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  1. chronique d'Evariste
    1. La "lepénisation des esprits" des Indigènes de la République, par Évariste
  2. combat laïque
    1. Analyser la dérive de la direction du Mrap, par Alain Callès
    2. La LDH et son président renvoient dos-à-dos Charlie Hebdo et les censeurs islamistes, par Jeanne Bourdillon
    3. "Charlie Hebdo", le débat est légitime, par Jean-Pierre Dubois
    4. Laïques de tous les pays, unissez-vous !, par Mireille Popelin
  3. débats républicains
    1. POURQUOI NOUS LANCONS UN DEFI PUBLIC A l'INTEGRISME LIBRE-ECHANGISTE, par Jacques Sapir
  4. élections présidentielles 2007
    1. La fin de l'Education nationale : est-ce votre projet, Madame Royal ?, par Pierre Baracca
    2. Sarkozy et la dette publique, par Jean-Jacques Chavigné
    3. Bayrou et la retraite par points, par Jean-Jacques Chavigné
    4. Après le procès contre Charlie Hebdo, libres propos et leçons évidentes, par Robert Albarèdes
  5. courrier des lecteurs
    1. Mon ressenti de Villepinte: J'y étais !, par Corinne Daudier
    2. Libération de Bidard : OUI à La clémence... NON à l'indécence !!!, par Jean-Claude Santana
  6. à lire
    1. IL N'Y A PAS QUE LES ARMES QUI TUENT !, par Jean-François Chalot
  7. Agenda

1 - chronique d'Evariste

1.1 - La "lepénisation des esprits" des Indigènes de la République

Il ne faut jamais oublier de rappeler qu'avant 1981, le Front national ne faisait pas 1%, en France. C'est à Dreux, en 1983, que le couple Stirbois, aujourd'hui disparu, a fait une percée, dans une élection locale, à 16%, posant à la droite le problème des alliances avec un mouvement fasciste. On a vu, localement, pour conserver des Régions ou des mairies, des élus comme Gaudin ou Million, pour ne parler que des plus spectaculaires, pactiser ouvertement avec les amis de Le Pen. On a vu des passages du RPR ou de l'UDF au FN, des billets de retour, comme le maire de Nice, Peyrat, mais cela n'a pas atteint des phénomènes de masse.

Majoritairement, un cordon sanitaire a été constitué autour de l'extrême droite. Le Pen soutenait l'Afrique du Sud de l'apartheid, le Chili de Pinochet, l'Espagne de Franco, et on trouvait chez lui, lors de la création du FN, de nombreux militants qui, comme André Dufraisse, avaient collaboré avec l'occupant nazi et Pétain dans les années 1940.

Lors de l'établissement de ce cordon sanitaire, tous les dérapages du FN, toutes les incitations à la haine raciste, étaient, à juste titre, épiées et pourchassées par la presse, et tout le mouvement antiraciste.

Pendant ce temps là, certains, à l'extrême-gauche, parlaient déjà de "lepénisation des esprits". Pour eux, tout citoyen des quartiers populaires qui osait aborder des questions tabous comme l'insécurité, les ghettos ethniques et leurs conséquences, les rapports de violences qu'imposaient de jeunes garçons aux jeunes filles dans les quartiers étaient immédiatement traduits par une " lepénisation des esprits ". Les sociologues gauchistes ont entamé le discours du " petit blanc " raciste, et parallèlement, bien sûr, le discours systématiquement victimaire et compassionnel vis-à-vis de la population issue de l'immigration.

Comme on ne casse pas la fièvre en brisant le thermomètre, le résultat de ces brillants discours, qui niaient certaines réalités douloureusement vécues par les plus démunies, fut le 21 avril, l'absence d'un candidat socialiste au second tour, et le choix imposé aux Français entre Chirac et Le Pen.

Les leçons ont-elles été tirées par tous, à gauche ? La lecture du dernier procès de Charlie Hebdo, par la secte des " Indigènes de la République ", influente chez des candidats comme José Bové, Marie-George Buffet, Dominique Voynet ou Olivier Besancenot, est révélatrice.

Plusieurs phrases de leur dernier communiqué, publié le 9 février, font froid dans le dos.

Ce mouvement "dénonce avec la dernière vigueur le consensus raciste qui s'est à nouveau exprimé à l'occasion du procès intenté contre Charlie Hebdo par la Grande mosquée de Paris (GMP) et l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) ".

"Désormais un racisme démocratique se met en place qui, de Charlie hebdo à Pascal Sevran, en passant par Georges Frêche et François Bayrou, prend pour cible les descendants de colonisés", commentent les Indigènes de la République.

"Stigmatiser des noirs ou des musulmans n'est pas vraiment amoral, encore moins un délit, car ce ne sont pas vraiment des Français", ironise le Mir.

"Sarkozy peut lancer dans les rues ses meutes policières à la traque aux sans papiers, personne ne lui en tiendra rigueur", poursuit le texte selon lequel "il apporte son soutien à Charlie hebdo, Pascal Sevran peut insulter les noirs, qu'importe, c'est l'ami de Renaud et d'SOS racistes".

L'association en conclut que "le monde blanc se tient les coudes, alors que négrophobie et islamophobie sont devenues les dernières expressions, les plus chics, du courage politique".

On pourrait rire de ces délires si on ne mesurait pas leurs conséquences.

Nous étions les premiers à dire que certains discours de Le Pen étaient des encouragements à la haine et à la violence contre les populations les plus exposées socialement, notamment celles issues de la colonisation. Mais ne doit pas réfléchir également aux conséquences de ces discours ouvertement racistes anti-blancs ?

Quand une manifestation lycéenne est attaquée au faciès, en 2005, où des voyous infiltrent une manifestation, et agressent tout ce qui ressemble à un étudiant "de souche", ne faut-il pas s'interroger sur la portée de certains discours, et leurs conséquences ?

Quand un idéologue des " Indigènes de la République ", Sadri Khiari, ethnicise la révolte de 2006 de toute une jeunesse contre le CPE, la qualifiant de " révolte de petits blancs ", qui servirait à masquer la seule révolte qui trouve grâce à ses yeux, celle de cette toute petite minorité de casseurs qui, en novembre-décembre 2005, a incendié trois cents écoles, brûlé autobus et voitures de travailleurs et de chômeurs, détruit des entreprises où travaillaient ceux qui en ont le plus besoin, tué deux passants, ne faut-il pas réfléchir à la portée de ces propos ?

Quel manifestant n'a pas assisté, lors de cette magnifique révolte populaire inter-générationnelle contre Villepin-Sarkozy, à ces attitudes haineuses de jeunes racailles qui, bien organisées, frappaient et dépouillaient les jeunes étudiants, et tentaient d'agresser les services d'ordre syndicaux, comme les groupes fascistes le faisaient dans les années 30, dans d'autres pays ? Aucun rapport avec le discours " Indigène " ?

Aujourd'hui, la secte ose dire que la défense de la liberté d'expression, la lutte contre l'obscurantisme religieux, la laïcité, est un combat de " blanc ". Ils osent dire que Charlie Hebdo est un journal raciste. Ils attisent une haine revancharde malsaine, en France, sur le territoire de la République, en toute impunité. Ils sont porteurs d'un véritable discours de guerre civile, sur des bases racistes. Ils veulent enfermer tous les enfants issus de l'immigration dans un statut d'enfant de colonisé et de victime, et entendent leur interdire toute réussite sociale !

Aujourd'hui, ils osent dire qu'un mouvement comme " Ni Putes Ni Soumises " stigmatise les jeunes garçons de banlieue, parce qu'il entend mettre fin aux violences sexistes que subissent les jeunes femmes qui, telles Samira Bellil ou Sohane Benziane hier, et leurs soeurs aujourd'hui, veulent résister à l'ordre machiste et religieux qu'on veut leur imposer. L'égalité hommes-femmes serait-elle une valeur de petit blanc, raciste et occidentale ? Ne pas porter le voile signifierait-il, pour eux, qu'on est une fille facile, disponible pour les petits caïds, et que, comme le disait un mufti australien, si on est violée, on l'a bien cherché ?

Aujourd'hui, ils ne disent pas ouvertement, tel un Mohamed Latreche, président du Parti des Musulmans de France, " Les Arabes n'ont rien, les Juifs ont tout ", mais ils tiennent un discours malsain, ambigu, qui laisse entendre à toute une jeunesse que finalement, c'est quand même la réalité.

Le conflit israélo-palestinien a bon dos. Qu'un Dieudonné vienne fanfaronner au procès de Charlie Hebdo, après avoir été se faire voir à la fête de Le Pen, est révélateur. Ce que veut Dieudonné, quand il " soutient " Charlie Hebdo, c'est que le modèle anglo-saxon s'impose en France, et qu'on puisse tenir impunément n'importe quel propos raciste contre les Juifs ou d'autres, au nom de la liberté d'expression. Mais une frange de la jeunesse soutient Dieudonné, et voit en lui un " résistant ", ce qui est grave, alors qu'il est devenu un sinistre pantin au service de l'extrême droite raciste. Mais Dieudonné, c'est la conséquence du discours raciste des " Indigènes " sur toute une jeunesse !

