Mode d'emploi

Soutenir et financer

Bien que le journal électronique soit rédigé par des contributeurs non rémunérés, nous devons faire face à des frais (notamment informatique). C'est pour cela que votre aide financière est la bienvenue pour nous permettre de continuer à vous informer sur les combats de la Gauche Républicaine et Laïque. Pour ce faire vous pouvez faire une adhésion de soutien en vous inspirant du barème ci-après et en nous envoyant sur papier libre vos Noms, Prénoms, Adresse et courriel à :

Les Amis de ReSPUBLICA
27, rue de la Réunion
75020 PARIS

Barème indicatif :
Chômeurs, RMIstes, Etudiants : 10 €
SMIC et au-delà : entre 25 € et 100 €

 
A la une
Rubriques :
  • A la une
  • Combat féministe
  • lettre 924

Un 8 mars combatif contre les violences économiques, sexuelles et sexistes envers les femmes

par ÉMILIE

 

L’édition 2020 de la Journée internationale pour les droits de femmes met à son ordre du jour du 8 mars un mot d’ordre de « grève, même si c’est un dimanche », sans oublier qu’au nombre des conquis sociaux récemment attaqués il y a le repos dominical et que le travail domestique, c’est 7 jours sur 7.

La liste des mots d’ordre doit malheureusement revenir sur les mêmes points, année après année : discriminations et inégalités dans le domaine professionnel, dans la représentation politique, en fonction des orientations sexuelles, des origines, précarité et insuffisances des services publics et des mesures spécifiques à la famille et au vieillissement, représentations sexistes, etc. sans oublier les nécessaires solidarités internationales.

Après la mise en évidence par l’actualité des femmes gilets jaunes précarisées et particulièrement de celles qui sont parent unique, 2019 a vu deux secteurs des luttes féministes occuper le devant de la scène : contre la réforme des retraites, contre les violences sexuelles et sexistes. Ce 8 mars doit les amplifier.

Lier le combat féministe et le combat social

Les femmes ne « convergent » pas au sein du mouvement social de contestation à la façon dont un secteur professionnel, générationnel ou autre, viendrait grossir les rangs de la mobilisation. Elles n’ont pas (plus) à demander à aucune instance dite représentative de bien vouloir prendre en compte des revendications spécifiques, elles sont au cœur du mouvement, elles y ont une place d’autant plus légitime qu’elles sont celles qui ont le plus à perdre.

Déjà les restrictions à l’indemnisation du chômage (loi Pénicaud et décrets subséquents) fragilisent les femmes, alors qu’elles sont moins souvent indemnisées et en moyenne avec 25 % en moins.

La retraite amplifie les inégalités existant au cours de la vie active, l’écart entre les revenus des hommes et des femmes passant de près du quart à près de la moitié ! Sans compter que cet appauvrissement sera, statistiquement, en fonction de l’espérance de vie, sur une durée plus longue – et sans service public pour la dépendance…

Malgré l’évidence des carrières incomplètes (40 % des départs à la retraite féminins), le gouvernement maintient l’abandon des majorations de durée d’assurance pour la maternité jusqu’à 8 trimestres, tout en prétendant prendre en compte les situations familiales. Il affirme garantir un minimum de pension à 85 % du SMIC net, soit 1 000 euros par mois alors qu’aujourd’hui 37 % des femmes (contre 15 % des hommes) ont moins de 1 000 euros bruts de retraite. Mais il oublie de dire que ce minimum vaut pour une carrière complète et que, sinon, le minimum sera proratisé. Et qu’en outre ce minimum sera accordé à l’âge dit du taux plein, c’est-à-dire plus tard que la disposition de minimum actuel, ouvert à l’âge légal de départ de 62 ans, comme le montre Christiane Marty.

Ajoutons in fine la perte de la pension de réversion en cas de divorce, la perte du bénéfice de la « catégorie active » pour de très nombreuses catégories de personnels de la fonction publique bénéficiant de la possibilité d’une retraite anticipée… et constatons que l’ensemble des revendications propres aux femmes donne un dynamisme particulier à la mobilisation sociale actuelle. Dans une nébuleuse féministe qui depuis de nombreuses années cultive la division, il faut se féliciter de voir l’exaspération devant la persistance des inégalités gagner du terrain et de nouvelles catégories de femmes s’élever contre l’injustice et partager les mobilisations.

Violences sexistes et sexuelles : « mon corps m’appartient » 2.0 ?

Après #metoo et les révélations en cascade dans divers secteurs d’activité, après le comptage des « féminicides », après les débats sur les notions de « consentement » ou d’« emprise », après le succès en France de la marche du 23 novembre 2019 où la présence masculine et la jeunesse des manifestants ont été éclatantes, la prise de conscience est massive et trace un continuum entre les formes extrêmes (crimes et délits) et des formes trop souvent encore banalisées du sexisme ordinaire (discriminations, injures, harcèlement…).

Cependant les données du ministère de la Justice sur le nombre de personnes condamnées en 2017-2018, détaillées par le rapport du HCE (Haut Conseil à l’égalité : http://haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_etat_des_lieux_du_sexisme_2019.pdf ) montrent que, malgré l’arsenal des textes applicables, les infractions commises en raison du sexe ne sont presque pas condamnées, que 16,7 % des plaintes pour infractions à caractère sexuel ont mené à une condamnation tandis que seulement 19,8 % des plaintes pour crimes et délits au sein du couple ont mené à une condamnation.

Sur les lieux de travail qui ne présentent pourtant pas la même opacité que le domicile, presque tout reste à faire. C’est en juin dernier que l’Organisation internationale du travail adopté une convention historique contre les violences et le harcèlement au travail. Quand la ministre du Travail va-t-elle soumettre ce texte à ratification ? Il s’agit à présent d’inclure la prévention et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail parmi les domaines obligatoires de la négociation collective en matière d’égalité professionnelle femmes-hommes et comme partie essentielle de la sécurité et de la santé au travail, et donc renforcer les exigences envers les employeurs.

Plus on précarise les femmes, plus on les met potentiellement en danger.

On nous affirme que la violence masculine concerne toutes les catégories sociales, cependant dans les catégories les plus précaires(1)Les femmes représentent 60 % des salarié-es en CDD, 70 % des vacataires, 83 % des temps partiels et 56 % des demandeur-es d’emploi en activité réduite (Source : Femmes contre les précarités). ses conséquences sur les victimes (les femmes et bien souvent leurs enfants) sont bien plus graves : en raison de faibles revenus, d’un handicap, de l’âge (aux deux extrêmes) ou de capacités professionnelles limitées, combien de femmes sont dans l’impossibilité de s’autonomiser par rapport aux responsable des violences intrafamiliales, d’un milieu de vie ou d’un milieu de travail pathogènes ?

Bien sûr, il y a plus que les conditions matérielles d’existence, l’autonomie financière des femmes est nécessaire mais pas toujours suffisante lorsque l’émancipation des esprits n’est pas au rendez-vous. Si les représentations réciproques des sexes découlent des conditions matérielles et des rapports sociaux, elles sont à leur tour susceptibles d’ébranler les bases du patriarcat. Souvent intériorisées, la domination (physique, morale), l’exploitation (économique) et la discrimination (juridique) se transforment en aliénation : seule une éducation laïque au sens le plus large donne alors aux filles et aux femmes la force de combattre ces représentations et d’agir pour elles. Le milieu scolaire et péri-scolaire en particulier – public ou privé – doit faire beaucoup plus qu’actuellement pour traduire ce mouvement sociétal dans les actes, auprès des garçons tout autant qu’auprès des filles.

