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Pourquoi le  Concordat d’Alsace-Moselle va subsister encore

…et pourquoi n’est-il pas tenu compte de l’opinion des citoyens ?

par Évariste

 

L’Alsace-Moselle connaît un anachronisme concordataire anti-républicain désormais rejeté par une majorité de personnes : le sondage IFOP commandité par le Grand Orient de France  montre qu’une majorité de concitoyens sont favorables à l’abrogation du régime dérogatoire en vigueur en Alsace-Moselle et qui concerne le Concordat : ensemble de la France, 78 % et Alsace-Moselle, 52 % pour l’abrogation du Concordat ! La sortie et, à terme l’abrogation du Concordat, et la suppression des lois antirépublicaines sont inéluctables et indispensables.

Un parallèle avec la proposition de loi sur le droit à choisir sa fin de vie bloquée à l’Assemblée nationale

Abrogation du Concordat et lois d’émancipation – telles que la liberté d’utiliser des contraceptifs, l’IVG, le mariage des personnes de sexe différent ou le droit de choisir sa fin de vie, sont des combats identiques

De même que la laïcité permet à aux êtres humains de se libérer des dogmes religieux, de même que la loi sur l’IVG a permis aux femmes de s’émanciper des dogmes religieux et du patriarcat et de disposer totalement de leurs corps, cette proposition de loi pour établir le droit à une fin de vie libre et choisie serait une loi d’émancipation digne de nos principes républicains en garantissant à chacun et chacune la possibilité de disposer de sa fin de vie, de faire droit à l’aspiration à se commander soi-même. Lois qui n’enlèvent rien à celles et ceux, notamment croyants, qui considèrent que leurs croyances les obligent à ne pas utiliser de contraceptifs, à donner la vie quelles qu’en soient les circonstances, à ne pas abréger ses souffrances…

Or Emmanuel Macron ne serait-il pas tenu par ses déclarations à l’occasion de la conférence des évêques de France aux Bernardins le 9 avril 2018 ? A l’encontre des principes de laïcité et d’égalité de tous indépendamment de leurs options spirituelles, il affirmait :  « …nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer… » et ajoutait : «  la République attend beaucoup de vous. Elle attend très précisément si vous m’y autorisez que vous lui fassiez trois dons : le don de votre sagesse ; le don de votre engagement et le don de votre liberté… »

On mesure mieux aujourd’hui la portée de ce « pacte » : la faveur faite à l’Eglise catholique sous forme de reconnaissance particulière a pour contrepartie évidente l’espoir de conserver capitaliser le plus possible l’électorat dit catholique situé à droite. On comprend mieux alors que, afin de préserver ce capital jusqu’en 2022,  il renonce à donner à la proposition d’Olivier Falorni sur « le droit à une fin de vie libre et choisie » malgré les sondages, de même qu’il doit rester insensible au glissement d’opinion révélé par celui de l’IFOP sur le Concordat. .

La laïcité doit protéger et les croyants et les non croyants

Comme l’a dit Aristide Briand : « L’État n’est pas antireligieux, il est areligieux. »

La loi de 1905, fragilisée par divers manquements à ses principes comme l’accord avec le Vatican en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy (qui confère aux autorités ecclésiastiques le pouvoir contestable de délivrer des grades et diplômes français en lieu et place de l’État), cette loi de 1905 doit être rétablie sur tout le territoire pour empêcher la marginalisation des athées, des agnostiques et des indifférents qui représentent les 2/3 de la population de France ainsi que des religions minoritaires.

Ces derniers temps le Concordat défraye la chronique avec une subvention publique colossale pour l’érection d’un lieu de culte, en l’occurrence une mosquée à Strasbourg (voir dans ce journal), le même cas de figure s’étant produit à Mulhouse il y a quelques années.

Le problème n’est pas tant l’obédience plus ou moins intégriste des responsables des différents projets que l’entorse faite à la loi de séparation des églises et de l’État, entorse favorisée par le régime concordataire demeuré en vigueur en Alsace-Moselle.

Ce régime dérogatoire issu du Concordat napoléonien du début du XIXe siècle est un véritable anachronisme qui aurait dû être abrogé une première fois au lendemain de la Première Guerre mondiale et une deuxième fois au lendemain de la Seconde Guerre mondiale si les gouvernements de l’époque avaient eu le courage de défendre réellement les principes républicains.

Anachronisme scolaire

Un autre anachronisme fait injure aux progrès de l’esprit humain. Il s’agit du maintien de la loi scolaire « Falloux » qui impose l’enseignement de la religion catholique, protestante et judaïque dans les écoles publiques d’Alsace-Moselle.

