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Chronique d'Evariste
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PLF, PLFSS, loi Santé, Agirc-Arrco : de pire en pire pour les travailleurs

par Évariste

 

Les politiques d’austérité se concrétisent dans les lois de financement et les lois relatives aux grands secteurs d’activité. Il est donc de la plus haute importance d’en décliner chaque année la réalité. Il est d’ailleurs étonnant de voir que les partis de l’Autre gauche n’en font même pas une campagne centrale. Sans rentrer dans un détail qui demanderait des séminaires de formation et de réflexion, nous allons en tirer ci-après quelques éléments importants.

Projet de loi des finances (PLF)

Après le cadeau sur trois ans de 41 milliards d’euros aux patrons sans contrepartie (même pas d’augmentation des investissements des entreprises, tout pour les dividendes des actionnaires et pour les financements parallèles ) et un plan d’austérité de 50 milliards d’euros, voilà les coupes pour 16 milliards d’euros du projet de loi des finances (PLF) contre les politiques sociales, contre l’école, contre les services publics, contre les salaires (impactant la consommation des ménages).
Les collectivités territoriales, qui jusqu’ici étaient un amortisseur des politiques d’austérité, viennent d’être largement cisaillées par un effondrement des dotations de l’État avec des conséquences y compris sur le mouvement associatif. Les exportations sont en berne. La dette publique augmente. Très bien, cela avantage la bourgeoisie oligarchique qui « tient l’État par la dette » (Karl Marx).
Mais est-ce pour autant une mauvaise politique. Que nenni ! C’est une excellente politique pour les gérants du capital. Donc, comme on ne change pas une équipe qui gagne, cela continuera de plus belle sans une riposte populaire à la hauteur des enjeux.

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS)

Quant au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, c’est du même tonneau. Alors que le rapport de septembre 2015 sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) montre qu’il n’y a aucun lien direct entre le tonneau des Danaïdes qu’est le CICE et la création d’emploi, de formation et d’investissements productifs, le PLFSS persiste et signe. Et pendant ce temps-là, la fraude des patrons quant au paiement des cotisations sociales est, d’après la Cour des comptes, deux fois plus importante que le déficit prévu de la Sécurité sociale, les exonérations de cotisations sociales sans aucune contre-partie sont toujours là, le travail rémunéré sans cotisations sociales progresse.
C’est donc bien pour une autre raison que ces cadeaux aux patrons sont effectués. C’est pour satisfaire l’oligarchie capitaliste que le gouvernement mène cette politique excellente pour elle.
Les exonérations de cotisations de Sécurité Sociale (qui progressent en 2014 pour s’établir à 26,2 Mds, soit 17,6 % des cotisations dites « patronales ») ne servent pas
pas à l’emploi mais bien aux dividendes pour les actionnaires. De plus, les exonérations non compensées ne cessent de croître pour atteindre 3,3 Mds € (+ 0,4 point en un an). Cette non-compensation est responsable d’un manque à gagner de plus de 48 Mds € sur les 20 dernières années.

Branche Assurance-maladie

Quant à l’Objectif national des dépenses de l’Assurance-maladie (ONDAM), c’est le plus faible jamais présenté (1,75 % contre 2,05 l’année précédente), cette compression correspond donc à une attaque directe contre les hôpitaux publics, les remboursements de soins, l’accès à la prévention et aux soins de qualité partout et pour tous.
Toujours plus fort avec l’article 19 du PLFSS où le gouvernement envisage la suppression des cotisations minimales applicables dans les régimes des non-salariés agricoles et non agricoles au titre des risques maladie et maternité. Il s’agit donc bien d’universalité mais sans solidarité ! Les non-salariés pourront-ils alors bénéficier d’une couverture maladie financée par le régime général sans participer au financement de ladite couverture ?

Retraites Sécu

Quant aux retraites, le PLFSS souligne la nécessité de sortir de l’indexation des retraites Sécu sur les prix comme le font les régimes complémentaires Arrco et Agirc grâce à une alliance entre le patronat et certains syndicats (voir plus loin dans ce texte). Le mouvement réformateur néolibéral continue donc sur sa lancée en abaissant le taux de remplacement des retraites pour diminuer le salaire socialisé.

Branche Famille

Poursuivre la baisse des cotisations sociales Famille en dessous de 3,5 SMIC, c’est aussi diminuer le salaire socialisé pour augmenter les profits.

Branche Accidents du travail et maladies professionnelles

Les salariés seront heureux d’apprendre l’engagement de l’État de diminuer d’autant les cotisations de cette branche pour compenser la légère augmentation des cotisations des retraites complémentaires Arrco-Agirc. Comme quoi, l’oligarchie capitaliste globalise bien l’ensemble de sa politique. C’est bien la continuation du projet de décroissance des politiques de santé au travail qui est à l’œuvre

Loi Santé

Quant à la loi Santé Hollande-Valls-Touraine, ce n’est que la continuation fidèle de la loi Sarkozy-Fillon-Bachelot (loi HPST de 2009). Conformément au principe du fonctionnement du mouvement réformateur néolibéral qui veut que chaque gouvernement fasse pire que le précédent contre les travailleurs.
Eh bien cette fois-ci, la notion de service public de santé disparaît au profit du « service territorial de santé au public », dans lequel le privé lucratif pour les actionnaires pourra participer grâce à la privatisation des profits et à la socialisation des pertes. Dans la même lignée, des regroupements hospitaliers obligatoires seront généralisés et viseront à accélérer les recompositions sanitaires notamment pour la même raison. Nous reviendrons ultérieurement sur le scandale de la politique gouvernementale concernant le secteur des Soins de suite et de rééducation (SSR). Mais disons déjà que la tarification à l’activité va entrer dans le financement de cette activité notamment pour aller vers la convergence des financements entre le public et le privé lucratif pour les actionnaires qui, lui,  pourra toujours choisir les clients rentables. Tout est fait pour transférer, petit à petit, les SSR rentables dans le privé lucratif pour les actionnaires.

Retraites complémentaires Arrco-Agirc du secteur privé

(Lire aussi dans ce numéro l’article de Christiane Marty.)
Pour les régimes Arrco et Agirc, le déficit est de 3,1 milliards d’euros pour 2014. Mais ces caisses ont des réserves, respectivement 14,1 et 61,8 milliards d’euros (résultats 2014) dont la fonction est précisément de faire face à une conjoncture défavorable. La dramatisation totalement excessive est faite pour pousser ensuite la retraite Sécu à suivre le démantèlement débuté dans le régime Arrco et Agirc. Comme quoi, les structures paritaires sont des structures où le patronat a le pouvoir direct en s’associant avec des syndicats complaisants.
En 19 ans, de 1990 à 2009, le taux de remplacement des pensions complémentaires a baissé de plus de 30 % dans chacun des régimes, ce qui est une baisse encore plus sévère que dans le régime de base ! La constante de la part du Medef est son refus de voir la cotisation augmenter et sa volonté de faire reculer l’âge de départ à la retraite dans le seul but de diminuer le salaire socialisé, et de contrer la loi de baisse tendancielle du taux de profit. Comme le dit la CGT, l’objectif sous-jacent vise à favoriser le déplacement des cotisations vers l’épargne et les assurances privées.
Tout sera supporté par les salariés et les retraités. La légère augmentation des cotisations sera contrebalancée par la garantie de l’État de diminuer d’autant la cotisation « accidents du travail et maladies professionnelles » (voir plus haut) ! Incroyable !
Pire, les syndicats complaisants (CFDT, CGC, CFTC)1 ont accepté la sous-indexation, c’est-à-dire la baisse programmée des retraites complémentaires en euros constant ainsi que le report de la date de revalorisation des pensions qui sera décalée d’avril à novembre ou encore que la caisse Arrco financera la caisse des cadres (Agirc) : on ne peut pas faire plus anti-distributif !
Cerise sur le gâteau : le recul d’un an pour le départ à la retraite ! Alors que le manque des recettes est dû au transfert du salaire socialisé vers les dividendes !
Il faut comprendre ici que les modalités décidées par le régime Arrco-Agirc du secteur privé annonce leur future extension aux autres régimes spéciaux et de fonctionnaires. Le fait que ce régime soit paritaire (c’est-à-dire sous le pouvoir du patronat car des syndicats complaisants lui apportent un soutien indéfectible) a incité l’oligarchie capitaliste à en faire le laboratoire du futur des politiques d’austérité.