Au fond, la confiance en soi, la capacité des victimes de violences à dire non et à fuir les dangers puisent à la même source que leur combativité en matière d’égalité des droits économiques, sociaux et politiques. Toutes ces avancées ont des temporalités différentes, selon les moments et les lieux elles se font avec ou sans les hommes, dans l’élaboration juridique ou dans la modification des comportements, mais si le combat féministe progresse aujourd’hui en s’associant au combat social, ne doit-il pas aussi faire place au combat laïque ?

Notes de bas de page   [ + ]

1. Les femmes représentent 60 % des salarié-es en CDD, 70 % des vacataires, 83 % des temps partiels et 56 % des demandeur-es d’emploi en activité réduite (Source : Femmes contre les précarités).
Combat féministe
Rubriques :
  • Combat féministe
  • lettre 924
  • sorcières

Fear the witches !

La sorcière : nouvelle héroïne féministe

par Rachel Haller

 

Si vous êtes entré récemment dans une librairie, vous n’avez pas pu passer à côté ! Je parle de l’essai : Sorcières. La puissance invaincue des femmes de Mona Chollet, sorti fin 2018 chez Zones. Qui l’eût cru ? Écoulé à plus de 150 000 exemplaires, ce livre féministe fait partie des 20 meilleures ventes de 2019 ! Depuis qu’il est sorti, on a d’ailleurs vu fleurir dans un certain nombre de librairies un étal « Féminisme ». Sans doute, cette réflexion sur la figure de la sorcière arrive-t-elle à point nommé dans une ère « post me too » et depuis quelques années déjà, certaines féministes reprennent cette figure dans des manifestations, comme aux États-Unis, par exemple, où après l’élection de Donald Trump des sorcières se sont mises à se réunir devant la Trump Tower pour lui jeter un mauvais sort ou en France avec le « Witch Bloc » apparu dans une manifestation en 20171 mais il faut peut-être aussi voir dans ce succès et, dans tout ce qui l’entoure, une nouvelle manière pour les femmes de gagner de l’empouvoirement (empowerment) , à travers parfois des pouvoirs magiques…

Une histoire qui résonne avec les remises en cause actuelles

On connaissait sans doute avant le livre de Mona Chollet les procès en sorcellerie de l’époque moderne (période la plus terrible en matière de chasses aux sorcières et non le Moyen Âge comme on le pense souvent), mais sous la plume de l’essayiste, ce drame prend un autre sens quand on se penche sur le profil des victimes. Car qui étaient ces sorcières ? Pour Mona Chollet, il s’agit s’agissait de femmes qui ne se pliaient pas à la norme et aux besoins fixés par les hommes : « Répondre à un voisin, parler haut, avoir un fort caractère ou une sexualité un peu trop libre, être une gêneuse d’une quelconque manière suffisait à vous mettre en danger. »

Elle distingue particulièrement trois profils de sorcières. D’abord, la femme indépendante (célibataire ou veuve) qui effraie parce qu’une femme doit rester sous le contrôle des hommes. Aujourd’hui, pour les femmes les injonctions et la pression à se mettre en couple et à fonder une famille restent extrêmement présentes : dans l’inconscient collectif et dans les productions culturelles le but de la vie d’une femme est toujours de trouver l’homme qui sera à ses côtés. Ceci place les femmes dans une dépendance affective à l’origine de beaucoup de tristesse et de sacrifices comme cela a été bien démontré dans la bande dessinée Les Sentiments du prince Charles de Liv Strömquist.

En toute logique, la femme sans enfant est également coupable. C’est pour cette raison que des guérisseuses ont été condamnées : elles connaissaient le corps féminin et elles étaient en mesure de pratiquer des avortements.

Le troisième type de victime est la femme âgée, celle qui a gagné en assurance, mais celle aussi qui est devenue « inutile » à la société car elle n’est plus en âge de procréer. Finalement, les sorcières étaient donc des femmes qui contrevenaient surtout à l’ordre établi par les hommes et moins aux injonctions religieuses. La plupart des femmes jugées pour sorcellerie ont été condamnées dans des procédures civiles et non religieuses2. Précisons qu’on estime à cinquante ou cent mille le nombre de femmes tuées en raison de ces accusations de sorcellerie et qu’il existe toujours actuellement des parties du monde où les femmes sont pareillement mises au ban de la société. Même si les siècles ont passé, la société n’est pas encore arrivée à s’extraire de ces préjugés, la preuve en est fournie par l’expression populaire « Tu finiras seule avec des chats », toujours adressée aux femmes comme un reproche (le chat est rappelons-le un attribut des sorcières).

Heureusement, la culture populaire a rendu les sorcières plus sympathiques. Mona Chollet souligne d’ailleurs que c’est grâce à une féministe, l’américaine Matilda Joslyn Gage (décédée en 1898) qui militait en faveur du suffrage féminin, pour les droits des Amérindiens et pour l’abolition de l’esclavage, qu’est né le premier personnage positif de sorcières sous la plume de son beau-fils auteur du Magicien d’Oz. Depuis la sorcière Sabrina (qui, dans une des premières versions, finit « domestiquée » puisqu’abandonnant ses pouvoirs par amour), de plus en plus de sorcières ont occupé l’écran (dans Harry Potter, mais surtout dans les séries Charmed et Buffy contre les vampires) redorant l’image de ces êtres autrefois considérés comme maléfiques. Le temps est donc venu pour une réhabilitation et une réappropriation moderne de cette figure, comme l’écrit Mona Chollet : « La sorcière incarne la femme affranchie de toutes les dominations, de toutes les limitations ; elle est un idéal vers lequel tendre, elle montre la voie. »

Les néo-sorcières

Depuis les années 1968, la sorcière est réapparue dans la sphère politique avec en premier lieu le mouvement Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell (Conspiration féminine terroriste internationale venue de l’enfer, Witch) qui s’est attaqué à Wall Street puis avec l’américaine Starhawk (nom de sorcière que s’est choisi Miriam Simos, née en 1951) qui est la première femme à avoir développé une pratique spirituelle couplée à des revendications féministes. Cette dernière a participé à nombre de manifestations altermondialistes avec son clan de sorcières. On l’a vu, par exemple, faire un rituel sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Dans le milieu écologiste déferle depuis quelques temps une vague « écoféministe » qui exalte elle-aussi la figure de la sorcière. Ses théoriciennes, comme Émilie Hache, établissent des rapprochements entre les manières dont les femmes subissent la domination des hommes et celles dont la nature est traitée par les êtres humains. Elles font le lien entre les chasses aux sorcières et l’émergence du capitalisme et montrent que ce dernier a imposé un nouvel ordre social fondé sur une nouvelle division du travail d’où les femmes étaient exclues et laissées au rôle unique de mères, ce qui a donc entraîné via les chasses aux sorcières la confiscation des savoirs traditionnels détenus par les femmes.