La France a toujours été un pays d'immigration. C'est la fierté de la République que de voir qu'un tiers de ses enfants a un grand-parent venu d'ailleurs. Mais c'est la première fois, dans notre histoire, qu'un travail de sape et d'incitation à la haine raciale est organisé aussi méthodiquement, depuis des années, contre les valeurs égalitaires et solidaires de la République.

Naturellement, les premières victimes de ce discours sont les enfants les plus pauvres, ceux qui ont besoin de l'école pour s'en sortir socialement.

Mais certains " Indigènes ", par ailleurs sociologues ou universitaires confortablement installés dans les hautes sphères de la République, avec de très bons salaires, ne vont-ils pas jusqu'à dire que s'intégrer dans la société des blancs colonisateurs, c'est trahir l'histoire des colonisés ?

Aujourd'hui, ces idéologues vomissent l'intégration, vomissent la République, vomissent la laïcité, et voient du racisme et de la " lepénisation des esprits " partout. Pourtant, force est de constater que ce sont eux qui parlent le plus de race, et qui ont l'air obsédés par ce concept.

Récemment, un vieux nationaliste corse, sous couvert d'anonymat, disait qu'à cause du discours du FLNC, on avait pourri son île pour trois générations.

Comme le discours a commencé dans les années 75, on doit être à mi-parcours.

Qui sera capable de mesurer, un jour, l'ampleur des dégâts que le discours de ces bobos communautaristes, bien planqués et vivant plutôt confortablement, occasionnent dans des "territoires perdus de la République", et surtout combien de temps il faudra pour que le "vivre ensemble" l'emporte contre les discours haineux des nouveaux racistes déguisés en communautaristes de gauche et d'extrême gauche ? Comment surtout ne pas voir qu'ils font le jeu du gouvernement et du libéralisme, en cassant les solidarités sociales et en segmentant la société en fonction de l'origine de ses citoyens ?

Que pense de tout cela Olivier Besancenot, dont l'organisation comprend à sa tête des historiques des Indigènes, comme Catherine Samary, et dont certains militants interrompent leur meeting, comme à Montreuil, pour que les musulmans aillent faire leur prière à la mosquée voisine ? Que pense de tout cela Marie-George Buffet, qui trimballe dans ses valises Mouloud Aounit, qui certes n'a jamais signé un texte " Indigène ", mais qui en répercute tous les discours, sans oublier les Martelli ou Zarka, derrière qui sévit Braouzec ? Que pense de tout cela Dominique Voynet, dont l'organisation est infiltrée, notamment à Roubaix, par les amis de Tariq Ramadan, initiateur de l'appel des " Indigènes ", en 2005 ? Et qu'en pense José Bové, celui qui défend les voilées à l'école, qui ne peut ignorer que beaucoup de signataires de cette pétition sont dans son premier cercle ?

Quand les intégristes fascistes qualifient les laïques de racistes, les communautaristes gauchistes disent la même chose, et la majorité de la " gauche de la gauche " se tait.

Le week-end dernier, à Montreuil, qui n'a pas entendu le cri de Sahila et de tous les militants algériens, et leur rage contre cette clique qui, d'Aounit à Tubiana, de José Garçon à Xavier Ternisien, des Verts en passant par la LCR et le PCF, a fermé les yeux, en Algérie, pendant les années noires, et continue à les fermer, encore maintenant, face à l'offensive de l'intégrisme islamiste.

Marc Dolez avait raison, le week-end dernier, en rêvant d'une internationale laïque. En attendant, face à cette alliance mortifère de fachos islamistes et de gauchos communautaristes, il est du devoir des organisateurs du week-end dernier, et de toutes celles et ceux qui ont assisté aux travaux de ces rencontres, de s'organiser. Car nul ne le fera à leur place, et ils ne peuvent compter sur personne d'autre pour barrer la route aux neo-racistes et à leurs alliés islamistes.

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - combat laïque

2.1 - Analyser la dérive de la direction du Mrap

" La religion, c'est comme les vers luisants :

pour briller, il leur faut l'obscurité "

Schopenhauer

Au cous de ces quinze dernières années, des glissements sur les principes fondateurs de la République font paraître comme inéluctable un affrontement entre ceux qui restent fidèles à l'universalisme et aux espoirs d'un monde meilleur pour le vivre ensemble, et les partisans d'une société cloisonnée, renfermée sur ses communautés où la plus influente aura l'hégémonie sur les modes de vie et de mort de tous.

Cet affrontement, qui n'est pas ce que l'on veut nous faire croire, un affrontement entre un occident et un orient, s'effectuera sur la ligne universalisme contre communautarismes, laïcité contre obscurantisme.

Au sein de notre société, le communautarisme se nourrit de nos renoncements à nos principes fondateurs depuis la révolution française et le siècle des Lumières. Comme le faisait remarquer Philippe Val, nous rejouons la lutte entre Sparte et Athènes, entre la barbarie totalitaire et figée, et la recherche du progrès dans un monde qui restera imparfait mais en mouvement et en recherche vers le progrès social.

Ces renoncements s'opèrent par glissements successifs :

La politique du " OUI MAIS " :

" Oui à la liberté d'expression, MAIS Charlie humilie... ", " Oui à la liberté de parole, MAIS Redeker insulte... ".

Bien sûr on lutte contre l'antisémitisme, mais on ne manifeste pas après l'assassinat d'Ilan Halimi, pour ne pas " se compromettre avec d'autres ", comme si l'antisémitisme était à reltiviser en fonction de ceux qui le condamnent aussi. Qui est mon voisin importe plus que dire " plus jamais ça ".

On condamne vertement la politique de colonisation d'Israël mais on " comprend " les actes du Hezbollah, on ne les condamne que du bout du communiqué quand on n'oublie pas de communiquer.

On condamne du bout des lèvres des manifestations d'antisémitisme en banlieue, pour ne pas stigmatiser les jeunes. N'est-ce pas desservir ces jeunes que de ne pas condamner fermement tout dérapage et toute atteinte aux fondations de notre " vivre ensemble " ? Le silence s'apparente à une compréhension dont la mollesse se teinte de renoncements complices. Sur la scène du Moyen-orient, dont les répercussions sont importantes en France, pourquoi les organisations de défense des droits de l'homme n'émettent-elles pas des condamnations réellement sans complaisance ni excuse pour les attentats dont sont victimes les populations civiles, de part et d'autre ?

De renoncements en renoncements

Au MRAP, organisation qui prend ses racines dans la Résistance au nazisme, on demande la libération de Papon. Ce n'est pas un criminel et un bourreau par procuration qui va bientôt s'éteindre, mais un homme libre qui aura bien profité d'une vieillesse sereine auprès des siens.

Au MRAP, le Président déclare un délit de blasphème avant de se rétracter rapidement sous la pression des adhérents.

Au MRAP, on oublie de célébrer les Justes alors que les fondateurs du MRAP sont des organisations juives qui créés des réseaux pour protéger les enfants juifs. Il faut être aveuglé par le niveau zéro du jeu politicien pour ne pas comprendre que lorsque Chirac honore les Justes, c'est aussi et surtout, pour l'histoire, à travers sa fonction de chef de l'Etat, la Nation qui fait entrer les Justes au Panthéon par une plaque commémorative.

Au MRAP, le Président se place à la télé du côté des religieux, entre un évêque et un imam, et déclare, replet de la satisfaction de son petit effet, que " Redeker = Ben Laden ".

Au MRAP, on a pu voir son président partager une table de conférence au FSE avec un RAMADAN. Ce personnage au double langage, qui pratique la Takia, fera ultérieurement une liste (fausse d'ailleurs) de Juifs. Depuis la seconde guerre mondiale, seul LE PEN a osé faire une telle liste avec des noms de journalistes. Il faut vraiment manquer de clairvoyance pour ne pas discerner où se situent vraiment les racines du combat pour les valeurs universelles. C'est dans ces dispositions que le MRAP a laissé la porte ouverte à " une école pour tous ", et a poussé loin le flirt avec les communautaristes et autres indigènes de la République avant de les condamner du bout des lèvres. Ouma.com, qui reprend immédiatement les positions du président du Mrap, ne s'y est pas trompé. Ce sont là les nouvelles fréquentations du dirigeant d'une organisation issue de la Résistance au nazisme... Une nouvelle façon d'interpréter " du passé faisons table rase ". Et aussi une certaine façon de bafouer les fondateurs et de mépriser la sincérité de ses militants sur le terrain qui, pour la plupart ne sont pas dans une démarche communautariste.

L'évolution du droit à la différence (et à propos du relativisme différentiel):

Dans les années 80, le droit à la différence est revendiqué par les défenseurs des Droits de l'Homme. Comme beaucoup, je me suis battu pour ce droit. J'ai battu le pavé dans de nombreuses manifestations POUR LE DROIT A LA DIFFERENCE DANS LE CADRE DE L'EGALITE DES DROITS. LES MEMES DROITS POUR TOUS. QUELLLES QUE SOIENT L'ORIGINE OU LA NATIONALITE. Je suis fier d'avoir activement participé à l'organisation de la plupart de ces actions.

Depuis quelques années, on assiste à un renversement de ce principe fondamental, la revendication du droit à la différence ne s'inscrit plus à l'intérieur un cadre républicain d'égalité. Il lui devient extérieur et se transforme en un supra-droit qui voudrait SOUMETTRE le droit républicain aux particularismes des uns ou des autres.

