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Chronique d'Evariste
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Pour les travailleurs, le pire est à venir ! Que faire d’autre que reprendre l’offensive ?

par Évariste

 

Nous estimons que les lois tendancielles de la formation sociale capitaliste dans laquelle nous vivons ne permettent plus une sortie de crise par une simple relance de la consommation ou même par une restructuration altercapitaliste de l’appareil de production, de redistribution et d’échange de type 1945 (nous aurons à y revenir). Conformément à l’adage « ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison », nous continuerons, tant que les événements nous donneront raison, à promouvoir le débat sur toutes les conditions de la transformation culturelle, sociale, économique et politique. Et si les événements continuent à prendre certaines directions d’organisations à contre-pied, il suffit de persévérer et d’attendre.

Comme cela a été pointé par Evariste dans ses deux dernières chroniques1, la séquence grecque, allant de l’euphorie du 25 janvier 2015 et du référendum grec contre l’austérité jusqu’à l’aggravation de la politique austéritaire du 13 juillet, a bousculé le landernau du mouvement syndical revendicatif et aussi de la gauche de la gauche. Il convient donc de se préparer à l’aggravation prévisible de la crise, car la sortie du carcan de la zone euro

et de l’Union européenne2 ne sera possible que dans la chaleur d’une confrontation intense lors d’une des prochaines crises profondes du capitalisme et sous une forme que nous ne connaissons pas encore.

Mais dans les organisations de l’actuelle gauche de la gauche, de plus en plus de structures de base ouvrent le débat au-delà des discours de leurs directions. D’où la multiplication des débats organisés ici et là. Ce qui ne manquera pas d’avoir un effet à moyen terme au fur et à mesure que la crise va se faire de plus en plus violente à l’égard des travailleurs. Pas parce que nos dirigeants ordolibéraux sont méchants mais tout simplement que la survie du capital est à ce prix ! La nécessaire transformation salutaire de la gauche de la gauche en gauche de gauche passe par la prise de conscience de cette réalité.

Avant d’énumérer les mauvais coups qui se préparent contre les travailleurs, rendons hommage au mouvement syndical revendicatif qui assure une résistance au jour le jour. Sans cette résistance, même si elle ne gagne pas souvent sur ses revendications, aucune transformation ultérieure ne serait possible. Sans doute y a-t-il dans le champ politique une sous-estimation du rôle positif et indispensable du mouvement syndical revendicatif. Car c’est lui qui est en première ligne du combat au moment où les universités d’été des partis politiques de la gauche de la gauche discourent sur des abstractions causales coupées du réel vécu des travailleurs. Ne pas partir des besoins, des désirs et des luttes du peuple, et en premier lieu des couches populaires ouvrières et employées, pour remonter ensuite aux causes et aux luttes nécessaires est une impasse.

Dommage que les militants politiques de l’Autre gauche n’aient pas assisté à la réunion de rentrée de l’Union régionale Ile-de-France de la CGT (la grande salle de la Mutualité pleine en haut et en bas) où ils auraient pu entendre l’agenda de la résistance défensive et indispensable du mouvement syndical représentatif, le récit des combats avec les victoires partielles sur l’égalité hommes-femmes dans l’entreprise, le combat syndical dans les hôpitaux de l’APHP, le combat syndical contre les tentatives néolibérales de fermeture des bourses du travail et des locaux syndicaux, du personnel de l’hôtel Royal Monceau, celui des 417 travailleurs sans–papiers contre la politique patronale et gouvernementale dans les sociétés d’intérim des Yvelines, etc. Voilà une réunion qui donnait de l’enthousiasme dans cette rentrée morose. Car connaître et comprendre l’état réel et concret de la lutte des classes est absolument nécessaire pour qui veut changer de système.

Revenons à notre analyse prévisionnelle des mauvais coups : le retour en arrière du Code du travail va prendre de l’ampleur ; la destruction de la sphère de constitution des libertés (école, services publics, protection sociale) va se poursuivre.

Après le projet Hollande-Valls-Macron, voilà le projet Hollande-Valls-Combrexelle, nouvelle attaque contre les travailleurs

Alors qu’aujourd’hui, pour conclure un accord anti-social il suffit au patronat de la signature d’organisations syndicales d’accompagnement du néolibéralisme ne représentant que 30 % des salariés, le rapport présenté par l’ancien directeur général du Travail, Jean-Denis Combrexelle propose de passer de 30 à 50 % et donc d’instituer le fait majoritaire ce qui est la moindre des choses. Bonne mesure mais… c’est l’arbre qui cache la forêt de la programmation des futurs reculs sociaux. Car la proposition de « l’honorable » haut fonctionnaire néolibéral prévoit de réduire comme une peau de chagrin la place de la loi dans l’édifice social et de l’inscrire dans le préambule de la Constitution !

Ainsi dans sa proposition 26 (sur 44), il prévoit « dans un délai maximal de quatre ans… une nouvelle architecture du Code du travail faisant le partage entre les dispositions impératives, le renvoi à la négociation collective et les dispositions supplétives en l’absence d’accord ». Ce qui est impératif pour l’honorable haut fonctionnaire serait réduit à quelques règles d’ordre social (48 heures de travail maxi, le SMIC pour l’essentiel) et tout le reste de l’ordre public conventionnel serait renégocié par branches puis dans les entreprises. Pourquoi ce projet ? Parce que c’est la loi qui libère et l’absence de loi qui opprime. Parce que la négociation nationale est toujours plus protectrice pour les travailleurs que les négociations par branches et a fortiori par rapport aux négociations à l’intérieur de l’entreprise. Comprenez bien : tous les acquis sur le temps de travail, les salaires, l’emploi et les conditions de travail seront renégociés, mais plus au niveau national, ce sera dans les branches et pour l’essentiel dans chaque entreprise, là où le rapport de force est le plus en faveur du patronat ! Pire, l’accord collectif qui pourrait être signé dans ces conditions abjectes ne permettrait plus au salarié qui refuserait de signer un contrat de travail moins bon que son contrat de travail initial, de bénéficier d’un licenciement pour cause économique. Les indemnités seraient alors beaucoup plus faibles.

La proposition de l’honorable haut fonctionnaire vise aussi à limiter les réformes législatives positives pour les salariés, à appliquer le « principe selon lequel toute disposition nouvelle du Code du travail doit être gagée par l’abrogation d’une disposition devenue obsolète du même code », à limiter les possibilités de recours judiciaire contre les accords collectifs nouveaux. La droite n’a jamais osé le faire, Hollande engage le fer sur la base « toujours plus pour les patrons, toujours moins pour les salariés ». Comme on le dit dans ReSPUBLICA, le néolibéralisme, c’est « chaque gouvernement néolibéral fera une politique plus anti-salariale que le précédent ». Cela fait plus de 32 ans que cela dure ! Comme vous le voyez, après le CICE, le Pacte de responsabilité, la loi Macron, voilà le Combrexelle nouveau !

