n°864 - 24/01/2018
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Il faut une opposition plus franche et plus argumentée au macronisme

par Évariste

 

2017 a permis au mouvement réformateur néolibéral de radicaliser ses attaques anti-sociales face à une opposition syndicale qui combat encore avec les armes d’hier alors que le président Macron a franchi un nouveau stade dans la lutte des classes. Ras le bol de la succession des manifestations saute-moutons sans préparation au sein du peuple. Ce mode de fonctionnement a montré que cela démobilisait les travailleurs. Ras-le-bol de voir que le mouvement syndical revendicatif est insuffisamment structuré et préparé en structures territoriales interprofessionnelles (UL et UD) alors que de nombreuses attaques depuis des années concernent l’interprofessionnel (retraites, assurance-maladie, branche famille, lois travail, formation professionnelle, assurance-chômage, etc.). Combien de réunions publiques ouvertes aux travailleurs ont été organisées pour expliquer au plus grand nombre les conséquences des ordonnances Macron ? Trop peu bien sûr ! Cette question est-elle taboue ?

L’abandon du projet d’aéroport à Notre Dame des Landes, qui constituait une aberration écologique et économique, montre comment une lutte peut être victorieuse si elle est suivie dans le temps (50 ans !) et qu’elle s’accompagne d’un travail opiniâtre d’explication permettant une mobilisation significative dans la région et dans le pays.

Ainsi, comment va-t-on s’opposer à l’action du « Comité Action publique 2022 » qui vise à détruire encore plus les services publics en détruisant 120.000 emplois de fonctionnaires ? La mobilisation de la fonction publique ne suffira pas, on le sait d’avance ! Aujourd’hui, il s’agit de mobiliser principalement les usagers des services publics et les assurés sociaux et pas seulement les syndicats de la fonction publique. Car si on continue à « faire comme d’hab », la défaite est assurée.

Comment va-t-on s’opposer sérieusement à la nouvelle attaque contre le système de retraites. Le dispositif Macron, gérant du capital, vient d’avancer de 6 mois son offensive. Il l’a déclaré lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour des comptes. Cela veut dire qu’il pense que l’opposition n’est pas en ordre de marche pour pouvoir s’opposer de façon efficace et propulsive. Tout cela va toucher les régimes spéciaux et complémentaires,les droits familiaux, les pensions de réversion, le minimum vieillesse et tous les autres mécanismes de solidarité pour nous amener sur un système dit universel de comptes notionnels. Suffira-t-il de dire que ce n’est pas bon pour les travailleurs et faire quelques meetings dans l’entre soi militant? Où sont les dispositifs d’explication, le millier de réunions publiques nécessaire pour permettre que tous soient à égalité d’expertise et la campagne d’éducation populaire refondée pour développer la puissance d’agir du peuple ?

La politique contre les migrants devient de plus en plus ignoble. Va-t-on faire comme si cela n’existait pas ? Oui, la tribune de Yann Moix1 remet les pendules à l’heure. Et on doit remettre en cause les ordres données aux policiers mais aussi les lois d’immigration et de la nationalité qui permette ces atrocités sur notre territoire. Là, aussi, il faut lier les luttes sociales et politiques à une campagne d’éducation populaire refondée.

Va-t-on, au moment où la baisse des prestations de la protection sociale s’accélère, continuer à financer, au mépris de la loi de 1905, de plus en plus sur fonds publics la construction des lieux de culte de l’ensemble des structures religieuses à commencer par celle qui en bénéficie le plus, c’est-à-dire l’église catholique ? Aujourd’hui, il y a plus d’argent par tête d’élève dans les écoles privées confessionnelles que dans les écoles publiques. Et le gouvernement Macron a enlevé en décembre 2017 10 millions nécessaires à l’école publique pour financer les écoles privées confessionnelles ! Sans compter tous les projets anti-laïques du gouvernement pour continuer à détricoter la loi de 1905. Va-t-on accepter longtemps la division du peuple organisée par les trois dérives à la laïcité à savoir la laïcité usurpée de l’extrême droite, la laïcité d’imposture des communautaristes de gauche et d’extrême gauche (et au sein de ceux-ci ceux qui, en plus, pratiquent le racisme inversé en ménageant l’islamisme politique) sans oublier la dérive néo-concordataire du macronisme2?

