n°796 - 15/11/2015
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Chronique d'Evariste

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Contre le total-terrorisme, quelle réponse à gauche ?

par Évariste

 

Le terrorisme islamiste, une nouvelle fois, mais à une échelle sans précédent pour la France, se rappelle à nous. Nous n’avons pas le choix : sans rien oublier de nos autres combats, il faut d’abord prendre la mesure de la menace.

Dans son dernier numéro, ReSPUBLICA avait déjà sonné l’alerte avec la chronique d’Evariste abordant les aspects géopolitiques et en signalant le texte de Didier Hanne « Attentifs ensemble » paru le 8 novembre : « Un effort est indispensable pour que se constitue un rempart intellectuel, militant, citoyen et unitaire contre le terrorisme. Une gauche lucide et déterminée apportant sa pierre, sans rien renier de ses valeurs mais au contraire les défendant contre ce qui les attaque, est indispensable à son édification. Il faut faire face. Nous revient de démontrer qu’on peut penser et agir contre le terrorisme sans glisser à droite. »

Si aujourd’hui il est difficile de faire avec certitude la part du soutien d’une base arrière professionnelle et financière étrangère dans la perpétration des attentats de Saint-Denis et de Paris, et celle des appuis intérieurs, nous devons refuser l’idée que les seules prises de position françaises en matière internationale soient en cause (thèse des « représailles »).

Nous refuserons aussi qu’on renonce à mettre en cause l’industrie française de l’armement. La France est devenue un des plus grands marchands d’armes de la planète, les dirigeants du Grand capital y sont en lien étroit depuis des décennies avec le capital financier des pétro-monarchies du Golfe persique. Ces représentants d’authentiques États islamiques barbares sont reçus avec les égards les plus humiliants par nos gouvernants ; c’est que leurs capitaux sont devenus, depuis la crise financière de 2008, indispensables à la survie d’un capitalisme français archaïque, ce qui fait fermer les yeux sur les délits d’initiés, blanchiment d’argent mafieux, fraudes fiscales, etc., sans oublier le financement et l’encouragement de Daesh, l’ennemi qui nous fait la guerre, par l’Arabie saoudite, l’allié qui achète « nos » avions…

Aucune bataille pour l’émancipation ne peut faire l’économie de la lutte contre le terrorisme islamiste

La République et la démocratie françaises sont attaquées, mais les gauches aussi, et tout particulièrement. Le total-terrorisme islamiste, non réductible à l’Islam ni même aux fondamentalismes musulmans, constitue un projet politique tourné contre l’émancipation des hommes et des femmes et donc contre la gauche de transformation culturelle, sociale et politique. L’histoire des martyrs du djihadisme est longue. Parmi ceux-là, de très nombreux militants de la gauche, de la laïcité et du féminisme.

Mais là, l’ennemi a franchi un cran supplémentaire : ce ne sont plus les athées (Charlie Hebdo), la police (8 janvier 2015) ou les juifs (l’Hypercasher du 9 janvier 2015) mais n’importe qui vivant en France qui est visé. L’idée avait été énoncée par Ben Laden il y a déjà plus de 15 ans : ils veulent créer en France une guerre civile sur des bases religieuses. S’ils y parviennent, c’est la destruction de la gauche politique et sociale dans ce pays. Ces total-terroristes, rois du pétrole (de contrebande) et de vidéos Youtube abjectes, sont des ultra-capitalistes 2.0 d’une efficacité incroyable car ils s’appuient tout à la fois sur les vulnérabilités des démocraties et sur un projet de « civilisation (!) » qui justifie la démesure des actes.

On ne dialogue pas avec une Kalachnikov. Alors oui des mesures « régaliennes » doivent êtres prises, à la hauteur de la guerre que le total-terrorisme nous fait. Bien sûr, il faut que cette lutte se fasse sous la surveillance du droit et des citoyens, des limites doivent être posées, mais en lui assurant enfin une efficacité. De ce point de vue, comment ne pas s’interroger sur l’échec que constituent pour nos services de sécurité les massacres du 13 novembre ?

Mais comment aussi ne pas voir la faillite d’un certain discours gauchiste qui, après s’être soigneusement abstenu de participer aux immenses défilés populaires du 11 janvier, s’est consacré à lutter contre « l’hystérie sécuritaire » ? Pourtant, contre le terrorisme, il n’y avait pas « trop » de sécurité, mais pas assez.