Ce faisant, l'universalité des droits est soumise au religieux. C'est le glissement de la citoyenneté partagée vers un communautarisme reconnu et soutenu. Il s'agit là d'une véritable perversion du droit à la différence, comme il y a perversion du droit à la tolérance. Ce relativisme culturel devient alors générateur de racisme, d'homophobie, de sexisme.

Le tiers mondisme résultant d'un syndrome de repentance d'un passé colonial :

Nous devenons coupables, comme héritiers de nos ancêtres, du colonialisme. A travers ce tiers mondisme, l'islam apparaît comme la religion des exploités et à ce titre ne serait plus critiquable. Comme si être musulman empêchait d'être fasciste, intolérant, sexiste. Comme si être musulman donnait le sens d'une vérité politique.

Il faut donc chuchoter si ce n'est se taire sur les exactions du Hamas en Palestine ou du Hezbollah au Liban.

C'est ainsi que les organisations comme le MRAP ou la LDH commencent à avoir un regard divergeant selon le pays visé :

L'obscurantisme qui guide Bush est condamnable tandis qu'au Moyen Orient " il faut comprendre ". Tout comme du côté de la LICRA le silence sur le mur est assourdissant.

Ici, en France, le glissement vers un antiracisme sélectif intervient directement sur critère religieux :

Ainsi, celui qui critique l'islam devient, nouvelle terminologie, un ISLAMOPHOBE. Cette notion d'islamophobie est constamment mise en avant, et remplace le terme racisme. Il est vrai qu'un certain racisme anti-arabe peut se cacher ainsi sous le rejet de l'islam. Il faut le savoir, le reconnaître et le combattre. Le fait est que certains utilisent ce mécanisme pour rejeter celui qui est croyant et qui est souvent, dans nos pays occidentaux, l'arabe. Ce peut être un support au racisme.

Soyons clairs, si ce comportement est raciste, on combat un racisme, quel que soit le support qui véhicule le racisme. Il n'y a pas des racismes, mais un racisme. Une organisation comme le MRAP, qui a changé son sigle sur ce constat en 1967, est bien placée pour le savoir.

Dans phobie, il y a la peur, d'où le rejet de ce qui génère la peur. Mais cela ne peut en aucun cas, justifier de ne pas pouvoir être islamophobe. Oui, on peut avoir peur d'une religion et la penser nuisible et la rejeter sans pour autant être raciste. On peut rejeter un clergé, de quelque religion que ce soit, sans chercher à nuire à celui qui croit en cette religion et la pratique dans une sphère privée.

Il y a un droit à être islamophobe tout comme on peut être religionphobe ou chrétianophobe. Ce n'est pas parce que certains racistes utilisent l'islam pour masquer leur racisme antiarabe que je ne peux pas être islamophobe. Personnellement, je crains les religions et surtout les hommes qui agissent en leur nom, et leurs clergés. Je les tiens à distance de ma sphère. Je n'en suis pas raciste pour autant et je reconnais à chacun le droit à ses croyances et à l'exercice privé de ses rites.

Le religieux et le lieu (le lieu mis au ban) :

En France, un glissement s'opère par le fait de considérer quelqu'un par sa religion réelle ou supposé. Ainsi, le regard sur certaines banlieues évolue. L'immigré, ou ses descendants, ne seraient plus des gens considérés en difficultés sociales, économiques ou culturelles, des citoyens relégués dont importe peu l'origine ou la nationalité. Non, maintenant, on leur suppose une identité religieuse à laquelle ils sont censés s'identifier et à laquelle on les identifie, même s'ils sont catholiques, athées ou agnostiques. Ce faisant, quand, rejetés de toutes part, il ne reste comme refuge que la religion, il est vrai qu'elle peut alors devenir une identité qui sera affirmée comme référente. Les réseaux de prosélytisme jouent beaucoup sur ces ressorts. La religion de ses origines, c'est aussi ce qu'il reste quand on n'a plus de prise sur sa propre vie.

Mais, Au lieu de dénoncer et d'aiguillonner les politiques pour combattre ces mécanismes d'exclusion, les organisations de défense des Droits de l'Homme vont flatter ce caractère supposé d'identification à la religion musulmane. Toute critique de cette religion tombe alors sous le coup de l'islamophobie. On laisse ainsi libre cours à tous les errements, au détriment des principes fondamentaux des droits de l'homme et en particulier la liberté d'expression.

Le glissement entre la critique de la religion et celle de l'individu croyant :

Ce glissement a été facilité par une approche somme toute condescendante envers ceux qui sont musulmans et qui sont les " pauvres " de notre monde, les prolétaires immigrés. Ainsi, critiquer la religion devient stigmatiser l'arabe ex-colonisé et ainsi au prolétaire. Il est sous-entendu que le prolétaire ne peut être critiquable et critiqué puisqu'il est prolétaire. Ce qui laisse augurer d'une reconnaissance effarante à un déterminisme social et économique.

Les deux principales organisations historiques de défense des Droits de l'Homme se sont engluées dans cette approche sans fin. Sans fin, car une fois mis de côté les principes fondamentaux d'égalité et de citoyenneté sur lesquels repose la lutte antiraciste, une fois abandonné le principe de non hiérarchisation des racismes dans la lutte antiraciste, il n'y a plus de barrière à la succession des glissements. De glissements en glissements, on se trouve piégé, comme cela a été le cas pour Mouloud Aounit dans une émission de télévision, dans une posture où l'on est du côté des imams et des évêques, du côté de l'interdiction du blasphème, du côté de l'interdiction de la critique des religions.

Dans un cadre international, mais sous-tendus par les mêmes mécanismes, certains arrivent ainsi à perdre toute critique envers le Hamas ou le hezbollah. Les dirigeants démissionnaires de la LDH en ont parfaitement démonté le mécanisme dans un article du Monde. Pire, pour justifier cette attitude on renverse l'objectif de son combat et l'ennemi devient celui qui refuse toute complaisance envers l'islamisme politique. C'est ainsi qu'une expression sans concession dans la lutte contre l'antisémitisme peut faire de vous quelqu'un de louche, voire de raciste à classer parmi les néo-colonialistes.

C'est avec ce type d'approche qu'en réunion d'instances nationales, une responsable du MRAP réclamant, non pour elle, mais par principe, le droit pour tout citoyen d'être religiophobe, s'est immédiatement faite injuriée et traitée de raciste.

La facilité médiatique et le " bon client " :

Le rôle des médias à la recherche du sensationnel et du bon client à exhiber n'est pas neutre. Les dérives décrites ci-dessus sont sélectionnées, mises en scène avec leur protagoniste et instrumentalisées pour faire des points d'audimat : peu d'analyses, on préfère l'évènementiel de l'opposition bloc à bloc, tout bon contre tout mal. Celui qui veut paraître doit passer par ce système. C'est ainsi qu'à travers la médiatisation outrancière de son président sur des affaires montées en épingle comme les soeurs Lévy ou des prises de position réductrices de libertés fondamentales comme la liberté d'expression, la liberté de presse ou le droit de blasphème, le président du MRAP, à lui tout seul, avec une organisation muselée, a fait tenir au MRAP le haut de l'affiche sur l'islam (pensez une organisation laïque, historiquement proche du PC, qui dialogue à côté de Ramadam et défend l'ordre religieux !!). Pendant que son manque d'analyse et son silence sur les combats en cours durant la même période avec les lois sécuritaire du candidat ministre de l'intérieur ou sur les sans papiers devenaient atterrant de la part d'une organisation dont le rôle principal aurait été de mener des campagnes sur ces questions.

Le religieux comme outil pour être visible MEDIATIQUEMENT :

La situation est paradoxale puisque, officiellement, c'est justement pour rester proche des gens issus de l'immigration que se sont opérés ces glissements, et que le terrain de la lutte pour la citoyenneté et l'égalité des droit a été peu à peu désertée. C'est dans ce contexte que les manifestations d'antisémitisme qui ont surgi aussi dans les banlieues ont été minimisées. Ces questions n'étaient plus abordées que du bout des lèvres, " pour ne pas stigmatiser " des gens qui sont déjà des " victimes ".

Les mouvements antiracistes ont ainsi pratiqué progressivement un antiracisme sélectif, dans un contexte de désintégration du lien social.

De fait, nous assistons à une communautarisation du regard des organisations historiques de défense des Droits de l'Homme sur la société française.

Sur des secteurs qui lui sont plus spécifiques, comme ce qui concerne la mise sous surveillance des " personnes à risques ", leurs fichages, la diffusion de données personnelles comme les informations médicales ou psychiatriques, la LDH n'est pas apparue comme un fer de lance du combat contre des lois liberticides. On cherche encore l'analyse et les mobilisations sur le passage du traitement des gens à la " marge " par les maires puis les préfets (par exemple : sur le rôle nouveau dévolu à l'hôpital psychiatrique comme lieu d'enfermement. Rôle que le corps médical a abandonné depuis 50 ans au profit d'une politique de soins et de santé, si insuffisante soit-elle). Les principes fondamentaux oubliés, il ne reste personne pour défendre les " à la marge " de nos sociétés, tant que ces " créneaux " ne sont pas médiatiquement porteurs d'image.

