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  1. chronique d'Evariste
    1. La "gauche de la gauche" au pied du mur, par Évariste
  2. Altermondialisme
    1. Pourquoi nous voterons " non " à la liste bloquée des fondateurs, par Bernard Cassen
  3. élections présidentielles 2007
    1. " Je serai là où le devoir commande ", un entretien avec Jean-Luc Mélenchon, par Denis Sieffert, Michel Soudais
    2. Le PS est aujourd'hui le seul parti capable de battre la droite, par Jean-Jacques Chavigné
    3. Jean-Marie Le Pen se positionnera-t-il à gauche en 2007?, par Julien Landfried
  4. combat laïque
    1. Rencontre Laïque Internationale du 10 et 11 février 2007 à Montreuil (93), par Le Collectif D'initiative Laïcity
    2. Félicitations Caroline !, par Michel Naud
    3. La lutte contre l'obscurantisme doit se renouveler, par Pascal Hilout
    4. Des convergences rien moins qu'étonnantes, par Robert Albarèdes
  5. extrême-droite catholique
    1. Attention au catho-intégrisme, par Alexis RIDRAY
    2. Le best-seller qui secoue les Etats-Unis, par Philippe Boulet-Gercourt
  6. combat social
    1. Elles s'envolent, par Marie Castets
    2. "Journal d'un médecin du travail", de Dorothée Ramaut, par Jean-François Chalot
  7. école publique
    1. Apprentissage de la lecture : Réponse à "LIBERATION", par Elizabeth Altschull, Rachel Boutonnet, Laurent Lafforgue, Marc Le Bris
    2. Contribution au débat sur l'école, par Jeanne Bourdillon
    3. Cachez ces violences que je ne saurais voir, par Mireille Popelin
  8. à lire
    1. Analyse de l'ouvrage : Jean-Paul Gouteux, Apologie du blasphème., par Jean-Marc Del Percio
  9. Agenda

1 - chronique d'Evariste

1.1 - La "gauche de la gauche" au pied du mur

Ce dimanche 10 décembre, ceux qui parfois aiment s'appeler la " gauche de la gauche " seront, à l'occasion de deux initiatives, sur le devant de la scène.

D'abord, à Saint-Denis, il y aura la montée des comités locaux unitaires de la gauche antilibérale. Les données sont connues. Depuis le 29 mai 2005, plus rien ne marche. Si brillants pendant la campagne, les leaders du " non de gauche " n'ont d'abord pas su mesurer l'ampleur de la signification du rejet du TCE par le peuple français, et se sont montrés incapables de proposer un débouché politique à la hauteur de l'ampleur du séisme. Alors que Chirac et la direction du PS étaient à l'agonie, le président de la République a eu une paix royale, et n'a été sommé de ne prendre aucune initiative forte, qui aurait montré aux citoyens qu'il y avait une suite à leur victoire, et que tout n'allait pas continuer comme avant, en filant vers une Europe des Trente, comme si de rien n'était.

Quant à la direction du PS, elle a été miraculeusement épargnée par des jeux internes, et la synthèse visant à ramener Fabius dans le jeu, soi-disant au détriment de Strauss-Kahn, a sauvé du naufrage une direction qui a su se refaire une santé, et lancer avec le succès que l'on sait l'opération Ségolène.

Pendant ce temps, les collectifs du " non " n'ont pas échappé, eux non plus, à diverses manoeuvres d'appareils, avec, en ligne de mire, le future ELECTION présidentielle. La LCR a voulu mettre des préalables d'exclusion, intimant une ligne sanitaire autour du PS. Ligne qui ne pouvait qu'heurter le PCF, qui a, contrairement à ses " camarades " trotskistes, des postes d'élus à sauver, après les présidentielles, et qui ne peut saborder son appareil en suivant la ligne des amis de Besancenot, qui entendent, en appuyant là où cela fait mal, démontrer que le PCF est moins radical qu'eux, et ainsi, comme ils le rêvent depuis trente ans, détacher des pans entiers du PCF devenu réformiste vers les vrais révolutionnaires, eux !

José Bové a longtemps cru pouvoir arbitrer ces duels, en ayant des appuis chez tous les oppositionnels : Verts, PCF, LCR, et dans Attac.

Malheureusement pour lui, le défenseur du communautarisme, du voile à l'école et de Tariq Ramadan a fait ses comptes, et s'est retiré de la compétition.

On entend maintenant donc des noms comme le maire de Saint-Denis, Braouezec, tendance ultracommunautariste des " Indigènes de la République " du PCF, Clémentine Autain, tendance " féministe trentenaire bobo communautariste ", et Yves Salesse, président de la fondation Copernic, conseiller d'Etat, ancien militant de la LCR, ancien directeur de cabinet de Gayssot.

Aujourd'hui, les conditions ne paraissent pas réunies pour qu'un accord puisse voir le jour ce week-end. Chacun partira-t-il fâché dans son coin, ou bien y aura-t-il une nouvelle réunion de la dernière chance, en janvier ?

Si oui, avec quelle nouveauté ? C'est là que le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon attend son heure. Manifestement, il est prêt à faire don de sa personne à la cause (lire interview ci-dessous, parue dans Politis).

Reconnaissons-le, Jean-Luc a été un animateur extraordinaire lors de la campagne du TCE, et le premier, avec Filoche, Généreux et Dolez, a avoir pris ses responsabilités, en participant à des meetings pour le non au TCE, contribuant ainsi à ce que nombre de militants et d'électeurs socialistes soient déterminants dans la victoire.

Nul ne sait, à l'heure où j'écris ces lignes, si les espoirs du sénateur de l'Essonne seront encore de mise, dimanche midi. Mais s'il demeurait en course, il devrait gérer un problème incontournable dans les collectifs du " non ".

Il y a deux ans, un projet appelé " Ramulaud " avait voulu rassembler tous ceux qui se reconnaissaient dans un discours antilibéral, de Jean-Luc Mélenchon aux Indigènes de la République. Cela avait duré quelques semaines, et avait explosé. Le refus du neo-libéralisme est sans avenir si c'est le seul socle qui unit la gauche de la gauche !

Disons le haut et fort : il n'y aura pas de projet politique alternatif possible, quand on se réclame de la gauche antilibérale, si les communautaristes continuent de distiller un discours de haine des principes internationalistes de la République, principes qui ont la faveur de la majorité du peuple, à commencer par les couches populaires. De ce point de vue, leurs pratiques de division, visant à obtenir des consensus sur leurs positions, sans débattre au fond des dissensus, empêchent la naissance des compromis dynamiques permettant une vraie unité de la gauche antilibérale.

Or, curieusement, ce clivage, qui avait abrégé l'existence de Ramulaud, n'est plus abordé. Cela signifierait-il que l'unité antilibérale deviendrait plus importante que la défense des principes sociaux, laïques et républicains ? Toute candidature qui, au nom du " plus à gauche que moi tu meurs ", ferait l'impasse sur cette question n'aurait aucune chance, malgré les 31,3 % du non de gauche, le 29 mai 2005, face au rouleau compresseur que va représenter la candidature social-libérale de Ségolène Royal.

Si la gauche du non n'a pas été brillante après la victoire du 29 mai, la situation d'Attac n'y est pas pour rien. Jacques Nikonoff, dans un texte disponible dans la dernière chronique du numéro 492, a fait un long récapitulatif du travail de sape des communautaristes contre la direction. Après des années de combats internes destructeurs, après l'épisode de la fraude des dernières élections, les militants se retrouvent, ce week-end, pour le résultat de nouvelles élections au conseil d'administration.

Déjà, nous savons que le quorum pour la réforme des statuts n'a pas été atteint.

On peut donc dire que l'actuelle direction communautariste n'a pas fait beaucoup de zèle pour faire triompher la réforme des statuts.

Cela signifie que le Conseil d'administration restera de trente membres (et non quarante-deux, comme prévu dans la réforme), dont une liste de collèges des fondateurs de dix-huit, et seulement douze membres actifs.

Attac restera donc une organisation non démocratique. La démocratie exigerait que tous les membres du CA soient élus au suffrage universel direct des adhérents, sans liste bloquée parallèle.

Comment être crédible en voulant construire un autre monde quand on n'est capable de construire la démocratie dans son organisation ?

Il faut savoir que sur la liste proposée des dix-huit membres des fondateurs, il y a dix-sept communautaristes patentés. Un élève d'une école primaire, même avec la régression de l'enseignement des mathématiques, comprend que dix-sept est une majorité, sur trente membres, et que dans ce cas, la démocratie entre les douze élus restants n'est là que pour servir de caution.

Mais le suspens continuera jusqu'au dimanche soir, car nous verrons alors si la liste bloquée des fondateurs et de ses dix-sept communautaristes sur dix-huit, aura les 50 % de voix nécessaires à son élection. Si oui, les communautaristes seront les nouveaux maîtres d'Attac.

Mais si une majorité décide de voter contre cette liste des membres fondateurs (lire ci-dessous les arguments développés par Bernard Cassen et d'autres dirigeants), dans ce cas, seuls douze membres actifs seront à la direction d'Attac France.

Comme chacun le constate, ce week-end risque donc d'être très important pour ceux qui se réclament de la gauche antilibérale. Si des événements le justifient, Respublica avancera sa date de parution, pour mieux coller à la réalité de l'information. Cela ne nous empêchera pas, par ailleurs, de continuer à alimenter la rubrique des présidentielles 2007, en passant des points de vue que tout le monde ne partage pas, mais qui permettent à nos lecteurs d'avoir un maximum de données et d'arguments avant de faire leur choix, quand il n'est pas déjà fait.

Cela irrite certains que nous publiions certains textes qui les exaspèrent, mais qui font le bonheur d'autres lecteurs. Nous ne prétendons pas, cela serait une gageure, faire l'unanimité de son lectorat lors de cette période, car Respublica se veut un média du mouvement social et du combat laïque et républicain, et non un média partisan.

Nous cognerons, bien sûr, sur l'extrême droite, nous taperons, cela va de soi, sur Sarkozy, mais nous ne ménagerons pas les communautaristes anti-laïques de tous bords.

Mais nous ferons l'effort de permettre, dans nos colonnes, une expression pluraliste qui ne nous enferme pas dans un choix partisan qui décevrait une bonne partie de notre lectorat.

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - Altermondialisme

2.1 - Pourquoi nous voterons " non " à la liste bloquée des fondateurs

Signataires de ce texte, nous sommes des membres fondateurs d'Attac au nom de structures ou en tant que personnes.

Pendant des années, certains depuis 1998, nous avons été membres du Conseil d'administration, du Bureau ou de commissions de l'association. Nous nous sommes activement impliqués dans l'organisation des Rencontres internationales de Saint-Denis en 1999 ; dans la création, en 1999, de la coordination des Attac d'Europe, puis du monde ; dans la mise en place des universités d'été d'Attac à partir de 2000 ; dans la tenue du grand rassemblement du Zénith en janvier 2002 ; dans la conception, avec nos camarades brésiliens, du premier Forum social mondial de Porto Alegre de janvier 2001, puis des Forums sociaux européens ; dans le lancement des Chemins de la Découverte en 2005.