Les 70 ans de la Sécu : c’est le moment d’en faire le bilan pour la refonder !

Rappelons que nous sommes dans la période de commémoration des 70 ans de la Sécurité sociale (ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, lois d’Ambroise Croizat des 22 mai 1946, 22 août 1946 et 30 octobre 1946). Il est donc indispensable, au-delà de la nécessaire résistance du mouvement syndical revendicatif allié aux associations d’éducation populaire refondée, de multiplier les initiatives et d’utiliser cette commémoration dans le but d’armer les militants et les citoyens éclairés dans la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle liée à un nouveau modèle culturel, social et politique. A noter aussi que le film « La sociale » de Gilles Perret qui traitera de ce sujet sera dans les salles à partir d’octobre 2016, il pourra servir de point d’appui pour notre bataille vers une nouvelle hégémonie si nous nous préparons à organiser les ciné-débats nécessaires !

  1. Voir un précédent article : http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/retraites-complementaires-2-comment-la-cfdt-veut-les-sauver/7396852. Nous réservons aux stages de formation réalisés par nos intervenants l’explication sur le calcul erroné de la CFDT pour justifier le fait de sa signature de l’accord. Le format limité des articles de ReSPUBLICA ne permettant pas ce développement. []
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L’enseignement de la laïcité doit maintenir la supériorité de la science sur la croyance

par André Grjebine

 

Le «  livret laïcité  », que le ministère de l’éducation nationale vient d’élaborer à l’usage des chefs d’établissement et des équipes éducatives de l’enseignement public, repose sur une confusion entre une vision simplifiée de la laïcité et le cadre dans lequel elle ­s’inscrit.
En fait, chaque société est sous-tendue par une conception du monde qui détermine aussi bien l’organisation de la société que les modes d’appréhension du réel. La société française et bon nombre de sociétés occidentales s’inscrivent dans ce que Karl Popper a appelé la société ouverte, c’est-à-dire une société sans dogmes imposés par des autorités supérieures et au sein de laquelle les individus sont libres de se déterminer. Cela n’implique pas qu’elle soit composée d’incroyants, mais qu’elle ne soit pas fondée sur une croyance non soumise à discussion. C’est donc une société où la religion n’est plus structurante, en ce sens qu’elle ne commande plus la forme politique des sociétés, pas plus qu’elle ne définit le mode d’appréhension du réel.

Comment enseigner le doute et l’interrogation ?

Par opposition, la société fermée est définie par référence à une révélation. Les individus y sont soumis à des forces magiques censées provenir d’une source extérieure à la société.
Dans ce cadre, la laïcité fonde la coexistence d’individus de croyances différentes au sein d’une même société. Elle suppose la neutralité de l’État, en premier lieu de l’éducation nationale publique, par rapport à chacune d’entre elles. Cette neutralité de l’État est parfaitement concevable au niveau des administrations. Elle signifie par exemple que l’État ne subventionne aucun culte ou les subventionne tous.
Le problème est plus compliqué en matière d’enseignement dans la mesure où il ne s’agit plus, au sens strict, d’organisation, mais bien de réflexion. La sphère de compétence de l’enseignant n’est pas d’ordre administratif, mais intellectuel. Il doit transmettre des connaissances autant que possible scientifiques et enseigner l’esprit ­critique. Certes, on peut exiger des enseignants qu’ils ne se réfèrent pas à une religion ou une idéologie plus qu’à une autre, si ce n’est pour en retracer ­l’histoire.
Mais, comment enseigner le doute et l’interrogation, clés de voûte de la démarche scientifique, sans les opposer à une démarche religieuse qui recherche des certitudes et procède par affirmations non démontrées, en prétendant dévoiler la Loi divine ? Quel sens cela aurait-il d’enseigner le darwinisme dans les écoles à des enfants qui entendraient l’éloge du créationnisme dans leur famille ou leur église, leur temple ou leur mosquée et l’invoqueraient à l’école ? Et donc, comment demander à un enseignant d’exposer la théorie de l’évolution, sans montrer que le créationnisme doit plus à l’irrationnel qu’à la science ?

« Formation de l’esprit critique »

Plus compliquée encore est la tâche assignée à des professeurs quand il s’agit d’enseigner l’histoire des religions sans en discuter les implications. Imagine-t-on un enseignement du catholicisme au Moyen Age qui ne parlerait pas de l’Inquisition, ou une histoire de l’URSS qui n’évoquerait pas le goulag  ? Une laïcité qui ne s’inscrit pas explicitement dans une société ouverte et ne va pas de pair avec l’accent mis sur la démarche scientifique peut-elle être autre chose qu’illusoire ?
C’est là que le chapitre 4 du livret pose problème et conduit à s’interroger sur les motivations véritables de ses auteurs et donc des autorités qui le distribuent. Malgré son titre, «  Laïcité et enseignements  », ce chapitre porte moins sur la laïcité que sur la démarche qui doit prévaloir en matière de transmission des connaissances  : «   Il revient aux chefs d’établissement et directeurs d’école de montrer que les savoirs enseignés sont le fruit de la démarche scientifique de l’historien et montrer aux élèves la distinction entre savoir, opinion ou croyance. Distinction entre croire et savoir  : ce qui peut être cru ne relève pas de l’enseignement scolaire de l’école laïque mais appartient à la liberté de conscience, de croyance de chacun.  » (p. 16). Excellent prélude pour préparer à «  la formation de l’esprit critique  » que la ministre annonce dans son édito comme l’une des ambitions d’une «  refondation de l’école  ».
Malheureusement, il suffit d’une phrase pour qu’on en vienne à se demander si les auteurs de ce «  livret laïcité  » se sont sérieusement interrogés sur les conditions d’exercice de la laïcité dans le système scolaire. Le livret affirme ainsi qu’«  il faut pouvoir éviter la confrontation ou la comparaison du discours religieux et du savoir scientifique. Dans les disciplines scientifiques (SVT, physique-chimie, etc.), il est essentiel de refuser d’établir une supériorité de l’un sur l’autre comme de les mettre à égalité.  » Affirmation qui ne l’empêche pas de déclarer que «  les enseignants doivent être en mesure de répondre à des objections, même lorsque celles-ci sont de nature religieuse… Sans se risquer à la comparaison des discours scientifiques et religieux, il est tout à fait possible de déconstruire l’argument d’un élève comme on le ferait de n’importe quelle objection.  »

Propositions contradictoires

Mais qui ne voit que ces propositions sont contradictoires. Comment développer la méthode scientifique sans mettre en évidence les obstacles auxquels elle est confrontée, ni les résultats incomparables auxquels elle parvient, c’est-à-dire davantage que sa supériorité, son monopole en matière d’acquisition rationnelle de connaissances ?
Ce qui ne signifie évidemment pas que la religion n’ait plus aucune place dans la société, mais qu’elle doit principalement se consacrer aux questions métaphysiques, sans déborder sur la sphère de connaissances qui sont du domaine scientifique et qui sont les seules à devoir être enseignées dans les écoles, y compris quand il s’agit de l’histoire des religions.
Assurer la primauté de la raison est certes un défi difficile pour le système scolaire. Doit-il pour autant baisser les bras ? Après une longue lutte pour sauvegarder sa prééminence en matière de proclamation de la vérité (il a fallu attendre 1992 pour que l’Église reconnaisse ses erreurs et réhabilite Galilée), l’Église a progressivement cédé du terrain devant la montée en puissance de la science. Faut-il tout recommencer sous prétexte d’assurer la paix sociale ?

