Suite de la saga de la politique de santé et de protection sociale du gouvernement

On allait voir ce qu’on allait voir. Le début de l’action de la ministre Marisol Touraine avait de quoi nous faire espérer d’une part parce que la politique de celle qui l’a précédé, Roselyne Bachelot, fut terriblement régressive notamment (mais pas seulement) à cause de sa loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) et d’autre part parce que la communication médiatique de la nouvelle ministre promettait la lune. Premier bémol quand elle répond au Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP) qu’elle comprend les critiques de la tarification à l’activité (T2A) mais que cette critique ne plaira pas à la technocratie !

Nous attendions de voir. Et nous sommes en train de voir au fur et à mesure que la saga progresse. Nous avions déjà dit dans un billet précédent de ReSpublica ce que nous pensions de la décision de la ministre d’avaliser la légalisation des dépassements d’honoraires en reprenant à son compte un « accord » passé entre le directeur général de la sécurité sociale, ancien directeur de la firme multinationale d’assurances à but lucratif pour ses actionnaires Axa et de trois syndicats de médecins libéraux.
Nous rappelons que cet accord légalise des dépassements d’honoraires de 150 % et finance sur le budget de la sécurité sociale les cotisations sociales de ces « dépasseurs » qui auraient signé l’avenant n° 8 de la convention médicale. Mais comme le gouvernement écoute toutes les jérémiades du patronat et du secteur libéral, les représentants de ce secteur libéral signent les avancées mais contestent immédiatement les conséquences de leur signature. Comme cela, ils espèrent obtenir plus. Comme dit l’adage populaire (avec un geste bien connu) « on leur donne un doigt, puis ils veulent le bras entier ».
Eh bien cela n’a pas traîné. Deux des trois syndicats de médecins libéraux signataires de l’avenant n° 8 à la convention médicale encadrant les dépassements d’honoraires, le SML (Syndicat des médecins libéraux) et la CSMF (Confédération syndicale des médecins de France), refusent que le fait d’aller au-delà des 150 % de dépassement puisse être sanctionné ! Donc, ils sont d’accord pour limiter le dépassement pourvu qu’ils puissent dépasser la limite du dépassement ! La CSMF a même dit qu’elle s’opposerait à la mise en place d’une « machine à sanctions » par l’assurance maladie. Elle menace de faire de l’obstruction lors de l’examen des dossiers des médecins contrôlés par les commissions paritaires régionales (CPR) afin de les renvoyer systématiquement à la commission paritaire nationale.
Voilà ce qu’il advient quand on oublie les règles démocratiques et sociales, à savoir que le système de santé et de sécurité sociale est fait pour les citoyens travailleurs et leurs familles et qu’il est nécessaire que ce soient les citoyens travailleurs qui décident au sein d’une démocratie sociale à construire à partir de leurs besoins de santé.
Autre couac, la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, a fait présenter les orientations de la nouvelle campagne tarifaire des établissements de santé qui doit débuter le 1er mars prochain, par le directeur général de l’offre de soins (DGOS), Jean Debeaupuis. Lisez bien : il y aura  une baisse de 1,7 % à 2,3 % des tarifs de médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) pour les hôpitaux et les établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic) et une baisse de 0,3 % à 0,5 % pour les cliniques privées à but lucratif pour les actionnaires. A front renversé, le président de la Fédération hospitalière de France (qui regroupe les directions de tous les hôpitaux publics), Frédéric Valletoux, maire UMP de Fontainebleau, a déclaré : « Ceci est incompréhensible, sauf si un choix délibéré a été fait par le gouvernement en faveur du secteur commercial, au détriment du service public » et « une telle décision serait intolérable pour les hospitaliers publics » ! Puis il se déclare prêt à « appeler la communauté hospitalière à se mobiliser pour faire échec à ce que beaucoup pourraient considérer comme une véritable casse de l’hôpital public ».

Et cerise sur le gâteau, n’oubliez pas qu’en plus les cliniques privées à but lucratif pour leurs actionnaires (dividendes pris sur nos cotisations sociales !) toucheront un crédit d’impôt compétitivité emploi pour réduire leurs « charges » sociales dans le cadre des 20 milliards octroyés sans contrepartie du pacte de compétitivité.

Terminons par le sinistre accord minoritaire (les trois syndicats signataires CFDT, CGC, CFTC, représentant une minorité de salariés) sur l’emploi que le gouvernement s’est engagé à faire voter tel quel. Non pour revenir sur l’ensemble de l’accord puisque vous avez pu bénéficier de l’analyse de Gérard Filoche dans la dernière livraison de ReSpublica. Mais revenons sur une partie de cet « accord ». Il contient une généralisation de la couverture complémentaire santé des salariés d’ici 2017, avec l’ouverture de négociations de branche avant le 31 décembre 2013. Disons simplement que cela ne touche pas les non-salariés et donc ce n’est pas un plan de couverture généralisée. Mais il est prévu en cas de non-accord dans la branche et de non-accord dans l’entreprise, la couverture proposée au salarié est inférieure au panier de soins de la couverture médicale universelle complémentaire (CMU-C). Bien évidemment, le patronat négociera sur cette dernière base !
Constatons donc que le processus néolibéral est d’engager la baisse des prestations et des remboursements.