Nous avons fait partie du comité de campagne d'Attac pour le " non " au TCE et, pour la plupart d'entre nous, avons chacun (e) été présents à des dizaines de rencontres et meetings à travers le pays. Nous avons participé à l'organisation du grand rassemblement international et européen d'Attac le 30 avril, un mois avant le scrutin. Nous nous mobilisons pour la préparation du Manifeste 2007 de l'association.

Personne ne peut donc douter de notre attachement à une association à laquelle nous avons consacré tant de notre activité militante. Et pourtant, à compter de décembre prochain, nous ne siègerons plus au Conseil d'administration car nous avons refusé d'être candidats sur la liste unique et bloquée du Collège des fondateurs. Nous voterons " non " à cette liste et appelons les adhérents à voter également " non ".

L'expérience des huit années écoulées nous a en effet convaincus que, pour rester fidèle à elle-même, Attac devait maintenant libérer sa direction de la tutelle des organisations membres du Collège des fondateurs, faire accéder aux responsabilités une nouvelle génération militante, et n'accepter d'autre souveraineté que celle de ses adhérents. Logiquement, nous nous sommes appliqués à nous-mêmes cet impératif en renonçant à faire partie de la future direction de l'association. Instance composée de 48 structures (syndicats, journaux, associations) et de 14 personnes " physiques ", le Collège des fondateurs n'a pas correctement rempli le rôle que lui assignaient les statuts, et nous ne nions pas notre part de responsabilité dans cette carence.

Avec le recul, nous constatons qu'il a fait ce qu'il n'aurait pas dû faire (se focaliser sur le contrôle de la direction de l'association), et n'a pas fait ce qu'il aurait dû faire: proposer au Conseil d'administration les grandes orientations et lignes d'action de l'association (article 11 des statuts). Nous tirons les leçons de cette expérience.

Et cela d'autant plus que l'implication de la majorité des organisations membres du Collège s'est réduite aux instances nationales de gestion et de direction d'Attac - le CA et le Bureau -, les seules auxquelles elles se sont vraiment intéressées, et ne s'est pas retrouvée dans l'activité des comités locaux et des commissions de travail, ni d'ailleurs dans les nombreuses campagnes menées par l'association. Celle contre le TCE a constitué un cas d'école à cet égard : ce sont des individus, certes désignés par leurs structures, qui se sont engagés pour le " non ", mais rarement les structures elles-mêmes.

Texte complet

Par Bernard Cassen (société éditrice du Monde diplomatique), président d'honneur d'Attac Michèle Dessenne (Les Pénélopes), Pierre Guiard-Schmid, (Economies solidaires et coopératives - ESCOOP) ; Cécile Guillerme (Fédération française des Maisons de jeunes et de la culture) ; Daniel Monteux, ancien responsable syndical universitaire ; Francine Palisson (*Golias*) ; Bernard Teper (Union des familles laïques).

Bernard Cassen Société éditrice du Monde diplomatique, président d'honneur d'Attac

3 - élections présidentielles 2007

3.1 - " Je serai là où le devoir commande ", un entretien avec Jean-Luc Mélenchon

Sévère sur la victoire de Ségolène Royal et l'évolution du PS, l'ancien ministre Jean- Luc Mélenchon soutient la tentative d'union de la gauche antilibérale, à laquelle travaillent déjà ses amis de PRS au sein des collectifs. Peut-il être le candidat qui incarnera ce rassemblement en 2007 ? S'il ne dit pas " oui ", le sénateur de l'Essonne n'exclut pas non plus cette hypothèse.

Politis : La désignation de Ségolène Royal est-elle un événement banal dans l'histoire de la social-démocratie française ou marque-t-elle un changement de nature ?

Jean-Luc Mélenchon : C'est un changement d'époque. Aucune formation politique ne pourra l'ignorer. Car cela découle de changements fondamentaux dans le champ politique lui-même. Le cadre de la Ve République a changé avec le quinquennat. C'est plus que jamais autour de l'élection présidentielle que la vie politique s'organise, et cette exagération est l'antichambre de toutes les dictatures. Celle de l'opinion des sondés, celle de la personnalisation de la politique et ainsi de suite.

Surtout, la France est en état d'urgence politique. Le décrochage de la représentation politique est criant. Depuis le référendum, nous sommes à un paroxysme. Chirac a réussi ce tour de force de dire au peuple français : ce que vous décidez n'a aucune espèce de conséquence, ni pour moi ni pour le monde. Il n'a pas retiré la signature de la France au bas du traité ; il est resté et a nommé un autre Premier ministre, qui a approfondi un cours libéral en contradiction absolue avec le vote du suffrage universel. Dès lors, tout le reste suit : une volonté irrépressible de renouveau. Parfois pauvre en contenu.

C'est le cas de l'idée qui voudrait que le renouvellement passe par le changement de sexe à la tête de l'État. Enfin, la forme de la désignation tourne aussi une page interne parce que si, au bout du compte, l'affrontement des idées se concentre sur les personnes au moment de l'investiture, à quoi servent les congrès ? Quelle est la signification des anciens courants ? Ils sont allés en quelque sorte au bout d'eux-mêmes. Ce n'est pas l'écurie qui fait le cheval, mais le cheval qui fait l'écurie.

Politis : Est-ce qu'on peut charger cette désignation d'un contenu politique dans le sens de plus de libéralisme ?

Jean-Luc Mélenchon : Absolument. Qu'ils le veuillent ou non, les vainqueurs participent d'un processus politique qui renforce les bases du libéralisme : peu pour la loi, tout pour le contrat ; adieu la République une et indivisible, vive les régions ! Les corps représentatifs ne sont plus pertinents pour exprimer l'intérêt général, des jurys y suffisent ; la démocratie de délégation est un frein, mieux vaut la démocratie de l'instantané, convocable à tout moment sous forme de panels. Certes, tout moyen qui explose les corps représentatifs pour raccourcir la distance à celui qui veut parler peut donner l'apparence d'une plus grande transparence et d'une plus grande efficacité. En réalité, c'est une dépossession du pouvoir citoyen : le pouvoir de prendre une décision tous ensemble et de la voir s'appliquer à tous.

Politis : Le schisme au sein de la gauche française entre une gauche qui se veut encore antilibérale et le parti socialiste ne s'est-il pas aggravé ?

Jean-Luc Mélenchon : C'est le risque majeur du moment. Il existe au PS des gens dont la stratégie toujours pensée, jamais dite, consiste à organiser un partage des rôles entre une gauche de gestion et une gauche de protestation. La gauche de gestion se trouvant incapable à elle seule d'atteindre la majorité, il lui faudra alors trouver des alliés disponibles ailleurs. Pour cela, il faut en face un autre pôle de gauche qui accepte cette coupure et joue le rôle de la protestation impuissante. Il faut absolument empêcher cela. C'est la raison pour laquelle je me suis battu pour l'union des gauches sans exclusive. J'ai compris chemin faisant que l'union serait déséquilibrée avec un PS tout puissant et une poussière de partis autour. Il faut donc une candidature commune de l'autre gauche.

Politis : Cette évolution laisse-t-elle encore une place au PS à des gens qui, comme vous, considèrent que le " non " est un acte fondateur ?

Jean-Luc Mélenchon : Le PS a tendance à régler la contradiction entre le " non " et le " oui " de manière nombriliste. Il s'agirait de la dépasser entre gens de bonne compagnie comme si c'était une querelle de bornage de territoire. C'est risible. Il y a une décision du peuple français. Comment prendre en compte son vote et s'appuyer dessus pour modifier la donne dans toute l'Europe ? Si on ne le fait pas, la course de vitesse avec l'extrême droite sera perdue.

Dans tous les pays d'Europe, l'extrême droite est en progression. Ce n'est pas un débat abstrait. Une catastrophe politique concrète est en marche. Est-ce que des gens comme moi ont leur place au PS ? Apparemment, oui. Tout le monde peut acheter une carte au PS. Soixante-dix mille personnes ont adhéré au PS et sont venues voter. Personne ne n'est soucié de les former ni de leur donner un vocabulaire de référence commun.

On a vérifié leur identité, pas leurs convictions. Ce parti est devenu tellement froid ! Depuis trois ans, je n'ai jamais eu de rencontre avec le Premier secrétaire autrement qu'à ma demande, même aux pires moments de conflit. Des entretiens toujours courtois, amicaux, souvent plaisants, mais n'ayant aucune espèce de conséquence politique particulière. Tout est rapport de force. Voyez Ségolène Royal après sa victoire. Dans le discours officiel : " Aidez-moi, j'ai besoin de vous. " Aux médias, le message à transmettre aux perdants, qui ont attendu cinq jours sa réponse à leur coup de fil, cette phrase incroyable : " Avec ce résultat, il n'y a pas besoin de réconciliation. Il n'y a besoin de négocier avec personne. " C'est en effet une autre façon de faire de la politique.

Politis : Vous avez été le seul au PS à garder le contact avec cette " autre gauche ". Comment en percevez-vous l'évolution ?

Jean-Luc Mélenchon : Cette autre gauche s'est extraordinairement homogénéisée, sans que pour autant les groupes qui la composent se soient dilués. Elle a des référents communs, avec des mots qui sont souvent les mêmes concernant la critique du libéralisme ou du nouvel âge du capitalisme, avec aussi quelques fondamentaux de ce que pourrait être une politique alternative. Elle s'est également homogénéisée sur l'idée que c'est dans une synthèse qu'elle pourrait jouer la grande partie. Jusqu'au référendum, elle doutait d'elle-même et, au fond, s'accommodait d'un rôle de témoignage d'autant plus sympathiquement accueilli qu'il était impuissant. Avec le référendum du 29 mai, cette autre gauche a goûté à la victoire et découvert qu'elle était aussi capable de l'emporter. Il lui reste à accomplir une rupture culturelle : accepter l'idée qu'une synthèse entre ses composantes n'est pas déshonorante, qu'elle peut accéder au pouvoir et doit s'y préparer.

Politis : Y a-t-il un avenir possible au sein de cette " autre gauche " pour des socialistes comme vous ?

Jean-Luc Mélenchon : J'y ai toujours été bien accueilli, parce que mon raisonnement est d'une pièce. Et je demande que chacune de ses étapes soit examinée et discutée au lieu qu'il soit raillé sottement, comme le font certains dans les deux gauches. Un seul parti peut-il gagner seul contre la droite ? Non. Dès lors, comment faire gagner la gauche ? Jusqu'à présent, et sauf avis contraire, la clé, c'est le rassemblement.

De toute la gauche. Donc le PS et l'autre gauche. Mais il ne s'agit pas seulement d'additionner des patrimoines électoraux, mais de créer une dynamique. Pour cela, il faut que l'autre gauche parvienne à une candidature unique. Raison pour laquelle il n'y a pas de contradiction à dire qu'on veut l'union de toute la gauche sans exclusive et que l'on est partisan de l'union de toute l'autre gauche autour d'une candidature commune.