André Grjebine est directeur de recherche au Centre d’Etudes et de Recherches Internationales (CERI) de Sciences Po et Laurent Bouvet professeur de science politique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines université Paris-Saclay.

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Pourquoi la transformation culturelle, sociale et politique n’est-elle pas à l’ordre du jour dans le court terme ?

par Bernard Teper

 

Nous avons, à de nombreuses reprises dans le journal ReSPUBLICA, proposé une actualisation des idées de Karl Marx et de Jean Jaurès car nous jugions alors que leurs pensées profondes ont une grande pertinence pour analyser le monde actuel. Aujourd’hui, nous précisons pourquoi nous avons besoin, pour penser l’avenir, d’actualiser tant le concept de République sociale que la pensée d’Antonio Gramsci, sans laquelle les lignes politiques et stratégiques que de nombreuses organisations nous proposent ne valent que leur poids en papier.

Car l’histoire n’est pas linéaire et le progrès n’avance pas régulièrement. Si la victoire contre le nazisme a ouvert une nouvelle période historique, il convient d’analyser cette dernière. D’abord, la Deuxième guerre mondiale a définitivement fermée la parenthèse du nazisme, ce qui n’est pas rien. Mais aussi la parenthèse de la crise de 1929 qui permet la relance du capitalisme grâce à la destruction massive du capital constant réalisée pendant la guerre et donc à la possibilité d’un fort taux de profit. Et enfin, grâce au rapport des forces crée par les vainqueurs (avec le PCF qui en novembre 46 devient le plus grand parti de France avec plus de 28 % des voix et donc avec une gauche majoritaire à la Libération), le nouveau bloc historique de l’après-guerre a permis d’aborder la nouvelle phase du capitalisme avec la plus grande avancée jamais connue dans l’histoire. Pour la France, il s’agit du programme du Conseil national de la Résistance qui fut, tout autant qu’un programme, la concrétisation d’une nouvelle hégémonie culturelle. Ce programme donnait à l’État des pouvoirs accrus qui, grâce à la nouvelle hégémonie culturelle conquise, lui permirent d’engager une marche rapide vers le progrès.

Mais les adversaires de cette nouvelle hégémonie culturelle n’avaient pas désarmé. Dès 1947, Friedrich August von Hayek rassemble au sein de la Société du mont Pèlerin des intellectuels et économistes pour mener la contre-offensive idéologique. Soutenus ensuite par les tenants de l’ordolibéralisme allemand, ils allaient petit à petit engager une bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle.

Pour la France, les étapes marquantes en furent le Colloque Lippmann en 1938, les Traités de Rome en 1957, l’étatisation de la Sécurité sociale et l’arrivée du paritarisme en 1967, les lois bancaires Debré de 66-69, la non-convertibilité du dollar en 1971, la loi du 4 janvier 1973 sur la Banque de France, les victoires de Thatcher et Reagan en Grande-Bretagne et aux États-Unis en 1979, le tournant définitivement néolibéral du gouvernement en 1983, les lois de libéralisation bancaire de 1984, l’Acte unique en 1986, le Consensus de Washington en 1989. Depuis, le mouvement réformateur néolibéral a gagné sur tous les tableaux, d’abord sur le plan culturel (un nouveau bloc historique est apparu autour des patrons des multinationales, des intellectuels organiques du néolibéralisme, des directions des partis de droite et du parti socialiste), puis sur le plan économique, institutionnel et politique.

Mais il faut raison garder et ne pas en tirer la conclusion que le pouvoir se gagne par les idées. Si le néo-libéralisme s’est imposé, c’est d’abord « grâce » à la crise structurelle du capital et donc du profit : ouverte au tournant des années 60-70 elle a provoqué l’échec du keynésianisme, et c’est la stagflation (montée concomitante de l’inflation et du chômage) qui a fait voter pour Thatcher et Reagan, ce ne sont pas pas les idées néo-libérales connues alors seulement de quelques économistes et journalistes stipendiés par le patronat d’alors pour porter la bonne parole (le monétarisme et l’économie de l’offre), ladite bonne parole étant devenue le sésame ouvrant la carrière. Résumons donc notre propos d’une autre manière : c’est la crise du capital et donc du profit démarrée fin des années 60 qui a été la cause première du changement de phase du capitalisme mais pour que le changement ait lieu, il fut nécessaire qu’une victoire de l’hégémonie culturelle préexiste.

Aujourd’hui, l’approfondissement de la crise économique a permis d’une part la victoire du « non » aux traités (avec un non de gauche de 31,3 % supérieur au non de droite et d’extrême droite et supérieur au oui de gauche !) et de très fortes mobilisations de toute nature depuis 25 ans. Mais l’hégémonie culturelle du néolibéralisme est toujours là et elle empêche la préparation des ruptures nécessaires lors des prochaines crises paroxystiques de la formation sociale capitaliste.

Nous sommes donc dans un moment dangereux. La résistance populaire au mouvement réformateur néolibéral menée par les travailleurs, par le mouvement syndical revendicatif et par quelques associations, suscite – comme à la fin des années 20 et dans les années 30 – un renforcement des partis d’extrême droite qui n’attendent – comme dans ces années-là – que la décision du patronat pour réaliser l’alliance de l’extrême droite et d’une partie majoritaire de la droite néolibérale. Car contrairement à ce que pensent les souverainistes, les partis dits populistes ne sont là que pour sauver le pouvoir du capital et du mouvement réformateur néolibéral.

Et pendant ce temps-là, l’Autre gauche n’est pas à la hauteur des enjeux tant elle est divisée : les uns prônent des réponses obsolètes d’avant la victoire du mouvement réformateur néolibéral (relance keynésienne sur le plan économique, communautarisme anglo-saxon comme mode d’organisation sociale et politique, etc.), d’autres des réponses solipsistes, d’autres encore des réponses simplistes prééminentes (revenu universel, etc.), sans compter ceux qui veulent se mettre à la remorque des partis populistes (voire d’extrême droite, par une alliance avec le non de droite et d’extrême droite) et enfin ceux qui visent à préparer les prochaines ruptures lors des futures crises paroxystiques. Voilà pourquoi l’Autre gauche n’est pas à la hauteur des enjeux, pourquoi elle a jusqu’ici désespéré la classe populaire ouvrière et employée qui s’abstient à hauteur de 70 %. Car les habitudes culturelles d’hier, les pratiques sociales obsolètes continuent de favoriser le fatalisme.