Depuis 3 ans sous ce gouvernement se développe le chômage de masse: 1 325 000 chômeurs de catégories A, B et C de plus ! Nous en sommes donc à 6,1 millions au total toutes catégories confondues outre-mer inclus.

Macron a intimé aux 100 DIRECCTE réunies en juillet 2013 : « l’objectif est zéro refus d’homologation des plans sociaux ». Gérard Filoche a raison de dire : « Lors des licenciements, le droit du patron remplace celui du salarié : en cas de faillite, la loi Macron prévoit désormais que la résidence principale du patron est protégée et pas celle du salarié ».  Ainsi, le droit du licenciement ne protège plus le licencié, mais le patron, qui est garanti contre les sanctions de l’autorité judiciaire si le licenciement est boursier, abusif ou sans cause réelle et sérieuse.

Baisse du taux du livret A : 363 millions d’euros de moins pour les travailleurs et de plus pour les banques !

Le lobby bancaire a gagné. A compter du 1er août, avec le taux de rémunération qui passe de 1 % à 0,75%, les banques bénéficient d’un allégement de leurs charges d’intérêts liées à la distribution du Livret A. Au total, le cabinet Sia Partners estime que le groupe BPCE, Crédit Mutuel CIC, Crédit Agricole, LCL, BNP Paribas, Société Générale et La Banque Postale, qui collectent 97 % des encours du placement, pourront économiser 363 millions d’euros en répercutant la baisse de rémunération. Et tant pis pour le logement social qui bénéficie de l’épargne collectée ! Tandis que ces 363 millions permettront aux banques de continuer de sur-rémunérer les fonds d’assurance-vie en euros.

La rentrée scolaire et ses mensonges

Après la réforme dite des rythmes scolaires qui voit s’installer sur le long terme le remplacement progressif des enseignants par des animateurs Bafa, voilà le mensonge des 60 000 postes d’enseignants promis par Hollande. Nous en sommes à 4 500 dans toute la France. Conséquence : des classes surchargées au-delà des seuils officiels, des postes vacants sur lesquels on envoie des stagiaires sans formation ou des enseignants remplaçants, ce qui laisse augurer des non-remplacements durant l’année au moindre congé maternité ou longue maladie, et des refus de l’administration de l’Education nationale à tenir compte des livraisons de logements en cours d’année ! Bien sûr, tout cela n’arrive pas dans les quartiers d’habitation de l’oligarchie ou des couches moyennes supérieures, de nombreux militants de l’Autre gauche ne seront donc pas concernés ! Sans entrer ici dans le détail, précisons que nous avons des exemples de tout ce que nous avançons et que nous ne craignons pas le débat avec les néolibéraux de droite ou dits de gauche !

La casse des services publics continue

Là réside un paradoxe apparent. Partout les partenariats publics-privés se développent, qui coûtent plus cher in fine aux citoyens, mais qui permettent à l’oligarchie capitaliste de contrer, ici et là, la loi tendancielle de baisse du taux de profit dans l’économie réelle. Et donc, cette oligarchie a besoin d’intensifier constamment les politiques d’austérité pour financer ce modèle économique et politique. Cerise sur le gâteau, en contribuant à l’accroissement de la dette publique, ce système permet aussi à l’oligarchie capitaliste de « tenir l’Etat par la dette » selon la formule de Karl Marx, grâce au différentiel des taux d’intérêt, toujours favorable à l’oligarchie.

En conséquence, les inégalités sociales ne pourront qu’augmenter tant que les peuples n’y mettront pas fin. Voilà pourquoi la mobilisation avec le mouvement syndical revendicatif et la Convergence Services publics (regroupement qui a organisé le rassemblement de Guéret, dans la Creuse, les 13 et 14 juin dernier et qui lance actuellement le processus de réalisation des assises citoyennes des services publics jusqu’en novembre 2016). Si vous êtes intéressés, nous pouvons vous aider à vous raccorder à la Convergence Services publics près de chez vous.

La protection sociale, cible centrale du néolibéralisme

La protection sociale3 est le secteur le plus socialisé (avec l’école) dans notre société. Mais la protection sociale pèse 31 % du PIB soit 9 fois plus que l’école et près du double du budget de l’État tous ministères confondus. C’est donc une cible de choix pour les prédateurs de l’oligarchie capitaliste pour privatiser les profits et socialiser uniquement les pertes. Voilà la ligne du capitalisme aujourd’hui. Pour cela, « il faut défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance » selon l’interview de Kessler dans la revue Challenges d’octobre 2007. Quelle tristesse alors de voir les militants contents des universités d’été des partis de la gauche de la gauche alors que les luttes et les analyses sur la protection sociale ne faisaient pas partie des plats de résistance de ces universités d’été. L’oligarchie capitaliste peut être contente, elle attaque là en priorité et la majorité des militants sont ailleurs, tout bénef… Par analogie, c’est comme si lors d’un match de sports collectifs, une équipe attaquait sur un côté et que la défense de l’autre équipe se déployait de l’autre côté. Il n’y a que dans le militantisme que l’on trouve cela normal !

Reprendre l’offensive

Que faire d’autre que reprendre l’offensive ? Que faire d’autre que déployer partout la priorité à la résistance au modèle réformateur néolibéral et aux politiques d’austérité via le mouvement syndical revendicatif ou des rassemblements larges, du type Convergence Services publics, où se côtoient le mouvement syndical revendicatif, les élus de l’Autre gauche, les partis et tendances de l’Autre gauche, de nombreuses associations et collectifs de lutte.

Mais si c’est prioritaire et indispensable, cela n’est pas suffisant. Il faut passer d’une gauche de la gauche à une gauche de gauche ancrée dans le peuple, représentative de la classe populaire ouvrière et employée majoritaire dans le peuple de notre pays. Il faut débattre sur toutes les conditions nécessaires à l’émergence d’une gauche de gauche. Il faut ouvrir le débat sur le modèle politique alternatif. Pour nous, c’est la République sociale. Donc laïque. Donc réellement démocratique, y compris dans les entreprises. Donc écologique. Donc féministe. Donc, donc, donc ! Pour cela, ReSPUBLICA propose avec nos amis, centre de ressources, du Réseau Education Populaire (REP), des intervenants dans vos initiatives d’éducation populaire et des livres hétérodoxes pour alimenter les débats face aux fausses bonnes idées qui fleurissent dans l’Autre gauche4.

El pueblo unido jamas sera vencido (un peuple uni ne sera jamais vaincu).