C'est ce que j'appelle l'union dans l'union. Allons plus loin : l'idéal, c'est un gouvernement de toute la gauche. Mais, au minimum, c'est un accord général de désistement. Donc une forme de compétition électorale qui le rende possible. Dans les deux sens, bien sûr. Ensuite, un groupe parlementaire a beaucoup de cordes à son arc pour agir. Le choix n'est pas aussi binaire que le croit la LCR. Il ne se limite pas au soutien sans condition ou à l'opposition sans discussion. Bref : voici ma ligne d'action. Au PS, je mène la bataille contre ceux qui ne veulent pas d'une union sans exclusive à gauche. Et pour un programme de gauche comme l'a présenté Laurent Fabius. Dans les collectifs, mes amis qui s'y trouvent essaient d'être des facilitateurs pour la candidature commune sans a priori. Et leur culture les conduit à travailler pour que le programme reste un programme de gouvernement, un programme qu'on soit capable d'appliquer s'il est majoritaire.

En fait, nous ne sommes candidats à rien d'autre qu'à être utile.

Denis Sieffert

Michel Soudais

Source : Article paru dans Politis du 2 décembre

3.2 - Le PS est aujourd'hui le seul parti capable de battre la droite

Les électeurs de gauche ne veulent pas d'un nouveau 21 avril 2002. Ils ont fait l'expérience concrète d'un aspect décisif de la Constitution de la Vème République : elle ne permet pas que figure au 2ème tour de l'élection présidentielle trois, voire quatre candidats (par exemple tous ceux qui auraient recueilli plus de 10 % des suffrages) mais uniquement les deux candidats arrivés en tête au 1er tour. Entre le savoir théoriquement et l'avoir expérimenté concrètement, la différence est de taille. Elle implique une pression considérable pour le " vote utile ", celui qui permettra à la gauche d'être présente au second tour de la présidentielle.

Les électeurs de gauche ne veulent pas, en effet, supporter cinq ans de plus la droite au pouvoir. Des dizaines de fois, j'ai entendu des adhérents du Parti Socialiste, des syndicalistes, des salariés me dire, sous une forme ou sous une autre : " Il y a peut-être des gens qui peuvent vivre sous la droite, moi je ne peux pas me payer ce luxe ". Ces électeurs s'emparent, comme à chaque fois dans l'histoire, de l'instrument qui leur paraît le plus apte à battre la droite.

Et aujourd'hui, ils considèrent que c'est le Parti Socialiste. L'expérience a servi de leçon : après Lionel Jospin ils ont eu Jacques Chirac et ils ont pu faire la différence. Ils ont pu expérimenter qu' " avec la gauche on était peut-être loin d'avoir tout ce qu'on voulait, mais qu'avec la droite on avait vraiment tout ce que l'on ne voulait pas... " Qui ne comprend pas, en effet, ce que signifierait la victoire de la droite (Sarkozy ou un autre) pour la Sécurité sociale, les retraites, la précarité, l'emploi, le pouvoir d'achat, les services publics, la laïcité ? Sarkozy (ou tout autre représentant de la droite) avec les mains libres pendant cinq ans : comment ne pas comprendre la démoralisation qu'une victoire de la droite ferait tomber sur le salariat et ce qui s'en suivrait ?

Deux éléments permettent d'étayer l'affirmation que c'est bien le choix d'utiliser le Parti Socialiste pour battre la droite qui a été fait par une majorité d'électeurs de gauche.

Tout d'abord, les électeurs de gauche ont fait le choix du Parti Socialiste pour battre la droite dès les élections de 2004. Certes le programme du Parti Socialiste aux Européennes était nettement marqué à gauche : Smic européen, 35 heures... Mais les électeurs savaient bien qu'il ne serait pas (c'est le moins que le puise dire) immédiatement applicable.

Ce qu'ils voulaient avant tout c'était infliger une correction à la droite. C'était encore plus vrai aux régionales de la même année. La plupart des électeurs ne distinguent pas, en effet, les attributions d'une Conseil Régional ou d'un Conseil Général, ils n'ont donc pas voté en fonction d'un programme (un peu à gauche, mais sans plus...) mais parce qu'ils considéraient que le Parti Socialiste était le meilleur instrument pour marquer leur opposition à la politique de la droite. En deux ans, le Parti Socialiste avait à peu près doublé le nombre de ses voix et avait regagné une partie du terrain perdu chez les ouvriers, les employés et les enseignants (-ce qu'oublie délibérément Emmanuel Todd dans son article de Libération du 24 novembre) Ce n'est pas le PCF, la LCR ou LO que les électeurs avaient choisi pour battre la droite mais le PS : c'est un fait, pas une simple supposition. Pourtant, dans une élection sans enjeu en termes de pouvoir central, le " vote utile " pesait beaucoup moins que pour une élection présidentielle.

Le vote de 60 % des électeurs du Parti Socialiste pour le " non " au référendum du 29 mais 2005 n'a pas, ensuite, empêché le choix d'une candidate qui avait (avec ardeur !) soutenu le " oui ". Ce vote n'a pas été aussi structurant que nous le pensions lorsqu'il s'est agi de désigner le ou la candidat(e) du Parti Socialiste. D'abord a cause de la synthése et du projet qui ont désarmé le débat sur ce sujet... De très nombreux adhérents (nouveaux et anciens) qui avaient voté " non " ont voté pour Ségolène Royal. Ce qui l'a emporté, c'est la volonté de battre la droite. Et du point de vue (qui n'est pas le mien...) de ceux qui estimaient que Ségolène Royal était la mieux à même de battre la droite, il n'y avait pas d'incohérence. D'abord parce que le débat européen était pour eux - à tort certes - relégué au second plan. Ensuite parce qu'ils estimaient qu'une victoire de Sarkozy en France ne ferait pas vraiment progresser l'Europe sociale...

Lors du débat sur le choix du candidat, nous défendions l'idée que les sondages qui donnaient 12 % des voix à Laurent Fabius ne correspondaient pas à la réalité car les sondeurs posaient leurs questions aux " sympathisants " et non aux " adhérents " du PS. Force est de reconnaître que ces sondages n'étaient sans doute pas à côté de la plaque et qu'il est tout à fait vraisemblable que les sympathisants encore plus que les adhérents souhaitaient la désignation de Ségolène Royal qui leur paraissait la mieux placée pour battre la droite.

Les collectifs anti-libéraux

Il serait positif qu'ils puissent s'unir derrière une candidature commune. Mais ce sera difficile. Chacun des petits appareils de " la gauche de la gauche " a son candidat à la candidature. Arlette Laguiller comme Olivier Besancenot ont déjà annoncé qu'ils se présenteraient et il est difficile de penser, en fonction même de ses rapports de forces internes, que le PCF pourrait renoncer à présenter Marie-Georges Buffet. Car là aussi les institutions de la Vème République font des ravages, entraînant la personnalisation de la politique et la dépolitisation des personnes.

C'est regrettable car une force de 10 ou 15 % des électeurs serait la bienvenue au second tour pour battre la droite et éviter la tentation pour la candidate du PS de rechercher le soutien de François Bayrou. Non seulement, en effet, un tel soutien mettrait la gauche à la remorque de la droite (camouflée sous le nom de " centre " mais poursuivant les mêmes objectifs que la droite avec le même type de base sociale) mais elle lui ferait perdre à gauche deux fois plus de voix qu'elle ne lui en ferait gagner à droite.

Encore faudrait-il qu'un accord de désistement réciproque entre le candidat unitaire des collectifs et la candidate du Parti Socialiste puisse voir le jour. Voilà, en tous les cas, une bataille que nous pouvons mener, là où nous sommes, c'est-à-dire au Parti Socialiste. Elle sera d'autant plus facilitée que les collectifs anti-libéraux auront su se mettre d'accord sur une candidature commune.

Il est pour autant très difficile d'envisager qu'un candidat (même unitaire) des " anti-libéraux " puisse être présent au 2ème tour. Il ne faut pas, en effet, confondre les rassemblements militants (comme celui de Montpellier) et le vote des électeurs. Il n'est bien sûr pas possible de totalement exclure cette hypothèse, notamment si la candidature de Ségolène Royal ne s'épargnait pas quelques erreurs monumentales ou si elle s'obstinait à s'opposer à la polarisation gauche/droite et cherchait à imposer une forme quelconque d' " union nationale ". Mais c'est loin d'être le plus probable et, en l'occurrence, comme la plupart des électeurs de gauche, je préfère faire campagne pour la candidate qui a le plus de chances de battre la droite.

Des camarades avancent l'exemple des Pays-Bas pour démontrer la possibilité pour " la gauche de la gauche " d'arriver en tête au 1er tour de l'élection présidentielle. Aux Pays-Bas, en effet, le " non " l'avait aussi emporté en 2005. Et, lors des élections législatives qui viennent d'avoir lieu, les anti-libéraux ont obtenu 26 sièges alors que les Sociaux-démocrates n'en obtenaient que 32. Il faut, d'abord, remarquer que les anti-libéraux ont obtenu moins de sièges que les sociaux-démocrates et qu'ils sont donc arrivés après eux.

Il faut remarquer aussi que les institutions néerlandaises ont (du point de vue de la possibilité pour les " anti-libéraux " d'arriver en tête au 1er tour de l'élection présidentielle) deux différences essentielles avec celles de la Vème République. La 1ère différence est qu'il s'agit d'un régime parlementaire, qu'il n'y a pas d'élection du Président de la République au suffrage universel mais des élections législatives qui permettent de désigner le Premier ministre qui dirigera le gouvernement.

Certes, les Pays-Bas n'échappent pas à une personnalisation certaine de la politique mais des élections législatives, concernant 150 députés entraîne forcément une meilleure prise en compte des programmes politiques. La 2ème différence est qu'il s'agit d'élections à la proportionnelles. Or, dans de telles élections, il n'y a pas de vote " utile ", pas de couperet qui interdirait à la gauche d'être présente au second tour puisqu'il n'y a pas de second tour. De nombreux électeurs ont donc porté leurs suffrages sur le parti anti-libéral sans avoir à se poser la question de savoir si leur vote serait " utile " ou " inutile ". La Constitution de la Vème République ne permet pas d'éviter de ce poser cette question, surtout après le 21 avril 2002.

Jean-Jacques Chavigné www.democratie-socialisme.org

3.3 - Jean-Marie Le Pen se positionnera-t-il à gauche en 2007?

Les instituts de sondages le donnent plus haut qu'en 2002 à la même époque. Et, dans l'entourage de Le Pen, la tentation de réorienter sa stratégie politique vers la gauche et l'électorat populaire existe. Mais le président du Front national ira-t-il jusqu'au bout de cette stratégie ?

21 avril 2002 au soir. Jean-Marie Le Pen accède au second tour de l'élection présidentielle, à la surprise des médias et du personnel politique. Jean-Claude Martinez, proche conseiller du président du Front national, lui rédige alors les grandes lignes de son intervention télévisée. Devant les caméras de télévision, Jean-Marie Le Pen proclame:

" N'ayez pas peur de rêver, vous les petits, les sans-grade, les exclus. Ne vous laissez pas enfermer dans les vieilles divisions de la gauche et de la droite. Vous, qui avez supporté depuis 20 ans toutes les erreurs et les malversations des politiciens. Vous, les mineurs, les métallos, les ouvrières et les ouvriers de toutes ces industries ruinées par l'euro-mondialisme de Maastricht. Vous, les agriculteurs aux retraites de misère et acculés à la ruine et à la disparition. Vous, qui êtes les premières victimes de l'insécurité, dans les banlieues, les villes et les villages. "

Il poursuit :

" J'appelle les Françaises et les Français, quelles que soient leur race, leur religion ou leur condition sociale, à rallier à cette chance historique de redressement national. ".