LA CERISE SUR LE GÂTEAU :

le constat est déjà affligeant au regard de la perte de repères de ces organisations et de l'abandon progressif des combats sur les principes fondateurs des démocraties. alors que les manquements criant de justice, les droits fondamentaux bafoués, les discriminations institutionnelles et privées flagrantes, les relégations au ban de la société de pans entiers de citoyens, nécessiteraient encore beaucoup d'énergie militante et de réflexion.

Ces carences ne suffisaient pas au MRAP. Il a fallu que la barque soit encore plus chargée en y ajoutant l'opportunisme carriériste de son président auquel est associé du marketing politique : En ayant développé autour de son nom une approche communautariste, le président du MRAP a identifié une niche électorale avec des voix communautaires à ramasser. Il lui suffisait de franchir le pas et de se proposer, en simple citoyen bien entendu, au service d'un parti qui, à cette occasion, pourra toujours bénéficier de l'aura du personnage auprès d'un électorat potentiel.

Deux éléments s'articulent alors en complémentarité :

En dirigeant une organisation spécialisée dans la lutte contre l'islamophobie (et donc en creux qui nie les autres formes de racismes), on attire sur sa personne la sympathie de gens à approche communautariste qui ne se sentent pas représentés comme tels sur la scène politique. D'un autre côté, celui qui cristallise sur lui cet électorat potentiel propose de se placer sur le marché politique électoral. Il apporte ainsi un potentiel électoral supplémentaire au parti qui le reconnaît en l'intégrant sur ses listes.

Ce n'est ni plus ni moins que le détournement d'une organisation, qui a eu une fonction d'autorité morale au sein de la société française, en une organisation servant la propagande politique et le carriérisme personnel. Il s'agit là de marketing politique sur une niche électorale : "les voix des supposés musulmans". C'est ce qu'a fait le président du MRAP en se proposant, lui et son image de dirigeant d'une organisation anti-islamophobe, comme co-directeur de campagne de Marie-George Buffet.

Pour cette instrumentalisation d'un mouvement historique et son utilisation comme succursale de captage d'un électorat communautaire, ne doutons pas qu'il en sera récompensé lors des législatives qui vont suivre.

La laïcité c'est le droit d'être croyant ou non croyant, d'être religiophobe, religiophile ou indifférent. La laïcité c'est le droit pour tous d'être traité dans le cadre d'une égalité des droits et d'une égalité de fait. La laïcité se situe au-delà de la sphère privée tout en en assurant la protection. La sphère privée n'a pas à intervenir sur la sphère publique. C'est le droit d'être critiqué et critiqueur. Elle fait obstacle aux revendications communautaristes qui cherchent à segmenter la société et à soumettre certains aux lois des autres. La seule loi respectable est celle qui est discutable, amendable et révocable. Elle ne peut donc pas être divine.

Au regard des Droits de l'Homme la situation en France est grave : il n'y a plus d'organisation indépendante des pouvoirs qui mène une lutte contre le racisme quel qu'il soit, contre le sexisme et l'homophobie, et qui fonde son action sur les fondamentaux constituant la république. La république est imparfaite et laisse à ses marges de larges pans de relégués, la démocratie demeure bien incomplète pour de nombreux citoyens et ses mécanismes ont des effets pervers, ce n'est vraiment pas le moment de déraper et d'aggraver la situation.

En terme de droits de l'homme et de lutte contre le racisme, il n'y a plus d'autorité morale " au dessus de la mêlée ". Cette division du mouvement associatif en en deux branches, une universaliste et une communautariste, traverse tout le champ social et se retrouve au sein des organisations syndicales et politiques. L'ensemble de la société est divisé entre l'universalisme et le repli sur sa communauté d'intérêts et de comportements. Les candidats aux élections, fussent-ils de gauche, évitent d'ouvrir ce débat qui concerne pourtant l'avenir de tous nos concitoyens. Et, pour ceux qui ne se réfèrent pas, en la renforçant, à une immigritude, un grand silence plane sur les expressions résurgentes du communautarisme. Combien ont déjà cédé aux sirènes des particularistes et des bulletins de vote qui vont avec?

La laïcité est un principe fondateur de la citoyenneté démocratique.

Il est temps de ne pas se voiler la face et d'ouvrir le débat avec l'ensemble de la société et des acteurs sociaux. Plus aucune organisation n'a de réel crédit. La LDH a bradé son héritage de l'affaire Dreyfus tout comme le MRAP a renié ses racines puisant dans son passé de Résistance. Des amis de longue date s'éloignent, comme Didier Daenincks, Albert Memmi, Jean Ferrat. D'autres fondateurs se taisent lourdement.

Si nous ne voulons plus lire sous la plume d'une femme iranienne que " le printemps de la liberté fut éphémère et notre désarroi immense. J'ai échappé à la prison et j'ai pris le chemin de l'exil, lieu de mémoire "[1], Si nous ne voulons pas d'organisations de défense de droits de l'homme s'apparentant à des formes nouvelles d'églises laïques vertueuses et adeptes d'un antiracisme sélectif, incantatoire et moralisateur, si nous voulons un carrefour de réflexion, d'idées et de propositions pour faire progresser le tous ensemble et la démocratie pour tous, alors, Il est temps que nous réfléchissions concrètement à la recomposition du Mouvement antiraciste, pour les droits de l'homme, pour la laïcité et contre l'intégrisme. Il est urgent de faire face à l'obscurantisme et au communautarisme et que nous refondions un mouvement antiraciste, féministe et international. C'est un ensemble à refonder sur des principes républicains et laïques.

Il n'est pas trop tard. Il est URGENT.

Notes

[1] Chahla Chafiq ; " Le nouvel homme islamiste "

Alain Callès

2.2 - La LDH et son président renvoient dos-à-dos Charlie Hebdo et les censeurs islamistes

Ce qui est bien avec la LDH et ses présidents successifs, Tubiana hier, ou Dubois aujourd'hui, c'est qu'on n'est jamais déçu ! Dans le rôle d'idiot utile des islamistes, ils sont incomparable, et seul le Mrap d'Aounit peut leur tenir la dragée haute. Après avoir accueilli en grande pompe Tariq Ramadan, ils ont naturellement mis toutes leurs forces pour s'opposer à la loi contre les signes religieux à l'école. Pour cette direction, réclamer l'application des principes laïques à l'islam est forcément suspect, cela ne peut que cacher du racisme ou de la xénophobie.

On se souvient de la réaction du trio Dubois-Tubiana-Leclerc à l'initiative de Caroline Fourest, de Corinne Lepage et de notre collaborateur Pierre Cassen, auteur d'un texte contre le racisme et l'intégrisme (CRI) dans les colonnes de " Libération ", début mai 2006. Le trio, dans un article intitulé " Dialoguer, plutôt que diaboliser l'islam politique " avait par ailleurs prêté, de manière calomniatrice, des intentions suspectes au texte, le comparant aux propos de Villiers et cherchant par ailleurs à salir Respublica. Cela avait provoqué une crise à la direction de l'association, puisque quelque temps plus tard, Antoine Spire, Philippe Lamy et Cédric Porain prenaient publiquement, toujours dans " Libération ", le contre-pied du texte des trois anciens présidents, et approuvaient la démarche du CRI.

Dans Respublica 445, date du 19 mai 2006, notre collaboratrice Marie Perret, dans un texte intitulé " Les tourments de la Ligue des Droits de l'Homme ", brocardait avec humour la mauvaise conscience de la direction de la LDH, tandis que Caroline Fourest, Pierre Cassen et Corinne Lepage répondaient aux attaques des trois présidents.

Cela ne pouvait qu'accélérer la crise, un comité central fut presque entièrement consacré à l'appel. Antoine Spire (qui fut des nôtres ce week-end) et Cédric Pocrain finirent, écoeurés, par démissionner du comité central.

La LDH se singularisera, plus tard, lors de l'affaire Redeker, en faisant un communiqué particulièrement scandaleux, soutenant le philosophe menacé de mort du bout des lèvres, et insistant surtout sur ce qu'elle appelait le caractère " nauséabond " de son texte, quand Redeker vivait traqué, incapable de se défendre.

A l'occasion du procès de Charlie Hebdo, Dubois fait dans le jésuitisme. Certes, service minimum, il rappelle qu'il condamne le procès intenté à Charlie Hebdo. Et il dit, ce qui est vrai, que le débat est légitime. Mais en même temps, et c'est particulièrement pervers, il fait du Chirac, qui avait parlé d' " inutile provocation ". Il ment sur l'histoire des dessins danois, et fait passer le journal " Jillands-Posten " pour xénophobe, ce qui est particulièrement crapuleux, quand on connaît les pressions et les menaces subies par les journalistes et les dessinateurs. Il oublie surtout de préciser que ce journal a publié également des dessins irrévérencieux du Christ.

Il se permet de faire la leçon à " Charlie Hebdo ", à la fin de son texte. Quand on le lit bien la pensée de Dubois, on peut en conclure que, finalement, Charlie Hebdo a bien mérité son procès, tout comme Robert Redeker avait bien cherché sa fatwa.

Jean-Pierre Dubois aurait-il le même propos vis-à-vis de Jean-Pierre Mocky, dont le film " Le Miraculé " avait suscité l'ire des intégristes catholiques ? Ou bien vis-à-vis du film de Scorsese, " La dernière Tentation du Christ " ? A-t-il dit un seul mot quand les " Guignols " se déchaînaient, tous les soirs, contre le Pape ? Mais à la LDH, on veut tellement " dialoguer " avec l'extrême droite islamiste que non seulement on salit ceux qui la critique, mais en plus on préfère inviter l'UOIF à manifester contre le racisme, comme cela faut fait le 7 novembre 2004, pour la plus grande honte d'un mouvement antiraciste totalement dévoyé par des personnages comme Tubiana, Aounit et Dubois.