Il existe pourtant de nombreux militants et de citoyens éclairés qui seraient en mesure de donner la priorité à cette bataille pour l’hégémonie culturelle. Elle exige d’abord de recréer du lien social pour ensuite promouvoir de nouvelles pratiques culturelles et sociales. Cela se fait ici et là mais à un rythme encore trop lent pour peser face aux forces en présence. Sachez que, outre le journal ReSPUBLICA, des livres existent, des intervenants en éducation populaire également.

Hasta la victoria siempre (jusqu’à la victoire finale) !

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Lettre ouverte à ceux qui pensent que participer à la Marche-de-la-dignité-contre-le-racisme-avec-le-soutien d’Angela-Davis n’est pas un problème

par Anonyme

 

NDLR – Repris d’un site anarchiste, ce texte est signé « A la croisée des chemins… - crossroads@riseup.net« . Nous avons apprécié sa dénonciation de la « marche de la dignité » prévue pour le 31 octobre (voir le texte de l’appel sur http://www.urgence-notre-police-assassine.fr/). Quelque légitime soit l’indignation devant les violences qui atteignent  les populations de certains quartiers, cette mobilisation se rapproche de celle du meeting « contre l’islamophobie » du 6 mars 2015 à Saint-Denis en ce qu’elle donne lieu à des alliances improbables, attirant une fois encore à gauche le soutien de mouvements et de personnes qui se placent de fait à la remorque de l’obscurantisme religieux et de l’ultra-communautarisme. Elle prend en outre les problèmes à rebours en occultant la responsabilité réelle des 40 années de rouleau compresseur  néo-libéral qui ont frappé les couches populaires sans distinction d’appartenance ethnique, culturelle ou religieuse. 

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Vous avez peut être prévu d’aller marcher avec dignité contre le racisme le 31 octobre prochain en répondant à l’appel porté par Amal Bentoussi. Vous n’avez peut être pas prêté particulièrement attention au fait que cette initiative a été lancée par le Parti des Indigènes de la République ou vous avez renoncé à prendre en compte ce que cela signifie. L’appel lui-même se donne d’ailleurs l’air assez normal et évite les formules choc dont le P.I.R. s’est pourtant fait une spécialité. On pourra tout de même y relever l’énumération significative des « Noirs, Arabes, Rroms et Blancs des quartiers » (fausses évidences et vraies assignations identitaires, dont la dernière est une nouvelle née des sept familles de la racialisation) et tant pis pour les prolétaires, « des quartiers » ou pas, qui ne rentrent pas dans ces catégories, les débordent ou tout simplement les refusent. L’appel du meeting de préparation à Saint-Denis nous replace clairement sur les terres du P.I.R., qui ne laissent comme terrible horizon que la religion et la race, puisqu’on y dénonce les « discriminations systémiques », avec la mise en avant de 3 catégories prioritairement discriminées : les « musulmans », les « Noirs », les « Rroms ».

On ne marchera donc pas ce jour là pour la « dignité » de tout un chacun.
De l’habituel racisme au singulier contre lequel on propose de marcher dans le titre, on passe, à la fin du texte d’appel, aux racismes au pluriel, déclinés ainsi : « l’islamophobie, la négrophobie, la rromophobie galopantes », il ne manque que l’évocation du « philosémitisme d’état » pour retrouver à l’identique les déclarations plus que contestables de la porte-parole du P.I.R., à Oslo par exemple. D’ailleurs, dans la présentation des signatures de l’appel on sépare et on hiérarchise les « femmes racisées », puis les stars et « personnalités », puis les « associations de racisées », enfin les « soutiens » qui sont les personnalités et groupes non racisés ou qui ne sont pas cités à ce titre.

On marchera donc ce jour-là pour la promotion d’un anti-racisme repeint aux couleurs de la race.

Effectivement, cette marche n’est pas une promenade de santé, c’est une étape dans l’avancée d’un projet politique en cours.

• Il s’agit pour les initiateurs de se poser en médiateurs universels détenant le monopole des réalités des banlieues et des quartiers populaires, mais aussi de la question des migrants, pour polariser la conflictualité qui peut y prendre place à travers un filtre racial et judiciariste.

• Il s’agit aussi d’une tentative de récupération à la portée bien plus large que celle que SOS Racisme a opéré dans les années 80, et s’en inspirant sans doute : on s’approprie ici ouvertement la marche de 83 bien sûr, mais aussi les émeutes de 2005, et au-delà, l’ensemble de l’héritage des luttes immigrées, que ce soit sur les questions des papiers, du travail, du logement, ou sur d’autres terrains, qui court sur plusieurs décennies.

• Il s’agit donc de la construction d’enjeux politique autour de la question raciale avec l’approbation de la présence de personnalités plus qu’infréquentables, officiellement signataires de l’appel : par exemple Tariq Ramadan, ambassadeur des Frères musulmans (dont le Hamas est une des branches), Médine, connu pour ses quenelles de soutien à Dieudonné et sa proximité avec le commercial raté antisémite du suprématisme noir Kémi Séba, Ismahane Chouder de Participation et Spiritualité Musulmanes, groupe qui a appelé à la « Manif pour tous » et qui a partie liée avec l’assassinat de militants d’extrême gauche au Maroc dans les années 90, et bien sûr Saïd Bouamama, collaborateur régulier du pro-négationniste Michel Collon, et Houria Bouteldja, porte parole du P.I.R., coutumière des plateaux télé, de l’éloge de la famille, de l’ordre et de l’obéissance aux structures communautaires et à la religion, ainsi que des invectives antisémites, contre le métissage, homophobes et sexistes.

On ne marchera donc pas ce jour-là seulement avec la dignité, mais aussi avec ses nouveaux amis. Dieudonnistes, pan-islamistes, protofascistes religieux : la dignité a de bien mauvaises fréquentations en ce moment, sans même parler de ceux qu’elle ne présente pas le premier soir.

Nous sommes de plus en plus nombreux aujourd’hui d’horizons relativement variés, révolutionnaires, anarchistes, communistes anti-autoritaires, militants, entre autres, des luttes de l’immigration, épris sans doute davantage d’émancipation que de dignité et de justice, à s’opposer à la récupération en cours et à refuser la proposition politique portée par cette initiative.

Le 31 octobre, même du pied gauche, ne marchons pas dans cette combine !

le 17 octobre 2015

Protection sociale
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Retraites complémentaires : la régression continue

par Christiane Marty

 

Un accord de principe sur les retraites complémentaires Agirc et Arrco a été conclu le 16 octobre dernier entre le patronat (Medef, CGPME et UPA) et trois syndicats (CFDT, CFE-CGC et CFTC).
L’objectif était de rétablir l’équilibre financier de ces caisses. Suite à la crise, leurs comptes sont devenus déficitaires après 2008 du fait de la dégradation de l’emploi et de la stagnation des salaires. En 2014, le déficit est de 3,1 milliards d’euros.
Mais les caisses Agirc et Arrco ont des réserves, respectivement 14,1 et 61,8 milliards d’euros (résultats 2014) dont la fonction est précisément de faire face à une conjoncture défavorable.
La dramatisation des difficultés pour assurer le financement futur des retraites est un classique pour mieux faire accepter des réformes régressives.
Concernant les retraites complémentaires, les cycles de négociation entre patronat et syndicats de salarié-es [1] se sont succédé depuis une vingtaine d’années. Ils ont organisé une baisse continuelle du niveau relatif des pensions complémentaires servies, comme des pensions à venir à travers la baisse du rendement du point (voir annexe sur le fonctionnement des régimes complémentaires). Ainsi en 19 ans, de 1990 à 2009, le taux de remplacement des pensions complémentaires a baissé de plus de 30 % dans chacun des régimes, ce qui est une baisse encore plus sévère que dans le régime de base !
La constante de la part du Medef est son refus de voir sa cotisation augmenter et sa volonté de reculer l’âge de départ.
L’objectif sous-jacent vise à favoriser le déplacement des cotisations vers l’épargne et les assurances privées. La négociation actuelle poursuit et aggrave la tendance des accords précédents.