Jean-Claude Martinez le défend déjà en 2002 : l'espace politique de son patron est à gauche, les catégories populaires ayant déserté pour une bonne part le vote socialiste et communiste. Contre l'essentiel des proches et conseillers de Le Pen, il préconise de s'adresser prioritairement aux laissés pour compte de la mondialisation libérale. Entendu au soir du premier tour, ce conseil sera pourtant abandonné par Le Pen entre les deux tours, rattrapé par les tropismes traditionnels du Front national (immigration, insécurité, etc.).

Mais la situation politique a évolué. Depuis 2002, bien des choses se sont passées. L'appareil du FN a pu mesurer l'importance du vote frontiste dans d'anciennes régions industrielles ou communistes comme le Nord-Pas de Calais ou le Sud-Est. Et le 29 mai 2005, Le Pen a fait partie d'une majorité politique pour la première fois de sa carrière au sein du Front national : celle du non au référendum sur le traité constitutionnel européen. Les candidats à l'élection présidentielle des deux principales formations politiques, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, ont tous deux été de fervents partisans du oui. Dans cette hypothèse, une part significative des 54% des électeurs du 29 mai pourrait ainsi vouloir faire " turbuler " à nouveau le système le 22 avril 2007, le jour du premier tour de l'élection présidentielle.

L'exemple de Chavez

Depuis la première guerre du Golfe à laquelle il s'était opposé, Jean-Marie Le Pen a envoyé des signaux aux icônes de la gauche dans le monde. Après 2002, des contacts sérieux ont été pris par Jean-Claude Martinez afin de lui faire rencontrer le symbole de l'" anti-impérialisme ", Fidel Castro. Accueilli favorablement par le président cubain d'après Martinez, l'initiative aurait capoté du fait de l'opposition des anticommunistes du Front, au premier rang desquels Bernard Antony, qui a quitté la direction du FN depuis. Il a également signé un article favorable au président vénézuelien Hugo Chavez dans National Hebdo, l'organe de presse du Front national. Chavez exerce un puissant effet de fascination sur des publics très divers, des milieux marxistes à ceux de la droite nationale antiaméricaine. Il est regardé avec attention pour sa capacité à avoir fait voler en éclat les anciennes alliances politiques au Vénézuela, balayant la gauche et la droite dites " classiques ". Un modèle que Martinez reformule en un slogan politique : le " Front Alternational ".

Premiers signaux

Le discours de Le Pen à Valmy le 20 septembre 2006, rédigé par Alain Soral, l'essayiste qui a annoncé son ralliement au candidat du Front national et qui est devenu l'un des conseillers du président du FN, a surpris les observateurs du parti. Fin du droit du sang, préférence du droit du sol, défense de l'assimilation contre le communautarisme, acceptation des " Français issus de l'immigration " : le discours fleurait davantage la gauche républicaine que l'ancien langage frontiste.

Citons Jean-Marie Le Pen dans le texte :

" Oui tous, non pas Français de souche ou de papier mais Français de coeur et d'esprit, nous pouvons constituer demain, dans un grand élan d'union nationale, cette armée hétéroclite des soldats de Valmy rassemblée autour d'une même idée - de cette France, qui est d'abord une idée - celle de la République, une et indivisible, fière de son histoire et assimilatrice, respectueuse de la liberté et soucieuse des humbles, et plus que tout éprise de justice et d'égalité , celle de la République, selon notre Constitution : Laïque, Démocratique et Sociale. "

Que décidera Le Pen et son premier cercle ?

Jean-Marie Le Pen privilégiera-t-il une stratégie " de second tour " comme le préconise Jean-Claude Martinez, qui a publié en début d'année A tous les Français qui ont déjà voté une fois Le Pen (Editions du Monde) ? C'est la stratégie que défend aussi Alain Soral, qui affirme que " beaucoup d'intellectuels, artistes, entrepreneurs avouent déjà en privé qu'ils vont voter Le Pen ".

Mais les pesanteurs idéologiques du Front national ne neutraliseront-elles pas les vélléités de ces conseillers de l'ombre d'infléchir la ligne de Jean-Marie Le Pen ? Soral prétend pour sa part que Le Pen est " convaincu " de la nécessité de se repositionner.

Du côté des candidats Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou, rien ne semble indiquer, pour le moment, la construction d'une stratégie qui serait suceptible de concurrencer Jean-Marie Le Pen, s'il optait pour un positionnement " à gauche ".

Ces médias qui ne lui sont pas défavorables

On parle beaucoup des invitations plus régulières du président du Front national dans les grands médias (Ripostes, RMC, etc.). Mais Jean-Marie Le Pen peut aussi compter sur le retour du magazine Le Choc du mois, classé dans la " droite nationale ", qui avait dû cesser de paraître en 1993 après une série de condamnations judiciaires. Relancé en avril 2006, le magazine a déjà publié six numéros et accueilli de nombreuses personnalités : Dieudonné, Denis Tillinac, Philippe de Saint-Robert, Dominique Jamet, Charles Saint-Prot, Jean Sévillia, le père Michel Lelong, Sylvain Attal, Dominique Jamet, Michel Maffesoli, Jürgen Elsässer, etc. Interrogé par Marianne2007.info, son rédacteur en chef Bruno Larebière ambitionne de réunir " people et intellos ". Son casting rappelle un peu celui de feu l'émission " Tout le monde en parle " de Thierry Ardisson. Bruno Larebière déclare ne pas vouloir " jouer les rabatteurs pour Le Pen " et affirme n'avoir " aucun lien organique ou capitalistique avec le Front national ". Il faut noter que c'est dans Le Choc du mois que Dieudonné avait fait les premiers pas en direction de Jean-Marie Le Pen.

Sur Internet, le site Novopress et ses déclinaisons régionales ont réussi à atteindre un lectorat important. A l'inverse du site France-echos qui lorgne parfois du côté de Philippe de Villiers par anti-islamisme, les rédacteurs de Novopress voient d'un bon oeil Le Pen en 2007.

Le site Salut Public travaille quant à lui à la mise en acceptation idéologique des passerelles entre républicains de gauche et lepénistes.

Enfin, les partisans de Dieudonné donnent la parole à Jean-Marie Le Pen sur leur site labanlieuesexprime.org comme sur cet entretien-vidéo.

Julien Landfried communautarisme.net

Source : www.marianne2007.info

4 - combat laïque

4.1 - Rencontre Laïque Internationale du 10 et 11 février 2007 à Montreuil (93)

Appel disponible sur le site: www.laicity.info

La laïcité, dans ses fondements les plus profonds, est un principe universel. La séparation du religieux et du politique représente un progrès de l'humanité vers le respect de l'individu, de ses libres choix, de ses croyances ou de son absence de croyance, et de son droit d'en changer. C'est aussi la condition incontournable du vivre ensemble.

Là où la laïcité n'est pas reconnue, les libertés de conscience et d'expression sont bafouées, les droits des femmes sont inexistants ou en recul, l'égalité des droits entre les femmes et les hommes est niée.

Partout où elle existe, la laïcité est désormais menacée.

La laïcité se voit attaquée à la fois par tous les fanatismes religieux et les fanatiques d'une dérégulation du monde qui, sous couvert de loi du marché, vise à asservir les plus faibles

A travers le monde, des forces intégristes porteuses d'une idéologie totalitaire utilisent l'intimidation, les assassinats et le terrorisme pour tenter d'imposer leur hégémonie.

Aujourd'hui, l'intégrisme islamiste est la menace principale contre les libertés, non seulement dans ce qu'il baptise " terre d'Islam ", mais dans toutes les parties du globe, de l'Extrême-Orient à l'extrême Ouest, du nord baltique au Sud africain.

Face aux menaces et aux assassinats que subissent aujourd'hui ceux qui, dans les pays démocratiques, critiquent l'islamisme de conquête,

Face aux menaces et aux assassinats dont sont victimes, au nom de la religion, ceux qui aspirent à la liberté en pays sous lois musulmanes,

Face aux exécutions et aux lapidations que subissent des femmes et des hommes au nom d'une conception barbare de la religion,

Face au discours islamiste, aux communautarismes et à leurs suppôts, qui divisent les populations et les " communautés " et qui avivent la haine des autres,

Face aux offensives réitérées des réseaux islamistes pour tenter d'embraser le monde musulman contre les pays démocratiques,

Face au lobbying des intégrismes auprès des instances internationales (ONU et ses institutions) pour bâillonner la liberté d'expression en voulant instaurer, à l'échelle mondiale, un délit de blasphème, FACE A CETTE MONTEE DES PERILS

Une mobilisation mondiale est indispensable.

C'est pourquoi nous lançons cet Appel à la constitution, à travers le monde, d'un rassemblement laïque universel.

Dans un monde interdépendant, il est désormais impossible de séparer la liberté de conscience de la notion universelle de laïcité, et de celle d'égalité entre les hommes et les femmes. Les populations sous lois musulmanes aspirent, elles aussi, à une liberté et à une démocratie, ce qui est incompatible avec une hégémonie religieuse.

Nous appelons les femmes et les hommes, dans tous les pays, à constituer une force de résistance pour un mouvement laïque international :

Sur ces objectifs, un collectif d'initiative (ouvert) s'est constitué pour une première rencontre laïque internationale à Paris, les 10 et 11 février 2007.

Premiers signataires, (ordre alphabétique)

Je signe l'appel ci-dessus à: http://www.laicity.info/

Pour tout contact, pour nous soutenir écrire à contacts@laicity.info

Nous avons besoin d'un soutien financier pour la réussite de cette rencontre. Vous pouvez contribuer en versant un chèque de 20 Euro (ou plus !) à l'ordre de l'UFAL - opération Réunion Laïque Internationale. Collectif : laïcity c/o UFAL - 27, rue de la Réunion 75020 - PARIS - France

Le Collectif D'initiative Laïcity c/o UFAL - 27, rue de la Réunion - 75020 PARIS - France
Tél. : 01.46.27.09.25, 06.73.03.37.89

4.2 - Félicitations Caroline !

Le Prix Jean Zay - Laïcité et République 2006 a été attribué à Caroline Fourest pour la Tentation obscurantiste publié chez Grasset.

Créé en 2005 à l'occasion des célébrations du centenaire de la loi de Séparation des Eglises et de l'Etat, il est remis chaque année le 7 décembre pour commémorer la date du vote de cette loi. L'auteur de l'ouvrage se voit attribuer un chèque d'un montant symbolique de 1905 euros.

Ce prix a été remis à Caroline Fourest le jeudi 7 Décembre, au Restaurant Le Procope à PARIS

(...)