Pas de souveraineté du peuple et pas de fédération du peuple sans une clarté laïque. Il faut en finir avec le relativisme culturel, directement lié au mouvement réformateur néolibéral, qui dénature tous les principes républicains. Ce mouvement réformateur néolibéral étant la réponse de l’oligarchie capitaliste à la crise du capital lui-même pour rester dans le capitalisme !

D’une façon générale, le combat des gauches a été forgé dans la phase précédente du capitalisme pour le partage des gains de productivité (le fameux grain à moudre !). C’est comme Capri, c’est fini. L’oligarchie capitaliste a besoin de l’ensemble des gains de productivité pour maintenir des taux de profits élevés ce qui est la base du capitalisme. Voilà pourquoi les appareils deviennent de plus en plus inefficaces et donc inaudibles. Aujourd’hui, toute réforme progressiste demande d’intégrer tous les combats dans une perspective de changement de système pas seulement politique mais aussi économique et culturel. Mais en recréant les liens sociaux et politiques perdus par l’ensemble des gauches. Et ce sera de longue haleine donc c’est aux militants plus jeunes de se préparer à cette bataille.
C’est bien à une révolution holistique qu’il faut se préparer. Et donc avec toute une série de ruptures. Oui, il faut une nouvelle rupture démocratique (qui ne s’arrête pas à la porte de l’entreprise par exemple), une nouvelle rupture laïque liée à un anti-racisme radical et universel3, une nouvelle rupture sociale, une nouvelle rupture énergétique et écologique, une nouvelle rupture féministe, qui débouchent sur des nouvelles exigences : voilà le projet de la République sociale ! Il est temps de reprendre le flambeau de la révolution de 1848, de la Commune de Paris, des grandes lois de la période d’avant première guerre mondiale, du Front populaire, du programme du conseil national de la Résistance pour porter enfin la République sociale jusqu’au bout !

 

 

 

  1. http://www.liberation.fr/debats/2018/01/21/monsieur-le-president-vous-avez-instaure-a-calais-un-protocole-de-la-bavure_1624132 []
  2. voir www.combatlaiquecombatsocial.net []
  3. qui s’oppose à toutes les formes de racisme d’où qu’ils viennent : de l’extrême droite aux « indigènistes » du racisme inversé en passant par tous les racismes intolérables de la vie quotidienne []
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Initiatives laïques d’éducation populaire refondée en milieu populaire

par Bernard Teper

 

Nous avons, à de nombreuses reprises, développé les conditions d’une résistance populaire à la hauteur des enjeux. L’une d’entre elles réside dans la reconstruction du lien social et politique entre le mouvement social et politique et les couches populaires ouvrières et employées.

Ce point est tabou. Comme si l’une des raisons de l’échec permanent des résistances syndicales et politiques n’étaient pas la rupture déjà ancienne de ce lien. En 81, François Mitterrand est élu président de la République avec près de 80% des voix ouvrières et employées. Ce vote massif fut l’une des conditions de la victoire. Aujourd’hui, les ouvriers et les employés représentent sur le plan objectif 53% de la population française, mais plus de 60% d’entre-eux s’abstiennent aux élections politiques. La réalité est qu’une large majorité des membres de ces couches sociales ne se reconnaissent pas subjectivement comme ouvriers et employés et elles ne peuvent donc pas passer d’une classe en soi à une classe pour soi.

Et il faut justement résoudre le problème que pose cette réalité, sans quoi le mouvement réformateur néolibéral a de beaux jours devant lui. Cette réalité explique en partie que le mouvement de résistance aux ordonnances Macron a été bien plus faible que lors d’autres mobilisations, alors que ce fut pourtant là une attaque bien plus anti-sociale que les attaques précédentes.

Si on accepte que les consultations électorales ne fassent débat qu’avec les couches moyennes qui ne représentent objectivement que 39% de la population française et seulement 40% des couches populaires ouvrières et employées, autant croire au père Noël en matière d’alternative. Aujourd’hui, les députés de la FI et du PC comptent pour moins de 5% du nombre de députés de l’Assemblée nationale ! Le plus faible score de l’histoire de France !
Après l’échec de la gauche de la gauche (Front de gauche), largement altermondialisé, qui avait du mal à admettre la lutte des classes (pourtant affirmée par l’une des plus grandes fortunes du monde, Warren Buffet : « Bien sur que la lutte de classes existe, et c’est la classe des riches qui est en train de la gagner »), une partie de l’ex-Front de gauche a adopté une stratégie populiste de gauche en constituant la FI, qui, si elle a fait à la présidentielle un score bien supérieur à la gauche de gouvernement, a révélé aux législatives sa faiblesse sur une élection par circonscription, due à son manque d’implantation.