Prévenir et réprimer, oui, mais, nous devons aussi mener la bataille de l’opinion, débattre avec les citoyens, rassembler le plus largement possible, faire converger les forces progressistes pour une réponse commune au nouveau terrorisme. Nous devons le faire avec la grande majorité des musulmans attachés aux principes républicains malheureusement bafoués tous les jours par nos dirigeants depuis des décennies, notamment en faisant la chasse à tous les actes anti-musulmans.

La gauche doit exister dans le combat antiterroriste

Comparer la situation de ce jour à celle de l’« après-Charlie », c’est d’abord montrer l’échec patent de la direction politique de notre pays qui n’a pas pris la mesure des enjeux de la situation ouverte par les massacres de janvier 2015. Le trio adulé des médias néolibéraux (Hollande-Valls-Macron, Sarkozy-Fillon-Juppé-Ciotti, la machine de Marine le Pen) a pu continuer ses conflits picrocholins pour s’assurer les parts d’audience.

La gauche ne peut disparaître dans une « union nationale » sans contenu. Elle doit féconder d’un contenu progressiste le combat antiterroriste. Le Front de gauche, en particulier, doit s’occuper de cette question, qui ne saurait être abandonnée au gouvernement. Il doit prendre des initiatives, de réflexions et d’actions. A Paris et en province. Dire clairement qu’il va nous falloir lutter en même temps contre le capitalisme, contre le communautarisme et contre l’intégrisme. Ouvrir les yeux de ceux qui, encore, s’acharnent à croire que le terrorisme est un « fantasme », alors qu’il constitue un danger mortel immédiat, ou qui s’imaginent qu’il dépérira tout seul, sous l’effet de politiques sociales, alors que les causes (au demeurant multiples et complexes) ne sauraient disparaître en un jour.

Non à l’attentisme, non à l’esquive : si on continue comme cela, ce sera comme à la fin de la IVe République, mais en plus grave : un coup de massue électoral en 2017 et/ou un coup d’Etat institutionnel mettant au pouvoir la machine Le Pen alliée à une partie de la droite traditionnelle, pour le pire assuré.

La résistance aux politiques socio-libérales continue, n’en déplaise à Hollande-Valls-Macron qui accélèrent le cours des réformes destructrices contre nos acquis sociaux. Mais cette résistance ne saurait servir d’excuse pour éviter d’aborder de front les questions spécifiques que nous pose le total-terrorisme. Nos outils d’éducation populaire1 sont là pour nous aider dans cette tâche. Que des structures de base des organisations associatives, syndicales, mutualistes et politiques prennent au sérieux cette période en donnant comme thème à leurs initiatives d’éducation populaire ce qu’ils ont longtemps considéré comme des sujets tabous qui divisaient leurs bases.

ReSPUBLICA, à la mesure de ses forces, s’investira dans ce combat. Hasta la victoria siempre (jusqu’à la victoire finale) !

  1. Ne jamais hésiter à contacter le Réseau Education Populaire (www.reseaueducationpopulaire.info) pour utiliser ses outils et voir nos livres sur http://www.gaucherepublicaine.org/librairie []
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Changer de cap

par Julio Rodriguez

 

Article original :
http://politica.elpais.com/politica/2015/11/14/actualidad/1447531737_149008.html