Victor Hugo qui voulait l’État chez lui et l’Eglise chez elle, lors du vote de la loi « Falloux » en 1850, avait pourfendu son propre parti [1] : « Je ne veux pas vous confier l’enseignement de la jeunesse, l’âme des enfants, le développement des intelligences neuves qui s’ouvrent à la vie, l’esprit des générations nouvelles, c’est-à-dire l’avenir de la France. Je ne veux pas vous confier l’avenir de la France : parce que vous le confier ce serait vous le livrer. »

La Commune en 1871 avait, quant à elle, poursuivi la volonté des Conventionnels et été précurseur des lois scolaires de 1881 et 1882 en donnant mission à l’enseignement public « de veiller à ce que, désormais, la conscience de l’enfant fût respectée et de rejeter de son enseignement tout ce qui pourrait y porter atteinte… C’est surtout dans l’école qu’il est urgent d’apprendre à l’enfant que toute conception philosophique doit subir l’examen de la raison et de la science. » (Journal officiel du 12 mai 1871.) C’est ainsi que dans les écoles publiques en Alsace-Moselle, comme dans le reste du territoire, l’enseignement religieux doit être remplacé par une présentation et une étude, sous une forme laïque et non doctrinale, de toutes les conceptions métaphysiques athées, agnostiques, religieuses, des controverses de l’Antiquité à nos jours, étude contribuant à former, forger, consolider l’esprit critique indispensable à toute république.

Malgré des évolutions positives comme la possibilité de demander une dispense de ces cours par les parents, comme le fait de ne plus être inscrit d’office dans ces cours, il n’en reste pas moins que la norme serait de suivre ces cours et que ceux qui ne les suivent pas seraient « hors normes ». Cela est un déni du principe de traitement équitable par la République de toutes les options spirituelles athées, agnostiques ou religieuses.

Autre anachronisme : depuis la Révolution française, depuis la Commune de Paris, et comme l’a confirmé la loi du 9 décembre 1905, « Nul citoyen ne doit être obligé de financer un culte qui n’est pas le sien ». « Tous les budgets des cultes y sont supprimés car les religions doivent vivre des seules contributions de leurs fidèles. » et non de l’impôt public. Tout cela vole en éclats avec la rémunération des ministres du culte (catholiques, luthériens, calvinistes, israélites), des intervenants en cours de religion (catholiques, luthériens, calvinistes, israélites – niveau de rémunération équivalent à celui d’un professeur des écoles).

Un site religieux haut-rhinois financé sur fonds publics

Une autre atteinte aux principes de la République, qui tient non pas du Concordat mais de la volonté d’une majorité d’élus locaux, est le financement public et la gestion par des agents du département d’un site religieux. Selon le mot de présentation du Président du Conseil départemental du Haut-Rhin en juillet 2020, la CEA issue de la fusion du Haut-Rhin n’étant pas encore installée, « un fond financier interreligieux a ainsi été créé en 2019 pour permettre aux nombreuses actions de pouvoir se dérouler dans les meilleures conditions. De même, une élue départementale a accepté une délégation pour cette importante thématique qu’est le dialogue interreligieux. Avec la mise en place d’un « Carnet de citoyenneté et de dialogue intercultu(r)el » pour les élèves des collèges où une douzaine de formats sont proposés, ce site Internet vient appuyer la volonté politique du Département du Haut-Rhin pour que, en terre de Concordat, toutes les actions en faveur d’un meilleur Vivre Ensemble soient soutenues. »

Il n’est pas question de critiquer la volonté des différentes confessions religieuses de dialoguer et de mieux se comprendre. Cependant, il n’est pas du ressort d’une collectivité territoriale de financer par les impôts payés par tous les contribuables ces actions interreligieuses pudiquement désignées « intercultu(r)el ». Cela ajoute une touche supplémentaire à la mise en cause du principe selon lequel « Nul ne doit être obligé de financer un culte qui n’est pas le sien ».

Hypocrisies

Il s’agit de celles du gouvernement et de ceux qui font profession de laïcité pour se refaire une virginité en voulant combattre le communautarisme tout en promouvant les causes !

Depuis plusieurs décennies, sous les coups de boutoir du néolibéralisme et de ses promoteurs gouvernementaux ainsi que de l’Union européenne, l’injonction de réduire les dépenses publiques en sacrifiant ou en diminuant les moyens des services publics comme les hôpitaux, les écoles, les centres de vacances, les lieux de culture populaire tels que MJC et centres sociaux poussent les habitants des quartiers sensibles vers les associations communautaristes religieuses pour organiser les aides aux devoirs, le soutien scolaire, pour permettre aux enfants de familles pauvres de partir en vacances qui sont autant d’occasions pour endoctriner et manipuler des esprits en formation.

Pour Bossuet, selon une citation qui lui est attribuée, « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes[2]» Nous pouvons remplacer « Dieu » par la « raison » ou la « logique ».

N’est-ce pas ce que nous pouvons constater avec des ministres et un président qui se désolent de la fragmentation de notre société, de  la montée des « communautarismes » et qui dans le même temps souscrivent aux réformes qui les favorisent ?

Qu’est-ce que le communautarisme que nous devons combattre ?

« Le communautarisme, dit Jean-Luc Mélenchon en 2020, ce n’est pas la pratique d’une communauté. Nombre de Français participent à des communautés de toutes sortes et pas seulement religieuses. Le communautarisme – celui qui est à combattre – c’est précisément quand une communauté décide que les règles qu’elle veut s’appliquer à elle-même s’appliquent contre les lois et en dépit de ce qu’en pensent les membres de cette communauté. Le communautarisme est notre adversaire en toutes circonstances. »

La laïcité de l’État doit ainsi préserver les personnes des enfermements dans une communauté, des assignations à résidence spirituelle en leur permettant de changer, de renoncer à certaines pratiques sans être inquiétées. La laïcité n’est pas une opinion mais le droit d’en avoir une. La seule communauté qui doit être défendue est la communauté nationale qui fait peuple.