Jeanne Bourdillon

2.3 - "Charlie Hebdo", le débat est légitime

Dans le procès fait à Charlie Hebdo, la question des identités, des croyances et des communautés interpelle les démocrates et en particulier les défenseurs des droits. Une fois encore, la mise en scène d'un affrontement entre deux visions du monde met mal à l'aise tous ceux qui veulent à la fois garantir les libertés et refuser les préjugés discriminatoires. Revenons donc aux principes, rejetons les "doubles standards" et gardons la tête froide. Pas de censure de la presse, pas de semi-liberté d'expression. Le limogeage d'un directeur de journal n'est pas en la matière plus admissible que les menaces et les intimidations. Il y a plus d'un an, la Ligue des droits de l'homme (LDH) publiait un communiqué intitulé "Société libre, presse libre" qui affirmait : "Aucune religion, aucune pensée ne peuvent exiger de bénéficier d'un régime particulier qui imposerait d'autres limites que celles reconnues dans le cadre d'une société démocratique ... la liberté de la presse, en l'espèce la liberté du dessinateur de presse, ne peut dépendre de tel interdit religieux." Elle maintient intégralement cette prise de position : le procès fait à Charlie Hebdo est un mauvais procès. Et la relaxe demandée par le parquet est la bonne décision.

Pas davantage de mise en cause du droit à la justice. Tout en critiquant la démarche de saisine du juge pénal en l'espèce, on ne saurait dénier dans son principe le droit de personnes s'estimant injuriées à saisir un juge indépendant : sauf à proclamer une totale impunité, il est non seulement licite mais normal que l'accès à la justice soit ouvert à tous, qu'il s'agisse de partis, de syndicats, d'instances religieuses ou d'associations. Quant à la comparaison avec l'affaire Redeker, elle passe l'entendement : qui peut honnêtement assimiler la saisine d'un tribunal correctionnel, qui est un droit fondamental de tout citoyen, avec l'envoi de menaces de mort qui relève de l'intolérable et constitue d'ailleurs un délit ? La LDH, qui désapprouve les poursuites intentées à Charlie Hebdo, ne saurait quant à elle dénier aux plaignants le droit d'avoir déposé plainte.

Pas de censure du libre débat : défendre la liberté d'expression n'implique nullement de censurer ses désaccords avec l'expression en cause, sauf à pratiquer précisément ce que l'on dénonce. Or certaines des caricatures en cause étaient non seulement blessantes mais de nature à alimenter des amalgames injustes et discriminatoires. Et le journal danois qui les a publiées l'a fait intentionnellement, dans un contexte national de campagne ouvertement xénophobe. Aucun des organes de presse qui a relayé cette publication ne l'ignorait. Chacun est dès lors comptable de la part qu'il prend sciemment à la diffusion des logiques de "conflit de civilisations".

En démocratie, chaque citoyen a le droit, sous la seule réserve du respect de la loi pénale, d'alimenter ainsi les crispations, et chaque média est libre de peser ses objectifs et ses stratégies. Blesser, provoquer sciemment, c'est prendre la responsabilité de contribuer au choc des aveuglements, alors que le combat pour les Lumières passe au contraire par la distinction entre la critique, toujours libre, et l'injure ou l'amalgame, toujours méprisables.

Tout cela ne relève pas de la censure ni de la correctionnelle, mais du débat démocratique. A condition que les provocateurs n'utilisent pas leur démarche provocatrice pour prétendre échapper à la critique en prenant la pose du martyr. Liberté et responsabilité vont de pair. Démocratie et respect de l'autre aussi.

Jean-Pierre Dubois Président de la Ligue des droits de l'Homme

2.4 - Laïques de tous les pays, unissez-vous !

Ces journées à Montreuil, le 10 et le 11 février 2007 nous ont permis d'entendre les cris de colère de ces femmes algériennes, qui ont souffert et souffrent encore des exactions de ces extrémistes religieux, qui ne renoncent pas à prendre le pouvoir et transformer l'Algérie en " République islamique" sur le modèle de la République islamique d'Iran; Laquelle :

  1. n'est pas une République
  2. est une dictature religieuse

Elles ont crié leur colère et leur cri m'a bouleversée, tout comme il a bouleversé les participants de Montreuil.

Elles ont crié leur colère, leur douleur en disant bien que les terroristes tuent encore en Algérie. Or, justement, hier, sept attentats en Kabylie (Bourmedes et Tizi-Ouzou) revendiqués par le groupe salafiste d' "AL-Quaïda au Maghreb".

Deux bus ont explosé au Liban, au nord de Beyrouth dans une région chrétienne. Ces attentats non revendiqués ont probablement pour origine le Hezbollah, soutenu par la Syrie. La mosquée El-kawther près de Khenchela (Algérie) a, cette fois été attaquée et saccagée par un chiite! ". Un infidèle" qui s'en est ensuite pris à l'école coranique. Or, le courant religieux officiel, c'est le courant sunnite malékite. Voilà que le courant chiite vient s'immiscer et s'attaque aux sunnites, pour semer encore plus ! La division et la haine dans cette région meurtrie . Il est à craindre que ce terrorisme, sur fond inter-religieux, vienne aussi en Europe et en France..

Ainsi, de l'Irak au Liban, en passant par l'Algérie, les islamistes essaient de prendre le pouvoir, en intimidant, en tuant, en brûlant, en terrorisant les populations. Si nous savons fort bien que les intégrismes religieux se développent sur fond de crise économique, cela n'est pas TOUJOURS le cas. Ainsi, La Pologne est la proie d'un véritable intégrisme catholique et elle n'est pas un pays du Tiers Monde! L'Algérie, qui a les ressources du pétrole n'est pas un pays pauvre ? C'est donc le pouvoir en place qui est responsable sur le plan économique, quel que soit ce pouvoir! Le pouvoir, dans tous les pays du monde, a besoin des religieux, et quand, à la crise démocratique, économique, s'ajoute la crise LAIQUE, alors là, bingo! Quel bonheur pour les intégristes religieux, de ne trouver AUCUNE résistance, d'intimider les gouvernements en place qui cèdent par peur de perdre le pouvoir! (comme en Algérie, où le pouvoir va de compromis en compromission avec les islamistes)..

Mais si les populations ont le soutien des pays démocratiques, de Républiques laïques, si un fort mouvement se crée, se renforce comme celui qui vient de naître à Montreuil le 10 et le 11 Février 2007, alors ces populations protégées par un véritable BOUCLIER LAIQUE international auront le courage de lutter contre les extrémistes religieux qui les oppriment, et les pouvoirs en place qui les privent de la sécurité économique, et du développement durable dont ils ont besoin. Lier le combat LAIQUE et le combat social, devise UNIVERSELLE ? Chiche !

Mireille Popelin

3 - débats républicains

3.1 - POURQUOI NOUS LANCONS UN DEFI PUBLIC A l'INTEGRISME LIBRE-ECHANGISTE

Plus aucun candidat sérieux à l'élection présidentielle n'ose aujourd'hui évoquer la mondialisation en des termes positifs. Quelques-uns parmi les plus lucides proposent, plus ou moins timidement, des solutions visant à atténuer les effets, jugés désormais globalement négatifs, dans cette ouverture totale aux biens, services, travailleurs et capitaux que nous expérimentons à marche forcée et de manière progressive depuis le début des années 70.

L'homme de la rue, quant à lui, et toutes les études le démontrent, n'a ni peur ni honte de déplaire à la pensée dominante en place. Il se déclare ouvertement partisan des thèses visant à protéger l'Europe de la concurrence déloyale de certains pays. Il ne croit pas au libre-échange unilatéral. Les sondages montrent que les plus réticents à ce laisser-faire mondial sont les Français (ce qui n'est pas une surprise) et les Américains, dont on nous raconte pourtant qu'ils profitent à fond de cette ouverture.

D'un côté donc des hommes politiques tiraillés entre un électorat de plus en plus hostile à l'intégrisme libre-échangiste et des experts estampillés comme tels, garants de cette " indépassable Raison " qui nous commande de mettre en concurrence des travailleurs dont les salaires varient de 1 à 20 ou 30 parfois, ainsi que la mise en concurrence " pure et parfaite " avec des pays qui justement refusent ces règles et pratiquent tous les dumpings et protections possibles et imaginables....

Deux mondes sont donc face à face en 2007 : d'un côté une population mondiale de plus en plus inquiète, et de l'autre " Ceux qui Savent", ces derniers vitupérant de plus en plus fort contre ces peuples ignorants et ingrats et contre des politiques, décidément trop à l'écoute des citoyens et donc peu fiables...

Le moment semble pourtant venu de se confronter à la réalité, et de rétablir la vérité, la théorie des avantages comparatifs de Ricardo servant aujourd'hui de prétexte à un aveuglement collectif comme il y en a eu jadis avant la crise de 1929.