  1. http://www.gaucherepublicaine.org/wp-content/uploads/lettres/20150825_respublica-lettre-complete_lettre-788.htm#titre-1 et http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/debat-francais-sur-leurope-la-gauche-de-la-gauche-les-alter-et-les-souverainistes-a-la-peine/7396648#more-7396648 []
  2. Un nouveau rapport, dit des 5 présidents (du Conseil, de l’Eurogroupe, du Parlement, de la Commission européenne et de la BCE) soumis au Conseil européen prône un saut fédéral en deux étapes. Pointant les « défauts » de l’intégration monétaire, le texte propose d’enlever aux États de la zone euro leur souveraineté en matière de politique économique, afin de faire converger leur « compétitivité ». « Notre but commun est de rendre impensable … un avenir sans Europe – ou avec moins d’Union » justifiaient les deux ministres « socialistes » français et allemand dans une tribune récente.
    Le projet des cinq présidents est clair : il faut que « les États membres acceptent de plus en plus de décisions communes sur des éléments de leurs propres budgets et de leurs politiques nationales ». Ce document propose, à partir de juin 2017 d’engager un processus de réforme desdits traités et donc de supprimer la démocratie et la souveraineté populaire !
    De nouveaux critères de convergence verraient le jour : les  coûts salariaux, la flexibilité du travail, etc. Les bons élèves auraient alors droit à des transferts financiers. C’est le projet de l’oligarchie allemande : de l’argent à condition que le pays soit contrôlé par l’oligarchie européenne.
    Le rapport propose même un « conseil budgétaire européen » pour la mise en place ultérieure d’un véritable Trésor commun pour les pays de la zone euro. Toujours sans démocratie et sans souveraineté populaire.
    Ce qu’il faut comprendre, c’est que les cinq présidents estiment que sans cela, l’euro n’a pas d’avenir (mais il n’en a pas plus avec !). Car l’euro, c’est un carcan conçu pour empêcher toute politique progressiste, il est donc indispensable à l’oligarchie capitaliste. CQFD. N’en déplaise aux alters de l’UE et de la zone euro-sociale. Et il faudra bien plus qu’un plan B pour en venir à bout. []
  3. La protection sociale regroupe la santé et l’assurance-maladie, les retraites, la politique familiale, les accidents du travail et les maladies professionnelles, l’assurance-chômage, les retraites AGIRC-ARRCO du privé, l’ensemble des complémentaires santé et retraites, les politiques sociales de l’Etat et des collectivités locales, les régimes employeurs, agricoles et indépendants. []
  4. Vous pouvez les commander en allant  à la librairie militante à droite de la page d’accueil du site ou directement à http://www.gaucherepublicaine.org/librairie []
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L’élection de Jeremy Corbyn à la tête du parti travailliste britannique rebat les cartes dans la gauche européenne

par Bernard Teper

 

Alors que le fatalisme et la déception s’emparent de pans entiers de l’Autre gauche française devant la parcellisation, la segmentation et donc l’inefficience donc elle est frappée dans la perspective des prochaines régionales, l’élection de Jeremy Corbyn dès le premier tour, avec 59,5 %, des voix, redonne espoir. D’abord parce que cette victoire a été obtenue contre les tenants des politiques d’austérité qui se sont succédé à la tête du parti travailliste britannique depuis Blair jusqu’à nos jours. Mais aussi parce que cette élection a mobilisé le mouvement syndical revendicatif qui souhaitait ne plus soutenir un parti travailliste volontairement austéritaire. Elle a permis la participation, et donc le vote pour Jeremy Corbyn, à tous les sympathisants. La jeunesse s’est mobilisée, ce qui n’est pas rien.
Bien évidemment, les médias néolibéraux de droite et de gauche en ont conclu que c’était une aubaine pour Cameron et la droite néolibérale. Comme si la gauche avait vocation à glisser au centre, alors que c’est par des ruptures successives qu’elle doit mobiliser le peuple dans une lutte globale.
Mais il a plus que cela. Cette élection rebat les cartes dans la politique européenne. Nous avons déjà dit dans ReSPUBLICA que nous considérions comme une croyance sans avenir l’idée qu’un groupuscule politique détenant la vérité révélée pouvait grossir par sa seule dynamique jusqu’à devenir majoritaire dans le peuple. Et que nous ne croyons pas plus à l’efficacité sur longue durée des cartels d’organisation comme Gauche unie en Espagne ou le Front de gauche en France (qui se présente sur plusieurs listes concurrentes à toutes les élections sur listes depuis la présidentielle…). Tout au plus un cartel a-t-il vocation à s’unifier ou à devenir inefficace. L’élection de Jeremy Corbyn montre que, même dans un parti de gauche néolibéral ayant justifié les politiques austéritaires anti-sociales, des circonstances particulières peuvent renforcer les forces internes qui petit à petit se dressent contre ces politiques austéritaires et recueillent alors un soutien externe dans le mouvement syndical revendicatif et dans la jeunesse. Cela ouvre en plus une perspective nécessaire (mais non suffisante !!!) de restructuration des gauches par action conjointe endogène et exogène à la fois. Là réside l’avenir. Après la poussée de Tsipras et de Syriza en Grèce, de Pablo Iglesias et de Podemos en Espagne, l’arrivée de Jeremy Corbyn renforce le camp de ceux qui veulent s’opposer aux politiques austéritaires avec un soutien populaire significatif.
C’est mieux de vouloir s’y opposer plutôt que de s’y résigner, mais est-ce suffisant pour obtenir la victoire ? On a bien vu avec l’accord grec du 13 juillet qu’une simple volonté solipsiste ne permet pas de changer le réel. Est-ce qu’il suffit alors d’avoir un plan B pour sortir du carcan de la zone euro et de l’Union européenne ? Non. Vouloir s’opposer aux politiques austéritaires est un point de départ nécessaire. Mais ensuite il faut produire toutes les conditions de la transformation culturelle, sociale et politique. Et pour cela, il faut tenir compte des lois tendancielles de la formation sociale capitaliste afin d’utiliser les crises paroxystiques au moment opportun pour un possible déclenchement du processus de transformation sociale ; ce qui implique de ne pas considérer la monnaie uniquement comme un moyen de paiement, de donner la priorité aux liens avec les couches populaires ouvrières et employées, avec la jeunesse, avec le mouvement syndical revendicatif, bref de promouvoir un processus global de développement d’une nouvelle République sociale.
Fêtons l’élection de Jeremy Corbyn tout en étant persuadés qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres !

 

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Grèce : Déchaînement sexiste contre les résistances aux memoranda

Le cas de la Présidente du Parlement grec

par Sonia Mitralias

 

Dans les conditions de la crise paroxystique qui secoue la Grèce, nous assistons au déchaînement d’un sexisme extrêmement violent contre les femmes ! Et en plus, ceci se passe sur la scène politique centrale au vu de tout le monde. Nous pensons que ce sexisme extrême et violent qui est en train de prendre les dimensions d’une vraie épidémie, diffère sensiblement du vieux sexisme quotidien qu’on a connu durant un passé récent plus pacifique, avant la présente crise de la dette.