Neutralité de la puissance publique et bien commun

Rappelons que la puissance publique dont les recettes proviennent des contributions de tous les habitants athées, agnostiques, croyants ou indifférents aux religions doit financer ce qui relève du bien commun, de l’intérêt général et non les options spirituelles particulières. Ce bien commun concerne : les hôpitaux, les services de secours ; les écoles publiques où on accueille tout le monde sans distinction de condition et sans caractère propre, cache-sexe d’un projet éducatif religieux, la police garante de la tranquillité publique, la justice garante de l’égalité des droits…

La puissance publique doit garantir l’égalité de droit sans distinction de conviction. Les privilèges publics accordées aux religions doivent cesser en Alsace-Moselle et dans les autres départements ultramarins concernés :  rémunération des ministres du culte, enseignement religieux dans les écoles publiques et rémunération des catéchistes,  entretien et financement public des bâtiments religieux…

Combat laïque et combat social : en oubliant l’un on affaiblit l’autre, et vice versa

La République doit être laïque et sociale. Le volet social est depuis longtemps oublié. Nous voyons que le volet laïque est également remis en cause notamment par celles et ceux qui mettent en avant des identités restreintes (inégalités raciales qu’il faut combattre mais pas isolées du cadre socio-économique qui les créent – des « décoloniaux » qui enferment les personnes concernées dans une position de victime contre les autres également exploités par le système économique ultralibéral – les « intersectionnaux » qui ont raison de prendre en compte la situation des personnes qui cumulent plusieurs oppressions liées aux origines, aux orientations sexuelles, à leurs croyances, au milieu social… mais qui s’enlisent dans la dénonciation des principes républicains émancipateurs tel que la laïcité et l’universalisme des droits de l’être humain) au dépens de la nécessaire convergence des luttes, de l’indispensable unité du peuple.

Oublié, le volet social prive la laïcité d’une partie de sa crédibilité. Oublié, le volet laïque prive le combat social de son efficacité. La République se doit d’être à la fois sociale et laïque afin que l’individu atomisé dans la mondialisation libérale ne sente plus seul. Le système économique ultralibéral, qui se moque des États, des frontières, des règles et qui s’attaque aux solidarités et aux protections collectives, s’accommode parfaitement de cette démocratie identitaire, de ce marécage identitaire dans laquelle le particulier éclipse l’universel. Le combat laïque est aussi un combat social. En oubliant l’un on affaiblit l’autre, et vice versa. Notre société de plus en plus archipellisée assigne les gens à résidence communautaire, pain bénit de l’oligarchie qui veut maintenir le système actuel. Notre République doit créer les conditions d’un rassemblement paisible autour de principes communs. Seule la laïcité qui doit demeurer le cadre assurant le plus haut niveau de liberté qui ne doit être instrumentalisée ni par ceux qui sont obnubilés par la haine des musulmans ni par ceux qui sont marqués par une complaisance coupable et délétère à l’égard des intégrismes religieux, seule la laïcité ni ouverte ni fermée peut permettre ce rassemblement paisible, peut assurer des rapports apaisés qui n’interdisent pas les controverses argumentées. Nous devons mettre notre énergie militante au service d’une République forte, pas seulement de son autorité, mais forte aussi de son sens de la justice et de la solidarité.

°°°

Retenons en conclusion que, alors que des positions politiques ont beaucoup évolué dans le corps électoral, on voit poindre un fossé grandissant entre ce que pensent les citoyens quand on le leur demande et les politiques de notre exécutif national. Le paradoxe vient de ce que notre exécutif national dépend du vote à la présidentielle et aux législatives des dits citoyens.

Ainsi, le corps électoral est aujourd’hui largement gagné aux propositions sur le droit de mourir dans la dignité, à l’abrogation du Concordat, comme il l’est à d’autres revendications que nous avons traitées dans ReSPUBLICA, au programme des gilets jaunes (qui ont fortement recruté chez les abstentionnistes ouvriers, employés et couches moyennes en voie de prolétarisation), aux embauches dans l’hôpital public, à l’augmentation de salaire des soignants, à l’ouverture des lieux de culture… Et pourtant, nous sommes maintenus devant le spectre d’avoir à choisir au second tour de la future présidentielle entre des candidats qui sont sur des propositions totalement contradictoires à nos aspirations profondes !

NOTES

Remerciements à Philippe Duffau.

1. Les soutiens à cette loi, dont le parti de l’Ordre, la justifiaient ainsi : « … donner au clergé tout l’enseignement primaire. Je demande formellement autre chose que ces instituteurs laïques, dont un trop grand nombre sont détestables ; … je veux rendre toute-puissante l’influence du clergé ; je demande que l’action du curé soit forte, … parce que je compte beaucoup sur lui pour propager cette bonne philosophie qui apprend à l’homme qu’il est ici pour souffrir » et ainsi maintenir le « petit peuple » dans la « soumission » à l’ordre bourgeois et capitaliste.