Le capitalisme serait donc structurellement patriarcal et il ne pourrait y avoir de réelle émancipation des femmes sans sortie de ce système. Le capitalisme a également rompu avec le monde vivant, la nature (symbolisée par la mère nourricière). A une forme de respect et de crainte vis-à-vis de la puissance de la nature et de ses manifestations a succédé une vision où la nature n’était plus qu’une ressource à exploiter. Pour résister au capitalisme et à la destruction de la planète, pour briser ce mauvais sort, ces écoféministes inventent ou réinventent des rituels païens dans lesquels la force de la nature est respectée et protégée. Cette nouvelle spiritualité païenne se construit collectivement, sans leader ou chef ; elle permet également de partager et de sublimer ensemble les émotions suscitées par la crainte du désastre ou de l’effondrement. De même, de plus en plus de personnes se tournent vers des pratiques qui mobilisent des éléments naturels : la lithothérapie (usage des énergies contenues dans les pierres et cristaux) ou l’herboristerie.

Ces pratiques alternatives, portées aussi par le succès de l’agriculture biologique, se sont développées ces dernières années à une vive allure, notamment grâce aux réseaux sociaux, même si comme tout mouvement, celui-ci n’échappe pas à la récupération commerciale. D’autres femmes s’adonnent à des pratiques plus ou moins ésotériques3 : études des cycles de la lune, cercles de femmes, groupes d’auto-gynécologie… On peut aussi y voir une manière de trouver une alternative aux manquements d’une sphère médicale sous le joug du système patriarcal. Tout récemment, un sujet aussi banal que « les règles » commence à peine à émerger dans l’espace public (soulignons au passage que l’Écosse vient de devenir le premier pays à rendre les protections périodiques gratuites) et on se rend de plus en plus compte du manque abyssal d’enseignement en ce qui concerne le féminin, en particulier à l’école où le clitoris était « terra incognita » jusqu’à il y a peu de temps… Face à ce déficit, mais aussi face à des visions empreintes de stéréotypes véhiculés entre autres par la publicité (« les règles c’est sale »), de plus en plus de femmes cherchent à sortir de cette honte et de cette méconnaissance en exaltant un « féminin sacré ». Ces expérimentations relèvent aussi d’un désir d’émancipation vis-à-vis d’institutions comme l’hôpital ou l’école qui ont trop souvent négligé les femmes et leur droit à la parole, occasionnant de nombreuses douleurs et violences (comme les violences gynécologiques). Ainsi, c’est aussi une manière pour les femmes de se réapproprier leur corps, de mettre en pratique une forme de sororité et sous le patronage des anciennes sorcières, de devenir plus indépendantes et plus puissantes en retrouvant des savoirs anciens.

Pour finir, écoutons la chanson « sorcières » de la chanteuse Pomme4 sortie en début d’année : « Si tu portes du noir dans la vie/ Si tu sors le soir dans la nuit/ Si tu bois de l’eau chaude avec des fleurs dedans/ Si tu vois autre chose que la tête blasée des gens/ Tu es sûrement une sorcière/ Si tu aimes les chats dans la vie/ Si tu cris au creux de ton lit/ Si tu n’aimes pas trop qu’on te dise de sourire/ Si tu trouves ça beau la lune et le saphir/ Tu es sûrement une sorcière/ Tu es sûrement une sorcière/ Si tu sais être seule dans la vie/ Si tu suis ton instinct dans la nuit/ Si tu n’as besoin de personne pour te sauver/ Si tu trouves que rien ne remplace ta liberté/ Tu es sûrement une sorcière ».

Finalement, nous sommes peut-être nombreuses à être des sorcières qui s’ignorent…

1Lire à ce sujet « Tremblez, les sorcières sont de retour ! », Mona Chollet, Le Monde diplomatique, octobre 2018 [en ligne].

2Pour en savoir plus sur l’histoire des sorcières, écouter la série de documentaires Sorcières sur France culture, diffusée entre le 16 et le 18 avril 2018.

3Lire à ce sujet « Le mythe de la sorcière ou le retour du féminin sacré », Catherine Rollot, Le Monde, 1/03/2020 [en ligne].

4À écouter en ligne.

Débats politiques
Rubriques :
  • A lire, à voir ou à écouter
  • Débats politiques
  • constitutante
  • lettre 924

Le temps constituant par « Les constituants »

par Zohra Ramdane

 

Ce livre de 137 pages au prix de 12 euros est préfacé par Henri Pena-Ruiz. Il est édité par Eric Jamet éditeur(1) Contact éditeur : ericjamet@aol.com. Il se présente comme une discussion collective en trois séquences entre une dizaine de membres d’un club politique intitulé « Les constituants » formés principalement par d’anciens membres de la France insoumise et par des gilets jaunes. Ce livre mérite la lecture. Il analyse un double mouvement qu’ils estiment à l’œuvre aujourd’hui à savoir un processus destituant et un processus constituant. François Boulo, Charlotte Girard, François Cocq, Manon Le Bretton, Alphée Roche-Noël, Hélène Franco, Frédéric Viale, Romain Dureau, Florence Gauthier et Farid Benlagha participent à cette joute politique. L’intérêt du livre est de fournir en même temps des éléments d’analyse de la période mais aussi d’essayer de faire voir ce qui pourrait préfigurer une « bifurcation » politique dans notre pays. L’essai est donc salutaire notamment vis-à-vis de la « double besogne » dont la nécessité est déjà notée dans la Charte d’Amiens de 1906 dans laquelle on lie des revendications immédiates avec la préfiguration de la « bifurcation » politique. Les trois tables rondes sont animées par Vincent Ortiz, responsable de rubrique du site « Le vent se lève ».

Il faut attendre la troisième séquence pour avoir une idée plus juste du processus constituant notamment quand il est précisé que le processus constituant ne se résume pas à la séquence de l’écriture de la constituante et que le processus constituant est, pour eux, déjà à l’œuvre même si le processus destituant n’est pas encore terminé.

Après avoir lu ce livre, nous aurions néanmoins souhaité prolonger les questions de Vincent Ortiz notamment sur les conditions indispensables pour mener à terme le processus constituant. Car la reprise dans le livre de l’idée des Indignés et des intellectuels du populisme à savoir « nous sommes les 99 % contre les 1 % de l’oligarchie » mérite, pour le moins, un débat argumenté face aux thèses d’Antonio Gramsci autour des nécessités d’obtenir d’abord une victoire d’une nouvelle hégémonie culturelle (idée reprise par Hélène Franco dans la 2ème séquence), de construire un nouveau bloc historique constitué d’une alliance de classes et d’articuler guerre de mouvement et de position (même si dans la troisième séquence la question de l’hégémonie culturelle est posée).

Nous aurions aussi souhaité débattre avec eux de la convergence non réalisée entre les éléments les plus avancés de la bataille des retraites, à savoir ceux qui ont promu l’auto-organisation salariale en vue du blocage de l’économie face aux « manifestations saute-mouton » promus par les directions de l’intersyndicale.

Nous aurions aussi souhaité vérifier avec les auteurs s’il existe vraiment un intérêt général lors d’une bifurcation politique ou s’il existe, par la dynamique de la lutte des classes, à chaque moment de la transition politique une volonté générale ce qui pour nous n’est pas la même chose.

Nous aurions voulu débattre de la souveraineté industrielle aux côtés de la souveraineté alimentaire sans laquelle la souveraineté populaire aura quelques difficultés…

Nous aurions souhaité débattre avec eux d’un angle mort de leur livre sur le rôle de la laïcité dans un processus constituant.

Venons-en au livre.

D’abord la préface d’Henri Pena-Ruiz historique et philosophique, plaisante à lire et à relire et qui présente d’une belle façon le sujet du livre.