Retisser du lien social et politique avec des couches sociales qui ont été déçues et abandonnées par la gauche néolibérale mais aussi par la gauche de la gauche est bien sûr une œuvre de longue durée. C’est le travail d’une gauche de gauche qui doit tourner la page de la gauche de la gauche comme nous l’avons dit à de nombreuses reprises dans ce journal. Cela ne peut donc intéresser que des militants et responsables politiques et syndicaux plus jeunes et capables de penser une stratégie de retissage des liens sociaux et politiques avec ceux qui ont le plus intérêt à la transformation sociale et politique et qui sont le plus grand nombre.

Bien sûr, cela doit se faire d’une part, par des luttes sociales et, d’autre part, par une campagne d’éducation populaire refondée pour gagner la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle, sans laquelle il ne peut pas y avoir de processus révolutionnaire aujourd’hui nécessaire pour empêcher le mouvement réformateur néolibéral d’avancer.

Bien sûr, cela ne se fait pas par l’éducation populaire d’organisations naguère d’éducation populaire et qui confondent aujourd’hui éducation populaire et vente de produits culturels de consommation.

Refonder l’éducation populaire

Voilà pourquoi il faut refonder l’éducation populaire. De nombreuses organisations, depuis 1998, ont engagé ce processus de refondation, mais elles sont encore trop peu nombreuses et surtout elles fonctionnent sur des bases altercapitalistes, voire sont adeptes des pensées magiques (comme le revenu universel par exemple).

Pour nous l’éducation populaire refondée est une activité culturelle qui vise à la transformation sociale et politique aux fins que tous les travailleurs et tous les citoyens soient acteurs et auteurs de leur propre vie. Cela ne consiste donc pas à vendre des produits de consommation socio-culturels ! Il s’agit de l’émancipation, de la conscientisation et de l’augmentation de la puissance d’agir face au système.

De plus, il convient de comprendre qu’aujourd’hui les couches populaires ouvrières et employées ne se trouvent plus majoritairement dans les quartiers populaires des banlieues des métropoles. S’il y reste encore une forte minorité de ces couches, elles sont de plus en plus dans les zones périurbaines et rurales. Et cela change tout dans la manière de militer.

D’autant que le contact avec ces couches sociales ne peut pas s’établir sans des médiateurs vivant sur le même territoire qu’elles. Voilà pourquoi la « méthode Alinsky » ne peut pas fonctionner sans prioriser la légitimation de ces médiateurs. Les arrivées sporadiques de militants des couches moyennes supérieures ne vivant pas dans les mêmes quartiers que les couches ouvrières et employées peuvent être bien reçues mais sans convaincre.

Encore faut-il ne pas diviser le peuple de ces quartiers par des pratiques communautaristes, qui sont malheureusement celles de certains milieux de la gauche de la gauche. Car c’est avec des pratiques laïques doublées d’un anti-racisme radical que l’on unifie et fédère le peuple.

Heureusement, des groupes d’intervention pratiquent des cycles de cinés-débats sur des films engagés dans les banlieues des villes centres, dans les quartiers des zones périurbaines, et même en passant de commune en commune en zones rurales dans le cadre de festivals.

Formés par des UL syndicales, des associations, des organisations politiques et même par des comités d’action mutualistes créés par des mutuelles résistances et en nombre hélas encore trop faible, ces groupes d’intervention proposent aussi d’indispensables formations longues, des conférences publiques, des décryptages précis des politiques d’austérité (comme l’explicitation des ordonnances Macron, que trop d’organisations syndicales et politiques ont largement « oublié » de faire).
Ils font aussi des propositions alternatives, aujourd’hui nécessairement liées à une perspective anticapitaliste de type République sociale (et non 5ème République, qui a oublié d’être républicaine), sur l’histoire, sur la laïcité, sur la sécurité sociale, sur l’école, sur les services publics, sur l’économie, la transition énergétique et écologique, la démocratie, les actes de la décentralisation pour dénoncer Action publique 2022 qui veut casser les services publics, etc., mais aussi des lectures–spectacles engagées, des conférences populaires sans conférenciers, du théâtre-forum. Un mélange de formes ascendantes et descendantes réparties régulièrement dans l’année. Et toujours liées aux luttes sociales et syndicales bien sûr. Une articulation dialectique en somme.