2. La citation authentique est celle-ci : « Mais Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? quand on l’approuve et qu’on y souscrit, quoique ce soit avec répugnance. »

3. Avec à cette occasion une position plus claire ou clairvoyante que lors du soutien et la participation à la marche contre l’islamophobie du 10 novembre 2019, marche controversée de par la nature des principaux organisateurs (voir dans ce journal https://www.gaucherepublicaine.org/debats-laiques/retablissons-les-faits-sur-la-manifestation-du-10-novembre-2019/7417867) même si l’attentat contre la mosquée de Bayonne le 28 octobre 2019 doit être dénoncé et condamné avec la plus grande fermeté comme tous les actes racistes.

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Amérique latine : des élections sous l’œil des États-Unis, seigneurs d’un autre temps

par Lucho

 

Le 11 avril, d’importantes élections se sont déroulées sur le sous-continent : au Pérou, des élections présidentielles et législatives ; en Équateur, le second tour de l’élection présidentielle. L’élection prévue au Chili pour une assemblée constituante, en revanche, a été reportée aux 15 et 16 mai.

 

Pérou – Élection présidentielle

Participation : 73,7 %

Candidats sélectionnés pour le second tour : Pedro Castillo 19 % et Keiko Fujimori 13,2 %

Rappel :

Le dernier président élu, Pedro Pablo Kuczynski, avait gagné lors du dernier scrutin de 2016 contre Keiko Fujimori (fille de celui qui fut président de 1990 à 2000), mais avait été « démissionné » deux ans plus tard par l’Assemblée nationale pour faits de corruption et placé en détention.

Son remplaçant, le vice-président Martin Vizcarra, lui a succédé jusqu’en novembre 2020, date à laquelle, accusé à son tour de corruption, il a été destitué. L’Assemblée nationale a alors nommé comme président un certain Manuel Merino, lequel a démissionné cinq jours plus tard, puis, pour le remplacer, Francisco Sagarsti (qui est « encore » le président en exercice). C’est au même moment qu’ont lieu dans le pays de violentes manifestations : la jeunesse, outrée par l’attitude d’une classe politique incapable et corrompue, célébrait à sa manière le bicentenaire de l’indépendance. Dans tout le pays, durant tout ce mois de novembre, elle est descendue dans les rues, comme en Colombie, au Chili ou en Equateur. Les gouvernants y ont vu alors la main « invisible » du Venezuela, sans mesurer l’exaspération de leurs concitoyens contre les inégalités et une pauvreté qui gagne du terrain. Seul le Covid 19 a pu calmer ces révoltes, qui reprendront probablement au sortir de la pandémie.

En cinq ans le, Pérou a donc eu à sa tête quatre présidents, pour des durées parfois bien courtes, turbulence politique à l’image d’un pays qui a bien du mal à organiser sa démocratie.

Il faut dire qu’il a connu avant cela des années de dictature militaire : celle du général de division Juan Velasco Alvarado de 1968 à 1975 puis celle du général Francisco Morales Bermudez jusqu’en 1980. C’est le moment où les mouvements révolutionnaires commencent à se faire entendre. Le « sentier lumineux », mouvement créé par Abimael Guzman (dissident du parti communiste péruvien) commence à faire parler de lui ainsi que le mouvement des Tupas Amaru (fondé en 1982). Ces deux organisations sont considérées comme terroristes par les États-Unis et l’Europe. Capturé en 1992, Abimael Guzman écope de la prison à perpétuité (il n’a pas fini de purger sa peine). Pour la période 1980-2000, le conflit armé aura fait 70 000 victimes au Pérou.

Durant la période qui fait suite à la dictature militaire, plusieurs gouvernements d’action populaire voient le jour : d’abord celui de Fernando Belaune Terry (1980-1985) puis celui d’Alan Garcia (1985-1990), avant que n’arrive au pouvoir Alberto Fujimori, qui écrira une nouvelle page bien sombre pour le Pérou.

Fujimori arrive donc au pouvoir en 1990. Appuyé par les États-Unis (ces éternels « défenseurs des droits de l’homme »), il applique les recommandations du FMI et met en œuvre un programme d’austérité qui cause pauvreté et hyper inflation. Il dissout une assemblée nationale qui trainait les pieds pour appliquer ce type de réformes et en fait élire une autre à sa main. Pour combattre le sentier lumineux, il bénéficie de l’aide américaine et du savoir-faire de ses agents spécialisés. Il crée (comme cela a été fait au Nicaragua ou au Salvador) les escadrons de la mort chargés de mater la guérilla. Il met en place un programme de stérilisation forcée, notamment auprès de populations indigènes soupçonnées d’être trop proches du sentier lumineux. Son premier conseiller Vladimiro Montesino est chargé de recevoir l’appui de la CIA, et notamment les millions de dollars qui financent la lutte contre les guérillas.

L’histoire se termine mal pour Fujimori qui, en 2000, s’enfuit au Japon après avoir été destitué. Puis extradé du Japon, jugé au Pérou, il est condamné à 25 ans de prison pour crimes contre l’humanité, et à 8 ans pour corruption. Emprisonné, il est gracié en 2017 par le président Kuczynski pour raison médicale. Montesino, qui avait largement pioché dans la caisse, croupit aujourd’hui encore dans les geôles péruviennes.