Sur la première séquence, nous retiendrons entre autres, l’analyse de Manon le Bretton sur la transformation par les gilets jaunes d’une revendication sur une taxe de carburant en un cahier de revendications autour de la justice fiscale, la démocratie et les services publics ; l’analyse de Frédéric Viale qui montre qu’il ne suffit pas d’avoir des élections régulières pour caractériser « un processus démocratique » et que les traités de l’UE musèlent les cinq instruments d’intervention publique nécessaires pour répondre aux besoins du peuple et enfin celle de Farid Benlagha sur la nécessité de construire une nouvelle idéologie liant la démocratie, le social et l’écologie.

Sur la deuxième séquence, nous retiendrons entre autres l’analyse de l’autorité judiciaire d’Hélène Franco et de son paragraphe sur le fait que « tout changement institutionnel ne se ferait jamais à froid » ; la brillante intervention de Raymond Dureau sur la nécessité de contrôler l’économique par le politique en critiquant la trop grande importance du droit de propriété sans toutefois développer le concept de propriété d’usage face à la propriété lucrative, idée qui sera reprise par Florence Gauthier ; la nécessité de l’inscription dans la Constitution de la place des services publics et d’une façon générale que le processus constituant doit se mettre au service d’un projet économique et social ; la critique précise du traité avec le Mercosur et enfin l’intéressant propos de François Boulo sur les conditions pour exprimer un choix éclairé et sur la corruption des mots, prélude à la corruption de la cité, et les parallèles que Florence Gauthier fait en tant qu’historienne avec la révolution française notamment de la révolution des 31 mai et 2 juin 1793.

Dans la troisième séquence, on retiendra la brillante analyse comparative contradictoire de Charlotte Girard de la naissance de la 5ème république avec la nécessité de repenser l’ensemble des institutions françaises. Puis les analyses de Charlotte Girard et de François Cocq sur ce qu’est le processus constituant, analyse poursuivie par Alphée Roche-Noël qui comme Jaurès analyse les erreurs des révolutionnaires de 1848 qu’il ne faut pas recommencer et dit qu’il ne suffit pas de discuter des moyens, il faut aussi questionner les principes ! Et enfin, Charlotte Girard déploie une analyse sur la nécessaire bataille culturelle à partir de la page 117 et François Cocq présente le carcan que représente les traités de l’UE contre toute politique émancipatrice et progressiste.

Notes de bas de page   [ + ]

1. Contact éditeur : ericjamet@aol.com
A lire, à voir ou à écouter
Rubriques :
  • A lire, à voir ou à écouter
  • lettre 924

6.7.1.6… si c’est ainsi… par Alain Raullet (éditions Les 3 colonnes)

par Claudine Granthomme

 

Alain Raullet a dirigé un centre technique municipal en Centre Bretagne pendant vingt-et un-ans, après avoir travaillé en Iran, en Angleterre, au Guatemala et au Brésil (dans l’industrie pétrolière). Il en a tiré les conclusions suivantes : il faut revoir l’organisation territoriale, réétudier la représentativité dans le sens de l’intérêt commun et redistribuer l’impôt pour plus d’humanité, d’égalité et de fraternité.

Dans une première partie, l’auteur fait plusieurs constats :

– l’humain est le même partout, avec le souhait d’une vie simple et sans complications (par exemple, la vie dans une ferme au Japon est la même qu’en France au XVI siècle).

– la mondialisation financière commence bien plus tôt qu’on ne le pense en général puisque c’est dès 1800 que Rothschild disperse ses cinq fils dans les cinq capitales européennes de l’époque et leur demande de créer un réseau entre ces établissements bancaires.

– « le passé, c’est ringard » pour la plupart de nos contemporains qui vivent dans un monde de selfies et non dans celui de la communauté humaine, ce qui veut dire que le mondialisme n’a aucun futur puisqu’il ne s’appuie pas sur le passé.

– enfin, il analyse l’actualité sociale française et en tire la conclusion que, s’il y avait eu respect des citoyens et probité de ses représentants, jamais les gilets jaunes ne seraient apparus, ce mouvement s’apparentant plus d’ailleurs, selon lui, à 1789 qu’à 1968.

Tout est donc à revoir et Alain Raullet propose, dans une deuxième partie, ses solutions en prenant pour appui, comme au théâtre, les unités de temps, de lieu et d’action :

– un calendrier perpétuel pour faciliter l’organisation ;

– seulement 4 niveaux institutionnels au lieu des 8 (et plus parfois) d’aujourd’hui ;

– la mise en place de la démocratie par votation référendaire pour les 4 niveaux préalablement définis.

Car l’origine de nos maux vient justement du fait que la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire n’est que virtuelle puisque c’est l’exécutif qui détient l’argent donc le pouvoir. D’où la nécessité impérieuse d’une possible motion de censure populaire que Raullet installe une fois par an, selon le calendrier perpétuel qu’il a proposé. Il revoit tout : qu’il s’agisse des rythmes scolaires, de l’heure, des fêtes légales ou bien des dépenses publiques, de la retraite, de l’impôt qu’il veut équitable, de la dette et de la répartition des richesses. Il nous présente même ce qu’il appelle un schéma-squelette du gouvernement idéal.

Après avoir cité Aragon :

« Il est permis de rêver

Il est recommandé de rêver

Sur les livres et les souvenir

Sur l’Histoire et sur la Vie »

Raullet conclut en disant :

« Soyez toujours sourd quand quelqu’un vous dit que vous ne pouvez pas réaliser vos rêves. »

Les Utopies réalistes de Rutger Bregman le disait autrement, mais parlaient des mêmes choses…

Economie
Rubriques :
  • Economie
  • lettre 924

Le coronavirus n'est pas le responsable de la chute des cours boursiers

par Eric Toussaint

 

On assiste à une grosse crise des bourses de Wall Street, d’Europe, du Japon et de Shanghai, et certains en attribuent la responsabilité au coronavirus. Au cours de la dernière semaine de février 2020, la pire semaine depuis octobre 2008, le Dow Jones a baissé de 12,4 %, le S&P 500 a baissé de 11,5 % et le Nasdaq Composite a baissé de 10,5 %. Même scénario en Europe et en Asie pendant la dernière semaine de février. À la bourse de Londres, le FTSE-100 a baissé de 11,32 %, à Paris le CAC40 a chuté de 12 %, à Francfort le DAX a perdu 12,44 %, à la bourse de Tokyo, le Nikkei a baissé de 9,6 %, les bourses chinoises (Shanghai, Shenzhen et Hong-Kong) ont également baissé. Lundi 2 mars suite à des (promesses d’) interventions massives des banques centrales pour soutenir les bourses, les indices sont repartis à la hausse. Pour combien de temps ?

Les grands médias affirment de manière ultra simplificatrice que cette chute généralisée des bourses de valeur est provoquée par le coronavirus et cette explication est reprise largement sur les réseaux sociaux. Or ce n’est pas le coronavirus et son expansion qui constituent la cause de la crise, l’épidémie n’est qu’un élément détonateur. Tous les facteurs d’une nouvelle crise financière sont réunis depuis plusieurs années, au moins depuis 2017-2018 (voir https://www.cadtm.org/Tout-va-tres-bien-madame-la datant de novembre 2017 ; https://www.cadtm.org/Tot-ou-tard-il-y-aura-une-nouvelle-crise-financiere datant d’avril 2018 ;  et plus récemment : https://pour.press/les-conditions-sont-reunies-pour-une-nouvelle-crise-financiere-eric-toussaint/). Quand l’atmosphère est saturée de matières inflammables, à tout moment, une étincelle peut provoquer l’explosion financière. Il était difficile de prévoir d’où l’étincelle allait partir. L’étincelle joue le rôle de détonateur mais ce n’est pas elle qui est la cause profonde de la crise. Nous ne savons pas encore si la forte chute boursière de la fin février 2020 va « dégénérer » en une énorme crise financière. C’est une possibilité réelle. Le fait que la chute boursière coïncide avec les effets de l’épidémie du coronavirus sur l’économie productive n’est pas fortuit, mais dire que le coronavirus est la cause de la crise est une contrevérité. Il est important de voir d’où vient réellement la crise et de ne pas être berné par les explications qui dressent un rideau de fumée devant les causes réelles.