Les ouvrages finalistes étaient :

Le Prix Jean Zay 2005 avait été attribué à Gérard Unger pour son ouvrage " Aristide Briand, le Ferme Conciliateur " aux Editions Fayard

Michel Naud Initiateur du réseau brightsfrance.free.fr/

4.3 - La lutte contre l'obscurantisme doit se renouveler

Comme en 1905, il nous faut de nouveau des hussardes et des hussards pour donner un bon coup de pied dans le derrière des archaïques de tout bord. Je me charge des mes coreligionnaires musulmans mais aussi des soit-disant donneurs de leçons qui n'ont de gauche que leur stalinisme à peine refoulé.

L'islam ce n'est pas l'Algérie, ce n'est pas le Moyen-Orient et ce n'est pas le racisme non plus. "Qoique !", aurait rétorqué Fernand Renaud.

Bon nombre de mes contradicteurs me reprochent de ne pas disserter de colonialisme en Algérie et ailleurs, de la Palestine ou du racisme en France.

Autrement dit : ils veulent m'imposer leurs sujets sur lesquels ils espèrent pouvoir me damer le pion. Je fais ici une exception et je disserte de leurs sujets favoris pour démontrer, en peu de mots, qu'ils sont nus. Echec et Mat !

Comme tout un chacun peut le constater, je disserte d'islam = coran+Mahomet (I=M+C) et j'entreprends de réformer cet islam classique dont j'ai hérité et qui nous pose problème, en tout premier lieu, à nous musulmans.

Comme tout le monde le sait, ce sont les musulmanes et leur progéniture qui sont les premières victimes de la vision du monde et des êtres, héritée de nos ancêtres, aujourd'hui complètement dépassée par les événements et par l'évolution. Je ne veux plus que nous soyons des fossiles bons à ranger dans une vitrine du muséum ou une momie bonne à conserver dans un musée, juste à côté du célèbre "Livre des Morts". Les musulmanes et les musulmans ont aussi droit à un islam vivant, qui sait se renouveler en procédant tout simplement à un élagage, échu depuis bien longtemps, mais jamais entrepris par les propres enfants de l'islam.

Mais quoi que je fasse pour définir clairement l'objet de ma démarche et expliquer mes intentions qui, je crois, sont bonnes, il se trouve toujours des soi-disant bonnes âmes qui tentent de me soumettre à un interrogatoire tout en se parant de voiles aux couleurs progressistes :

" Vous ne voyez pas, M. Hilout, les discriminations et l'islamophobie ambiantes ?! Par vos écrits vous rajouter de l'eau au moulin de l'extrême droite ",

" Vous n'êtes pas choqué, M. Hilout, par des décennies de massacres et d'exploitation dont a souffert le peuple algérien entre 1830 et 1962 ?! "

" Vous ne voyez pas le contexte actuel, les massacres et les injustices dont sont victimes des musulmans en Palestine, au Liban, en Irak, en Tchétchénie etc. ?! "

A ces Dames et à ces Messieurs, à ces âmes soi-disant charitables, je voudrais, à mon tour donnez ici quelques petites leçons. La charité consiste aussi à être franc et de bon conseil.

La mule palestinienne en a assez de ceux qui s'entassent sur sa charrette.

Je n'ai pas attendu le nouveau millénaire pour être engagé et me positionner clairement comme militant de gauche : dès le début des années 70, mes années lycée, j'ai manifesté au Maroc contre la dictature de Hassan II, tortionnaire et potentat notoire. J'ai échappé de peu à la répression policière qui s'est abattue, à ce moment-là, sur les élèves, les étudiants, les syndicalistes et les partis politiques en ces années de plomb.

Je n'ai jamais eu besoin, comme certains de mes interrogateurs bien arrogants, de me hisser sur les cadavres des Palestiniens, Libanais, Irakien ou Tchétchènes... pour me faire GRAND et jouer du m'as-tu-vu. Mon progressisme, je le prouve concrètement et tranquillement, en dénonçant sans détour, l'infamie que représente la vision des femmes et des hommes inhérente à l'islam classique.

Algériens, ayez le courage d'engendrer des enfants libres, en commençant par des filles libres !

Il est trop facile -et d'ailleurs sans utilité pour les peuples concernés- de dénoncer les méfaits du colonialisme en Algérie. Le courage consiste justement à aller au-delà de la soi-disant révolution algérienne qui n'a donné à bouffer à son peuple, qu'un ersatz islamique des plus archaïques.

Les Algériennes et les Algériens en ont récoltées les fruits sanguinolents et bien pourris. Elles et ils n'ont pas encore fini de sacrifier à la bête immonde. L'oligarchie militaire, quant à elle, s'est toujours bien portée, grâce à Dieu (wal-hamdou li-llâh), elle est grassouillette, ventrue, bien installée dans ses sofas et n'a jamais eu à combattre au Proche-Orient, par exemple.

Cette révolution, si peu révolutionnaire, n'a jamais osé la démocratie : ni immédiatement après la libération ni dans les années 70, 80, 90 ni 2000. Les potentats du FLN, s'ils ont su se battre comme il se doit, n'ont tout de même pas encore les couilles qui engendrent des enfants libres, issus de pères-et-mères libres et égaux. La révolution algérienne n'a engendré que des demi-esclaves qui se prennent pour des demi-dieux. Les Algériennes, notre douce moitié, sont toujours, comme elles l'ont été sous le code de l'indigénat, esclaves régies par le code de l'infamie à peine adoucie par de sucrettes-réformettes. Ni la Sublime Porte, ni l'Empire, ni la République française, ni la très populaire République algérienne n'ont osé renvoyer ce code de la famille et le statut personnel qu'il définit, à son Moyen-âge.

La discrimination existe en France, dans l'islam aussi : je les connais personnellement, toutes les deux

Les progressistes qui font semblant d'être contre toute discrimination ou racisme se mettent souvent un voile sur les yeux et sur le coeur pour ne pas voir que l'islam classique est porteur puis vecteur de germes d'une discrimination contre les faibles : femmes et minorités religieuses, par exemple. De plus l'islam classique est, sans aucun doute possible, liberticide : la liberté d'expression et d'auto-critique n'a jamais été envisagée par aucun régime islamique, depuis l'hégire à Médine jusqu'à nos jours tout en passant par la Sublime Porte. Les prescriptions légales de l'islam (prescriptions de la charia) portent aussi atteinte à la dignité humaine, à l'intégrité physique des êtres en prescrivant, comme c'était le cas à la Mecque préislamique, la mutilation, les châtiments corporels et même la peine de mort. Les convictions de Bush et ses pratiques seraient, chariatiquement parlant, tout à fait correctes et recevables. Les convictions de Bush et ses pratiques seraient chariatiquement tout à fait correctes. Les Américains devraient lui donner un bon coup de pied et le projeter au Moyen-Orient, là où il se trouvera entre de si bons amis. Ils profiteront ensemble de la manne pétrolière à laquelle sa pagaille irakienne a donné un bon coup de pouce. Le maréchal Kadhafi, les généraux d'Algérie, les Mollahs de l'Iranian Tyrannie et les monarques d'Arabie devraient bénir Bush & Oil Compagnie

Il est donc temps que les lutteurs antiracistes et les soi-disant progressistes de tout bord se démarquent de l'islam classique, je dis bien islam classique et non pas " islamisme ". Il est trop facile de dénoncer ce que tout le monde dénonce à longueur de J.T. et d'éditoriaux. Il faut avoir le courage de revenir à l'innocence de l'enfance et dire tout simplement " le Roi est nu ! ". Je dirais même plus : " les progressistes et les révolutionnaires à la noix le sont aussi et se prosternent avant même que le cortège royal n'arrive devant eux ! ". Ils me donnent envie de leur asséner un bon coup de pied dans le derrière.

Pascal Hilout nouvel-islam.org

4.4 - Des convergences rien moins qu'étonnantes

En visite en Roumanie et en Bulgarie, Mme Colonna - ministre française des affaires européennes - se réjouissait de l'ouverture du marché du travail français aux ressortissants de ces pays (le 01/01/07) en affirmant qu'il fallait que la " demande et l'offre se rencontrent de manière progressive et réfléchie " , notamment dans les secteurs du bâtiment, de l'hôtellerie, de l'agriculture, et en s'écriant - dans un élan louable de sincérité - "la libre circulation des travailleurs est l'un des principes fondateurs de l'Europe" (Le Figaro du 03/12/06).

" Les hommes doivent circuler librement, comme les marchandises et les capitaux " déclarait, il y a peu, Alain Krivine en défendant l'immigration africaine à propos des " sans papiers " de Cachan...

Rapprocher n'est pas analyser, certes, mais c'est précisément éclairer, mettre en lumière cette singulière et objective complicité entre ceux qui " gèrent " le libéralisme économique européen et ceux qui prétendent le combattre tout en préconisant la libre ouverture des frontières à tous les flux migratoires (d'Afrique sub-Saharienne, du Maghreb ou de l'Est européen) au nom de principes humanitaires et de valeurs morales qui ne sont pas sans rappeler les oripeaux " civilisationnels " dont se vêtaient les conquistadores espagnols ou les colonialistes européens d'antan...

De fait, ne peuvent se réjouir que ceux qui possèdent les moyens de production , grands et petits, que ceux qui sont propriétaires d'entreprises ( grandes et petites) liées aux secteurs non-délocalisables de l'agriculture, des services, du BTP, du spectacle ( par exemple) qui voient là affluer une main d'oeuvre bon marché - car habituée à peu et soumise trop souvent à des réseaux qui savent contourner la loi générale - malléable, renouvelable (presque)à l'infini... qui se substitue opportunément à une main d'oeuvre locale aux tendances revendicatives, habituée aux lois qui organisent le marché du travail, intégrant parfaitement les notions de temps de travail, de santé et de sécurité , de rémunération juste, de retraite...

Car il faut être clair : l'Europe " libertaire " (par commodité de vocabulaire), humanitariste et accueillante, est consubstantielle de l'Europe économique " libérale ". La recherche de lieux de production à bas coûts ( délocalisations) se double de la recherche d'une main d'oeuvre " extérieure " que l'on importe de pays plus " pauvres ", demandeuse donc peu revendicative, et prête à tout accepter .

D'autant que (autre avantage pour ceux qui possèdent les richesses économiques et le pouvoir politique) l'afflux irraisonné de communautés internationales massives construit, dans l'espace sociétal d'accueil, une mosaïque " communautaire " où chacun s'enferme dans son groupe d'autant plus que les problèmes d'insertion se heurtent à la différence de langue, de tradition, de religion , de mode d'organisation de la famille, de valeurs collectives ....Tout sépare les nouveaux arrivants de ceux qui sont installés en un espace que leur Histoire a construit et qui les a modelés. ..

Tensions et conflits ne pourront que naître, préparées par ces différences qui forment le terrain du communautarisme, accentuées par des situations différentes devant le marché de l'emploi - où ceux qui ne comprennent pas pourquoi ils en sont rejetés se voient remplacés par d'autres venus d'ailleurs pour jouir ici de plus de droits et d'aides, trop souvent. Le jeu dangereux de l'apprenti-sorcier libéral (relayé par le discours humanitariste de la bien-pensance gauchisante ou bobocratique) déstructure, de l'intérieur, une société qui se voulait homogène, pour la recomposer en espaces clos, forcément concurrentiels et hostiles (toute l'Histoire plaide en ce sens) , dont la recherche de la prééminence se substituera au combat social, par nature rassembleur et unitaire, rejetant le principe de communauté pour imposer celui de citoyenneté .