Au départ de Fujimori, Valentin Paniagua assume la transition, puis en 2001 c’est Alejandro Toledo qui est élu président et le restera jusqu’en 2006. À ce moment-là, la lutte armée est réduite à une zone dite VRAEM (vallée des rivières Apuimac, Ene et Mantaro) où la guérilla opère et se livre à toutes sortes de trafics pour financer sa survie. En 2001, 24 % de péruviens vivent encore en situation d’extrême pauvreté, mais le pays connait une croissance importante. Le taux de pauvreté passe à 20 % en 2016, la pauvreté extrême à 4 %.

En 2006, l’ancien président Alan Garcia est une nouvelle fois élu. Mais son gouvernement n’est plus du tout en phase avec le socialisme de son premier mandat, et il signe en 2007 un accord de libre-échange avec les États-Unis. Les scandales de corruption (souvent liés à l’industrie pétrolière) touchent bon nombre de ses ministres. Au cours de ce mandat, Alan Garcia se désolidarise du mouvement d’émancipation qui nait alors en Amérique latine mené par le Vénézuélien Chavez, le Brésilien Lula et l’Argentin Kirchner. Garcia se suicidera en 2020 alors que la police vient l’arrêter à son domicile pour soupçons de corruption…

Ollanta Humala lui a succédé en 2011 pour une durée de cinq ans. Une présidence décevante pour tous ceux qui pensaient qu’il allait donner une impulsion sociale et démocratique en prenant appui sur le Brésil de Lula, l’Argentine ou le Venezuela, et se débarrasser des liens tissés depuis de longues années avec les États-Unis. Non seulement il n’en fera rien, mais en plus, la malédiction présidentielle le frappera également : à l’issue de son mandat, lui et son épouse passeront plusieurs mois en prison pour faits de corruption.

Point de vue :

Ce bref récapitulatif pour montrer à quel point le Pérou a été au fil des années gangrené par la corruption. Pourtant, cela n’a jamais été considéré comme un problème par les États-Unis, alors que dans le même temps, Washington s’acharnait sur d’autres pays de la région, qui, à l’inverse du Pérou, se montraient moins malléables. Les États-Unis ont souvent fermé les yeux face à l’incapacité du Pérou à lutter contre la culture de cocaïne (qui est pourtant le second pays producteur au monde derrière son voisin la Colombie).

Pourquoi une telle mansuétude de la part des seigneurs de la Maison blanche, qui n’hésitent pourtant pas à offrir une récompense de 15 millions de dollars contre le président du Venezuela Nicolas Maduro, accusé de narcotrafic (sans que soit apportée d’ailleurs la moindre preuve). C’est que contrairement au Venezuela, Le Pérou rend bien des services.

Si on regarde le palmarès péruvien en matière de corruption, on le voit mal s’ériger en procureur. C’est pourtant le Pérou qui, sur ordre de Washington, a créé le groupe de Lima. Ce groupe réunit les pays « amis » (autrement dit ceux qui s’opposent au Venezuela ou à Cuba) dans l’unique but de soutenir l’action du président auto proclamé du Venezuela Juan Guaido, lequel n’a aucune légitimité, mais a été désigné par Donald Trump comme représentant du Venezuela.

En Amérique latine comme ailleurs, les États-Unis ont une conception des droits de l’homme et de la corruption à géométrie variable. À partir du moment où un pays se soumet à leurs volontés, il bénéficie de leur aile protectrice. C’est le cas du Pérou ; c’est aussi le cas de la Colombie, premier producteur de cocaïne et champion en matière d’exécutions sommaires des défenseurs des droits humains, pays où les paramilitaires font prospérer le trafic de cocaïne et sèment la terreur à la frontière avec le Venezuela. Aujourd’hui, les règles et le droit international n’ont plus cours, seule compte l’appréciation de la Maison blanche. Le mouton européen se tait et suit sans broncher.

L’élection du 11 avril est l’occasion de questionner les relations qu’entretiennent les États-Unis et l’Europe avec le Pérou. Car les Américains et les Européens, toujours prompts à dégainer des sanctions contre des pays convaincus de corruption et de non-respect des droits de l’homme, se montrent bien muets et passifs face au Pérou. Même mutisme face à la Colombie, où, en plus de l’ampleur du trafic de cocaïne, il vient d’être enfin reconnu, après des années d’instruction, que 6402 personnes assassinées et retrouvées dans des fosses communes étaient bien les victimes des militaires qui œuvraient sous la présidence Uribe (lequel n’avait cessé d’accuser la guérilla des FARC). Dans le pays qualifié par Donald Trump de « meilleur allié » des États-Unis sur le continent, on compte aussi 250 assassinats de guérilleros depuis la signature des accords de paix en 2016 et 305 leaders sociaux tués pour la seule année 2020… Plus question de droits de l’homme quand il s’agit de la Colombie…

En fait, l’interventionnisme et le cynisme des États-Unis en Amérique latine est une constante depuis des décennies. C’était le cas avec le Chili de Pinochet, les Contras d’Amérique centrale, le coup d’État du Honduras en 2007… la liste est longue. Mais ce qui désole les Latino-américains, c’est le changement d’attitude des Européens qui aujourd’hui, contrairement à hier, suivent docilement les Américains.

L’élection du 11 avril 2021 :

Explosion des candidatures : pas moins de 18 candidats ont présenté leurs candidatures à la présidence de la République, et très peu d’entre eux franchissaient la barre des 10 % d’intentions de vote dans les sondages.