Figure emblématique et aussi principale victime de cette campagne – car il s’agit d’une vraie campagne – sexiste ultra-violente est la Présidente du Parlement grec Zoé Konstantopoulou. Évidemment, ce n’est pas un hasard que cette campagne sexiste contre elle a redoublé de vulgarité et de violence depuis qu’elle a pris l’initiative de lancer la Commission pour la Vérité sur la Dette Publique grecque et de devenir la figure de proue de l’opposition intransigeante à la soumission du gouvernement Tsipras aux diktats des créditeurs de la Grèce.

Mais, voyons de plus près de quoi il s’agit. Jour après jour depuis au moins 7 mois, toutes les déclarations de la Présidente du Parlement grec sont introduites dans pratiquement tous les grands médias du pays, journaux et chaînes de télévision inclues, par les mots/titres « Nouveau délire hier de Zoé ». Cette monotonie des « délires de Zoé » est fréquemment interrompue par des titres gigantesques de la presse dite « populaire » du genre « L’homme de Zoé ne peut-t-il pas la museler ? » ou « Zoé est du domaine du psychiatre ». En pleine campagne électorale pour les élections du 20 septembre, les principales chaînes (privées) de télévision ont inventé une « rubrique » spéciale de leurs JT qui, jour après jour, présentent ce qui circule dans le médias sociaux concernant Zoé. Évidemment, il s’agit toujours des caricatures, souvent obscènes, couplées d’images ou des dessins d’elle déformées à volonté, dont l’authenticité n’est pas – évidemment – du tout assurée…

Mais, il y a plus et pire que tout ça. Depuis de longs mois, même des députés n’hésitent pas d’attaquer en public Zoé avec des phrases comme « Orang-outan mal baisée » tandis que d’autres font appel à son mari, qui est capitaine de la marine marchande, de « débarquer au plus vite pour la calmer ».

L’énumération de ces agressions verbales et sexistes dont est victime la Présidente du Parlement grec pourrait continuer encore pour longtemps, mais l’objectif de cet article est tout autre. En réalité, le cas de Zoe Konstantopoulou est important parce que emblématique de toute une offensive sexiste violente des divers pouvoirs (politiques, partidaires, médiatiques, mafieux…) contre des femmes insoumises qui persistent à revendiquer leurs droits et les droits des oppriméEs1. C’est ainsi, qu’à partir du moment où Zoé K. s’est imposée comme figure de proue de l’opposition aux Memoranda qui ont ruiné la Grèce, elle fut dénigrée, vilipendée, humiliée, calomniée…en somme, diabolisée par tous ceux qui se rangent derrière la Troïka. Et les attaques contre elles sont si persistantes, organisées, coordonnées et systématiques qu’elles s’apparentent à une véritable stratégie de guerre dont l’objectif est son élimination politique de la scène publique.

Ce serait une erreur d’attribuer cet « extrême phénomène sexiste » à des comportements phallocratiques individuels dus au hasard ou à des mentalités anachroniques. Il s’agit d’une chasse contemporaine aux sorcières. C’est plutôt ça et non pas ce que prétendait la section de politique féministe du (vieux) Syriza quand elle publiait un communique titré « L’attaque sexiste contre Konstantopoulou renvoie à des stéréotypes anachroniques ».

Mais, qu’est ce qui unit la chasse aux sorcières à l’aube du capitalisme avec l’actuel phénomène de sexisme violent, lequel pourrait très bien évoluer vers une chasse aux sorcières contemporaine ?

La chasse aux sorcières apparaît en Europe entre la fin du 15e et le début du 16e siècle, quand le capitalisme fait son apparition2. Elle se caractérise par la diabolisation systématique des femmes présentées comme sorcières à une période historique de crise -analogue à l’actuelle de l’explosion de la crise de la dette- marquée par des révoltes et des résistances qui voyaient les femmes être en première ligne.

Aujourd’hui comme alors, nous vivons au milieu d’une réorganisation des rapports de production et de reproduction aux dépens des femmes. C’est un fait totalement ignoré par ceux qui occupent les devants de la scène politique.

A l’époque de la chasse aux sorcières les femmes avaient été exclues des métiers, de la connaissance, de la terre commune, elles ont été en –cloisonnées, enfermées dans la maison et la chambre à coucher. Aujourd‘hui elles sont chassées de la vie publique et sont poussées à assumer gratis (!) à la maison, plusieurs des services publiques assumés auparavant par l’Etat providence liquidé par les politiques néolibérales d’austérité. Et les énormes sommes ainsi économisées vont évidemment au paiement de la dette publique…

Ce n’est pas un hasard si c’est à l’époque de la chasse aux sorcières que sont apparus les stéréotypes bien connus du genre « les femmes à la cuisine ». Des femmes qui n’avaient pas peur de dire en public ce qu’elles pensaient, qui avaient confiance en elles-mêmes, étaient condamnées et définies comme « des femmes colériques et agaçantes qui perturbaient la paix publique et aiguisaient les disputes publiques ». Être une femme et s’occuper des affaires publiques était considéré comme un crime et la coupable méritait le bûcher.

Si tout ça vous rappelle un peu la quotidienneté de notre époque austéritaire et autoritaire vous ne vous trompez pas. Dans l’actuelle Grèce des ruines humaines et sociales, tous ceux qui défendent les bourreaux et leurs politiques inhumaines (médias, partis politiques néolibéraux, politiciens corrompus, centres des pouvoirs plus ou moins occultes, organisations patronales et même le crime organisé) utilisent à fond et comme jamais auparavant le sexisme le plus abject pour briser les femmes qui prennent la tête des luttes contre les politiques d’austérité ou le système-dette, qui osent défendre les migrants, les réfugiés, la nature, les innombrables victimes des politiques barbares en application.

Ici on a affaire à une stratégie semblable à celle utilisée par le crime organisé pour imposer sa « loi » – la loi du maître, du maquereau – sur le système d’exploitation des esclaves du sexe, le sex-trafficking. Elle consiste à utiliser la peur, la violence, les tortures et même la mise à mort pour briser toute résistance, pour anéantir l’âme et l’esprit, la dignité et l’estime de soi-même, pour discipliner le corps des femmes afin qu’elles se soumettent sans conditions pour être sacrifiées sur l’autel de la maximisation des profits du système prostitutionnel.