S'expriment désormais, sur les 2 rives de l'Atlantique, ceux qui ne croient pas, béatement, que les pays " riches " vont se spécialiser dans la haute valeur ajoutée, et que des pays comme l'Inde et la Chine (2,5 milliards d'habitants), qui forment chaque année une armée d'ingénieurs, vont se contenter de produire les biens les moins rentables.

N'en déplaise à Patrick Artus, Elie Cohen et Jean Pisani-Ferry, ardents dévôts associés d'une cause perdue, il n'existe pas de créneau sur lequel la guerre des coûts ne fera pas rage. La Chine est déjà le leader mondial de l'exportation de matériel technologique. Des géants de l'informatique tels que Google, Microsoft ou Dell ouvrent à tour de bras des centres de recherche en Inde. Il n'y a pas que les plateformes téléphoniques qui sont délocalisés. A Madagascar, des entreprises proposent dès aujourd'hui, à des sociétés françaises, l'externalisation de leurs services comptables.

C'est donc l'ensemble des salaires de nos pays, et non plus seulement les salaires des travailleurs peu qualifiés, qui se trouve entraîné dans une spirale de baisse, conduisant par là même à l'atonie de la demande intérieure et de la croissance. C'est tout le paradoxe de l'économie allemande, qui, pour gonfler ses excédents commerciaux et gagner des parts de marché en Chine, assèche sa demande intérieure, fait stagner sa croissance, et connaît finalement un sous-emploi équivalent à celui de la France.

La logique infernale de croissance molle qui découle de ces distorsions n'en est qu'à mi-chemin. Les dégâts sociaux sont déjà considérables et l'on voit le tissu social des pays européens se déchirer sous nos yeux. Pourtant, ce n'est peut-être que le début car ce qui nous guette c'est - comme en 1929 - une crise de demande mondiale qui débouchera sur un véritable chaos économique et social.

Nos sociétés et nos économies sont en très grave danger. Il n'y a aucune chance de voir les pays émergents renoncer à leur stratégie de croissance et aux méthodes qui les accompagnent. C'est pourquoi il est indispensable de refuser le terrorisme intellectuel d'une poignée de clercs dont aujourd'hui l'ultime argument est de maudire les partisans du protectionnisme face à l'échec de plus en plus flagrant de leurs théories.

Qu'est-ce que le protectionnisme moderne ? Nos adversaires nous caricaturent en nous taxant de partisans d'une fermeture des économies européennes, comme si notre souhait était de transformer l'Europe en Cuba ou en Corée du Nord, alors qu'une spécialisation maîtrisée peut être bénéfique à tous. D'autres nous prêtent des arrières pensées électorales, que nous ne pouvons avoir car il existe des partisans du protectionnisme situés politiquement à droite comme des partisans du protectionnisme de gauche.

La réalité est plus prosaïque. Le partisan d'un véritable protectionnisme moderne milite aujourd'hui, comme l'a proposé Hakim El Karoui dans son récent ouvrage " L'avenir d'une exception ", pour le retour d'une souveraineté économique européenne dont l'objet est de mettre en oeuvre des politiques de croissance expansionnistes L'outil qui va permettre que ces politiques expansionnistes profitent à la fois aux populations de nos pays et à celles de nos compétiteurs des pays émergents est la mise en place de barrières, de montants compensatoires ou d' " écluses " tarifaires ( peu importe la terminologie...) à l'entrée de l'Europe rendant équitables les conditions de production et les termes de l'échange , notamment au sein de zones régionales. Il ne s'agit pas là d'un retour en arrière mais de la condition sine qua non d'un retour à des politiques de croissance économique.

La liberté du commerce n'est pas une fin en soi, et l'absence de règles dans ce commerce constitue bel et bien un choix politique. Celui-ci doit être assumé clairement par nos responsables. Nous lançons donc, à quelques semaines des élections présidentielles, à travers cette lettre, un Défi Public à ceux qui nous ont guidés vers l'abîme au nom de ce qu'ils appellent la Raison mais qui n'est, en fin de compte, que du panurgisme intellectuel.

Lacordaire écrivait : " entre le faible et le fort, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère ". Nous pensons de la même façon qu'il n'y a aucune contradiction à promouvoir la liberté et à vouloir instaurer en même temps des règles claires pour rendre le commerce mondial soutenable à long terme. Les économistes signataires de cet article demandent par conséquent que soit organisée, sous forme de débat public et avec l'aide de la puissance publique, une confrontation égalitaire entre partisans d'un protectionnisme moderne et partisans du libre-échangisme intégriste, afin que nos compatriotes puissent juger, en leur âme et conscience, du seul et véritable enjeu économique qui vaille la peine, car c'est celui qui conditionne tous les autres.

David CAYLA (Paris 1), Bernard GERBIER (Grenoble 2), Jean-Luc GREAU, Edouard HUSSON (Strasbourg), Gérard LAFAY (Paris 2) Jacques SAPIR (EHESS)

http://www.protectionnisme.eu/

Jacques Sapir

4 - élections présidentielles 2007

4.1 - La fin de l'Education nationale : est-ce votre projet, Madame Royal ?

Après lecture de votre " Pacte présidentiel ", on ne peut qu'avoir cette interrogation en tête.

En effet, en amplifiant massivement la Régionalisation, votre programme semble conduire à la déconstruction de la République française liée à l'Etat-Nation et, ce, pour établir une République des Régions. C'est à dire une République de Régions s'autonomisant et, ce, au sein d'une Europe des Régions. Comme c'est déjà le cas en Espagne avec la politique menée par José Luis Rodriguez Zapatero ou en Grande-Bretagne par Tony Blair. On craint d'y voir une République fédérale de France où la langue française ne serait plus le lien social entre les habitants de la France. Où chaque Région irait vers une langue régionale ? Qu'adviendrait-il alors de tous ceux qui ne la parleraient pas ? Si telle était votre orientation, ne serait-ce donc pas la fin programmée de " l'Education nationale " ? Est-ce pour cela que le mot " Education nationale " n'est pas prononcé une seule fois dans votre " Pacte présidentiel " ? On n'y parle effectivement que de " l'Ecole " sans autre précision. " Ecoles régionales " au lieu de " l'Education nationale " ? Est-ce votre projet, Madame Royal ?

Voici des passages de votre " Pacte présidentiel " qui interrogent sérieusement.

Levez ces ambiguïtés, Madame Royal !

Dites-nous que vous ne programmez pas la fin du pacte républicain fondé sur l'égalité nationale des citoyens français. Que vous n'amorcez pas le retour au différentialisme des Provinces de l'Ancien Régime (Avant la Révolution) où il y avait deux poids, deux mesures. Que vous n'amplifiez pas la logique du " droit à la différence " et de " la différence des droits ". Que vous défendez toujours " l'Education nationale ". Vraiment nationale. Et non l'Ecole en France.

Pierre Baracca

4.2 - Sarkozy et la dette publique

La dette publique s'élève 66 % du PIB alors que le " Pacte de stabilité " limite le montant des dettes publiques à 60 % de ce même PIB : Sarkozy, la Droite et le patronat n'arrête pas d'enfoncer ce clou, même si la moyenne de la zone euro est de 72 % !

Mais ils n'abordent jamais de front la question de savoir d'où vient cette dette. Ils font comme s'il s'agissait là d'une évidence : la France dépense trop. Il n'est qu'à écouter Sarkozy. Elle ne dépense bien sûr pas trop pour soutenir les profits des entreprises en multipliant les aides et les exonérations dont aucune étude sérieuse n'a pu prouver qu'elles avaient une quelconque utilité en matière d'emplois. Non, la France dépense trop pour l'assurance maladie, la Sécurité sociale, l'emploi, les retraites, les fonctionnaires ou les services publics. Il faut donc y remédier. Et comme c'est justement le programme de la droite et des néo-libéraux, il faut bien reconnaître que ce déficit tombe à pic. Ces messieurs appellent d'ailleurs cela " la pédagogie de la dette ".

Ils veulent, ainsi, imposer l'idée qu'il n'existe (complétée par la vente au secteur privé d'EDF-GDF ou d'autres services publics) qu'une solution au problème de la dette publique : diminuer les dépenses sociales et le coût du Service public. Cette façon de rembourser la dette est bien évidemment la pire : elle détruit le lien social, l'égalité entre citoyens, marginalise les plus pauvres et multiplie les ghettos. La crise des banlieues de nos grandes villes vient pourtant de donner un avant-goût de ce qui peut advenir Mais pour que cette " pédagogie de la dette " puisse jouer, il ne faut surtout pas s'interroger sur son origine : la baisse des impôts des riches et les intérêts payés chaque année aux rentiers.

Les deux sont d'ailleurs intimement liés puisque c'est parce que les impôts des riches ont diminué que l'Etat a été obligé de leurs emprunter les sommes qu'il ne leur prélevait plus sous forme d'impôt.

Mais alors qu'avec l'impôt, les sommes prélevées aux riches ne coûtaient rien à l'Etat, il n'en va plus de même avec l'emprunt. Le service de la dette (les intérêts versés aux rentiers, créanciers de la dette publique) est aujourd'hui le deuxième poste de dépenses de l'Etat, juste après l'Education nationale. Avec la hausse des taux d'intérêts programmés par la Banque Centrale Européenne, ce poste pourrait bien, d'ailleurs, devenir le premier.