 Les grands médias affirment de manière ultra simplificatrice que la chute généralisée des bourses de valeur est provoquée par le coronavirus […] Or, l’épidémie n’est qu’un élément détonateur. Tous les facteurs d’une nouvelle crise financière sont réunis au moins depuis 2017-2018.

Le Grand Capital, les gouvernants et les médias à son service ont tout intérêt à mettre sur le dos d’un virus le développement d’une grande crise financière puis économique, cela leur permet de s’en laver les mains (excusez-moi l’expression).

La chute des cours boursiers était prévue bien avant que le coronavirus fasse son apparition.

Le cours des actions et le prix des titres de la dette (appelés aussi obligations) ont augmenté d’une manière totalement exagérée par rapport à l’évolution de la production au cours des dix dernières années, avec une accélération au cours des deux ou trois dernières années. La richesse du 1 % le plus riche a aussi fortement crû car elle est largement basée sur la croissance des actifs financiers.

Il faut souligner que le moment où intervient la chute des cours boursiers est le résultat d’un choix (je ne parle pas de complot) : une partie des très riches (le 1 %, le Grand Capital) a décidé de commencer à vendre les actions qu’il a acquises car il considère que toute fête financière a une fin, et plutôt que la subir il préfère prendre les devants. Ces grands actionnaires préfèrent être les premiers à vendre afin d’obtenir le meilleur prix possible avant que le cours des actions ne baisse très fortement. De grandes sociétés d’investissements, de grandes banques, de grandes entreprises industrielles et des milliardaires donnent l’ordre à des traders de vendre une   des actions ou des titres de dettes privées (c’est-à-dire des obligations) qu’ils possèdent afin d’empocher les 15 % ou 20 % de hausse des dernières années. Ils se disent que c’est le moment de le faire : ils appellent cela prendre « leurs bénéfices ». Selon eux, tant pis si cela entraîne un effet moutonnier de vente. L’important à leurs yeux est de vendre avant les autres. Cela peut provoquer un effet domino et dégénérer en une crise généralisée. Ils le savent et se disent qu’ils finiront par s’en tirer sans trop de mal comme cela s’est passé pour un grand nombre d’entre eux en 2007-2009. C’est le cas notamment aux États-Unis, des deux principaux fonds d’investissement et de gestion d’actifs BlackRock et Vanguard qui s’en sont très bien tirés, de même que Goldman Sachs, Bank of America, Citigroup ou les Google, Apple, Amazon, Facebook, etc.

Un autre élément important est à souligner : le 1 % vend des actions d’entreprises privées, ce qui provoque une chute de leur cours et entraîne la chute des bourses. Or dans le même temps, ils achètent des titres de la dette publique considérés comme des valeurs sûres. C’est notamment le cas aux États-Unis où le prix des titres du trésor étatsunien a augmenté suite à une demande très forte. À noter qu’une augmentation du prix des titres du trésor qui se vendent sur le marché secondaire a pour conséquence de baisser le rendement de ces titres. Les riches qui achètent ces titres du Trésor sont disposés à un faible rendement, car ce qu’ils cherchent, c’est la sécurité à un moment où le cours des actions des entreprises est en baisse. En conséquence, il faut souligner qu’une fois de plus c’est bien les titres des États qui sont considérés par les plus riches comme les plus sûrs. Gardons cela en tête et soyons prêts à le dire publiquement car il faut s’attendre à ce que revienne bientôt le refrain bien connu de la crise des dettes publiques et des craintes des marchés à l’égard des titres publics.

 Le Grand Capital (le 1 %) a réduit la part qu’il investit dans la production et a augmenté la part qu’il met en circulation dans la sphère financière.

Mais revenons à ce qui se passe à répétition depuis un peu plus d’une trentaine d’années, c’est-à-dire depuis l’approfondissement de l’offensive néolibérale et de la grande dérèglementation des marchés financiers [1] : le Grand Capital (le 1 %) a réduit la part qu’il investit dans la production et a augmenté la part qu’il met en circulation dans la sphère financière (c’est y compris le cas d’une firme « industrielle » emblématique comme Apple). Il a fait cela au cours des années 1980 et cela a produit la crise du marché obligataire de 1987. Il a refait cela à la fin des années 1990 et cela a produit la crise des dot-com et d’Enron en 2001. Il a remis cela entre 2004 et 2007 et cela a produit la crise des subprimes, des produits structurés et une série de faillites retentissantes dont celle de Lehman Brothers en 2008. Cette fois-ci, le Grand Capital a principalement spéculé à la hausse sur le prix des actions en bourse et sur le prix des titres de la dette sur le marché obligataire (c’est-à-dire le marché où se vendent les actions des entreprises privées et les titres de dettes émis par les États et d’autres pouvoirs publics). Parmi les facteurs qui ont entraîné la montée extravagante des prix des actifs financiers (actions en bourses et titres des dettes privées et publiques), il faut prendre en compte l’action néfaste des grandes banques centrales depuis la crise financière et économique de 2007-2009. J’ai analysé cela notamment dans https://www.cadtm.org/La-crise-de-la-politique-des-banques-centrales-dans-la-crise-globale

Ce phénomène ne date donc pas du lendemain de la crise de 2008-2009, il est récurrent dans le cadre de la financiarisation de l’économie capitaliste. Et avant cela, le système capitaliste avait aussi connu des phases importantes de financiarisation tant au 19e siècle que dans les années 1920, ce qui avait abouti à la grande crise boursière de 1929 et la période prolongée de récession des années 1930. Puis le phénomène de financiarisation et de dérèglementation a été en partie muselé pendant 40 ans suite à la grande dépression des années 1930, à la Seconde Guerre mondiale et à la radicalisation de la lutte des classes qui s’en est suivi. Jusqu’à la fin des années 1970 il n’y a plus eu de grandes crises bancaires ou boursières. Les crises bancaires et boursières ont fait leur réapparition quand les gouvernements ont donné toutes libertés au Grand Capital pour faire ce qu’il voulait dans le secteur financier.

 Les crises bancaires et boursières ont fait leur réapparition quand les gouvernements ont donné toutes libertés au Grand Capital pour faire ce qu’il voulait dans le secteur financier.

Revenons à la situation des dernières années. Le Grand Capital, qui considère que le taux de rentabilité qu’il tire dans la production n’est pas suffisant, développe les activités financières non directement liées à la production. Cela ne veut pas dire qu’il abandonne la production, mais qu’il développe proportionnellement plus ses placements dans la sphère financière que ses investissements dans la sphère productive. C’est ce qu’on appelle aussi la financiarisation ou la mondialisation financiarisée. Le capital « fait du profit » à partir du capital fictif par des activités largement spéculatives. Ce développement de la sphère financière augmente le recours à l’endettement massif des grandes entreprises, y compris de firmes comme Apple (j’ai écrit une série d’articles là-dessus https://www.cadtm.org/La-montagne-de-dettes-privees-des-entreprises-sera-au-coeur-de-la-prochaine).