Heureusement, des centres de ressources fournissent à ces groupes d’intervention des intervenants et des comédiens : par exemple le Réseau Éducation Populaire avec plusieurs centaines d’interventions par an, mais il y en existe bien d’autres qui pratiquent en milieu populaire l’éducation populaire refondée.

À noter que les luttes syndicales aujourd’hui demandent un renforcement des structures territoriales interprofessionnelles comme les Unions locales malheureusement trop peu développées, renforcement sans lequel la riposte aux attaques contre les services publics ou la protection sociale, ou sur les conditions de travail, de type ordonnances Macron, sera inopérante. Oui, il faut revenir au développement de ce que nos aînés appelaient des Bourses du travail avant leur fusion avec les syndicats professionnels.

Voilà un chantier que l’on vous propose. N’hésitez pas à nous écrire, à nous proposer vos idées ! Nous vous présenterons les actions d’éducation populaire refondée en milieu populaire que nous réalisons ici et là.

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Le culot de Nicolas Hulot

par Michel Marchand

 

Le 8 novembre dernier, après la décision de surseoir à la fermeture des centrales nucléaires, le Midi Libre posait la question : Nicolas est-il crédible et à 59% les sondés répondaient « non ». Un mois plus tard, le 11 décembre, à la veille du Sommet de la finance internationale convoqué par Emmanuel Macron pour discourir, notamment avec le groupe dit des « philanthropes » (Richard Branson, Bill Gates) de l’avenir de la planète, Nicolas Hulot se prêtait aux questions des auditeurs de France Inter et se trouva affublé par l’un d’entre eux du qualificatif d’écolo-traître. Pour se soustraire à cette marque infamante, il reprit la célèbre phrase de Kennedy prononcé le 20 janvier 1961 « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez ce que vous pouvez-faire pour votre pays ». Trois semaines plus tard, la même phrase était reprise in extenso par Emmanuel Macron pour prononcer ses vœux de fin d’année. Ainsi fonctionne la communication gouvernementale, choix des mots, choix des phrases à prononcer in repetita dans différents contextes comme celle-ci « notre main ne doit pas trembler » pour ouvrir la chasse aux faux chômeurs (Muriel Pénicaud, ministre du travail) ou pour l’évacuation de la ZAD de Notre Dame des Landes (Benjamin Griveaux, porte parole du gouvernement).

Par-delà la stratégie de communication, peut-on considérer Nicolas Hulot comme un écolo-traître ? L’accusation suscite une première interrogation, traître à qui, à quoi ? Pour être traître, il faut avoir quitté ou trahi son camp. Mais de quel camp s’agit-il ? Sans doute pas celui de l’écologie. L’engagement écologique de Nicolas Hulot ne peut être mis en doute en tant que tel. Mais l’écologie présente de multiples facettes : l’écologie fondamentale (« deep ecology ») qui place l’humain comme une espèce parmi les autres espèces du monde vivant, l’écologie libérale qui s’accommode parfaitement d’un capitalisme vert, du marché carbone, du libre échange, une écologie qui appelle à la décroissance, une écologie qui trouve son inspiration dans les textes sacrés de la création, une écologie qui s’inscrit dans la logique de la construction européenne et appelle à une gouvernance mondiale, une écologie républicaine qui lie intimement la question écologique à la question sociale. Laissons à chacun le soin de choisir dans quel camp Nicolas Hulot se range, ceci sans mettre en doute la sincérité de son engagement.