Cinq faisaient la course en tête :

Yonhi Lescano, un avocat de 62 ans, du parti Action populaire (centre droit, social-démocrate, tendance néo libérale), avec 13 % des intentions de vote.

Rafael Lopez Aliaga, un chef d’entreprise de 60 ans du parti Rénovation Populaire (parti d’extrême droite fondé en 2020) avec 7 % des intentions de vote.

George Forsyth, un ex-footballeur de 38 ans, du parti Victoire nationale (centre, venant du parti Restauration nationale avec racines évangéliques). C’est un sympathisant du libre-échange. Intentions de vote : 7 %.

Keiko Fujimori, administratrice de 45 ans, fille de l’ancien président Alberto Fujimori, du parti Force populaire. Elle se présente pour la troisième fois à l’élection. Intentions de vote : 7 %.

Résultats du premier tour :

Élection présidentielle : c’est finalement Pedro Castillo (Peru Libre) qui arrive en tête, avec 19 % des suffrages. Ce candidat de 51 ans n’avait pourtant pas brillé dans les enquêtes des principaux instituts de sondages. Entré en politique en 2005, professeur, syndicaliste et à gauche, n’a jamais été poursuivi pour corruption, contrairement à bon nombre de personnes de la classe politique.

Il est suivi par Keiko Fujimori, qui totalise 13,2 % et se qualifie pour la troisième fois consécutive au second tour de la présidentielle. C’est dire si les Péruviens, elle, la connaissent bien. Elle a d’abord joué le rôle de Première dame sous la présidence de son père Alberto Fujimori (qui était divorcé), puis a conduit son parti d’opposition Fuerza popular contre les présidents Humala (2011-2016) puis Kuczynski (à partir de 2016). Mais en 2018, elle a du faire un séjour en prison de 13 mois, accusée elle aussi de corruption. Elle encourt toujours une peine de 30 ans de prison ; son procès devrait se dérouler dans les prochains mois.

Elections législatives : onze partis se partagent les 130 sièges à pourvoir.

– Peru Libre (parti de Pedro Castillo-gauche)  : 28 sièges

– Accion popular (parti de Yonhi lascano) : 23 sièges

– Fuerza popular (parti de Keiko Fujimori) : 16 sièges

– Alianza para el progreso (parti de Cesar Acuna) : 14 sièges

– Renovacion popular (parti de Rafael Aliaga) : 11 sièges

– Avanza Pais (parti de Hernando de Soto) : 10 sièges

– Juntos para el Peru (parti de Veronika Mendoza) : 8 sièges

– Podemos Peru (parti de Daniel Urriesti) : 6 sièges

– Victoria nacional (parti de George Forsyth) : 5 sièges

– Somos Peru (Parti de Daniel Salaverry) : 5 sièges

– Partido Morado (Parti de Julio Guzman) : 4 sièges

 

Perspectives :

Le Pérou se déterminera, le 6 juin prochain, pour un second tour serré entre l’inconnu Pedro Castillo et la fille d’Alberto Fujimori (qui, rappelons-le, a régné sur le Pérou pendant 10 ans accumulant les excès de pouvoir, les délits de corruption et les abus aux droits de l’homme). À la vue des résultats, il semble que la candidate de la droite Keiko Fujimori ait plus de chance de l’emporter au second tour, mais il lui faudra rassembler des partis éparpillés. Pedro Castillo, de son côté, pourrait s’appuyer sur les Péruviens qui en novembre 2020 manifestaient dans les grandes villes et souhaitaient balayer la classe politique corrompue. Cet enseignant syndicaliste pourrait mieux les représenter, en portant un discours, et surtout un programme bien plus social que ses adversaires, dans un pays accablé par la pandémie.

 

Équateur : second tour des élections présidentielles

Participation : 82,7 %

Vainqueur : Guillermo Lasso (droite)

Rappel des résultats du premier tour :

– Andrés Arauz (UNES) : 32,72 % (3 033 753 voix)

– Guillermo Lasso (CREO-PSC) : 19,74 % (1 830 045 voix)

– Yaku Pérez (PK) : 19,39 % (1 797 445 voix)

– Xavier Hervas (Gauche démocratique-ID) : 15,98 %

Les lecteurs de ReSPUBLICA  se souviennent qu’Andrés Arauz est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle et qu’il a fallu plusieurs jours d’attente, et de nombreuses contestations de part et d’autre, pour connaître le candidat qui l’affronterait au second tour : c’est finalement Guillermo Lasso (candidat de la droite) qui est passé devant Yaku Perez, pour une poignée de voix (0,3 5%). L’enquête de Maurice Lemoine reprise le 28 mars dans ReSPUBLICA évoquait toutes les péripéties qui ont conduit à la décision du conseil national électoral, et revenait en détail sur les candidats, leurs parcours et leurs bases électorales.

Résultats du second tour :

Dimanche 11 avril, c’est donc Guillermo Lasso, ce banquier candidat de la droite néo libérale, membre de l’Opus dei et donc résolument anti-avortement, qui a été élu président de l’Équateur, après deux tentatives infructueuses. Il a bien pris soin, à plusieurs reprises, de remercier Dieu pour cette victoire (52,5 % contre 47,5 à Andres Arauz) qui n’avait pas été prévue par les instituts de sondages. Guillermo Lasso obtient 2,6 millions de voix de plus qu’au premier tour alors que Andres Arauz ne comptabilise qu’un million de votes de plus.