Les mesures prévues dans l’accord devraient dégager une économie annuelle de 6 milliards d’euros en 2020… qui pèsent quasi exclusivement sur les salarié-es et retraité-es. Le patronat a bien fini par accepter une (légère) hausse de sa cotisation, sa contribution est ainsi estimée entre 500 et 700 millions d’euros… soit autour de 10 % seulement du montant total de l’économie. De plus, le Medef s’est vanté d’avoir obtenu la garantie que l’État compensera une partie significative de cette contribution par une baisse des cotisations accident du travail et maladies professionnelles ! L’accord est un marché de dupes.

  • La principale mesure d’économie, la sous-indexation des pensions, devrait rapporter 1,3 milliard en 2017 et 2,6 milliards en 2030. La revalorisation des pensions sera inférieure d’un point au taux de l’inflation jusqu’en 2018 inclus, sans toutefois pouvoir être négative. Cette mesure reconduit donc pour trois ans supplémentaires la sous-indexation (dite) temporaire pour 2014 et 2015 qu’avait instaurée le précédent accord signé en mars 2013… et qui contribue à la perte régulière de pouvoir d’achat des pensions actuelles.
  • De plus, la date de revalorisation des pensions est décalée du 1er avril au 1er novembre, soit 7 mois de report. Ces deux mesures cumulées, sous indexation et report de la date, représentent une économie pour les caisses de 4,1 milliards en 2030, et donc un manque à gagner équivalent pour les retraité-es…
  • Autre mesure mise en œuvre dès 2016, la baisse du rendement des cotisations de retraite, opérée par une augmentation du prix d’achat du point (voir annexe). Le rendement brut [2] est aujourd’hui de 6,56 %, pour l’Agirc comme pour l’Arrco. L’objectif est de l’abaisser à 6 %, soit une nouvelle baisse de 8,5 % du niveau relatif des pensions complémentaires par rapport à aujourd’hui. Le gain attendu est de 1,1 milliard en 2030. Ce sont les droits futurs des salarié-es à la retraite qui continuent à être dégradés.
  • Outre la baisse du rendement, il est prévu à partir de 2019 une augmentation du taux d’appel des cotisations (voir annexe sur le fonctionnement), qui passera de 125 à 127 %. Ce qui rapportera 1,2 milliard en 2030.
  • L’accord prévoit aussi une augmentation des cotisations des cadres, avec une répartition différente selon les tranches de salaire, accompagnée d’une modification du partage de la cotisation avec l’employeur. Il entérine la fusion future des régimes Agirc et Arrco, moyennant une négociation future pour (re)définir un statut de l’encadrement.

Remarque : la compensation entre Agirc et Arrco joue comme un dispositif anti-redistributif
Depuis 1996, le système de compensation existant entre les deux caisses prend la forme d’un transfert financier récurrent et croissant de l’Arrco vers l’Agirc. En 2014, ce transfert s’est chiffré à 1,2 milliard d’euros. Le principe de solidarité entre caisses est juste et nécessaire. Simplement, la compensation qui en découle ici fait contribuer de manière répétée les non-cadres – statut d’ouvriers et employé-es – pour financer le régime des cadres, voire des hauts cadres. Elle s’avère être un dispositif antiredistributif. Il serait donc utile de voir comment le corriger, à travers notamment l’assiette et les taux de cotisation sur les différentes tranches de salaire.

  • Un système d’abattement et de bonus : c’est la mesure la plus significative, même si ce n’est pas la plus « rentable ». Elle aboutit à repousser d’un an l’âge où une personne peut toucher sa pension (base et complémentaire) sans aucun abattement. Comment s’appliquera-telle ? À partir de 2019, une personne qui a atteint l’âge légal de départ à la retraite (62 ans) et qui a la durée de cotisation exigée pour bénéficier du taux plein se verra appliquer un abattement de 10 % sur sa pension complémentaire, et ceci pendant trois années (deux années fermes, l’application la troisième année sera éventuellement rediscutée en 2021). Pour éviter l’abattement, la personne devra rester en emploi un an de plus, jusqu’à 63 ans donc.
  • Plus généralement, à partir de 62 ans, toute personne qui arrive au moment où elle obtient la durée de cotisation exigée jusqu’à présent pour la pension de base à taux plein devra travailler un an de plus pour ne pas subir d’abattement sur sa pension complémentaire (l’abattement ne s’applique plus à partir de 67 ans). Le principe de cette mesure est donc à la fois de reculer d’un an, de 62 à 63 ans, l’âge d’ouverture du droit à la retraite à taux plein, mais aussi d’allonger d’un an la durée de cotisation ouvrant le droit au taux plein pour la pension complémentaire !

Certes, il est prévu un abattement réduit (5 %), voire nul, pour les retraité-es dont la pension est assez faible pour être éligible au taux de CSG réduit ou nul. La CFDT se félicite de cette clause qui, dit-elle, « exonère de cette contribution un tiers des futurs retraités, les plus modestes » (l’abattement est en effet nommé « contribution de solidarité » par les partisans de l’accord). La CFDT assure aussi que « tous les salariés partant à la retraite avec moins de 1100 euros ne seront pas concernés par l’effort de solidarité [3] ». Il semble que pour justifier l’accord, ce syndicat s’avance sur des données infondées (voir ci-dessous).

Remarque : Qui sera exonéré de l’abattement sur la pension ?

L’accord prévoit que seront exonérés d’abattement les retraités exonérés de CSG, et que l’abattement sera réduit à 5 % au lieu de 10 % pour les retraités soumis au taux réduit de CSG. Ce qui est précis mais pas très parlant. Combien seront concernés ? La CFDT affirme qu’un tiers des futurs retraités seront exonérés d’abattement. Difficile de trouver la source de ce chiffre [4], que le syndicat ne donne pas. Cela signifierait qu’un tiers des nouveaux retraités auront une pension suffisamment faible pour être éligible au taux nul de CSG. Examinons la situation actuelle, en termes de proportion de personnes concernées et de seuil de pension qui permet l’exonération de CSG.

Quelle proportion ?
En 2012, 31 % des personnes retraitées étaient exonérées de CSG [5]. Mais ce pourcentage concerne l’ensemble des personnes à la retraite et non le flux des nouveaux retraités, c’est-à-dire les « liquidants » de l’année. En 2004, cette même proportion était de 38 %, soit supérieure de 7 points. Elle décroit régulièrement au fil du temps. Chaque année en effet, il y a un renouvellement avec de nouvelles générations qui arrivent à la retraite et qui remplacent de plus anciennes ayant de plus faibles pensions [6] (effet dit de noria). En tout état de cause donc, si la part des retraités exonérés de CSG est de 31% pour l’ensemble des retraités actuels, on voit mal comme cette part pourrait être de 33 % pour les futurs retraités chaque année. À moins d’anticiper de nouvelles réformes régressives… De plus, il faut remarquer que les conditions d’attribution des taux réduit et nul de CSG sur les pensions viennent d’être modifiées en 2015. Aucune statistique n’est donc encore disponible sur la part des retraités exonérés de CSG (ou à taux réduit) avec la nouvelle règle, ni sur ces données pour le flux des nouveaux retraités de 2015. Ce qui rend hasardeuse toute projection…

Quel seuil de pension ?
Le nouveau critère pour bénéficier d’un taux réduit ou nul de CSG sur la pension est basé sur le revenu fiscal de référence [7] (RFR). Pour une personne seule, le RFR en dessous duquel est appliqué un taux nul de CSG a été fixé à 10 633 euros. Ce qui correspond à un revenu de 11 814 euros [8], soit une pension mensuelle maximale de 985 euros. Le taux réduit de CSG s’applique pour un RFR compris entre 10 633 et 13 899 euros. Une personne dont la pension est de 1100 euros ne sera donc pas exonérée d’abattement, comme l’affirme pourtant la CFDT, mais elle sera soumise à l’abattement de 5 %.