Le capital fictif est une forme du capital, il se développe exclusivement dans la sphère financière sans véritable lien avec la production (voir encadré : Qu’est-ce que le capital fictif ?). Il est fictif au sens où il ne repose pas directement sur la production matérielle et sur l’exploitation directe du travail humain et de la nature. Je parle bien d’exploitation directe car évidemment le capital fictif spécule sur le travail humain et sur la nature, ce qui généralement dégrade les conditions de vie des travailleurs·ses et la Nature elle-même.

Qu’est-ce que le capital fictif ?

« Le capital fictif est une forme de capital (des titres de la dette publique, des actions, des créances) qui circule alors que les revenus de la production auxquels il donne droit ne sont que des promesses, dont le dénouement est par définition incertain ». Entretien avec Cédric Durand réalisé par Florian Gulli, « Le capital fictif, Cédric Durand », La Revue du projet : http://projet.pcf.fr/70923.

Selon Michel Husson, « le cadre théorique de Marx lui permet l’analyse du « capital fictif », qui peut être défini comme l’ensemble des actifs financiers dont la valeur repose sur la capitalisation d’un flux de revenus futurs : « On appelle capitalisation la constitution du capital fictif » [Karl Marx, Le Capital, Livre III]. Si une action procure un revenu annuel de 100 £ et que le taux d’intérêt est de 5 %, sa valeur capitalisée sera de 2000 £. Mais ce capital est fictif, dans la mesure où « il ne reste absolument plus trace d’un rapport quelconque avec le procès réel de mise en valeur du capital » [Karl Marx, Le Capital, Livre III]. Michel Husson, « Marx et la finance : une approche actuelle », À l’Encontre, décembre 2011, https://alencontre.org/economie/marx-et-la-finance-une-approche-actuelle.html

 Le capital fictif est une forme du capital, il se développe exclusivement dans la sphère financière sans véritable lien avec la production. Il est fictif au sens où il ne repose pas directement sur la production matérielle et sur l’exploitation directe du travail humain et de la nature.

Pour Jean-Marie Harribey : « Les bulles éclatent quand le décalage entre valeur réalisée et valeur promise devient trop grand et que certains spéculateurs comprennent que les promesses de liquidation profitable ne pourront être honorées pour tous, en d’autres termes, quand les plus-values financières ne pourront jamais être réalisées faute de plus-value suffisante dans la production. » Jean-Marie Harribey, « La baudruche du capital fictif, lecture du Capital fictif de Cédric Durand », Les Possibles, N° 6 – Printemps 2015 : https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-6-printemps-2015/debats/article/la-baudruche-du-capital-fictif.
Lire également François Chesnais, « Capital fictif, dictature des actionnaires et des créanciers : enjeux du moment présent », Les Possibles, N° 6 – Printemps 2015 : https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-6-printemps-2015/debats/article/capital-fictif-dictature-des

Je suis d’accord avec Cédric Durand quand il affirme : « Une des conséquences politiques majeures de cette analyse est que la gauche sociale et politique doit prendre conscience du contenu de classe de la notion de stabilité financière. Préserver la stabilité financière, c’est faire en sorte que les prétentions du capital fictif se réalisent. Pour libérer nos économies de l’emprise du capital fictif, il nous faut engager une désaccumulation financière. Concrètement, cela renvoie bien sûr à la question de l’annulation des dettes publiques et de la dette privée des ménages modestes, mais aussi à la diminution des rendements actionnariaux, ce qui se traduit mécaniquement par une diminution de la capitalisation boursière. Ne nous y trompons pas, de tels objectifs sont très ambitieux : ils impliquent inéluctablement de socialiser le système financier et de rompre avec la liberté de circulation du capital. Mais ils permettent de saisir précisément certaines conditions indispensables pour tourner la page du néolibéralisme. » Cédric Durand, « Sur le capital fictif, Réponse à Jean-Marie Harribey », Les Possibles, N° 6 – Printemps 2015 : https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-6-printemps-2015/debats/article/sur-le-capital-fictif

Le capital fictif souhaite capter une partie de la richesse produite dans la production (les marxistes disent une partie de la plus-value produite par les travailleurs·ses dans la sphère de la production) sans mettre les mains dans le cambouis c’est-à-dire sans passer par le fait d’être investi directement dans la production (sous la forme d’achat de machines, de matières premières, de paiement de la force de travail humaine sous la forme de salaires, etc.). Le capital fictif, c’est une action dont le possesseur attend qu’elle donne un dividende. Il achètera une action Renault si celle-ci promet un bon dividende mais il pourra aussi revendre cette action pour acheter une action General Electric ou Glaxo Smith Kline ou Nestlé ou Google si celle-ci promet un meilleur dividende. Le capital fictif, c’est aussi une obligation de dette émise par une entreprise ou un titre de la dette publique. C’est aussi un dérivé, un produit structuré… Le capital fictif peut donner l’illusion qu’il génère par lui-même des profits tout en s’étant détaché de la production. Les traders, les brokers ou les dirigeants des grandes entreprises sont convaincus qu’ils « produisent ». Mais à un moment donné, une crise brutale éclate et une masse de capitaux fictifs repart en fumée (chute des cours boursiers, chute des prix sur le marché obligataire, chute des prix de l’immobilier…).

 Les traders, les brokers ou les dirigeants des grandes entreprises sont convaincus qu’ils « produisent ». Mais à un moment donné, une crise brutale éclate et une masse de capitaux fictifs repart en fumée.

Le Grand Capital, de manière répétée, veut croire ou faire croire qu’il est capable de transformer le plomb en or dans la sphère financière, mais de manière périodique la réalité le rappelle à l’ordre et la crise éclate.

Lorsque la crise éclate il faut faire la distinction entre l’élément détonateur d’une part (aujourd’hui, la pandémie du coronavirus peut constituer le détonateur) et les causes profondes, d’autre part.

Au cours des deux dernières années, il y a eu un ralentissement très important de la production matérielle. Dans plusieurs grandes économies comme celles de l’Allemagne, du Japon (dernier trimestre 2019), de la France (dernier trimestre 2019) et de l’Italie, la production industrielle a reculé ou a fortement ralenti (Chine et États-Unis). Certains secteurs industriels qui avaient connu un redémarrage après la crise de 2007-2009 comme l’industrie de l’automobile sont rentrés dans une très forte crise au cours des années 2018-2019 avec une chute très importante des ventes et de la production. La production en Allemagne, le principal constructeur automobile mondial, a baissé de 14 % entre octobre 2018 et octobre 2019 [2]. La production automobile aux États-Unis et en Chine a également chuté en 2019, de même en Inde. La production automobile chute fortement en France en 2020. La production d’un autre fleuron de l’économie allemande, le secteur qui produit les machines et les équipements, a baissé de 4,4 % rien qu’au mois d’octobre 2019. C’est le cas également du secteur de la production des machines-outils et d’autres équipements industriels. Le commerce international a stagné. Sur une période plus longue, le taux de profit a baissé ou a stagné dans la production matérielle, les gains de productivité ont aussi baissé.