Ceci étant dit, on ne peut qu’être impressionné négativement par l’attitude d’une institution comme le Secrétariat Général pour l’Egalité des Genres du gouvernement Tsipras, supposé défendre toute femme victime d’attaques sexistes, qui est resté totalement impassible devant le véritable lynchage sexiste dont était victime la Présidente du Parlement grec. Cette impression négative devient encore plus grande quand on se souvient que la victime de ce lynchage était un personnage public de premier ordre et même une dirigeante du parti (Syriza) dont sont aussi membres… la Secrétaire Générale pour l’Egalite des Genres et le Premier ministre Alexis Tsipras ! Mais les « surprises » édifiantes atteignent un summum quand on apprend que ce même Secrétariat Général s’est empressée de réagir et de condamner l’attaque sexiste d’un quotidien dont la victime était la Roumaine Delia Velculescu qui représente le Fonds Monétaire International et est à la tête de l’actuelle version de la Troïka qui impose ses diktats à la Grèce.

On s’est arrêté un peu plus sur cette histoire parce qu’elle est emblématique de nos temps néolibéraux. Nous pensons que pour défendre effectivement nos droits en tant que genre, il nous faut faire (re)naître un courant féministe radical, qui émergera du combat des femmes contre la très dure réalité sociale de ce début du 21e siècle, contre le système dette et les fondamentalismes patriarcaux de tout genre. ll faut faire (re)naître un courant féministe qui rompt avec le courant féministe identitaire, qui s’intéresse uniquement aux politiques d’identité du genre et nie le rapport de la vie vécue par des millions de femmes en tant que genre avec la lutte de classes, ainsi qu’avec d’autres inégalités et discriminations.

Conclusion : Le sexisme qui se déchaîne actuellement en Grèce est redoutable car c’est une arme qui sert à diviser les luttes et à anéantir les résistances de toutes et de tous. Elle ne concerne donc pas seulement les femmes, mais nous tous, bien au-delà des frontières grecques…

  1. Voir l’article de Sonia Mitralias « Violences contre les femmes : une arme stratégique aux mains du pouvoir et des possédants aux temps de la guerre sociale ! » []
  2. Voir l’ouvrage majeur de Silvia Federici, Caliban et la sorcière aux éditions Entremonde. Silvia Federici est une théoricienne et une militante féministe marxiste []
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La loi sur la transition énergétique pour la croissance verte ou la fuite en avant hors de toute référence à une écologie républicaine

par Michel Marchand

 

« Transition énergétique », c’est l’un des sujets phares de F. Hollande dont la traduction législative était programmée pour être tenue avant la Conférence de Paris sur le climat (COP 21). Le sujet est crucial pour trois raisons. La première est le déclin des grands champs pétroliers, la fin d’un pétrole bon marché et sa raréfaction à moyen terme. La seconde raison, tranchée par la majorité des scientifiques est le dérèglement climatique dû à la hausse des concentrations de CO2 dans l’atmosphère. La troisième raison est la possibilité de créer des centaines de milliers d’emplois pour produire de l’énergie au lieu de l’importer et de régler une facture annuelle évaluée entre 60 et 70 milliards d’euros en pétrole, gaz et charbon.

La loi sur la transition énergétique pour la croissance verte a donc été adoptée en lecture finale à l’Assemblée le 22 juillet, validée le 13 août par le Conseil constitutionnel et publiée au Journal officiel du 18 août 2015. Le texte (98 pages, 215 articles) encadre la politique énergétique mais aussi celles qui régissent les transports, l’urbanisme, le fonctionnement des entreprises et des collectivités territoriales. Il fixe les grands objectifs du nouveau modèle énergétique français qui vise le développement d’une économie efficace en énergie, tout en renforçant la compétitivité et le développement du secteur industriel, en préservant la santé humaine et l’environnement et en luttant contre le changement climatique.

Le but reste inchangé : il s’agit toujours de diviser par 4 les émissions nationales de gaz à effet de serre (GES) entre 1990 et 2050. Pour cela des objectifs intermédiaires sont fixés :

  • réduire la facture énergétique de la France,
  • réduire les émissions de GES de 40 % entre 1990 et 2030,
  • réduire de 20 % la consommation d’énergie finale entre 2012 et 2030,
  • réduire de 30 % la consommation des énergies fossiles sur la même période,
  • réduire à 50 % de la production d’électricité la part de l’énergie nucléaire à l’horizon 2025,
  • augmenter à 32 % la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale d’ici 2030
  • faire émerger des activités génératrices d’emplois (100 000 sur trois ans)

L’énergie, essentiellement le carbone fossile, est au cœur de la vie de nos sociétés, pour chaque personne, les transports, les services, la production agricole et industrielle. La loi de transition énergétique se situe au carrefour de trois problématiques majeures : la question énergétique, la question écologique et la question sociale (accès à l’énergie, emplois). Répond-elle aux enjeux qu’elle entend traiter ? les moyens sont-ils à la hauteur de ce que nous pourrions appeler une écologie républicaine ? Voilà plusieurs interrogations qui alimentent un questionnement sur l’avenir de notre société.

La croissance ne sera pas au rendez-vous.

Avec le capital et le travail, l’énergie joue un rôle fondamental dans la croissance économique de nos sociétés industrielle. La découverte des applications industrielles du charbon, du pétrole, du gaz et plus récemment de l’atome a joué un rôle décisif dans la révolution industrielle. L’énergie agit comme moteur de la croissance et en même temps contribue directement à la crise écologique. Nos sociétés et leur avenir sont pris dans cette tenaille. Dans ce contexte, la croissance annuelle du PIB par habitant dans le monde a évolué en baisse quasi-constante sur les cinquante dernières années, en moyenne de + 3,5 % pendant les années 1960, + 2,0 % pendant les années 1970, un peu moins de + 1,5 % durant trois dernières décennies. Cette croissance n’est plus que de + 0,4 % en moyenne entre 2007 et 2012. La même évolution est observée à l’échelle européenne et en France. Tout laisse à penser que ce taux de croissance sera nul ou négatif pour la décennie actuelle1. La transition énergétique démarre dans un monde sans croissance, voire en légère récession permanente. Ce n’est donc pas en baissant les charges pour favoriser l’accès au travail et en favorisant le crédit pour favoriser l’accès au capital que le PIB va croître. Ceci signifie très concrètement, que nous ne pourrons pas sortir de l’impasse dans laquelle l’excès d’endettement privé a conduit en invoquant les « mannes futures de la croissance »2.