Serait-il alors le traître à une classe sociale dont il se réclamerait ? Nicolas Hulot n’a jamais associé le combat écologique et le combat social, sinon en limitant ses propos à des considérations générales. Il n’est pas surprenant qu’il se range politiquement dans l’écologie de la finance, dans l’écologie mondialisée des riches, dans une écologie qui s’intéresse au climat, à la biodiversité mais si peu à l’organisation de la vie sociale, à la réduction des inégalités, aux dégâts du productivisme, aux effets délétères écologiques et sociaux du libre échange, aux flux migratoires qui met sur les routes du monde 66 millions de migrants équivalent à l’ensemble de la population française. Nicolas Hulot ne serait-il au fond que l’écolo des riches au sein du gouvernement d’Emmanuel Macron, président des riches, sa fortune personnelle et le nombre de ses voitures (dont il se justifie par ailleurs avec une sincérité confondante) semblerait l’attester. L’homme, belle caution ou belle vitrine gouvernementale, peut être toutefois imprévisible et pour parer à tout dérapage, il se retrouve malgré tout flanquer de deux secrétaires d’État au profil bien peu écologique, Brune Poirson, ancienne directrice de Veolia œuvrant à la privatisation de l’eau à Dehli et Sébastien Lecornu, un proche de Bruno Le Maire connu pour beaucoup de choses dans l’Eure, son département, mais sans intérêt connu pour les questions environnementales.

Prenons au mot Nicolas Hulot « que puis-je faire pour mon pays ? » pour lutter contre la crise écologique qui semble tout emporter comme le signalait l’appel de 15 000 scientifiques, à la veille de la COP 23, sur l’état de la planète et sur le fait qu’il sera « bientôt trop tard pour agir ». En premier leu, affirmer en toute occasion que l’écologie et le social ne peuvent être dissociés. Affirmer que nous ne pouvons prélever plus de ressources naturelles que la planète ne peut en fournir et de produire plus de déchets que l’écosystème ne peut en absorber, concept appelé « empreinte écologique » traduit politiquement par celui de « la règle verte » de la France Insoumise. Ces deux affirmations conduisent à changer nos modes de production (productivisme), d’échange (libre échange), de consommation (consumérisme) et à réduire les inégalités du fait que tout appel à la relance de nouvelles politiques de croissance est un leurre fondamental. Face à ce constat, faut-il se taire après les Ordonnances Macron sur le travail qui donnent au patronat les clés pipées du dialogue social ? Faut-il se taire après l’abrogation de l’ISF ? Faut-il se taire sur le projet d’une société hiérarchisée par les « premiers de cordée » et structurée par le « ruissellement » des plus riches, une société qui se définit par le chômage de masse, la précarité de l’emploi, la précarité des revenus, une société où les chômeurs sont qualifiés de fainéants, d’immobiles, de « rien », une société inégalitaire protégeant les riches qui détruisent la planète comme l’analyse finement Hervé Kempf dans son ouvrage paru en 2007 « Comment les riches détruisent la planète » mais qui garde toute son actualité. Un tel constat, Nicolas Hulot peut difficilement l’entendre, faisant partie de cette caste qui refuse de faire descendre le débat écologique au sein de la cité et résoudre des questions de base.
Le travail est l’activité humaine qui permet à l’humanité de perdurer. Il s’agit d’un processus social reliant non seulement les humains entre eux, mais aussi les humains à la nature. Le chômage de masse dans la société est la conséquence d’une désindustrialisation provoquée par les fondamentaux de l’économie néo-libérale (libre circulation des capitaux, délocalisations), mais aussi d’une volonté du politique de séparer le progrès économique du progrès social : les cotisations sociales sont considérées par le patronat comme une « charge » et les salaires comme un « coût », séparation qui remet en cause des différentes formes de solidarité qui structurent le système français de protection sociale. Un emploi industriel génère trois à douze emplois indirects dans les services. Ce constat est fondamental pour répondre au slogan « l’avenir, ce sont les services » qui nie la réalité que c’est l’industrie qui crée les services et non l’inverse. On assiste depuis plus de trente ans à un processus de désindustrialisation de la France qui se traduit par une perte de souveraineté dans les secteurs clés de l’économie et amplifie le chômage de masse dans le pays. Le déclin industriel s’est traduit en France par une perte sèche en dix ans de plus d’un million d’emplois. La part de l’emploi industriel est passé de 24% à 13% entre trente ans (1980 à 2008) et la part du secteur industriel dans le PIB a enregistré une chute de 50% en 40 ans (1970 à 2011) ! L’industrie est un secteur indispensable pour la souveraineté économique et l’autonomie démocratique d’un pays. Cette exigence semble avoir échappé à nos dirigeants politiques de droite et de la social-démocratie et à nos élites des grands corps de l’État. La relocalisation des activités industrielles en France est par conséquent un enjeu politique essentiel pour la souveraineté du pays. Comment intégrer une politique de redressement national au niveau de la désindustrialisation subie en prenant en compte les contraintes imposées par la crise écologique ? L’ouvrage de Boris Bilia et Sandro Poli « Osons le protectionnisme. Une urgence sociale et écologique » peut inspirer un champ de réflexion. Voilà des éléments qui font débat, intégrant la place de l’industrie dans la politique nationale, le lien avec les politiques de protection sociale et les contraintes écologiques.
La crise écologique entraîne une explosion des maladies chroniques. Pour aborder la question de la santé humaine et de sa protection, les institutions de la Sécurité sociale ne peuvent aujourd’hui faire l’impasse sur la réalité de la crise écologique. Deux arguments souvent entendus mettent en opposition crise écologique et protection sociale. Le premier argument postule que la croissance est nécessaire au financement de la Sécurité sociale, croissance au sens de valeur économique ; or cette même croissance se trouve être l’une des causes de la dégradation écologique. D’où cette question : que peut être une Sécurité sociale dans une société sans croissance ? Le second argument postule que la Sécurité sociale est une « charge sociale ». Elle est donc présentée comme une dépense qu’il s’agirait de réduire au nom de la compétition économique. Dans ce contexte et pour résoudre le dilemme environnemental, certaines propositions sont en faveur de mesures fiscales vertes du type « écotaxe » afin de réduire les émissions polluantes et en même temps d’une diminution des cotisations sociales pour favoriser l’emploi et la compétitivité. En d’autres termes, la contrainte écologique sommerait les travailleurs à réduire leur « coût » social. Plutôt que céder à l’idée d’une impasse, avançons l’idée que Sécurité sociale peut rimer avec écologie, en sachant qu’une telle proposition soulève un large débat de société1.