En 2018-2019, ces différents phénomènes de crise économique dans la production se sont manifestés très clairement, mais comme la sphère financière continuait de fonctionner à plein régime, les grands médias et les gouvernements faisaient tout pour affirmer que la situation était globalement positive et que ceux et celles qui annonçaient une prochaine grande crise financière s’ajoutant au ralentissement marqué dans la production, n’étaient que des oiseaux de malheur.

Le point de vue de classe sociale est aussi très important : pour le Grand Capital, tant que la roue de la fortune dans la sphère financière continue de tourner, les joueurs restent en piste et se félicitent de la situation. Il en va de même pour tous les gouvernants car ils sont présentement liés au Grand Capital, tant dans les vieilles économies industrialisées comme l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale ou le Japon, qu’en Chine, en Russie ou dans les autres grandes économies dites émergentes.

 Malgré le fait que la production réelle a cessé en 2019 de croître de manière significative ou a commencé à stagner ou à baisser, la sphère financière a continué son expansion. 

Malgré le fait que la production réelle a cessé en 2019 de croître de manière significative ou a commencé à stagner ou à baisser, la sphère financière a continué son expansion : les cours en bourse ont continué d’augmenter, ils ont même atteint des sommets, le prix des titres des dettes privées et publiques a continué sa progression vers le haut, le prix de l’immobilier a recommencé à croître dans une série d’économies, etc.En 2019, la production a ralenti (Chine et Inde), a stagné (une bonne partie de l’Europe) ou a commencé à baisser dans la deuxième moitié de l’année (Allemagne, Italie, Japon, France) notamment parce que la demande globale a baissé : la plupart des gouvernements et le patronat interviennent pour faire baisser les salaires, les retraites, ce qui réduit la consommation car l’endettement des familles, en augmentation, ne suffit pas à pallier à la baisse de revenus. De même, les gouvernements prolongent une politique d’austérité qui entraîne une réduction des dépenses publiques et des investissements publics. La conjonction de la chute du pouvoir d’achat de la majorité de la population et la baisse des dépenses publiques entraînent une chute de la demande globale et donc une partie de la production ne trouve pas de débouchés suffisants, ce qui entraîne une baisse de l’activité économique [3].

Il est important de préciser de quel point de vue on se situe : je parle de crise de la production non pas parce que je suis un adepte de la croissance de la production. Je suis pour l’organisation (la planification) de la décroissance afin de répondre notamment à la crise écologique en cours. Donc, personnellement, la chute ou la stagnation de la production au niveau mondial ne me chagrine pas, au contraire. C’est très bien si l’on produit moins de voitures individuelles et si leurs ventes chutent. Par contre pour le système capitaliste, il n’en va pas de même : le système capitaliste a besoin de développer sans cesse la production et de conquérir sans cesse de nouveaux marchés. Quand il n’y arrive pas ou quand cela commence à coincer, il répond à la situation en développant la sphère de la spéculation financière et en émettant de plus en plus de capitaux fictifs non reliés directement à la sphère productive. Cela semble fonctionner pendant des années, et puis à un moment donné des bulles spéculatives éclatent. À plusieurs moments de l’histoire du capitalisme, la logique d’expansion permanente du système capitaliste et de la production s’est exprimée par des guerres commerciales (et c’est de nouveau le cas aujourd’hui notamment entre les États-Unis et ses principaux partenaires) ou bien par de véritables guerres, et cette issue n’est pas tout à fait exclue aujourd’hui.

 Il faut entamer immédiatement et planifier de manière urgente la décroissance pour combattre la crise écologique. Il faut produire moins et mieux.

Si l’on se situe du point de vue des classes sociales exploitées et spoliées qui constituent l’écrasante majorité de la population (d’où l’image des 99 % opposés au 1 %), il est clair que la conclusion est qu’il faut rompre radicalement avec la logique d’accumulation du capital qu’il soit productif ou financier, ou productif financiarisé, peu importe les appellations. Il faut entamer immédiatement et planifier de manière urgente la décroissance pour combattre la crise écologique. Il faut produire moins et mieux. La fabrication de certains produits vitaux pour le bien-être de la population doit croître (constructions et rénovations de logements décents, transports collectifs, centres de santé et hôpitaux, distribution d’eau potable et épuration d’eaux usées, écoles, etc.) et d’autres productions doivent radicalement baisser (voitures individuelles) ou disparaître (fabrication d’armes). Il faut réduire radicalement et brutalement les émissions de gaz à effet de serre. Il faut reconvertir toute une série d’industries et d’activités agricoles. Il faut annuler une grande partie des dettes publiques, et dans certains cas l’entièreté de celles-ci. Il faut exproprier sans indemnité et transférer dans le service public les banques, les assurances, le secteur de l’énergie et d’autres secteurs stratégiques. Il faut donner d’autres missions et d’autres structures aux banques centrales. Il existe d’autres mesures telles la mise en œuvre d’une réforme fiscale globale avec une forte taxation du capital, une réduction globale du temps de travail avec des embauches compensatoires et le maintien des niveaux de salaire, la gratuité des services de santé publique, de l’éducation, des transports publics, des mesures effectives pour garantir l’égalité entre les sexes. Il faut répartir les richesses en respectant la justice sociale et en faisant primer les droits humains et le respect des fragiles équilibres écologiques.

.

 Nous devons mener la lutte contre la crise multi-dimensionnelle du système capitaliste et nous engager résolument sur la voie d’une sortie écologiste-féministe-socialiste. Il s’agit d’une nécessité absolue et immédiate.

Nous sommes confrontés à une crise multidimensionnelle du système capitaliste mondial : crise économique, crise commerciale, crise écologique, crise de plusieurs institutions internationales qui font partie du système de domination capitaliste de la planète (OMC, OTAN, G7, crise dans la Fed – la banque centrale des États-Unis –, crise dans la Banque centrale européenne), crise politique dans des pays importants (notamment aux États-Unis entre les deux grands partis du grand capital), crise de santé publique, guerres… Dans l’esprit d’un grand nombre de personnes dans de nombreux pays, le rejet du système capitaliste est plus élevé qu’il ne l’a jamais été au cours des cinq dernières décennies, depuis le début de l’offensive néolibérale sous Pinochet (1973), Thatcher (1979) et Reagan (1980).

L’abolition des dettes illégitimes, cette forme de capital fictif, doit s’inscrire dans un programme beaucoup plus large de mesures supplémentaires. L’écosocialisme doit être mis au cœur des solutions et non laissé de côté. Nous devons mener la lutte contre la crise multidimensionnelle du système capitaliste et nous engager résolument sur la voie d’une sortie écologiste-féministe-socialiste. Il s’agit d’une nécessité absolue et immédiate.

 

Notes

[1Voir Éric Toussaint, Bancocratie, 2014, chapitre 3 « De la financiarisation/dérèglementation des années 1980 à la crise de 2007-2008 ».

[2L’industrie automobile allemande emploie 830 000 travailleurs et 2 000 000 d’emplois connexes en dépendent directement (Source : Financial Times, « German industrial output hit by downturn », 7-8 décembre 2019).