À l’évidence, le front anti–Arauz a fonctionné. Il porte à la présidence de la République un pur produit du libéralisme et était pourtant prôné par Yaku Perez (représentant du vote indigène) et Xavier Hervas (positionné à gauche mais plus anti-Correa qu’anti-Lasso… trouvez l’erreur), deux candidats qui l’un et l’autre se présentaient comme respectivement écologiste et de gauche !

Ces contradictions, tout comme la représentativité de l’assemblée nationale dans laquelle aucun parti n’est majoritaire (Arauz : 49 sièges – Yaku Perez : 27 – Lasso : 12 sièges – Hervas : 18) rendent la tâche du nouveau président bien délicate.

Ce résultat met un coup d’arrêt à l’élan de la gauche dans la région, après les victoires de Arce en Bolivie, et de Fernandez en Argentine. S’il satisfait les nouveaux locataires de Washington, il n’est pas exclu que dans les mois qui viennent, les Equatoriens ne s’opposent dans la rue aux mesures économiques que proposera Guillermo Lasso. Lenin Moreno en avait fait l’amère expérience, et seul le Covid avait pu stopper la poussée de mécontentement !

Depuis 20 ans, les citoyens latino-américains ont entamé une longue marche pour faire valoir leurs droits. Dans la plupart des pays du sous-continent, l’analphabétisme sévissait avant l’arrivée des Chavez, Correa ou Morales. Lasso devra tenir compte de cela, surtout s’il compte appliquer son programme de privatisations, sous peine d’explosion sociale.

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La langue de la République est le français

par Bellon André

 

Le parlement vient de voter la loi dite Paul Molac concernant l’enseignement des langues régionales. Pour le député du Morbihan qui lui a donné son nom, c’est « une première dans l’histoire de la Ve République ». La chose mérite inventaire. La loi Deixonne (Loi n° 51-48 du 11 janvier 1951 relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux) fut la première loi spécifique relative à l’enseignement des langues régionales. Elle constitua une reconnaissance officielle de leur existence. Le décret n° 70-650 du 10 juillet 1970 inclut les langues régionales dans les épreuves du baccalauréat.

La nouveauté de la loi Paul Molac vient de l’instauration de l’enseignement immersif, effectué pour une grande partie du temps scolaire dans une langue autre que la langue française et la création d’un forfait scolaire pour les écoles privées dispensant une scolarisation en langues régionales. S’agit-il de remettre en cause le français comme langue de la République ? A priori non puisque celle-ci reste inscrite en l’article 2 de la Constitution.

Le bilinguisme incluant les langues régionales a une histoire. Jean Jaurès parlait un occitan et faisait souvent allusion aux petites patries qui s’inscrivaient dans la grande, c’est-à-dire dans la nation française. Il déclarait « avec une force de conviction qui ne fait que s’accroître que ce mouvement du génie méridional pouvait être utilisé pour la culture du peuple du Midi. Pourquoi ne pas profiter de ce que la plupart des enfants de nos écoles connaissent et parlent encore ce que l’on appelle d’un nom grossier « le patois » ? ». Mais il ajoutait que « ce ne serait pas négliger le français : ce serait le mieux apprendre, au contraire, que de le comparer familièrement dans son vocabulaire, sa syntaxe, dans ses moyens d’expression, avec le languedocien et le provençal. Ce serait, pour le peuple de la France du Midi, le sujet de l’étude linguistique la plus vivante, la plus familière, la plus féconde pour l’esprit1 ».

En bref, pour Jaurès, la question n’est pas d’ignorer les langues régionales en tant que patrimoine national, mais au contraire de voir comment elles peuvent vivifier la langue nationale. Encore faut-il que celle-ci soit au cœur de notre vision de l’avenir. Encore faut-il que les langues régionales ne soient pas le cheval de Troie pour la domination de l’anglais. La France semble aujourd’hui indifférente à l’évolution linguistique de l’Union Européenne, où l’anglais, malgré le Brexit, s’impose tous les jours davantage comme la lingua franca du continent, ce que le français devrait lui contester. Des fonctionnaires européens de nationalité française imposent – snobisme de bas étage – de parler anglais dans des réunions qu’ils animent alors même que le Français est une langue officielle de l’UE. Certains responsables appréhendent que l’utilisation de la langue française soit perçue comme une hostilité par les entreprises plus ou moins mondialisées sous la bannière anglosaxonne.

Pour l’essentiel, les dirigeants français ont décidé de se soumettre à la mondialisation et, par voie de conséquence, à la langue qui l’incarne. Dès lors, la question qui se pose aussi bien aux défenseurs des langues régionales qu’à ceux qui combattent pour l’intérêt national est de savoir s’ils participent à cette vassalisation.