Alors que la diminution des populations dans les tranches d'âge qui accèdent au marché du travail permettrait de lancer une revendication salariale qui en a besoin,

Alors que pourrait être impulsée une politique de formation permettant de résorber le volant des 400 000 emplois actuellement non-pourvus et de préparer l'insertion de ceux qui sont à l'écart de toute qualification,

Alors qu' il apparaît nécessaire de revaloriser les métiers des services, du BTP, de l'agriculture pour les rendre plus attractifs à ceux qui pourraient y être employés,

Alors que l'on pourrait imaginer des actions de soutien vers les toutes petites entreprises de services (de plus en plus indispensables) pour leur permettre de créer des emplois correctement rémunérés ...

Le libéralisme européen triomphant (surfant allègrement sur les discours " humanitaires " de la " bien-pensance " dominante et culpabilisatrice) organise la libre circulation de la main d'oeuvre malléable et à bon marché pour ses besoins non-délocalisables et à son seul bénéfice - économique, financier, politique et social -, hypothéquant gravement l'équilibre sociétal de la Nation et les chances d'intégration même de ceux qu'il appelle, faisant payer par des charges multiples les coûts sociaux de ses décisions ...et rejetant les citoyens exaspérés dans les bras politiques des aventures extrêmes.

Mais quand on veut dissoudre l'idée même de Nation et dans sa dimension politique (écoutons les discours sur le régionalisme politique de Mme Royal, chantre de la Charte européenne des langues régionales et minoritaire) et dans sa dimension sociétale (comprenons le sens réel de la suppression de l'article 2 de la loi de 1905 préconisée par le rapport Machelon, qui ouvre la voie au communautarisme et au retour des églises dans l'espace public), il n'y a pas là de quoi s'étonner.

Par contre, ce qui reste étonnant, ce sont les atermoiements, les réticences, les moues dubitatives et autres circonvolutions de langage dans lesquels se réfugient les laïques et républicains de ce pays pour ne pas agir ensemble contre les périls qui menacent le socle laïque de notre nation républicaine.

Robert Albarèdes Comité pour le Laïcité et la Démocratie

5 - extrême-droite catholique

5.1 - Attention au catho-intégrisme

En novembre, la commission éthique du diocèse du Var s'est distinguée en appelant au boycottage du prochain Téléthon. Selon elle, l'action médico-sociale de l'AFM (Association française contre les myopathies), organisatrice de l'événement, se résumerait à la "mise en scène de manière triomphale" d'une "stratégie eugéniste : les "bébéthons" ­ qui sont sains parce que n'ayant jamais été malades ­ ne sont que les survivants d'avortements programmés in vitro ou in utero". Ce texte, repris en grande pompe par la presse locale, avant de faire tache d'huile sur l'ensemble de l'espace médiatique, reproche aussi à cette association de familles touchées par des maladies neuromusculaires, meurtrières, rares et incurables, d'avoir veillé à ce que le gouvernement adopte les décrets d'application des lois bioéthiques. La même menace de boycottage vient d'être proférée par Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris. Il est reproché à une association d'avoir accompli sa mission de lobby propre à tout groupe d'intérêt (et d'avoir été, à cette occasion, mieux entendue que l'Eglise, pourtant l'un des plus puissants lobbies du monde occidental). Comme a tenu à le souligner la présidente de l'AFM, "le législateur a, dès 1994, autorisé le DPI (diagnostic préimplantatoire, ndlr) , qui est pris en charge par la Sécurité sociale. Les personnes qui lancent cet appel au boycottage surfent sur la vague du Téléthon pour faire valoir leurs convictions. Pourquoi ne se sont-elles pas exprimées au moment du vote des lois de bioéthique de 1994 et de 2004 ?".

Pourquoi les médias accordent-ils tant d'importance à un courant clérical fondamentaliste, au risque de provoquer, lors du prochain Téléthon, l'effondrement de l'édifice construit depuis vingt ans par des familles isolées et sans espoir, et qui n'ont pas trouvé meilleur moyen que cette fête de la générosité pour combattre l'injustice qui les touche ?

Aujourd'hui, pour de nombreuses raisons, les gens cherchent des repères, un discours simple où le cap est fixé et surtout où relativiser est interdit. L'Eglise l'a bien compris. Avec son "non au Téléthon", elle répond à la demande d'un peuple déboussolé. Les "anti-Téléthon" justifient leur position par le fait qu'ils se placent dans la droite ligne du Saint-Siège sur la bioéthique. Et il ne faut effectivement pas trop compter sur le pape nouvellement élu pour rapprocher l'Eglise de la société contemporaine.

L'influence sur la vie publique de la religion dominante est grande. En Italie, l'an dernier, afin de permettre aux couples de recourir à la procréation médicalement assistée, ou encore d'autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires, les électeurs ont été amenés à se prononcer par référendum sur la réforme d'une loi très restrictive inspirée par l'Eglise. Ce référendum devait recueillir au moins 50 % de participation pour que le résultat pût être validé. L'Eglise a appelé à ne pas se rendre aux urnes au motif qu' "on ne vote pas sur la vie". Résultat, seulement 25 % des inscrits sont allés voter.

En France, les télévisions ont retransmis en direct l'agonie puis la mort du dernier souverain pontife, pendant de longues minutes sur toutes nos chaînes télévisées, oubliant par là même que la France se dit fière d'être un modèle d'Etat laïque. Une épreuve du baccalauréat 2005 ayant pour sujet d'argumenter en faveur de l'IVG a fait scandale, polémique lancée par des catholiques demandant que ce sujet ne soit pas corrigé. Ceux-là mêmes qui ont obtenu en justice la censure d'un panneau publicitaire parodiant la Cène de Léonard de Vinci. Au regard de ces ingérences religieuses dans la chose publique, il semble bien dommage que le débat sur la laïcité, à l'occasion de l'adoption de la nouvelle loi, se soit focalisé sur les signes ostentatoires.

Depuis le référendum italien et l'offensive récente contre le Téléthon français, il est impossible de ne pas avoir à l'esprit que ceux qui, sous couvert d'une pseudo éthique, ont oeuvré pour accroître la détresse de nombreux couples italiens, ceux qui n'ont en France aucun remord à souhaiter l'échec du combat pour la vie d'une association de familles épuisées par la maladie, sont les mêmes que ceux qui font sonner le doux bruit des cloches.

Peut-être appartient-il donc aux médias d'être plus vigilants face à ce discours fondamentaliste, du fait de leur pouvoir d'amplification, mais aussi et surtout à la société civile d'envoyer un message fort à cette dangereuse mouvance intégriste qui nuit au progrès... lors du prochain Téléthon par exemple.

Alexis RIDRAY étudiant en droit à la Sorbonne. Auteur de A la fac comme sur des roulettes, (éditions Dianoïa), livre dans lequel il raconte son parcours d'étudiant atteint d'une maladie neuromusculaire.

Source : Libération, jeudi 7 décembre 2006

5.2 - Le best-seller qui secoue les Etats-Unis

Au pays si religieux de l'Oncle Sam, le pamphlet de Sam Harris, cousin américain de Michel Onfray, fait un malheur. Explications

Voilà un essai où l'on défouraille dès la première page sans prendre le temps de se signer: "Beaucoup, parmi ceux qui s'affirment transformés par l'amour du Christ, sont en réalité profondément, criminellement même, intolérants face à la critique." Ainsi commence " Letter to a Christian Nation ", un pamphlet de 96 pages écrit par un athée américain, Sam Harris[1]. Athée ? C'est un mot qui ne sent plus le soufre dans un pays comme la France. Mais dans une Amérique où 87% de la population affirme "ne jamais douter de l'existence de Dieu" et pense (à 44%) que Jésus fera son come-back dans le demi-siècle à venir, l'athéisme est - ou était-tabou ! L'essai de Sam Harris fait un malheur en librairie. Sixième meilleure vente chez Amazon.com, il a dépassé les 110 000 exemplaires vendus et en est à sa cinquième réimpression. Dans les Sodome et Gomorrhe que sont New York ou San Francisco, passe encore, mais le livre figure aussi parmi les best-sellers à... Kansas City.

Le pamphlet tombe à pic : les Américains commencent à sérieusement se lasser de leur président-évangélique borné, et ils sont de plus en plus nombreux à mettre dans le même sac toutes les intolérances religieuses, qu'elles se commettent au nom de l'islam ou du Christ. Bref, l'anti-God est à la mode. La traduction anglaise du " Traité d'athéologie " de Michel Onfray paraîtra en janvier ; un autre petit livre corrosif, le " Guide du pécheur dans la droite évangélique ", est sorti début septembre. A la télévision, l'animatrice Rosie O'Donnell affirme tranquillement : "La chrétienté radicale est tout aussi menaçante que l'islam radical."On a même vu un athée facétieux mettre son âme aux enchères sur eBay.

Sam Harris et son éditeur avaient anticipé le succès de leur " Lettre ", investissant 200 000 dollars dans une campagne de publicité menée tambour battant, y compris en direction des chrétiens fondamentalistes, qui essaient d'ignorer autant que faire se peut le petit livre infernal. "La récompense, pour dépenser 16,95dollars et perdre une heure et demie de son temps à lire ce livre, est la même que celle qu'on aurait en se tapant la tête avec une poêle en fonte : ça fait du bien quand ça s'arrête", a tout juste commenté le " Fort Worth Star-Telegram ", au Texas.

Mais comme beaucoup de succès, celui-ci est avant tout dû au bouche-à-oreille. L'argumentaire de Harris, qui prolonge son best-seller écrit après le 11-Septembre (" The End of Faith "), est en effet serré, impitoyable contre les créationnistes, souvent brillant et convaincant. Il n'est en rien modéré, s'attaquant aussi bien à ceux qui suivent littéralement la Bible qu'aux chrétiens modérés. Non seulement sur le fond, mais aussi parce que les chrétiens " soft " ne réalisent pas à quel point les conservateurs prennent leur foi au sérieux et tentent d'imposer leur dogme au reste du monde. Harris, lui, n'a aucune intention de prendre ces fanatiques à la légère : l'endroit où il vit, celui où il a grandi, la profession de ses parents ou encore le nom de l'université où il termine un doctorat en neuro-sciences restent un secret.

Notes

[1] "Letter to a Christian Nation", par Sam Harris, Ed. Knopf, 2006.

Philippe Boulet-Gercourt

Source : Nouvel Observateur

6 - combat social

6.1 - Elles s'envolent

L'Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) vient de rendre publique une enquête concernant l'évolution des taxes foncières sur les propriétés bâties. Ce rapport, totalement inédit, révèle une hausse importante de cet impôt supporté par les propriétaires qui s'indignent... peut-être un peu vite.