Pour les couples, le taux nul de CSG est appliqué si le revenu fiscal de référence est inférieur à 16 311 euros (et le taux réduit jusqu’à 21 322 euros). Le problème est que les couples mariés ou pacsés étant imposés de manière conjointe, le RFR est le même pour les deux conjoints, quel que soit le niveau respectif de leur revenu. Or dans la grande majorité des couples, la femme a un salaire ou une pension inférieure à celle du conjoint. Ainsi, même si la pension de la femme est éligible à un taux nul de CSG, et donc éligible à un abattement nul, elle risque fort de se voir tout de même concernée par l’abattement de 10 % du fait d’un revenu plus élevé de son conjoint qui fera passer le RFR au dessus du seuil… Par exemple, si une femme a une pension de 750 euros – ce qui devrait l’exclure de tout abattement potentiel – et si son conjoint a une pension de 1250 euros, la femme sera concernée par l’abattement de 10 % sur sa pension personnelle. Il semble que ce problème n’ait pas été pris en compte. Au détriment de nombreuses femmes…

  • Un bonus est aussi instauré. Les personnes qui prolongeront leur activité pendant un, deux ou trois ans après avoir atteint les conditions requises – à la fois l’âge de 62 ans et la durée de cotisation – pour bénéficier du taux plein profiteront d’un bonus respectif de 10 %, 20 % ou 30 %… Toutefois, ce bonus sera appliqué pendant un an et non trois comme l’abattement.

Les chômeurs et les femmes plus pénalisés

Ce système de malus et bonus permettra, selon le patronat, d’agir sur le comportement des salarié-es à qui il reviendrait ainsi de décider de poursuivre ou de cesser leur activité, selon le niveau de pension souhaité. La fameuse retraite à la carte ! On mesure la tromperie de cet argument lorsqu’on sait que 56 % des personnes ne sont plus en emploi au moment où elles liquident leur retraite. Que signifie alors les inciter à travailler plus longtemps ? Pour l’instant, dès que les chômeurs atteignent la durée de cotisation exigée (les périodes de chômage indemnisé valide une durée de cotisation), ils sont mis d’office à la retraite selon le règlement actuel de l’assurance chômage. Subiront-ils alors l’abattement ?

Comme dans les réformes du régime de base, l’augmentation de la durée de cotisation et le report de l’âge d’ouverture des droits pénalisent davantage les femmes car elles ont toujours aujourd’hui des carrières plus courtes. Leur pension moyenne en 2014 ne représente que 60,5 % de celle des hommes, pourcentage qui tombe même à 40,2 % pour la pension servie par l’Agirc. Elles liquident leur retraite plus tard que les hommes (8 mois plus tard en moyenne à l’Arrco). En outre, même si une femme a une pension très faible, elle ne sera pas pour autant exonérée de l’abattement, car le critère retenu renvoie en réalité au revenu du couple (voir encadré ci-dessus). L’accord prévu va donc à l’encontre de l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes, quoiqu’en disent ses partisans. Rappelons qu’une étude de la CGT a montré que si l’égalité salariale entre les femmes et les hommes était réalisée, une grande part du déficit des caisses de retraite serait comblée.

Régimes complémentaires, champions de la régression ?

Le système d’abattement et de bonus devrait rapporter 800 millions à l’horizon 2030, soit relativement peu par rapport aux 6 milliards prévus. L’affrontement rude qui a eu entre les syndicats et le patronat sur cette question témoigne du caractère idéologique de la mesure. Le Medef peut être satisfait, les régimes complémentaires vont constituer un point d’appui pour repasser à l’offensive sur l’âge légal de départ à la retraite. Ces régimes deviennent même à la pointe de la régression sur les retraites, puisque l’accord recule de fait à 63 ans l’âge d’ouverture des droits à la retraite à taux plein (sans passer par la loi !) et qu’il augmente d’un an la durée de cotisation, au-delà de l’augmentation instaurée par les réformes passées sur la retraite de base !

Contrairement au régime général, il n’y a pas dans les régimes complémentaires de taux de remplacement (pension sur salaire) fixé à l’avance et les salarié-es n’ont aucune visibilité sur ce que sera le montant de leur pension. L’ajustement de l’équilibre financier des caisses se fait de manière négociée entre « partenaires sociaux », en réglant divers paramètres comme le taux d’appel, le rendement du point, etc. et donc maintenant, vont s’y ajouter le niveau d’abattement (5 %, 10 %) et la durée pendant laquelle il sera appliqué ! Tout cela est complexe, reste obscur pour la plupart des personnes et n’occupe pas en général le devant de la scène médiatique. Pourtant les enjeux sont importants. Il faut rappeler que des solutions justes existent pour financer nos retraites : augmenter les cotisations (la baisse programmée des pensions vise non pas à limiter le niveau de cotisations salariales, mais à les déplacer du système public de retraite vers la finance privée), et bien sûr réduire le chômage, améliorer l’emploi, réaliser l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, organiser un autre partage des richesses.

 

NOTES
[1] A la différence de la caisse nationale d’assurance vieillesse CNAV gérant la pension de base, les caisses complémentaires sont de droit privé et gérées paritairement à 50% par des organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) et 50% par les représentants des organisations syndicales
[2] Le rendement brut effectif est défini comme le rapport entre la valeur du point et le salaire de référence majoré du taux d’appel. Concrètement, il correspond à l’inverse mathématique du nombre d’années de retraite au bout desquelles la somme des pensions reçues atteint le montant des cotisations versées au cours de sa carrière. Exemple pour un taux de 6% : 1/6 = 16,7 années. Attention : un euro cotisé aujourd’hui a une valeur bien supérieure à un euro qui sera reçu plus tard pour la pension.
[3] Tribune de J.C. Malys, secrétaire national de la CFDT, parue sur le site de Marianne le 17 octobre.
[4] La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) déclare ne pas publier de statistiques sur les nouveaux liquidants et le taux de CSG.
[5] Données de la Drees, Échantillon interrégimes EIR 2012 et EIR 2004.
[6] L’effet positif de ce renouvellement par des retraités ayant des pensions supérieures à celle des générations plus anciennes est à ce jour encore supérieur à l’effet négatif des réformes passées qui aboutissent à diminuer les droits à pension des salarié-es d’aujourd’hui. La pension brute moyenne de droit direct a ainsi augmenté de 1029 euros en 2004 à 1306 euros en 2013.
[7] Le nouveau critère répond à l’objectif de prendre en compte l’ensemble des revenus et non plus le niveau d’impôt.
[8] Le fisc applique en effet un abattement de 10 % sur le revenu déclaré.