Les alternatives énergétiques

De nombreux travaux traitent de cette question, notamment le fameux « Pic pétrolier » (moment où la moitié des réserves mondiales aura été exploitée). Des estimations l’indiquent déjà franchi en 2006, d’autres l’envisage dans la décennie en cours et plus précisément en 2017. C’est donc maintenant. Les quantités restantes à exploiter (ce qui serait par ailleurs une catastrophe pour le climat) nécessitent un rendement acceptable (si on récolte moins d’énergie que ce que l’on investit, cela ne vaut pas la peine de creuser). Le rapport entre l’énergie produite et l’énergie investit s’appelle le taux de retour énergétique (TRE). Au début du XXe siècle, ce taux a pu atteindre aux États-Unis un TRE de 100:1 (pour une unité d’énergie investie, on en récupérait 100). A titre de comparaison, le TRE de la production mondiale de pétrole conventionnel se situe actuellement entre 10:1 et 20:1. Le TRE des sables bitumineux est compris entre 2:1 et 4:1, celui du pétrole de schiste 5:1 et celui du gaz naturel à environ 10:1. Tous les TRE sont en déclin mais un déclin qui s’accélère du fait qu’il faut creuser de plus en plus profond et aller de plus en plus loin en mer3.

Les énergies renouvelables ne sont guère mieux loties, pour les agrocarburants le TRE varie entre 1:1 et 1,6:1, sauf le cas de l’éthanol (10:1) fabriqué à base de sucre de canne. Le TRE du photovoltaïque tourne autour de 2,5:1 ; celui de l’éolien en tenant compte du côté intermittent du régime des vents serait à 3,8:1. Seul l’hydroélectricité offre un rendement confortable situé entre 35:1 et 50:1. En conclusion, les énergies renouvelables n’ont pas assez de puissance pour compenser le déclin des énergies fossiles. En France, sur l’ensemble de l’énergie totale consommée, les énergies renouvelables restent encore très marginales (11 %) rapport aux énergies fossiles (53 %), le nucléaire se situant en position intermédiaire (36 %). Les seules énergies non carbonées significatives sont la biomasse, l’hydroélectricité et le nucléaire.

Pour bifurquer vers une société décarbonée, différents scénarios de transition ont été proposés, chiffrés et évalués par le Conseil national du débat pour la transition énergétique (CNDTE)4. Il en est ressorti quatre résolutions fortes pour mettre la France sur la voie d’un nouveau modèle énergétique :
une réduction de la consommation d’énergie de l’ordre de 2 % par an :

- une réduction de la consommation d’énergie de l’ordre de 2 % par an

– une diversification du mix énergétique avec une montée en puissance progressive des énergies renouvelables,

– une plus grande décentralisation dans la mise en œuvre de projets locaux,
– des dispositifs innovants de financement pour des opérations menées sur le long terme

En l’absence de croissance, la transition énergétique doit être considérée comme la clef de voûte de notre prospérité de demain. L’écologie n’est pas un problème, elle devient la solution. Les transitions énergétique et écologique constituent un authentique projet de société qui suppose un autre paradigme économique.

La mondialisation et la relocalisation des activités économiques.

Si le prix des énergies fossiles augmente (le faible prix actuel relève plus de considérations géopolitiques visant à étrangler l’économie de certains pays que d’une pure rencontre concurrentielle entre l’offre et la demande), il n’est pas exclu que le commerce international puisse diminuer significativement (en 2008-2009, il a baissé de 30 % en quelques mois), ce qui veut dire que la « mondialisation » n’est pas irréversible. Ceci signifie qu’une re-régionalisation du commerce international doit être envisagée et pensée dans un cadre de transition énergétique. Concrètement, nous devrions réapprendre à produire par nous-mêmes une partie des produits dont l’importation deviendrait trop onéreuse. Ceci implique une réindustrialisation de notre économie (la France a perdu 2,2 millions d’emplois industriels depuis 40 ans et la part du PIB de ce secteur est passée de 22 % en 1970 à 11% en 2011)5 et un ré-aménagement du territoire national afin de revaloriser une poly-agriculture autour des centres urbains.

Le droit à l’énergie et la rénovation de l’habitat

Le chantier le plus immédiat pour la transition énergétique est probablement la rénovation thermique des bâtiments afin de diminuer la consommation d’énergie. La loi impose une rénovation énergétique de tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie est supérieure à 330 kWh d’énergie primaire par mètre carré et par an, soit la catégorie F sur l’échelle graduée de A (logement économe, < 50 kWh EP/m²/an) à G (logement énergivore, > 450 kWh EP/m²/an). Un budget de 1,5 milliards d’euros doit aider les propriétaires à monter les projet de rénovation. Une aide est prévue pour les ménages en situation de précarité énergétique (évaluée actuellement à 5,5 millions de ménages), sans pour autant que la loi apporte une définition précise d’une telle situation.

Les transports

Le second chantier, parce qu’il touche à la deuxième source de consommation d’énergies fossiles est la mobilité : voiture, train, avion. Les difficultés commencent quand il s’agit de substituer le train à la voiture et au camion. La loi Macron illustre la volonté de déréglementation du transport par le bus qui va en fait aggraver les inégalités d’accès, instituant un transport pour les plus démunis. Elle aura pour effet d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre. L’hypocrisie est ici de mise. Alors que le président de la République prend des postures d’écologiste, le gouvernement propose une mesure qui va à l’encontre de tout bon sens en favorisant le transport privé par route au détriment du transport public dont le rail. Une autre solution serait de développer le transport ferroviaire (fret et passagers) en faisant jouer à la SNCF son rôle de service public.
En France, 110 000 personnes ont utilisé en 2013 un bus longue distance. Le gouvernement souhaiterait que l’on atteigne les 5 millions de passagers (exactement le nombre de personnes qui se sont déplacées en autocar en Allemagne !, allez savoir pourquoi ?). Pour le ministre de l’Économie, il s’agit de redonner du pouvoir d’achat aux Français et de créer plus de 10 000 emplois dans les années à venir, ce qui reste à démontrer. La France rejoint donc ses voisins européens, comme l’Allemagne, qui a libéralisé le secteur en 2013, et le Royaume-Uni, qui avait ouvert le secteur dès 1985 et compte actuellement plus de 30 millions de voyageurs en autocars.

Le financement de la transition énergétique et les politiques publiques.

Le texte de loi annonce la mobilisation de 10 milliards d’euros sur trois ans pour enclencher le processus de transition. Tentons d’aller au-delà du simple enclenchement du processus. Rappelons que dans les années 1970, le coût du programme électronucléaire orchestré et mis en place par l’État s’est élevé pour un équivalent de 200 milliards d’euros. Une étude anglaise a évalué les besoins pour une transition énergétique en Grande-Bretagne à 650 milliards d’euros6. Pour la France, un montant de 1 600 milliards d’euros est évalué pour une politique d’investissement sur 20 ans, soit 80 milliards d’euros par an7. Pour atteindre le « facteur 4 » (réduction des émissions de GES de 80 % à l’horizon 2050), la Commission européenne chiffre les investissements nécessaires à 1,5 % du PIB par an, soit pour la France un chiffre de 30 milliards d’euros par an. Pour la Fondation Nicolas Hulot, le programme d’investissement serait plus élevé, estimé entre 2 et 3 % du PIB pendant 10 ans, soit pour le cas de l’Union européenne environ 3 000 milliards d’euros sur une décennie8. Ces chiffres un peu abstraits prennent une toute autre signification si on les compare à la somme des 4 000 milliards d’euros mis à la disposition des banques par les États depuis 2008. La transition énergétique coûterait donc aujourd’hui moins cher que le sauvetage inachevé du secteur bancaire.