Tout juste mis en place par l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), l'Observatoire des taxes foncières sur les propriétés bâties vient de rendre public son premier rapport[1]. Les chiffres publiés font état d'une augmentation sensible des taxes foncières (+71,5 % en 10 ans), tandis que le nombre de contribuables assujettis à cet impôt a crû de moins de 20 %. " C'est le coup du siècle pour les collectivités ! " n'a cessé de marteler Jean Perrin, président de l'UNPI, lors de la présentation de l'enquête.

Cette taxe locale permet en effet de financer une partie du budget des collectivités, " les deux tiers des recettes des communes " selon Jean Perrin, lesquelles peuvent logiquement avoir tendance à chercher les fonds là où ils se trouvent. Mais le président de l'UNPI dénonce surtout la capitalisation des hausses annuelles puisque l'assiette des taxes foncières (c'est-à-dire le nombre de personnes assujetties) augmente régulièrement, ainsi que le taux appliqué par les collectivités (qui fait l'objet d'un vote annuel). Un alourdissement fiscal qui prendrait " des proportions catastrophiques pour les propriétaires ", notamment les propriétaires occupants, premières victimes de la taxe. " On pénalise les familles modestes qu'on a poussées à devenir propriétaires occupants ", puis d'ajouter : " Si ça continue comme ça, beaucoup devront vendre quand ils partiront en retraite. " Autre problème, les propriétaires bailleurs pourraient être " tentés de répercuter la hausse sur les loyers ". Un argument à nuancer quand on sait que les taux pratiqués en Île-de-France sont les plus bas (1,27 % contre près de 5 % en Basse-Normandie) et que les propriétaires n'ont visiblement pas attendu la hausse des taxes foncières pour gonfler le prix des loyers. Quoi qu'il en soit, les chiffres révélés pour la première fois par l'Observatoire ne manquent pas d'intérêt, même s'ils auraient gagné à faire l'objet d'une analyse plus approfondie.

Notes

[1] L'enquête a été réalisée avec le concours des 120 antennes locales de l'UNPI, sur plus de 200 villes de France.

Marie Castets

6.2 - "Journal d'un médecin du travail", de Dorothée Ramaut

Le consommateur que nous sommes tous et toutes côtoie assez souvent ces employé(e)s qui travaillent dans les super et hyper marchés. Il devine d'ailleurs que les conditions de travail doivent être particulièrement difficiles... Il est loin de la réalité car si dans certains magasin, les relations de travail sont correctes, dans beaucoup d'autres c'est une autre paire de manche... Parfois c'est l'enfer, les cadences infernales, les pressions des petits chefs, eux-mêmes surveillés et harcelés par celui qui est au-dessus...

Ce n'est pas un révolutionnaire qui dit tout cela, qui décrit cet univers mais un médecin du travail qui a voulu témoigner[1] et expliquer...

La lecture de ce journal est poignante parfois, édifiante surtout. N'importe qui peut se retrouver à la place de ces salariés désemparés, pressurés, qui viennent parfois au travail avec recul, la peur au ventre et qui n'osent même pas demander un arrêt de travail. Ils pourraient se le voir reprocher par leurs propres camarades.

Le harcèlement au travail, cela existe, dans ces grands magasins où la productivité doit être intense mais aussi ailleurs:

" Les manifestations cliniques du harcèlement sont variées. Ce pourra être une intense fatigue, des troubles de l'humeur ( irritabilité, agressivité), des troubles du sommeil, une inhibition psychique, l'apparition de toxicomanie (augmentation de la consommation d'alcool, de tabac, de drogues, de médicaments), de véritables maladies psychiatriques..."

La description est précise, minutieuse mais elle s'appuie surtout sur des constats... Ce ne sont pas des numéros, ce sont des personnes qui souffrent, elles s'appellent: Bernard, Thibault, Mathieu, Aurélie et beaucoup d'autres...

Le médecin du travail est souvent seul... La pression est tellement forte que ceux dont la fonction est de défendre le personnel se taisent ou entrent dans la clandestinité, ou presque : " Les délégués syndicaux et les délégués du personnel viennent me voir en cachette pour me demander d'intervenir ".

Voici là une réalité sociale...

Le docteur Ramaut, rompt la loi du silence pour témoigner, dénoncer les atteintes aux droits de l'homme et les pressions qui s'exercent sur les médecins du travail.

Les menaces sont explicites de la part des patrons : " on peut changer de médecins du travail " ou alors vous contraindre à la démission. Il suffit de peu de chose parfois..

Ce livre est fort utile, il contribue à rendre la parole à ceux et celles qui sont les victimes d'un système où les requins sont rois...et montrer que certains tiennent bon et se rebiffent pour exercer leur métier et assurer leur mission sociale et sanitaire.

Notes

[1] LA LOI DE LA JUNGLE, Edition le cherche midi, 174 pages, septembre 2006, 10 Euro

Jean-François Chalot

7 - école publique

7.1 - Apprentissage de la lecture : Réponse à "LIBERATION"

" Dans son combat pour réhabiliter la méthode syllabique, le ministre fait preuve d'un caporalisme sans précédent. Et fâche les enseignants. ". (Libération du samedi 14 octobre 2006)

Gilles de Robien, ministre de l'Education nationale, retire à Roland Goigoux, directeur d'un laboratoire de recherche à l'IUFM de Clermont-Ferrand, sa chaire de formateur d'inspecteurs à l'ESEN (Ecole supérieure de l'Education nationale) et engage contre Pierre Frackowiak, inspecteur de la circonscription de Douai, une procédure disciplinaire.

Sommes-nous, enseignants en exercice, pédagogues au quotidien, censés nous émouvoir parce qu'un ministre bouscule deux supérieurs hiérarchiques de l'Education nationale, qui, à ce qu'il juge, imposent de mauvaises approches pédagogiques ? Dans un cri d'alarme qui se veut général au monde enseignant, le numéro de Libération du 14 octobre s'offusque des manières " caporalistes " de Robien et du non respect par ce dernier du principe de la liberté pédagogique. Un ministre n'aurait pas le droit de s'attaquer à des membres de la hiérarchie de l'Éducation nationale, sans qu'une presse, très liée à cette dernière, ne consacre deux pages à les défendre ?

Ces deux fonctionnaires sont défendus au nom de la liberté pédagogique[1]. Rappelons d'abord qu'ils ne sont pas enseignants. Par ailleurs, ce n'est pas en ne reconduisant pas à son poste un formateur qui a clairement et publiquement exprimé qu'il était en désaccord avec la circulaire du ministre sur la lecture, ni en engageant une procédure disciplinaire à l'encontre d'un inspecteur qui ne cesse de clamer depuis des mois qu'il ne respectera pas cette même circulaire, que le ministre prive les enseignants de leur liberté pédagogique. Enfin, remarquons que depuis des années, loin de respecter la liberté pédagogique, ces deux membres haut placés de l'Education nationale ont, comme nombre de leurs collègues, imposé à l'ensemble du corps enseignant leur vision de l' " innovation" pédagogique, interdisant la moindre réserve ou critique envers leurs théories, culpabilisant quiconque se réclamait d'une certaine prudence pédagogique et rechignait à jeter aux orties des méthodes dont il avait éprouvé l'efficacité.

L'amusant de l'affaire est ainsi que cette liberté pédagogique est justement battue en brèche depuis trente ans, par ceux à propos de qui on la ressort aujourd'hui. M. Frackowiak s'exprime à ce sujet sur le site de l'Unsa (Union nationale des Syndicats autonomes) en des termes sans équivoque. Ainsi, dans un texte intitulé : " La liberté pédagogique des enseignants, alibi des conservateurs, obstacle à la construction de l'école du 21ème siècle ", on trouve, entre autres, cette phrase : " La liberté pédagogique s'oppose à la notion de professionnalisme, de compétence professionnelle. Elle s'oppose à la notion de responsabilité ", suivie plus loin de celle-ci : " La liberté pédagogique permet également de résister au corps d'inspection quand ceux-ci tentent d'encourager l'innovation ".

Ainsi, à y regarder de plus près, en quoi consiste le scandale ? Qu'est-ce que le renvoi de deux hauts responsables, par rapport au règne de la terreur idéologique qui sévit depuis des années au sein l'Education nationale, auprès des nombreux enseignants qui ne sont pas dans la ligne des sciences de l'éducation ? Les manières autoritaires, intolérantes, les abus de pouvoir des inspecteurs, les cabales organisées contre les maîtres qui refusent, au nom de la liberté pédagogique et de la qualité de l'enseignement, de suivre à la lettre des injonctions absurdes, là est le vrai scandale, et il dure depuis plus de trente ans.

Où était, pendant toutes ces années, cette presse si prompte à s'enflammer pour la liberté pédagogique ? Que n'a-t-elle défendu les maîtres du bas de la hiérarchie qui ont quotidiennement souffert du non respect de cette liberté ?

L'autre scandale résiderait dans la pression parentale pour utiliser certains manuels plutôt que d'autres.

Les parents d'élèves, dans leur majorité, ont vu d'un bon oeil, en décembre 2005, les déclarations du ministre en faveur des méthodes alphabétiques. L'accueil qu'ils ont réservé à sa circulaire ressemblait à une manifestation de soulagement. Ils y ont vu la fin d'une situation dont ils souffraient depuis des années : voir leurs enfants peiner en lecture et en orthographe. Après avoir poussé ce " ouf " de soulagement, les parents d'élèves s'attendaient - attente irréaliste - à voir les choses se modifier dès la rentrée 2006. Ils ont cru qu'il en serait fini, définitivement, des méthodes mixtes à long départ global et à pauvre contenu alphabétique. Il n'en est rien, évidemment, et ils en sont déçus. Ils réagissent parfois avec rudesse, s'en prenant maladroitement aux enseignants. Il est vrai qu'il est dramatique qu'ils en arrivent là. Il est malheureux qu'ils en soient acculés à s'occuper du contenu des cours dispensés à leurs enfants. Mais pourquoi en sommes nous parvenus à cette lamentable situation ?

Les parents d'élèves achètent depuis des années les " bons manuels " en catimini pour faire à la maison avec leurs enfants ce que l'instituteur ne fait pas en classe - parce que sa formation l'en rend incapable et que ses conseillers pédagogiques le lui interdisent. Aujourd'hui les parents semblent préférer que les instituteurs reprennent en main l'instruction de leurs enfants. S'ils ont l'idée que les contenus enseignés au primaire ne sont plus à la hauteur, ce n'est pas simplement par ce qu'ils ont été manipulés par quelques " associations douteuses ". Outre qu'ils se souviennent de l'école de leur enfance, ce qui leur donne un élément de comparaison, ils rencontrent aujourd'hui des enseignants, du primaire comme du secondaire, qui dénoncent les méthodes et les programmes imposés depuis les années 1980, et de la façon la plus caporaliste qui soit.

Ils lisent des livres d'enseignants qui prennent position en faveur de méthodes structurées, permettant un enseignement exigeant. Ces enseignants sont taxés par leurs inspecteurs de réactionnaires, alors qu'ils prétendent seulement rester fidèles à l'idée de l'instruction publique, souvent héritée d'une famille de gauche. Le fait est qu'un pouvoir soi-disant de gauche a créé un discours pédagogique dans lequel les prétentions scientifiques ont aboli le bon sens. La culpabilisation, qui est un des ressorts de ce discours, a tué la confiance en soi des enseignants, et les élucubrations de Diafoirus ont aboli les pratiques efficaces.