Toute stratégie doit être révisée en permanence en fonction des menaces émergentes. À la lumière des attentats cruels et tragiques de ce vendredi à Paris, nous avons la responsabilité de repenser les stratégies de sécurité qui, depuis 2001, sont appliquées à la lutte contre le terrorisme.
Face à ce défi, de bien peu servent les formules grandiloquentes. Pour garantir la sécurité de ses citoyens, l’Europe a besoin d’une nouvelle approche qui dépasse la stratégie belliciste que Bush baptisa « guerre contre la terreur » – stratégie dont on peut voir depuis longtemps l’échec retentissant.
Si nous utilisons l’expression « lutte contre le terrorisme » au lieu de « guerre », c’est parce que les guerres sont des conflits entre Armées dans lesquels l’issue est soit la victoire soit la défaite. Nous ne pouvons ni perdre contre le terrorisme ni non plus le vaincre par des moyens exclusivement militaires.
Les stratégies de sécurité, au contraire, doivent porter sur les racines du terrorisme et les sources qui l’alimentent, en privilégiant les moyens policiers et la coordination entre services secrets, ainsi que le contrôle exhaustif des circuits financiers afin d’éviter le financement de groupes terroristes. Ces objectifs sont déjà inscrits dans les documents stratégiques, mais ils serviront de peu s’ils ne sont pas accompagnés d’une approche globale intégrant les moyens politiques, diplomatiques et de coopération appropriés.
Pour améliorer la sécurité en Europe, la première tâche est la recherche de solutions politiques aux conflits de sa périphérie, tant ceux qui sont enkystés depuis des décennies que ceux qui se sont aggravés dans une étape récente, devenant un terrain fertile et une inspiration pour la radicalisation et le recrutement d’un nouveau type de terroristes. Mais il faut aussi combattre les inégalités et l’exclusion sociale aux périphéries urbaines européennes, d’où souvent proviennent ces nouveaux terroristes.
Les menaces transnationales ne peuvent être affrontées qu’avec des structures supranationales. Les attentats brutaux de Paris rendent encore plus aigüe la nécessité que l’Union européenne, en tant que principale structure de coordination des politiques entre ses États membres, prenne la tête du changement d’approche sur le terrain de la sécurité, en impulsant une réponse conjointe et intégrale à la menace terroriste. Il s’agit donc d’avancer vers une politique de sécurité européenne digne de ce nom, qui intègre des avancées dans la coordination policière, la révision des relations diplomatiques et commerciales avec les pays qui continuent à abriter le financement des groupes radicaux, la promotion de politiques de construction de la paix dans les États voisins.
L’autoproclamé « État islamique » est un problème incontournable, mais sa solution ne saurait être uniquement militaire. Aucune politique de sécurité ne peut, à elle seule, réduire à zéro le risque de nouveaux attentats. Mais nous pouvons commencer à changer de cap pour cesser d’alimenter un monstre qui, sans être en mesure de nous vaincre, a déjà fait que nous mettions en question les valeurs fondamentales de l’Europe : la paix, la démocratie, la garantie des droits de l’Homme.

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A la France des lumières de se défendre

par Mohand Bakir

 

Paris endeuillée. Une cohorte de victimes innocentes que leurs assassins voudraient les apôtres du vice et de la luxure. Des attentats coordonnés pour viser des terrasses de cafés et des lieux de spectacle. Une horreur qui cherche à atteindre l’humanité, à l’annihiler.

Il importe peu pour l’opinion de décortiquer le mode opératif des groupes terroristes. Des services spécialisés s’en occupent de façon prospective, d’où leurs capacités d’anticipation et de réactivité. Non, ce qui importe, ce qui doit importer, ce sont les logiques et stratégies des commanditaires et mentors de ces réseaux et groupuscules terroristes.

Derrière les desperados qui deviennent des bras armés, voire des corps piégés il y a des illuminés adeptes d’un obscurantisme religieux guerrier et conquérant. L’intégrisme salafiste dans la diversité de ses factions, Aqmi, Al Qaida, Isis, Boko Haram,… nourrit la haine de la raison, de la liberté et de l’humain. Variantes d’un projet théocratique, ils cultivent la même haine de la République et de la démocratie. Croire à la justification des attaques contre la France au prétexte de l’agression de la Syrie serait une naïve méprise. Le jihadisme islamiste trouve dans les prétentions hégémoniques occidentales un justificatif utile à son propre bellicisme qui, lui, est dirigé contre la modernité.

Il ne faut pas s’y tromper. Ce n’est pas la France interventionniste au Sahel et au Moyen-Orient, amie des potentats du Golfe et des petits régents du Sud, qui serait visée par l’islamisme. C’est la France des lumières, de la grande Révolution, la France des philosophes et des libres penseurs, la France du projet républicain laïque que les foudres islamistes visent.

Les obscurantistes par leur stratégie pensent pouvoir provoquer la stigmatisation des Français de confession musulmane dans l’optique de chercher à en en faire un potentiel cheval de Troie. Ils cherchent à créer une cassure au sein de la société française, à y provoquer une guerre civile. C’est dans la force des lumières que justement l’Etat français devrait chercher les armes de cette guerre : la raison, la culture, le savoir, la laïcité, la démocratie et la République. C’est dans cette direction qu’il faut s’orienter, loin des stigmatisations, des réactions primaires et des clichés dangereux.



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