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Le Collectif isérois de défense du service public postal

Un cas de pratique militante innovante

par Claude Rouge

 

NDLR – Cette entrevue de Claude Rouge par Bernard Teper fait suite à l’article de ce dernier « L’Isère, terrain d’expérimentation d’une nouvelle pratique politique d’éducation populaire ?«  paru dans le N° 792 du journal.

Peux-tu nous faire un historique succinct de l’activité du Collectif départemental de défense du service public postal ?

Le collectif a été créé en 2008, par regroupement de collectifs d’usagers, syndicats de postiers et élus (municipaux et régionaux). Il a connu deux temps bien distincts :
– la période 2008-2013, avec des actions au cas par cas pour la défense des bureaux de poste et le temps fort du référendum citoyen d’octobre 2009,
– la période actuelle, où depuis le printemps 2014, nous sommes confrontés au rouleau compresseur de La Poste visant à supprimer un grand nombre de bureaux de poste : nous avons vite compris que la défense bureau par bureau serait inefficace et que nous devions agir à une autre échelle.

Peux-tu nous expliquer les formes d’action que vous avez utilisées pour la bataille contre les fermetures des bureaux de poste ?

Au cours de la 1ère phase (2008-2013), confrontés à une stratégie de transformation des bureaux de poste en APC (agences communales) et RPC (relais commerçant), et à de fortes réductions des horaires d’ouverture, nous avons articulé les actions de défense des bureaux de poste sur le principe suivant : créer partout où cela était possible une alliance forte entre usagers, élus locaux et postiers. Le collectif départemental intervenait principalement en soutien des comités locaux : organisation de temps forts de mobilisation, aide pour recenser les besoins des citoyens, contre-expertise des textes administratifs en appui aux élus locaux. La capitalisation des expériences, les analyses produites par les acteurs du Collectif départemental, forts de leur diversité, ont été très précieuses et ont permis de faire reculer La Poste en plusieurs points du département.
C’est dans cette période que nous avons aussi initié l’organisation du référendum citoyen d’octobre 2009 : comprenant que le contexte politique ne nous laissait aucun espoir que la loi postale élaborée pour préparer la privatisation du service postal soit rejetée, l’idée de ce référendum nous est venue, probablement parce que plusieurs de nos comités locaux intégraient des pratiques de consultation des usagers. Il y aurait beaucoup à dire sur ce qu’il est advenu de notre proposition, une fois passée dans la moulinette des organisations nationales sans lesquelles nous n’avions aucune chance d’atteindre un nombre important de votants.

Dès avril 2014, nous avons constaté que l’offensive contre les bureaux de poste se radicalisait, à la fois sur le plan territorial et sur les méthodes employées par La Poste pour faire accepter par les municipalités les transformations en APC et RPC. Partant du fait que le seul maillon de pouvoir susceptible de s’opposer à ce rouleau compresseur se situait au niveau des maires, nous avons incité certains d’entre eux à rédiger un « communiqué commun des maires » par lequel ils

– dénonçaient les pressions intolérables subies,
– affirmaient leur attachement au service public,
– refusaient les transformations en APC et RPC,

et à le diffuser auprès de leurs collègues maires des communes iséroises ayant un bureau de poste.

Nous jouions à quitte ou double : si les maires ne suivaient pas, nous n’avions plus guère de moyens à notre disposition. C’est le contraire qui s’est passé : lorsque nous avons dépassé la moitié des maires contactés, 90 % d’entre eux avaient signé le communiqué.

La grande leçon de cette action est que l’attachement au service public est très fortement partagé par les habitants et la plupart de leurs élus, indépendamment de leur appartenance politique. De ce fait, il peut paraître moins relever d’un positionnement d’idéologie que de culture ! Ce qui amène certains élus à se retrouver de fait dans des contradictions vis-à-vis des positions défendues dans les instances nationales.
A ce propos, nous avons souvent sollicité les élus parlementaires, députés et sénateurs de l’Isère pour qu’ils nous soutiennent. Les réactions ont été diverses, et les divergences d’attitude à notre égard ne recoupent pas forcément les découpages politiques. Il est vrai que certains députés de la majorité gouvernementale se sont trouvés partagés entre le besoin de garder un service public postal sur leur circonscription et leur adhésion aux positions gouvernementales qui sont celles de l’actionnaire majoritaire du groupe La Poste…

Peux-tu nous dire à quels résultats vous êtes parvenus ?

Pour être très concrets, nous avons au minimum gagné du temps : sur les 70 réorganisations programmées au 1er semestre 2015, une seule a été réalisée. C’est le résultat du blocage consécutif à nos actions. Et les modifications d’horaires intervenues depuis sont, aux dires de plusieurs maires, plus en rapport avec leurs demandes qu’auparavant. Le comportement des directeurs locaux de La Poste vis à vis des maires a aussi évolué dans le bon sens : nous avons appris que des consignes ont été données dans ce sens.

Nous avons aussi constaté un moindre recours aux fermetures ponctuelles (fermeture d’un bureau de quelques jours à quelques semaines pour insuffisance de personnel créant une incapacité à remplacer un salarié momentanément absent). Ces pratiques qui consistent pour La Poste à considérer certains bureaux comme étant des « variables d’ajustement » vis-à-vis des aléas de personnel, sont en fait des moyens de pression intolérables sur les élus locaux, pour les dissuader de revendiquer le maintien des bureaux de poste, et les pousser à accepter la municipalisation des services (dans une APC, c’est la commune qui définit les horaires d’ouverture, et qui paie le salaire). Il y a eu ces derniers mois quelques renforts temporaires d’effectifs pour éviter ces fermetures, nous avons vu des directeurs de terrain prendre place derrière le guichet, il fallait bien calmer le jeu. Mais demain ?

La pierre angulaire de notre stratégie réside dans un objectif clairement affirmé : obtenir que les bureaux de poste soient maintenus avec préservation de la qualité de services, et des horaires d’ouverture correspondants aux besoins des usagers. Nous ne nous opposons pas par principe à des diminutions de l’amplitude horaire, si les nouveaux horaires collent avec les disponibilités et les besoins des usagers. Sur ce plan, cela avance très doucement. Deux nouveaux responsables ont été nommés en Isère, les premiers contacts semblent aller dans le bon sens, mais concrètement, sur le terrain, nos demandes que soient mises en place des démarches de co-construction des horaires, par un travail concerté entre la Poste, les élus locaux et les représentants des usagers n’avancent pas. Nous en saurons peut-être plus dans les semaines qui viennent.

Cela dit, nous avons bien conscience des limites de notre action : la mobilisation iséroise ne sera pas suffisante pour remettre en cause les orientations actuelles, et si nous avons noué des contacts avec d’autres départements, ils ne sont que des foyers isolés de mobilisation.

L’un de nos axes d’action est aussi de travailler sur la question des Maisons de Services Publics. A quelles conditions peuvent-elles constituer une alternative crédible à la disparition progressive des services publics, dont le service postal, de nos territoires ? Plutôt que d’entrer dans le débat « pour ou contre les MsaP », c’est cette question qui a motivé l’organisation du forum du 3 octobre dernier à Renage.

Reste un point à aborder : et le juridique, dans tout ça ? Il y a certes des textes qui régissent les pratiques de réorganisation des bureaux de poste, et par lesquels La Poste est tenue de remplir certaines obligations. Lorsque nous constatons un écart flagrant, nous l’indiquons au maire qui trouve là un levier de contestation, qui n’est que temporaire parce que La Poste fait vite pour se remettre dans les clous.