Que puis-je faire pour mon pays ? Voilà quelques propositions à débattre et certainement pas d’accepter les politiques de communication de Nicolas Hulot et d’Emmanuel Macron sur l’engagement de la finance internationale pour le climat, sur l’arrêt de l’exploitation des hydrocarbures alors que celle-ci ne représente que 1% de la consommation nationale, sur l’ignorance assumée par nos dirigeants politiques que les stratégies climatiques des multinationales françaises du CAC402 conduisent à un réchauffement de 5,5°C et non de 2°C comme s’y est engagé la COP 21.

Quelques références :
Bilia B. & Poli S. (2014) Osons le protectionnisme. Une urgence sociale et écologique. Ed. Bruno Leprince.
Escaffre J.P. & Favier R. (2017) La France se délite : Réagissons. Ed. Hdiffusion.
Kempf H. (2007) Comment les riches détruisent la planète. Ed. Seuil
Mélenchon J.L. (2012) La règle verte. Pour l’éco-socialisme. Ed. Bruno Leprince
Nobile O. & Teper B. (2014) Pour en finir avec le trou de la Sécu, repenser la protection sociale au XXIe siècle. Ed. Eric Jamet
Teper B. & Nicolas P. (2014) Penser la République Sociale pour le XXIe siècle. I- De la cité à l’atelier. II- Du salariat aux travailleurs associés. Ed. Eric Jame

  1. M. Marchand & B. Teper (2016) L’avenir de la Sécurité sociale rime avec l’écologie. Respublica, n° 815, 2 juin 2016 []
  2. G. Menahem (2017) Les stratégies climatiques des multinationales du CAC40. Respublica, n° 860, 23 décembre 2017 []
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Les sentinelles

par Philippe Champigny

 

Ce documentaire de Pierre Pezerat est intéressant à plus d’un titre. Pierre Pezerat est le fils d’Henri Pezerat. Si ce nom ne vous dit rien, alors que le collectif anti-amiante de la faculté de Jussieu vous parlera plus.

Au travers des luttes et des rencontres qu’a faites Henri Pezerat, nous découvrons aussi bien des ouvrières et des ouvriers d’ETERNIT, victimes de l’amiante ; des paysans victimes des pesticides de MOSANTO et des salariés de TRISKALIA intoxiqués par BAYER. Qu’ils soient ouvriers CGT, paysans de droite ou salariés syndiqués à SOLIDAIRES, ils ont dû tous se battre contre les manipulations des lobbys patronaux, la complicité passive et l’ignorance de certains médecins et des pouvoirs publics.

