrue bien que nous souhaitions en plus le développement d’autres formes de rémunération médicale.
  • Nous approuvons le projet de relever le numerus clausus des médecins mais nous regrettons par contre que cela ne soit pas fait par région aux fins de supprimer la désertification médicale.
  • Nous approuvons l’idée présidentielle de revaloriser la filière de médecine générale
  • Étant pour la suppression pure et simple du secteur 2 car il faut en finir avec les dépassements d’honoraires, tout le monde comprendra que nous jugions le projet présidentiel d’encadrement de l’installation des médecins de secteur 2 dans les zones sur dotées comme un palliatif insuffisant.
  • Nous trouvons également que la politique d’incitation administrative à l’installation dans les zones sous-dotées de jeunes médecins est timorée. Il convient en fait de développer le salariat médical durant les études contre l’obligation d’exercer pendant 5 ans dans les zones sous-dotées, de fixer un numerus clausus plus élevé dans les zones sous-dotés et de revenir sur la liberté d’installation, c’est-à-dire d’instituer un système du type de celui qui est en vigueur pour les pharmaciens.
  • Nous sommes en désaccord avec le projet d’encadrement des dépassements d’honoraires car nous sommes pour la suppression des dépassements d’honoraires : 6 milliards et demi de dépassements , cela suffit!
  • Nous approuvons le projet de suppression du droit d’entrée dans le dispositif de l’aide médicale d’État (AME).

Médicament

  • Nous approuvons l’idée présidentielle de baisser le niveau de consommation et les prix des médicaments et de relancer le recours aux médicaments génériques. Mais dans ce dernier cas, à condition que ce qu’on appelle le générique soit totalement identique au médicament remplacé. Car il ne suffit pas de respecter le princeps, il faut aussi ne pas modifier les compléments qui peuvent avoir des effets secondaires plus forts que dans le médicament initial.
  • Nous approuvons la volonté présidentielle de modifier la loi du 29 décembre 2011 sur la sécurité sanitaire du médicament, notamment sur la déclaration des conflits d’intérêts, l’obligation pour chaque nouveau médicament d’être soumis à des essais comparatifs avec les médicaments existants avant sa mise sur le marché et la possibilité pour les victimes d’un médicament d’engager une action de groupe. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et nous préférerions la suppression des conflits d’intérêts…
  • Nous regrettons que l’augmentation des capacités de recherche publique des médicaments financés sur fonds publics ne soit pas envisagée, pour éviter le calcul de rentabilité dans la recherche.

Santé publique

  • Nous approuvons l’idée de lancer un Plan national de santé publique pour l’enfant et l’adolescent, de reconduire le Plan cancer (mais nous souhaiterions permettre le libre choix du traitement par les médecins hospitaliers) et le Plan Alzheimer (en revoyant certaines mesures du plan 2008-12) mais le manque de précision de la promesse rend celle-ci peut contraignante !
  • Et pourquoi créer un « forfait contraception » pour les mineures alors que pour diminuer le nombre des IVG, il faudrait plutôt la gratuité ?
  • Nous approuvons des deux mains le projet de renforcer la médecine scolaire, mais là aussi le fait que cela ne soit pas chiffré nous laisse sur notre faim. Car c’est un plan massif de prévention qu’il faudrait installer.
  • Nous approuvons des deux mains le projet présidentiel d’installer un centre d’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans chaque hôpital.
  • Nous approuvons de vouloir se préoccuper du dispositif des « lanceurs d’alerte » et des conflits d’intérêts pour prévenir les crises sanitaires, mais nous rappelons que nous sommes pour l’éradication des conflits d’intérêts.
  • Nous approuvons que soit ouverte la possibilité d’actions judiciaires collectives.
  • Nous approuvons l’idée d’expérimenter de nouvelles actions pour la réduction des risques des usagers de drogues, mais sans supprimer les salles de consommation encadrées sous contrôle médical.
  • Nous approuvons l’idée du plan spécifique pour la santé des personnes incarcérées, mais nous espérons que ce ne sera pas seulement un slogan.

Dépendance/handicap

  • Nous prenons acte de la volonté de financement d’un cinquième risque par une cotisation spécifique pour la perte d’autonomie, mais nous préférerions son traitement par l’assurance-maladie au nom de la définition de la santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à savoir que la santé n’est pas seulement une absence de maladie mais correspond à « un état de bien-être physique, mental et social ».
  • Nous approuvons le projet de doubler les plafonds de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) pour les personnes les moins autonomes (GIR1 et GIR2), pour un coût évalué à 220 millions d’euros, et de financer à hauteur de 140 millions d’euros l’adaptation de 80.000 logements par an pour favoriser le maintien à domicile. Nous regrettons que ne soit pas promue l’égalité en droits de l’APA sur tout le territoire national.
  • Nous approuvons le projet de créer un congé adapté, un plan d’aide et de formation pour les aidants mais nous préférerions un plan visant à augmenter le nombre de professionnels du secteur. Car nous voyons bien l’inconvénient du projet néolibéral de spécialiser les femmes pour s’occuper des personnes âgées et des handicapés, sans rémunération,en lieu et place des professionnels formés pour cela.
  • Nous approuvons le projet de développer une approche de la perte d’autonomie indépendamment de l’âge et de mettre en place des maisons de l’autonomie, mais tant que cela n’est pas chiffré, cela n’engage pas beaucoup !

Bioéthique

Enfin, nous approuvons le projet présidentiel de modifier la loi Leonetti sur la fin de vie et d’accorder une aide médicalisée à mourir dans des conditions contrôlées, d’autoriser l’aide médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes, d’autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.