Il y a aussi une Commission Départementale de la Présence Postale Territoriale (CDPPT), mais ses réels pouvoirs sont quasi inexistants. Certes, lorsque nous avons obtenu, il y a quelques années, que cette instance vote à l’unanimité contre le rapport annuel de Présence Postale en Isère, cela a pu avoir un certains retentissement, et a aidé à crédibiliser nos actions, mais pour le reste, tout est bien verrouillé !

Sans anticiper sur les suites du processus amorcé le 3 octobre avec le forum dont nous avons parlé dans ReSPUBLICA (voir ci-dessus), qu’est-ce qui vous paraît atteignable en terme d’objectif et en quoi votre démarche peut-elle contribuer à une rénovation des pratiques militantes ?

Il nous faut d’abord faire le compte-rendu du forum, pour dégager des propositions concrètes vis-à-vis des structures de type Maison des Services Publics. Mesurer aussi le besoin éventuel de la mise en place d’un groupe de travail ouvert, pour aller plus loin dans l’élaboration de ces propositions.
La question que nous pourrons alors nous poser est la suivante : « avons-nous les moyens de transformer ces propositions en exigences ? ». Cela suppose d’avoir une force réelle pour les porter, et les adresser aux « bonnes personnes », c’est-à-dire aux décideurs et aux acteurs potentiels de mobilisation.

Dans la mesure où la décision de mise en place d’une MSP dépend de la signature du maire (ou du président de la communauté de communes), pourquoi ne prendrions-nous pas le même chemin que celui tracé en Isère avec le « communiqué commun des maires » ? C’est une idée, la décision en reviendra au collectif.

Notre démarche pour ce forum a consisté à refuser un positionnement « pour » ou « contre » les MSaP. C’est un type de pratique que nous sommes nombreux à pousser au sein du collectif. Sa composition joue d’ailleurs un grand rôle : les syndicalistes, les élus, et les représentants des comités citoyens d’usagers sont porteurs de cultures militantes assez différentes. Si ces différences peuvent être source de divergences, nous avons du trouver (sans en être forcément conscients au départ !) des modes de régulation permettant d’avancer au consensus. Si on lance un débat entre les « pour » et les « contre » (les MSaP, par exemple), on fige les positions, chacun ayant comme objectif de faire valoir son point de vue, pour convaincre l’autre de la justesse de son propos. Si au contraire, on s’engage ensemble dans une démarche de construction (ici, définir les conditions qui rendraient acceptable une MSP), on agrège les énergies, chacun met sa brique à l’édifice, et on avance, en prenant en compte les différents avis. C’est une réelle force.

Une autre question se pose, à laquelle nous n’avons pas encore eu la force de répondre : comment se situer par rapport aux instances nationales qui œuvrent pour la défense des services publics. Hormis la présence d’une délégation à Guéret en juin dernier, et quelques contacts ponctuels, nous participons trop peu. Pourtant, le processus amorcé à Guéret avec le lancement des Assises pour le Service Public du XXIe siècle nous concerne forcément.

A la lumière de notre expérience de ces derniers mois, deux points me semblent cruciaux et qui d’ailleurs se rejoignent en un seul : nous ne conserverons des services publics que si l’exigence populaire est suffisamment forte. Pour atteindre un tel objectif, il nous faut trouver des réponses à deux questions :
– comment fait-on avec la jeunesse ? Comment lui faire percevoir les enjeux, ce qu’est le bien commun, etc.
– comment faire prendre conscience aux citoyens qu’entre « client » (que la plupart des opérateurs voudraient qu’ils soient) et « usager » (auquel le bon sens humain nous rattache), la différence est substantielle et l’enjeu déterminant ? Si tous les citoyens revendiquent d’être considérés comme des usagers, c’est à dire d’avoir des droits vis-à-vis de leurs besoins, la machine actuelle peut s’enrayer. Une idée : un badge national avec un message du genre « Client ? Non, Usager ! » que chacun mettrait en visibilité chaque fois qu’il entre dans un lieu de service… public, évidemment !

A lire, à voir ou à écouter
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« La laïcité par les textes », une anthologie pour l'éducation populaire

par Zohra Ramdane

 

Pierre Hayat, membre du comité de rédaction de ReSPUBLICA, a réalisé pour le compte de l’Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public (APPEP) une anthologie « La laïcité par les textes » qui prend place dans les ressources en ligne proposée par cette association autour du nouvel Enseignement moral et civique. http://www.appep.net/la-laicite-par-les-textes-anthologie/table-des-matieres

Cette anthologie, comme les autres ressources mises en ligne par l’APPEP, n’est pas à l’usage des seuls professeurs de philosophie mais de l’ensemble des enseignants et  personnels d’éducation. Elle intéressera également les éducateurs populaires.

Alors qu’on cherche souvent ici et là, des textes de base, voici que nous pouvons bénéficier d’un ensemble de textes regroupés en un seul endroit. D’autre part, la pertinence des textes insérés est grande. Enfin, nous avons là un matériau intéressant pour l’éducation populaire.

Voilà pourquoi, je suggère à l’auteur de cette anthologie, d’y ajouter quelques textes. D’abord la circulaire de Jean Zay du 1er juillet 1936, pour faire figurer au même endroit les trois circulaires de Jean Zay de 1936 et 1937. Ensuite, les articles 9.1 et 9.2 de la Cour européenne des droits de l’Homme définissant le cadre de l’application des principes laïques dans l’ensemble des 47 pays contractants de la Convention (dont la Turquie).

D’ores et déjà, voilà déjà une mine d’or pour préparer des initiatives d’éducation populaire pour sortir de la confusion entretenue par les tenants du relativisme culturel.

Courrier des lecteurs
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Quand le ministère de l'Éducation nationale choisit un intervenant qui critique une loi laïque !

par Chloé Ricerca

 

Ce mardi 13 octobre, près de 500 professeurs des écoles de Créteil étaient réunis dans un amphithéâtre de l’Université de Droit de Créteil pour écouter une conférence de Pierre Kahn1, pour présenter les nouveaux programmes d’Enseignement Moral et Civique (EMC) puisqu’il avait été le responsable du groupe d’experts chargés de rédiger ces nouveaux programmes.
Au terme d’une conférence particulièrement ennuyeuse où l’auteur se livrait à un satisfecit permanent de son travail, Pierre Kahn précisa que ce programme n’était pas celui de l’enseignement d’une morale laïque mais que la laïcité n’était qu’un élément de cet enseignement… Pour bien nous faire comprendre sa position, il nous donna comme exemple la situation avant la loi de mars 2004 avec l’avis du Conseil d’État qui « permettait le port des signes religieux à l’école » et la loi de mars 2004 « qui apportait une autre réponse », nous précisant qu’il se sentait plus proche de l’avis du Conseil d’État.

Nous nous apercevons donc que le Ministère a confié la responsabilité de la rédaction des programmes de l’EMC a une personne pour laquelle la laïcité n’est pas LA valeur fondamentale de l’École de la République ! Est-ce étonnant de la part de ceux qui acceptent le financement des lieux de cultes et qui vont s’excuser en Arabie Saoudite que des salariés se battent contre les licenciements ?

  1. Pierre KAHN est professeur des universités en sciences de l’éducation à l’université de Caen Basse-Normandie (ESPÉ). Il est aussi responsable du groupe d’experts chargé auprès du Conseil Supérieur des Programmes de concevoir les nouveaux programmes d’enseignement moral et civique. []


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