Le programme de transition énergétique constitue un investissement important sur plusieurs décennies. Un tel investissement ne doit pas être financé par le privé, il ne peut être que public. Si des entreprises consentaient à financer un tel programme, elles se créeraient une formidable rente, comme ont su le faire plusieurs majeurs du BTP avec les parkings des villes, gares, aéroports et le péage autoroutier. De la même manière, un tel programme ne peut s’engager sous la forme d’un partenariat public-privé (PPP). A tout point de vue, il est préférable que le pouvoir de délivrer l’énergie soit du ressort de l’État. Le financement de la transition vers les énergies propres doit se faire directement avec les banques centrales, comme furent financés durant la période des Trente Glorieuses les grands projets d’infrastructures. Ceci signifie très clairement que l’État doit retrouver sa souveraineté monétaire et ne plus dépendre des marchés financiers. Un tel programme nécessite également de réfléchir à la mise en place d’un protectionnisme pour éviter d’acheter des produits étrangers, sinon à la hauteur des investissements requis le déficit commercial de l’État exploserait.

Si la transition énergétique est la clef de notre prospérité de demain et l’écologie la solution, celle-ci doit être républicaine. A ce titre, il est indispensable de lier la reconversion écologique de la production à la relocalisation des activités productives, agricoles, énergétiques et industrielles. Pour limiter la consommation énergétique, les politiques de développement doivent partir des besoins réels des populations et non de la recherche du profit privé par la solvabilité (ou la dette) des consommateurs. Dans cette perspective, il s’agit de créer un véritable service public de l’environnement qui dé-privatise les secteurs clés de l’énergie, de la gestion de l’eau, des transports publics ou des déchets. C’est par rapport à cette exigence d’écologie républicaine que la loi de transition énergétique doit être évaluée.

  1. J.M.. Jancovici 2013 « La transition énergétique, certes mais quelle transition ? » http://www.manicore.com/fichiers/transition_energetique_reflexions.pdf []
  2. G. Giraud 2014 Illusion financière. Les Éditions de l’Atelier, 254 pp. []
  3. P. Servigne & R. Stevens 2015 Comment tout peut s’effondrer. Ed. Le Seuil, 296 pp. []
  4. CNDTE 2014 Synthèse des travaux du débat national sur la transition énergétique de la France. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/dnte_synthese_web_bat_28-8.pdf []
  5. J.P. Escaffre 2015 Géopolitique contemporaine. Souveraineté, démission, intégration, désintégration. Ed. Nurvis. []
  6. G. Giraud 2014. []
  7. Ph. Murer 2014 La transition énergétique. Ed. Mille et une nuits, 214 pp. []
  8. G. Giraud 2014. []
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Grands patrons, gros actionnaires : les liaisons juteuses !

Suivi d'un commentaire de la Rédaction

par Pierre Mascomère

 

Le cadeau de départ du PDG d’Alcatel Lucent soulève en général une forte indignation. Indignation quant au montant gigantesque du cadeau, quant à la durée réduite de présence du PDG, moins de 3 ans, quant aux résultats obtenus, discutables : Alcatel-Lucent, en fait d’être sauvée, est liquidée avec ses brevets dans une autre entreprise Nokia, et ce PDG s’en va alors que ce processus est loin d’être achevé.

Cadeaux de départ, cadeaux de bienvenue, bonus, retraites chapeaux et salaires fixes ou variables mirobolants pour les dirigeants de grandes entreprises, sont désormais des sujets récurrents dans les médias. Et les récriminations de toutes natures, les chartes éthiques et autres ne sont que de peu d’importance . Ce PDG est en effet venu pour obéir aux ordres du CA des actionnaires, pour servir les gros actionnaires. Il doit agir dans ce but et uniquement dans ce but. Il en est récompensé si il a bien travaillé dans le sens : protéger, voir valoriser au mieux dans le présent et dans le court terme les intérêts des gros actionnaires.

Il n’est pas forcement facile pour un « dirigeant d’entreprise » de rejeter toute idée d’intérêt de « l’entreprise » vue comme une entité globale, sur le long terme en particulier, de rejeter toute idée de l’intérêt des salariés de l’entreprise, de l’intérêt économique du pays, de l’intérêt général, voire de l’intérêt stratégique pour le pays.

On voit quelquefois un ministre de l’économie essayer alors de faire valoir tel ou tel point de vue en se servant de ses moyens de pression -aujourd’hui bien maigres-. Il subit illico les foudres immédiates des milieux d’affaires l’accusant de « patriotisme suranné » ou de ne « rien connaître de l’entreprise »…(toujours amusant de lire de telles choses écrites par des « journalistes » qui ne connaissent de l’entreprise que les dirigeants aux services desquels ils se mettent et qui, pour un large part, sont rémunérés justement par des patrons de ces grosses entreprises..)

Cette conduite des actionnaires et des dirigeants est un défaut visible du capitalisme et notamment du capitalisme financier. Pour de la « valeur » sauvegardée, voire augmentée pour les gros actionnaires, que de « valeur » perdue pour les salariés, pour l’économie de la nation, pour l’économie en général d’ailleurs.

Le capitalisme a des limites économiques bien vite atteintes et le court-termisme est une de ces limites.

Il serait bon que les électeurs perçoivent bien cet aspect : Alcatel Lucent repris par Nokia, Alstom démembrée au profit de General Electric et d’autres, Peugeot sauvée en partie par l’Etat, sont (ou étaient) des entreprises capitalistes privées, strictement privées. Ce type d’entreprise rejette toujours la « faute » de sa déconfiture sur les trop hauts salaires des salariés alors même que l’on connaît la mauvaise gestion de nombre de ces entreprises. (Toyota à Valenciennes qui marchait fort correctement rigolait bien des déboires de Peugeot, déboires que Peugeot rejetait sans honte sur ses salariés…).

Le temps n’est plus où des entreprises comme Saint-Gobain, Péchiney, etc. étaient au moins gérées comme entreprises « globales », pour l’ « entreprise » autant que pour les salariés ou les actionnaires et toujours avec une vue de long terme. Aujourd’hui, une entreprise capitalistique ne sert qu’à ses actionnaires (gros) et ses dirigeants ne doivent penser qu’à la satisfaction à court terme de ses actionnaires.

Le capitalisme et notamment le capitalisme financier est très loin de représenter un modèle économique optimal.