Il n'est pas choquant en soit que les parents exigent une école de qualité. Ils devraient même, sur ce sujet, rencontrer l'accord des enseignants et mener avec eux un combat commun. Mais comme la bureaucratie de l'Education nationale fait taire tous les enseignants qui osent braver les réflexes corporatistes, le conflit entre parents et enseignants risque de s'aggraver avant que la confiance en l'école publique ne soit rétablie.

Il est vrai cependant qu'un ministre à lui tout seul n'apportera pas la solution à la crise de l'école. Ce sont les enseignants eux-mêmes qui doivent s'élever contre le règne des détachés d'enseignement - inspecteurs, formateurs, conseillers pédagogiques - qui imposent leurs dogmes par l'intimidation et la culpabilisation. Ces enseignants doivent être écoutés lorsqu'ils s'élèvent contre le non respect de la liberté pédagogique, mais aussi lorsqu'ils mettent en évidence la vacuité des programmes scolaires, car ce n'est pas seulement la liberté pédagogique qui est attaquée depuis trente aussi, mais bien aussi la qualité des contenus d'enseignement, sans cesse rabaissée par ceux qui imposent leurs conceptions farfelues.

En attendant, les instituteurs qui enseignent la lecture selon des méthodes alphabétiques, qui dispensent plus de deux heures hebdomadaires d' "observation réfléchie de la langue" - car il ne faut plus dire grammaire -, qui pratiquent la dictée préparée, qui exigent l'apprentissage par coeur des tables de multiplication, subissent encore aujourd'hui la pression de la hiérarchie... qui, semble-t-il, n'est toujours pas, dans la plupart des cas, convaincue des bienfaits de la liberté pédagogique.

Notes

[1] La liberté pédagogique est inscrite dans la loi, qui stipule que dans la mesure où l'enseignant respecte les programmes nationaux, il peut adopter la méthode de son choix.

Elizabeth Altschull Professeur d'histoire et géographie

Rachel Boutonnet Institutrice

Laurent Lafforgue Mathématicien, médaille Fields 2002

Marc Le Bris Instituteur

7.2 - Contribution au débat sur l'école

La revue "Perspectives Républicaines", animé par le groupe Vive la République (VLR), présidé par François Morvan, publie dans son numéro trois, un numéro complet sur l'école.

Certains peuvent ne pas partager les choix politiques de "Vive la République", qui, soutient la campagne de Nicolas Dupont-Aignan. Cela n'a pas empêché la rédaction de Respublica d'organiser un débat fraternel avec VLR, il y a quelques mois, sur la réalité du clivage gauche-droite, sans que les désaccords ne soient niés.

Dans ce dossier, plusieurs articles sont porteurs de débats incontournables, et trop souvent refusés, sur la réalité de l'école républicaine, aujourd'hui.

Voilà les principaux point du sommaire :

Sans doute peut-on ne pas partager l'ensemble de la lecture, mais en tout cas, voilà une revue[1] qui permet de faire progresser un débat indispensable pour tous ceux qui pensent encore possible de sauver l'école publique.

Notes

[1] A commander (12 euros le numéro) en écrivant à VLR, 18, rue Tournefort, 75005 Paris

Jeanne Bourdillon

7.3 - Cachez ces violences que je ne saurais voir

C'est un long article du Progrès ce matin (le 4/12/2006):

Titre :

"Le collège Truffaut en quête d'apaisement "

"La police municipale assure une présence aux sorties des collégiens depuis que des actes de violence ont dégradé l'établissement "

Où l'on apprend que ce collège classé en ZEP a vu plusieurs actes de violence : une collégienne frappée par des élèves. (Plainte déposée par la famille ) D'autres faits contre une enseignante, et encore des pierres jetées contre la salle des professeurs, lesquels auraient refusé de monter dans les classes. Et même une mini-émeute, par quelques jeunes au moment de quitter l'établissement.

Le maire du 1er arrondissement regrette que les informations ne soient pas remontées à temps. Enfin, une réunion a eu lieu en présence de l'adjoint délégué à l'Education de la Ville de Lyon. La principale juge la rumeur " excessive ". Le Maire souhaite néanmoins rassembler tout le monde autour d'une table.

On ne peut que féliciter le Maire de vouloir briser la loi du silence, (c'est presque l'Omerta) qui entoure ces violences en milieu scolaire . " Je ne vais pas mettre la police municipale toute l'année devant le collège" dit fort justement le Maire .

Combien de collèges, d'établissements, connaissent eux-aussi des violences ? Que l'on cache, que l'on minimise ?

Est-ce une solution de se taire ?

Le courage serait de dire les faits et d'essayer de trouver, avec tous les partenaires concernés, le moyen pour faire cesser ces violences scolaires .

Ne pas les dire, ces violences, c'est favoriser la fuite des parents d'élèves vers l'enseignement privé ,et créer des collèges -ghettos, "l'apartheid scolaire "( livre célèbre qui a bien analysé le phénomène )

Les violences scolaires existent, les enseignants, les élèves en souffrent. C'est la réalité dans certains établissements (pas tous, heureusement)

C'est la raison pour laquelle l'UFAL de Lyon a décidé d'une série de débats sur ce sujet : le premier a eu lieu le 28/9/2006 et le prochain aura lieu à Vaulx-en-Velin , le 14/12/2006.

Et nous avons un très bon accueil dans les lycées et collèges où nous faisons connaître notre initiative !

Comme dit Evariste, le courage, c'est de dire la vérité.

Mireille Popelin

8 - à lire

8.1 - Analyse de l'ouvrage : Jean-Paul Gouteux, Apologie du blasphème.

Jean-Paul Gouteux, Apologie du blasphème. En danger de croire, Syllepse, 2006 (préface de Marc Silberstein).

Jean-Paul Gouteux, décédé récemment, était entomologiste médical à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), à Yaoundé (Cameroun). Ce scientifique, athée, se réclamant de la laïcité, nous lègue un ouvrage dont le contenu, d'une extrême exigence, passe au crible d'une étude érudite la dimension nocive des " messages " délivrés par les trois monothéismes.

En substance, l'humanité n'est pas " une et indivisible " pour les croyants : elle est composée d'une part de ceux qui croient en Dieu, dignes de leur attention complice, et d'autre part des " infidèles ", des " mécréants ", des " athées ". Corollaire de ce qui précède, quand les religions sont dans un rapport de force favorable, elles peuvent tuer.

Jean-Paul Gouteux rappelle un fait historique, qui semble échapper aux " maîtres-penseurs " actuels, qui jugent bienséant - au profit de revirements parfois étourdissants - de promouvoir les " messages " religieux : quand elles participaient au pouvoir, les religions étaient toujours, au mieux, les gardiennes du statu quo et de l'immobilisme social, et au pire, des agents de la régression intellectuelle et d'une terrible oppression politique. En somme, la morale religieuse a trop longtemps été un moyen d'exploiter socialement et politiquement les peuples.

En cela, ce livre est d'une grande pertinence, car en plus de ce tour d'horizon historique des monothéismes, occupés à assurer le " salut terrestre " des gens, Jean-Paul Gouteux dresse le tableau suivant : les conséquences de " passions irrationnelles " qui semblaient pour nous tous avoir disparu depuis longtemps déjà, peuvent faire la " une " de l'actualité.

Jean-Paul Gouteux, qui connaît parfaitement la question, nous engage à réfléchir aux atrocités extrêmes que peuvent susciter les processus de fragmentation, de communautarisation que nous vivons : une approche sans concession du génocide de 1994 au Rwanda, à la hauteur des exactions commises, nous le rappelle.

Il s'agit d'un ouvrage au contenu très courageux, par rapport à l'ambiance plus que délétère que nous vivons depuis quelque temps.

Au moment où les promoteurs de la postdémocratie consensuelle nous incitent à accepter pour règle la " tolérance infinie à l'insupportable " (Alain Brossat), à l'époque où, comme le rappelle Giorgio Agamben, est abolie la distinction entre la norme et l'exception, est rendue indistincte la différence entre la paix, l'état d'urgence et l'état de guerre permanente, il est plus que salutaire de procéder au rappel suivant : la " défense et illustration " de la laïcité est d'une brûlante actualité.

A sa façon, Jean-Paul Gouteux nous lègue un message posthume d'une grande lucidité. Et ce constat s'articule à ce qui suit : le pire des dangers actuels consiste à estimer que nous serions pourvus d'une sorte d'assurance-vie sur la condition démocratique. Nous avons trop longtemps négligé l'avertissement de Périclès tel que relaté par Thucydide : qui ne s'active pas pour la démocratie - et qui ne rappelle pas que la laïcité est " le bien le plus précieux " - est un oisif et un inutile.

Il n'est pas possible de passer sous silence le contenu de la préface écrite par Marc Silberstein, placée sous le signe de l'impétuosité, de l'érudition, du refus intellectuel de la compromission. Depuis quelques années déjà, il place au centre de son activité intellectuelle la nécessité de rappeler le fait majeur suivant : il existe de très nombreux modes d'expression idéologiques, pseudo-scientifiques et religieux, qui sapent " méthodiquement " - des " penseurs " de l'" anti-pensée " sont malheureusement à l'oeuvre - les cadres de la rationalité, les bases de la science, meilleures traductions de cette séparation du " religieux " et du " laïc ". Césure honnie par bon nombre. Avec Jean-Paul Gouteux, Marc Silberstein insiste sur un point essentiel : il est plus qu'urgent de concevoir et promouvoir enfin une morale humaine, décidée au sein d'une humanité n'ayant plus de compte à rendre à une transcendance illusoire ; débarrassée définitivement de la croyance obtuse en un au-delà chimérique.

Marc Silberstein répudie radicalement et fort justement un concept qui semble aller de soi, pour les " maîtres-penseurs ", que j'ai évoqués un peu plus haut : le libre-arbitre. De plus, le religieux en appelle à un monde qui serait à jamais impénétrable par nous, humains, et de ce fait se roule dans la fange blasphématoire ultime : le blasphème contre l'intelligence, contre l'élan de la raison.

Avec beaucoup d'habileté, Marc Silberstein détourne à son propre profit - et au nôtre, celui des défenseurs de la Raison, de la laïcité - cette notion de blasphème, attentatoire aux libertés démocratiques, qui séduit en ce moment de nombreux politiques, décideurs, et autres " permanents " de la médiacratie. Lesquels, ayant perdu tout discernement, voguent sans vergogne aucune sur le mascaret de la démagogie. Manifestation tangible et paroxystique d'un monde " déboussolé ", qui promeut affreusement les " moyens " sans les " fins ".

Face à cela, il est en définitive nécessaire, vital, que l'humanité entre enfin dans l'âge de la raison. N'est-ce pas là une posture intellectuelle et personnelle qu'une Gauche laïque et républicaine digne de ce nom ne peut que soutenir ?

Jean-Marc Del Percio

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