L'Etat a donc perdu sur les deux tableaux. Il encaisse moins d'impôt : ainsi, le " bouclier fiscal " instaurée par la Droite coûtera la bagatelle de 400 millions d'euros à l'Etat en 2007 et profitera pour l'essentiel (350 millions d'euros) à 16 000 contribuables, les plus riches. Et puisque l'Etat encaisse moins d'impôts, il doit emprunter plus et payer plus d'intérêts aux rentiers.

Les rentiers ont du même coup gagné sur les deux tableaux. Ils paient moins d'impôts et ils prêtent à l'Etat (en contrepartie du versement d'intérêts) les sommes qu'ils auraient dû payer sous forme d'impôts.

Les créances de la dette publique sont, en effet, aux mains des heureux détenteurs des titres du Trésor public, notamment les Obligations Assimilables du Trésor (OAT) émises chaque mois par l'Agence France Trésor, remboursables au bout de 7 à 50 ans. 65 % des détenteurs de la dette publique de notre pays sont des résidents français. Nous ne sommes donc pas du tout, comme veut le faire la droite, dans le cas des pays du Sud dont la dette est détenue par des Etats, des banques ou des souscripteurs étrangers. Elle est détenue essentiellement par des entreprises d'assurance, des banques, des Sicav bien de chez nous... C'est par l'intermédiaire des dividendes versés aux actionnaires des banques et des compagnies d'assurance ou des produits d'épargne émis par ces organismes que les rentiers s'enrichissent. Les détenteurs de ces titres ont empoché 39 milliards d'euro en 2006. Près de six fois le budget de la justice ; 9 milliards de plus que le " financement de l'emploi ". Au total, une somme équivalente au total des budgets de l'armée, de la diplomatie, de la justice et de l'intérieur. S'interroger sur l'origine du déficit public permet d'en déduire aisément la solution la plus évidente et la plus juste à y apporter : augmenter les impôts des riches et baisser les taux d'intérêts. On comprend tout aussi aisément pourquoi Sarkozy et la droite évitent de poser la question.

Jean-Jacques Chavigné www.democratie-socialisme.org

4.3 - Bayrou et la retraite par points

Bayrou a une position encore plus néo-libérale que celle de Sarkozy sur les retraites.

Il n'envisage évidemment pas d'augmenter la contribution des employeurs au régime de retraite. Il veut mettre à plat tous les régimes et créer une "retraites par points".

Selon, lui une telle retraite permettrait à chacun et chacune de partir quand il le désire. Il veut imposer cette réforme par référendum.

Tout d'abord, Bayrou propose donc, "au nom de l'égalité" de continuer le nivellement par le bas des régimes de retraites en attaquant les régimes spéciaux de retraite.

Il s'attaque ensuite à l'ensemble des salariés en proposant une "retraites par points" qui revient à prendre uniquement en considérations pour le calcul de la retraite les annuités cotisées. Aujourd'hui, une femme qui a élevé quatre enfants a le droit a huit annuités de cotisations supplémentaire. La retraite " par point " supprime " au nom de l'égalité " cet acquis. Les périodes de chômage et de service militaire ne sont pas cotisées mais sont prises en compte dans le calcul du nombre d'annuités. Il n'en sera plus question avec la " retraite par points ". Finie, également, l'affiliation gratuite à l'assurance vieillesse durant la période où un salarié a cessé de travailler pour s'occuper de son enfant handicapé. Finie, aussi, la majoration de 10 % pour un salarié qui a élevé au moins trois enfants. Sous conditions de ressources, aujourd'hui, il est possible à une personne vivant seulEuro et percevant l'allocation parentale pour jeune enfant (APJE) ou l'allocation parentale d'éducation (APE) d'être affilié(e) gratuitement à l'assurance vieillesse. La " retraite par points " mettrait fin à cet acquis.

Et tout cela au nom de l'égalité ! Une " égalité " qui ne tient aucun compte de l'un des principaux facteurs d'inégalité face à la retraite : les inégalités de patrimoine.

Bayrou dit donc tout haut ce que Sarkozy fera mais n'ose pas avouer. Son projet est dans la droite ligne de celui du Medef et montre bien dans quel camp se situe Bayrou : celui du capital, pas celui du salariat.

Bayrou veut stabiliser la dette en trois ans

Il propose une réforme qui inscrive dans la Constitution " l'interdiction pour tout gouvernement de présenter un budget en déficit de fonctionnement ".

Il propose ainsi de graver le néo-libéralisme dans le marbre en interdisant toute politique de relance par la dépense publique.

Il propose ainsi de diminuer encore le nombre de fonctionnaires (sans préciser bien évidemment lesquels) et la qualité des services publics. Nulle part, en effet, Bayrou ne propose de revenir sur les baisses d'impôts des riches opérées par la droite. Ce sont pourtant les baisses d'impôts octroyés aux nantis qui sont à l'origine du déficit budgétaire.

Jean-Jacques Chavigné www.democratie-socialisme.org

4.4 - Après le procès contre Charlie Hebdo, libres propos et leçons évidentes

Le procès intenté à " Charlie-Hebdo " par la mosquée de Paris, l'UOIF et la Ligue Islamique Internationale - et qui a tourné à la confusion des plaignants... mais attendons le jugement - est révélateur d'un certain nombre de confusions et de comportements sur lesquels il faut se pencher.

N'oublions pas, tout d'abord, qu'il s'agissait pour les " islamistes associés " de mettre en cause la liberté d'expression à travers l'accusation de blasphème qui sous-tendait leur démarche, délit que notre pays a aboli définitivement (on l'espère...). En effet, en représentant par l'image un personnage historique qui n'est prophète que pour qui le reconnaît tel, en dénonçant par cette image l'intégrisme d'interprétation et l'utilisation criminelle du message supposé (qui n'est message révélateur que pour qui le conçoit ainsi), les journalistes et caricaturistes poursuivis par les foudres religieuses n'avaient fait qu'user de cette liberté d'expression, corollaire de la liberté de conscience reconnue par l'article premier de la loi fondatrice de 1905... Liberté d'expression qui suppose la mise au feu de l'observation raisonnée, de l'analyse, de la critique, du jugement ,de la satire, de tous les sujets , de toutes les questions, de toutes les spiritualités et idéologies. Pas de limites au libre exercice de la Raison et de l'Examen, seule la loi générale élaborée par tous peut fixer les bornes des dérives dangereuses de la mise en cause individuelle ou collective à travers l'injure, la discrimination ou l'appel à la destruction... Une spiritualité, une croyance, une idéologie (et leurs représentations concrètes qui ne sont que symboles) ne peuvent relever de cette contrainte... On a peut-être oublié aujourd'hui qu'un personnage hirsute et effrayant serrant entre les dents un couteau sanguinolent a longtemps représenté caricaturalement une idéologie que l'Histoire a montrée totalitaire : s'inquiétait-on alors de "l'offense faite" à ceux qui croyaient en cette idéologie politique (et qui ont représenté jusqu'à plus du quart de l'électorat de notre pays) ? Non, et on avait raison !

L'une des confusions entretenues par les "islamistes associés" fut de vouloir faire croire que ces caricatures relevaient d'une "attaque raciste"... Il faut ici être clair et rappeler à chacun - y compris à beaucoup qui revendiquent la laïcité et la liberté d'expression qu'elle impose - que le terme doit être impérativement rejeté quand il est question de " religion " (quelle qu'elle soit !) et d'idéologie, car l'employer sans rime ni raison ajoute à la confusion et fait dévier l'analyse tout en masquant les intentions des intégristes et autres zélateurs prosélytes... Attaquer l'islam de quelque manière que ce soit, c'est mettre en cause un dogme, ,une parole " révélée " qui ne l'est que pour celui qui la croit, des rites symboliques, des écrits humainement composés, des comportements éventuellement aberrants ou discriminatoires... mais ce n'est en aucun cas attaquer une "race" ou une "ethnie" parce qu'elle est "race" ou "ethnie" : ce serait alors procéder à un amalgame que rien ne peut étayer, il n'y a ici comme ailleurs aucun lien entre "race" et "religion" (il n'est qu'à regarder le réel), tous les arabes ne sont pas musulmans, tous les musulmans ne sont pas des arabes (que l'on rattache au groupe ethno-linguistique des "sémites", lui-même relevant de la "race" dite "blanche"...). Chacun devrait réfléchir à cela quand il manipule les mots "délicats", en particulier quand il évoque toute forme de discrimination : par exemple, je n'arrive pas à comprendre ce que veut dire l'expression " racisme anti-femmes " que j'entends régulièrement (y compris dans les meilleures assemblées...) . A force de triturer le sens des mots dans l'approximatif, on perd toute rigueur et on vide ces mêmes mots de toute substance ...

De fait, ce procès a permis de poser - et de belle manière si on lit le réquisitoire de Mme la Procureur de la République qui a conclu au rejet de la plainte - le principe républicain de la liberté d'expression ( volet constitutif de la liberté de conscience) et , en ce sens, c'était un procès politique , au sens fort du terme, car renvoyant à l'acte essentiel et fondateur de 1905. Il était donc " normal " d'être attentif aux paroles et aux comportements des " politiques " à ce propos... " Les Laïques en Réseau " avaient d'ailleurs, par lettre individuelle et publique, interpellé les candidats à l'élection présidentielle, soucieux de transmettre aux électeurs les réflexions de ceux qui se présentent à leurs suffrages. S'ils n'ont pas reçu , à ce jour , de réponses à leur demande, on peut juger des positions des uns et des autres par leurs comportements devant une situation concrète qui permettait de juger de la validité de leurs discours électoraux. Aussi avons-nous eu le plaisir de lire les noms de Roland Castro, de Corinne Lepage, de Dominique Voynet au bas d'un appel de soutien à " Charlie-Hebdo " qui demandait aussi le droit de critiquer toutes les religions (voir l'hebdomadaire n° 764). Si d'autres s'y sont joints depuis, qu'ils me pardonnent de ne pas les mentionner au 14 /02 ...