Commentaire de la Rédaction

Ce petit texte de P. Mascomère frappe juste, en mettant l’accent sur un point faible du capitalisme financiarisé, les comportements prédateurs des hauts dirigeants de grandes entreprises. Il oppose ces comportements à celui du patronat industriel des Trente glorieuses, dont les objectifs n’étaient pas d’abord financiers.
Ces comportements nouveaux – se servir, et non plus servir – qui font s’interroger sur la capacité du capitalisme à porter le progrès social, s’expliquent par la crise structurelle du profit capitaliste. Au temps du capitalisme industriel, le profit du capitaliste individuel était normé par le taux de profit moyen, c’est-à-dire par la quantité de plus-value globale produite rapportée au capital total engagé. Quand la baisse tendancielle du taux de profit grippe le mécanisme, le capital cherche une échappatoire dans la multinationalisation, puis dans la financiarisation, où le profit n’est plus obtenu à partir de la richesse produite, mais capté sur la richesse produite ailleurs, dans les pays à bas salaires. Dès lors, il n’y a plus de norme au taux de profit exigible, la seule limite c’est le maximum. Le fait que la « valeur » financière soit désormais première et que le profit purement financier se capte sur les marchés financiers, explique la gestion court-termiste : quand le capital échoue à créer de la richesse réelle, il n’y a plus d’horizon de moyen ou long terme, celui de l’investissement matériel, qui vaille.
C’est ainsi que s’est constituée une couche de dirigeants experts dans la gestion financière des sociétés par actions, qui vont gérer les affaires des propriétaires du capital au profit de ceux qui sont dans les conseils d’administration (et qui les promeuvent en toute consanguinité) et s’en mettre plein les poches au passage. Marx avait parfaitement anticipé ce phénomène dès les années 1850-60, quand il expliquait, dans le Livre III du Capital, que les sociétés par actions allaient être l’occasion de voir se développer des couches parasites d’aigrefins et autres dupeurs de bourgeois. Les économistes modernes, largement intégrés à ces couches, ont théorisé la « création de valeur pour l’actionnaire », selon le principe général de la théorie dite « de l’agence » développée dans les années 70 : pour être certain qu’un agent vous serve dans votre intérêt, il faut le rémunérer à la juste valeur de son service.
Si la gestion managériale d’aujourd’hui n’associe plus le travail au capital, c’est qu’il n’y a plus de grain à moudre, plus de richesse réelle à redistribuer au travail. S’il y a « valeur perdue pour les salariés », c’est à cause de la crise de sa production, pas à cause de la finance, qui ne peut que jouer le profit en créant de la valeur fictive. Le capitalisme financier n’est pas un système optimal parce qu’il le visage d’un système en soin palliatifs.

Michel Zerbato

Laïcité
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Les 7 enjeux du débat sur la laïcité

par Bernard Teper

 

Avec sa définition historique par la liberté de conscience, par la séparation entre la société civile et les sphères de l’autorité publique et de constitution des libertés (école, services publics, protection sociale) et enfin par le fait que le lien politique est autoconstitutif et donc n’a pas besoin d’un lien religieux préalable, nous pouvons présenter le premier enjeu : le principe de laïcité ainsi énoncé, permet le plus haut degré de liberté pour tous. Mais pour cela, il faut cesser d’accepter que 5 départements soient hors laïcité, que les écoles privées et les lieux de culte soient financés par l’argent public (et de plus en plus !)

Avec l’arrivée au pouvoir du néolibéralisme et de son corollaire, le relativisme culturel contre les principes progressistes, nous pouvons énoncer le deuxième enjeu : gagner la bataille pour l’hégémonie culturelle contre le relativisme culturel pour retrouver le sens des mots nés dans la lutte, mots qui doivent retrouver leur sens propulsif. Ce qui veut dire une opposition aux 2 dérives, toutes deux liés aux 2 stratégies possibles du néolibéralisme :

– la laïcité d’imposture ou adjectivée, faux nez du communautarisme présent dans la gauche solférinienne et aussi dans l’Autre gauche.

– l’ultra-laïcisme anti-laïque qui utilise le mot laïcité contre une seule religion l’islam. L’extrême droite et une partie importante de la droite sont passées maîtres de ce genre d’exercice. Si l’intensification de la crise pousse le patronat à préférer la voie de leur unification, on voit le danger mortel de cette dérive.

Le troisième enjeu : combattre la division mortelle du mouvement progressiste crée par la fuite en avant dans le communautarisme d’une partie de celui-ci. Le grand Jaurès disait que la loi de 1905 servait à unifier le prolétariat car sans cette loi, il serait divisé entre le prolétariat catholique et celui qui ne l’est pas, ce qui empêcherait d’être victorieux dans les combats sociaux. C’est l’unité du prolétariat et du peuple mobilisé qui doit être recherché, pas les alliances contre-nature avec des organisations réactionnaires de la Manif pour tous ou avec des organisations religieuses obscurantistes néolibérales ou encore avec celles qui prônent une ségrégation « racialisée »contre les couples mixtes. Serge Halimi dans le Diplo de mai 2015 conclut contre cette dernière position: « cela précipiterait « la division permanente des catégories populaires, le séparatisme racial ou religieux, le « choc des civilisations ».

Le quatrième enjeu est résumé par Daniel Bensaïd dans l’Eloge de la politique profane : « Vous ne voulez plus des classes ni de leur lutte ? Vous aurez les plèbes et les multitudes anomiques. Vous ne voulez plus des peuples ? Vous aurez les meutes et les tribus.». Chercher le consensus illusoire entre les meutes et les tribus: impossible. C’est une des raisons de l’abstention massive des couches populaires qui a entraîné le désastre des gauches de toutes les élections qui ont suivi la présidentielle de 2012. La lutte contre le capital comme rapport social de production est devenu, pour les néocommunautaristes de l’Autre gauche secondaire au grand plaisir de l’oligarchie néolibérale.

Venons-en au cinquième enjeu, le néolibéralisme a intensifié les racismes et les discriminations. Tous les racismes et discriminations progressent (anti-arabe, anti-musulman, roms, juifs, etc.). Voilà pourquoi il faut promouvoir une ligne laïque contre tous les racismes et toutes les discriminations sans exception aucune.

Le sixième enjeu est celui de combattre les impérialismes mais aussi leur alliés communautaristes et intégristes. On ne peut pas dire ici soutenir le Front populaire tunisien (avec nos deux martyrs Chokri Belaïd et Mohammed Brahmi) qui refusent tout accord avec Ennahdha et signer un appel en France avec leurs amis.

Le septième enjeu est celui d’étudier toutes les causes des injustices, des racismes et des discriminations, et d’en sortir par le haut en édictant les conditions actuelles et globales de l’alternative. Mais le principe de laïcité est l’une des conditions et il faut dire avec Rimbaud : « il faut être résolument moderne : tenir le pas gagné ! »



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