[3Concernant l’explication des crises, parmi les économistes marxistes, « deux grandes « écoles » se font face : celle qui explique les crises par la sous-consommation des masses (la surproduction de biens de consommation) ; et celle qui les explique par la « suraccumulation » (l’insuffisance du profit pour poursuivre l’expansion de la production des biens d’équipement). Cette querelle n’est qu’une variante du vieux débat entre les partisans de l’explication des crises par « l’insuffisance de la demande globale » et ceux de l’explication par la « disproportionnalité ». » Ernest Mandel. La crise 1974-1982. Les faits. Leur interprétation marxiste, 1982, Paris, Flammarion, 302 p. À la suite d’Ernest Mandel, je considère que l’explication de la crise actuelle doit prendre en compte plusieurs facteurs qu’on ne peut pas la réduire à une crise produite par la surproduction de biens de consommation (et donc une insuffisance de la demande) ou bien par la suraccumulation de capitaux (et donc l’insuffisance du profit).

Lutter contre le néo-libéralisme
Rubriques :
  • Humeur
  • Lutter contre le néo-libéralisme
  • lettre 924
  • stratégie syndicale

Réforme des retraites Macron : lettre ouverte aux représentants syndicaux

par Hubert Hurard

 

Mesdames, messieurs les représentants syndicaux : Philippe Martinez, Yves Veyrier, Benoît Teste, Cécile Gondard-Lalanne, Eric Beynel et consorts…

Souvenez-vous, à la dernière présidentielle, Macron ne pèse que 18 % des inscrits ! Au second tour, impossible de savoir ce qu’il pèse vraiment. Et bien aujourd’hui, vous le constatez comme moi, avec seulement 18 % des inscrits il vient de flinguer un peu plus notre système de retraite par répartition.

Son gouvernement dégaine le 49-3 pour faire passer sa réforme sur les retraites. Ce n’est pas une surprise. Vous vous en doutiez. Il veut aller vite, éviter le débat à l’Assemblée et il profite du coronavirus qui inquiète les Français pour faire un bras d’honneur au parlement et aux syndicats.

Il ne tient aucun compte des manifestations « saute-mouton » d’une seule journée. Il ne tient aucun compte des grèves, organisées uniquement le jour des manifestations sans doute pour aussi faire des randonnées pédestres. Et ainsi de suite toutes les semaines, puis tous les 15 jours, puis 40 jours dans la dernière séquence, avec cette pantalonnade syndicale d’un appel au 31 mars !

Dans ce contexte, la solution était connue. Elle était de préparer sérieusement le mouvement du 5 décembre pour obtenir un blocage total et non-violent de l’économie, en coordonnant, en même temps, l’ensemble des mouvements (RATP, Sncf, raffineries pétrolières, ports en docks, avocats, personnels hospitaliers, hommes et femmes de la culture et de l’éducation…) en bloquant des ronds-points à la manière des gilets jaunes et en proposant via vos structures interprofessionnelles, à celles et ceux qui ne peuvent pas faire grève ou bloquer, un gigantesque soutien financier destiné à obtenir les dizaines de millions d’euros nécessaires pour tenir des grèves reconductibles. N’aviez-vous pas le temps entre le 13 septembre, date du blocage complet de la RATP, et le 5 décembre, pour organiser cela ?

Qu’avez-vous fait au contraire ? Vous avez laissé chaque profession agir seule. Vous avez continué de participer à des pseudo-concertations alors que la majorité de Français qui ne veut pas de cette réforme est devenue lasse de vous voir, derrière le mot de retrait, proposer des amendements au projet inamendable du mouvement réformateur néolibéral.

Cela a permis à ce mouvement réformateur néolibéral de monter les Français les uns contre les autres, à jouer sur la jalousie et l’envie, à continuer à opposer public et privé, à ouvrir grand la porte au système de retraite par capitalisation et à mentir sur les conséquences de cette réforme pour les femmes et les hommes.

Pourtant, vous le savez bien, la France n’a jamais été aussi riche. Son PIB n’a jamais été aussi important.

Malgré cela, la France continue à s’enfoncer sur le chemin de la régression sociale. Adieu depuis longtemps à la retraite à 60 ans, adieu la Sécu. Vive la mort au travail, vive la précarité !

Certains d’entre nous ont dit non à la régression sociale. Ces derniers mois, des salariés, des étudiants, des chômeurs, des précaires, des retraités ont continué à espérer dans le militantisme. Ils ont aussi dit non aux anciennes méthodes où il suffisait de montrer son mécontentement pour obtenir un mieux-être.

Après les manifestations et les grèves d’un jour ou deux par semaine de 1993, 2003, 2008, 2010, 2014 qui n’ont rien obtenu, comment avez-vous fait pour ne pas comprendre en 2020 que nous ne sommes plus dans cet ancien monde des « Trente glorieuses » et qu’il fallait changer de ligne stratégique ?

Pourtant, cette fois-ci, les salariés de la RATP et de la SNCF ont montré la voie grâce à une stratégie d’auto-organisation salariale pour bloquer l’économie de façon non violente.

Qu’avez-vous fait pour coordonner et étendre le blocage non-violent ? Rien.

N’est-ce pourtant pas le rôle d’une confédération et/ou d’une union syndicale ?

Pour organiser la riposte, votre réponse de direction syndicale est toujours restée la même : la participation à des concertations bidons et toujours la sempiternelle manifestation « saute-mouton » d’un seul jour, en attendant la suivante, qui a pour conséquence de lasser les travailleurs. Et qu’avez-vous obtenu ainsi ? Nada !

C’est évident, vos formes d’actions syndicales ne fonctionnent plus. Les gouvernements ne les craignent pas. Pire, ils y sont presque indifférents.

Comment s’en étonner puisqu’aux méthodes radicales et sécuritaires des gouvernements vous répondez par la musique et les flashmobs

Messieurs Martinez, Veyrier, Gondard-Lalanne, Beynel, Teste et autres, devant ce 7ème échec, comment mobiliserez-vous lorsqu’il s’agira de lutter contre les futures atteintes aux acquis sociaux ?

Vos méthodes et stratégies seraient bien entendu idéales dans un climat de dialogue social. Elles auraient tout leur sens si les gouvernements prenaient en considération la masse mobilisée. Mais voilà, vous le constatez mieux que moi, il n’en est rien depuis des années.

Allez-vous continuer à accompagner la prochaine défaite sociale ?

Allez-vous enfin prendre la mesure de vos responsabilités d’organisateurs ? Allez-vous enfin proposer une mobilisation générale à tous les travailleurs, gilets jaunes compris ?

Finissons-en avec ces modes d’action méprisées par les gouvernements.

Devant le déni démocratique à tous les étages, devant le mépris de l’oligarchie, devant cette violence d’État, il va falloir que vous arrêtiez de produire de la résignation. Trop c’est trop. Réveillez-vous !

Ce siècle, vous le voyez bien, est celui des luttes sociales et écologiques. C’est aussi celui d’une éducation populaire refondée pour gagner la bataille au service d’une nouvelle hégémonie culturelle.

Voilà pourquoi le rôle des unions syndicales et des confédérations est de transformer les révoltes sociales et écologiques en action organisée pour la victoire sociale et écologique. Leur rôle n’est pas d’accompagner les défaites successives.

Si vous ne remettez pas en cause vos lignes stratégiques, nous perdrons sans doute beaucoup de temps mais vous perdrez, vous, définitivement, votre honneur de syndicaliste.

Très cordialement,

Le 3 mars 2020.



Si vous ne souhaitez plus recevoir cette lettre, désinscrivez-vous en cliquant ici.

ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine est édité par l'association :
"Les Amis de ReSPUBLICA"
27, rue de la Réunion
75020 PARIS
Courriel : respublica@gaucherepublicaine.org
Site: gaucherepublicaine.org