Film émouvant à travers les témoignages, mais aussi porteur de colères et de révoltes collectives et populaires. Ce film est un très bon support aussi bien à des formations syndicales qu’à des débats citoyens. Les projections peuvent être accompagnées d’un débat. Il suffit de prendre contact avec le Réseau Éducation Populaire.

En complément, on peut aussi lire 2 livres :
LE ROUNDUP FACE A SES JUGES de Marie-Monique ROBIN. La découvertes-Arte Editions, 2017.
UN PAYSAN CONTRE MOSANTO par Paul François (qui est présent dans le documentaire LES SENTINELLES) et Anne-Laure BARRET ; éditions Fayard, 2017.

25 Nivôse An CCXXVI

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À propos du Rojava kurde syrien

Retour sur le n°863 de ReSPUBLICA

par ReSPUBLICA

 

Reçu de Leslie O’Cankly


J’ai lu avec grand intérêt votre dernier éditorial : Comprendre le Rojava kurde syrien et je vous propose la critique suivante :

Un autre futur pour le Kurdistan ? : Municipalisme libertaire et confédéralisme démocratique par Pierre Bance
Dans la presse, chez les militants de gauche ou les politologues, on parle beaucoup des exploits des combattants et combattantes kurdes. Pourquoi réussissent-ils, là où les autres échouent ? Parce qu’au-delà de la défense de leur identité, une idée nouvelle leur fait espérer un autre futur : le confédéralisme démocratique. Et de cela, on n’en parle pas.
Au début des années 2000, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) abandonne le marxisme-léninisme et son ambition de construire un État-nation kurde. Il adopte alors l’idée et la stratégie du confédéralisme démocratique pensé par son leader, Abdullah Öcalan, lui-même fortement influencé par le municipalisme libertaire du philosophe américain anarchiste Murray Bookchin qui place l’écologie sociale comme moteur de la révolution. Les organisations de la société civile (associations, syndicats, coopératives, communautés ethniques et religieuses, partis…) se mettent en réseau sans que leur stratégie n’exclue la conquête de municipalités et l’élection de parlementaires. Le but est de marginaliser l’État et finir par le rendre inutile, tout comme le capitalisme. Le confédéralisme démocratique ne se limite pas au Kurdistan, il a une vocation universelle.
En Turquie, le PKK souhaitait abandonner la lutte armée pour se consacrer à la fédération, déjà bien engagée, des communautés kurdes dans le cadre d’une nouvelle constitution turque. Le processus de paix ayant été rompu en 2015 par le gouvernement turc, une lutte acharnée se poursuit sur les terrains militaire, social et politique.
Au Nord de la Syrie, le Rojava, sous contrôle du Parti de l’union démocratique (PYD), s’organise selon l’autonomie démocratique, phase préalable au confédéralisme démocratique. Un « gouvernement » appelé auto-administration démocratique assure la gestion de la région. Ce pouvoir se dissoudra-t-il dans la société civile confédérée ou maintiendra-t-il un État ? Dit autrement, le fédéralisme libertaire sera-t-il assez fort pour vaincre le fédéralisme politique mis en place et justifié par la conduite d’une guerre incertaine ?
Tout n’est pas parfait au Rojava, l’État n’a pas disparu, la démocratie directe est loin d’être générale, et le fédéralisme libertaire des communes auto-administrées balbutie. Cependant, trouve-t-on ailleurs une telle volonté radicale de changement dans un contexte politique, culturel et militaire si peu propice ? La révolution ne se fait pas en un jour, alors pourquoi douter que les Kurdes parviennent à construire un autre futur d’émancipation ? Leur expérience est un exemple, non un modèle, pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le mouvement social.

Pierre Bance, docteur d’État en droit, a été directeur des éditions Droit et Société de 1985 à 2008. Anarchiste et syndicaliste, ses derniers travaux sont publiés sur le site Autre futur.net (http://www.autrefutur.net/).
Un autre futur pour le Kurdistan ? : municipalisme libertaire et confédéralisme démocratique par Pierre Bance. Noir et rouge, 2017. 399 pages. 20 euros.

Je vous salue avec amour au nom de l’anarchie.



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