Cette soumission était demandée par les instances européennes au travers de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. En l’occurrence, il ne s’agissait pas seulement d’accepter la place des langues régionales, mais de se soumettre à une instance européenne qui aurait la possibilité de vérifier la conformité des pratiques en France avec un droit dit européen, au nom de principes considérés comme supérieurs. Ainsi, M. Alvaro Gil-Robles, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, avait appelé, dans un rapport rendu public le 15 février 2006, au « respect effectif des droits de l’homme en France ». Dit ainsi, la chose semblerait aller de soi. Encore faut-il savoir que, pour lui, cela signifiait l’obligation de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. L’idée même d’une langue commune aux ressortissants d’un pays serait donc interprétée comme oppressive et liberticide, en somme une violation des Droits de l’homme selon les critères du Conseil de l’Europe et donc sanctionnable par des instances européennes. Si donc l’immersion peut sembler une méthode pour mieux connaitre et maitriser une langue régionale, elle trouve vite ses limites lorsqu’elle concurrence la capacité qu’offre la langue nationale dans la construction d’une société démocratique.

Nous passerions alors insidieusement de la démocratie républicaine et de son corolaire, la loi comme expression de la volonté générale, à une « idée juridique de la démocratie2 », comme le dit Marcel Gauchet.

Nous y passerions d’autant plus que la loi Paul Molac transfère l’enseignement immersif à des établissements privés, ce qui constitue une atteinte de plus au service public de l’éducation nationale. Mais les députés savent-ils encore ce qu’est l’intérêt général ?

L’homme s’opposerait-il au citoyen ?

 

1 « L’éducation populaire et les patois », La dépêche, 15 août 1911.

2 Intervention de Marcel Gauchet, philosophe et historien, rédacteur en chef de la revue Débat, au colloque « Le droit contre la loi » du 22 octobre 2018.

A lire, à voir ou à écouter
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Pascal Genneret ou l’invariant champenois

par Philippe Barre

 

Quand nous avons démarré (avril 2020) une rubrique appelée « Chansons déconfinées », nous avons mis en lien la parodie d’une chanson d’Hervé Christiani. « Il est libre Max » est devenu « Fous ton masque, Max ! ». Rappelez vous le début de l’état d’urgence, lorsqu’il n’y avait pas de masques (certains membres du gouvernement Macron nous expliquaient même qu’il n’y en avait pas besoin).

« Les soignants ont vite vu l’début d’la fin du stock

Quand aux caissières, aux livreurs, pas grave, on s’en moque. »

La bonne surprise est que Pascal Genneret nous a alors contactés, et que depuis il nous propose d’autres parodies que nous mettons en lien dans les colonnes de ReSPUBLICA.

Ses chansons, qui sont à chaque fois une bouffée d’humour, sont clairement du côté du peuple travailleur contre le gouvernement des DRH et de leurs commanditaires/actionnaires… C’est souvent beaucoup plus « parlant » qu’un tract, qu’un long texte et cela se diffuse facilement sur les «réseaux sociaux ».

Le gouvernement se montrant plus apte à restreindre les libertés qu’à combattre efficacement la COVID-19 empêche les spectacles vivants d’aller à la rencontre du public. Donc Pascal Genneret, à l’instar d’ autres artistes, ronge son frein mais monte volontiers au créneau, avec notamment sa playlist « pandémie-parodies ». Celle-ci a donc tout juste un an et le titre qui résume le mieux la crise sanitaire est sans doute « Et j’en oublie de vivre » (merci Johnny!) car il en énumère les dégâts « psy-collatéraux » !

Présentons le brièvement :

Ancien instit jusque là connu pour ses compositions à destination du jeune public (ce qu’il continue toujours), il a élargi sa palette vers les adultes il y a environ 5 ans, avec des parodies qui allument les gouvernants tout en entretenant les braises de la contestation.

Photo de Pascal Seher

Avec humeur, humour et dérision, il malmène la présidence de Macron (« Les bêtises »), la réforme de l’assurance chômage (« Balance ton poil »), les casseroles judiciaires de Sarkozy ou des Balkany, les curés pédophiles, il défend les premiers de corvée, rappelle l’épopée des Gilets Jaunes (« Et tu tapes, tapes, tapes »), évoque les violences policières (« Étrangler encore »), la biodiversité (« Les Macron sauvent la planète »), etc.

« La dernière est un tacle pour la ministre de la culture qui, à mon avis, aurait certainement dû rester faire le pitre à la télé. » A découvrir!

Pour nous faire sourire et réfléchir, il empreinte donc des airs de Brel, Angèle, Goldman, La Compagnie Créole (qui devient La Compagnie crédule), etc.

A propos de son inspiration, il déclare que son maître inconnu est « le poilu qui a écrit la parodie tellement parfaite qu’elle a fini par faire oublier la bluette d’origine en devenant la superbe CHANSON DE CRAONNE ».

Il crée aussi ses propres compositions, comme « Quand tu danses » , qui avec l’arrivée du printemps, témoigne à la fois de l’exaspération montante face aux « mesures difficiles » que nous subissons en cascades et de l’espoir de jours meilleurs à venir.

Cet auteur, compositeur, interprète gagne a être connu, sans attendre la reprise de ses concerts, vous pouvez le retrouver sur :

sa chaîne YouTube : https://www.youtube.com/channel/UCwMXoAyF3U79l3fNsyvU3ig

sa playlist : https://www.youtube.com/playlist?list=PL9QlAuGKf1e86MeXo84PFyUHWwfvYsj-7

 



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