Aussi avons-nous apprécié les interventions de François Bayrou et de François Hollande (qui devait faire oublier son silence du moment où sont parues les caricatures mais qui agissait peut-être en chargé de mission de Mme Royal, silencieuse, elle...) venus témoigner directement au procès...

Aussi avons-nous noté la lettre de soutien adressée par M. Sarkozy à la défense de " Charlie-Hebdo ", dans laquelle il reprenait la phrase qu'il avait prononcée au moment de la parution des caricatures ( et qui en appelait au respect de la liberté d'expression) ...

Et, puisqu'il s'agit ici d'un simple "fax" facilement utilisable, comment devons-nous analyser le fait que ni Mme Buffet, ni Mme Laguillier, ni M. Besancenot, (certes, la LCR a, timidement, fait " surface " au deuxième jour du procès...) n'ont eu ce "réflexe" d'adresser à l'hebdomadaire poursuivi indûment un petit message de soutien affirmant leur volonté de voir respectée ici et maintenant la liberté d'expression ? Et M. Bové, en meeting à Aubagne le 7 /02 , comment a-t-il pu parler sans donner son appui à ceux qui sont mis à l'index par ceux qui veulent s'attaquer de manière indirecte à l'article premier de la loi de 1905 ? Il est vrai que défiler avec un cortège de " femmes voilées " obscurcit le jugement et précipite vers le communautarisme religieux. (On se demande d'ailleurs ce qu'un Michel Onfray , qu'on croyait plus perspicace, va faire dans cette galère qui navigue dans des eaux qui l'incommodaient précédemment...) .

Il est des silences plus éloquents que des discours... D'autant que c'est ce même silence que ces mêmes candidats opposent au questionnaire " sur la laïcité " que les " Laïques en Réseau " leur ont adressé et auquel huit candidats potentiels ont déjà répondu...

A travers ce procès et les réactions qu'il pouvait susciter, c'était la conception du mode d'organisation et de fonctionnement de notre société qui était en jeu ...

Ou pouvait s'exprimer la parole de ceux pour qui la liberté de conscience et la liberté d'expression sont intangibles, comme sont inaliénables les principes d'égalité des options spirituelles et non spirituelles, de primauté de la loi générale, de l'égalité en droits de l'homme et de la femme et de chacun face à ses droits et devoirs, de la réservation à l'espace public de la ressource publique... la voix de ceux qui luttent pour le maintien et le renforcement du socle laïque de notre République.

Ou pouvaient se dévoiler ceux qui jouent l'émiettement communautariste de notre société tout en laissant le champ libre à la réappropriation de l'espace public par les Eglises et les confessions de toutes natures.

L'expérience a montré que la ligne de partage n'est plus celle des familles politiques traditionnelles, ce qui rend "le combat laïque" d'autant plus nécessaire, difficile et intransigeant...

5 - courrier des lecteurs

5.1 - Mon ressenti de Villepinte: J'y étais !

Courage de remettre à plat toute l'utilisation des forces publiques (financières et humaines) au service de l'égalité des chances, et du soutien de ceux qui en ont le besoin pour donner à chacun, à son niveau, la possibilité de devenir acteur positif dans la société.

Volonté de réglementation et soutien efficace pour une économie innovante basée sur le long terme, la responsabilité envers la collectivité, l'efficacité sociale et en particulier la préservation de l'environnement.

Innovation dans le rapport à l'administration, dans la concertation, la modernisation, la recherche d'efficacité et de simplification des démarches grâce à une écoute et une participation des intéressés dans l'élaboration des améliorations à mettre en place.

Lucidité par rapport aux enjeux mondiaux et en particulier par rapport à l'Afrique.

Les débats participatifs c'était pas de la blague plusieurs de mes idées ont été reprises. C'est vraiment le moment de s'exprimer si on veut peser dans l'avenir. Je vous encourage tous à peser de tout votre poids. Pour une fois que quelqu'un est à l'écoute contre vent et marée de son entourage et des média.

Voilà c'est ce que j'en ai ressenti.

A bientôt chers amis

Corinne Daudier

5.2 - Libération de Bidard : OUI à La clémence... NON à l'indécence !!!

Les médias se font l'écho de la libération conditionnelle d'un condamné à perpétuité : le chef historique du mouvement indépendantiste basque armé Iparretarrak (IK), Philippe Bidart.

Aucun média ne se risque à porter un quelconque commentaire ni sur l'attitude du condamné qui bénéficie d'une mesure de clémence, ni sur les conditions de sa liberté conditionnelle. J'ai entendu comme d'aucun les propos tenus par ce criminel qui motivait son action par des mobiles politiques et qui semble aujourd'hui ne rien regretter de ces actes. La presse nous apprend qu'il est interdit de séjour dans plusieurs départements et qu'il est tenu à y travailler sept ans comme animateur social dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile.

C'est cette dernière mesure qui m'interroge : viendrait-il à l'idée de l'institution judiciaire de confier des jeunes enfants à un pédophile condamné pour ces actes ? Dans quelle mesure ce militant basque de l'indépendance qui considère par son action et ses propos que la France est un Etat colonial vis-à-vis d'une province basque "opprimée", peut-il favoriser l'accueil et l'insertion de personnes qui cherchent à obtenir le statut de réfugié auprès de ce même Etat "oppresseur" ? Mon questionnement s'inscrit dans l'espoir que le recours exercé par le ministère public contre les mesures d'accompagnement de la liberté conditionnelle aboutisse à la réforme de ces conditions car Je considère pour ma part que les actions de ces criminels se rapprochent plus d'une action fascisante que d'une action de libération.

Jean-Claude Santana militant UFAL et syndicaliste SNES

6 - à lire

6.1 - IL N'Y A PAS QUE LES ARMES QUI TUENT !

Le huitième mort de Tibhirine, de Rina Sherman

Editions Tatamis

187 pages

décembre 2006

Quand nous avons appris le massacre des sept moines de Tibhirine en Algérie, il y a plus de 10 ans, nous avons été très nombreux à exprimer notre indignation.

En 1996, juste après ce lâche assassinat, certaines versions contradictoires avaient circulé: s'agissait-il là de l'oeuvre du GIA islamique ou d'une mise en scène des services secrets algériens?

Un grand reporter, Didier Contant a fait une chute mortelle en plein Paris, la veille même de la publication de l'enquête minutieuse qu'il avait effectuée sur cette tragédie ! ?

Sa compagne, anthropologue a décidé, après réflexion d'enquêter et ensuite de publier ce livre où elle raconte sa rencontre avec le journaliste, leur amour partagée et surtout la tragédie vécue.

Il n'y a pas que les armes qui tuent, le harcèlement et les calomnies peuvent aussi faire leur oeuvre.

Des journalistes n'ont pas hésité à accuser Didier Constant d'avoir eu des relations avec les services secrets français et algériens, ce qui expliquerait sa version impliquant exlusivement les islamistes.

" Au café Internet du Luxembourg, je lis les titres de la presse dont un article, " Didier Contant se serait suicidé à la suite de fortes pressions de ses détracteurs : la huitième victime de Tibhirine ". Un ancien collège de Didier y est cité: " Didier Contant a été victime d'attaques très virulentes de la part de certains journalistes de Canal+ " "!

Ce livre, bien écrit d'ailleurs se lit comme un roman policier... Malheureusement il ne s'agit pas de fiction mais de réalité.

L'auteure va jusqu'au bout de sa quête de vérité. Elle est souvent seule devant des portes fermées qu'elle ouvre, ce qui lui permet de dévoiler certains oublis dans l'enquête menée par la police.

Mais peu à peu, tout s'explique, notamment le silence de certains journalistes.

Il existe certaines versions qui gênent :

" Au vu de ces éléments de l'enquête de Didier Constant, il apparaît que c'est en mettant en évidence les failles de la thèse d'une éventuelle responsabilité de l'armée algérienne dans la mort des moines qu'il s'est retrouvé, malgré lui, au sein d'un conflit qui fractionne la gauche en France et ailleurs sur la question de l'intégrisme islamiste. "

Encore aujourd'hui cette fracture existe, une certaine gauche n'hésitant pas à cautionner " l'intégrisme musulman comme étant une force luttant pour la défense des opprimés ", désespérant par là-même les femmes algériennes et beaucoup d'autres qui ont subi et qui subissent encore la barbarie intégriste !

Ce livre, témoignage poignant nous montre les ravages que peuvent causer les campagnes calomnieuses.

C'est un réquisitoire implacable contre la lâcheté et contre une certaine presse, dite libre qui cherche à museler des versions pourtant étayées mais qui dérangent.

La liberté d'expression est un droit qu'il faut conserver, défendre coûte que coûte même quand les informations apportées ne sont pas dans la ligne du jour.

Jean-François Chalot

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