Chronique d'Evariste
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Il est temps pour la gauche de réfléchir à sa stratégie

par Évariste
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Le 9 mai 2005 est une première irruption du réel dans le spectacle politicien. Mais cette césure ne suffit pas. Pas plus que la nécessaire critique du social-libéralisme. Il faut étudier les conditions d’émergence d’un bloc majoritaire du peuple pour la transformation sociale. Pour cela, travailler à la convergence politique des couches moyennes, des couches populaires (ouvriers-employés) et des « sans » du lupenprolétariat est une priorité. Regarder le fossé s’accroître entre les couches populaires et les partis de gauche n’est pas très réjouissant. D’où la nécessité du texte ci-dessous pour le débat.

9 thèses pour la transformation sociale: l’important est autant le bout du chemin que le chemin lui-même !


1) La gauche donne aujourd’hui un spectacle décevant: le PS et ses satellites optent pour les primaires dont on connaît la réussite en Italie ou la gauche a été cisaillée par manque de débat sur le programme et la stratégie. Conséquence de ce mode opératoire : la gauche de la gauche est divisée tant sur le fond que sur la stratégie avec un manque de lien grandissant avec le mouvement social et les couches populaires (ouvriers, employés). La droite est unifiée et conquérante malgré la crise et leur politique anti-sociale. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cet état de fait. Nous devons avoir de ce point de vue le “pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté” pour sortir par le haut de cette période par une stratégie à front large.
2) Le problème majeur de la période de crise profonde du capitalisme que nous traversons n’est pas le manque de combativité d’un mouvement ouvrier, ni la volonté d’aller vers la transformation sociale mais l’absence de tout chemin pouvant mener à cette transformation sociale. Croire au déterminisme vulgaire que les luttes et leurs convergences suffisent à produire le chemin vers la transformation sociale est une erreur radicale. A contrario, croire que la transformation sociale peut arriver sans luttes sociales et politiques est une dérive politique.
3) Notre époque est probablement celle qui voit la fin de plusieurs cycles historiques:

  • la fin d’un pli historique démarrant au 16ème siècle avec le renouveau des idées obligeant un questionnement sans fard de toutes les théories anciennes (keynésianisme, marxisme vulgaire, productivisme, bienfait de la croissance, bienfait de la décroissance, économisme, etc.)
  • une crise systémique du capitalisme, ouverte à l’été 2007 et accentuée par le krach bancaire et financier de septembre 2008, dont l’ampleur ne nous est pas encore connue.
  • l’écroulement des partis socialistes, sociaux-démocrates et communistes comme vecteur de la transformation sociale. Les premiers ayant intégré le paradigme des politiques néolibérales, le dernier n’ayant plus le lien avec les couches populaires (ouvriers, employés) qui faisaient sa force dans la période passée.
  • la fin des idéologies qui promeuvent une cause unique aux dérèglements actuels et prévisibles. De ce point de vue, la poussée verte actuelle et la course à l’échalote de tous les partis pour se peindre en vert sont une impasse, même si aujourd’hui l’intégration radicale de la pensée écologique est une nécessité majeure catégorique.

4) La bataille pour la paix redevient une nécessité. Le passage d’un turbocapitalisme sous hégémonie américaine vers une exacerbation mondiale des rivalités entre grandes entités géopolitiques est plus que probable. Nous pensons qu’une transformation sociale ne peut se construire qu’au niveau international et donc tout chemin vers la transformation sociale demande une refondation d’une pensée internationaliste dans un univers de paix.
5) Le centre de gravité des politiques nationales n’est plus à l’intérieur de l’Etat-nation. D’un autre côté, toute velléité de vouloir “revenir en arrière” et de construire une idéologie de “l’âge d’or “est une impasse. Il convient donc de mieux analyser la nouvelle” gouvernance mondiale” : directions des firmes multinationales, associations régionales dans le monde (dont l’Union européenne), associations multilatérales (FMI, BM, OMC, etc.), blocs politico-militaires impérialistes, etc. Il convient de mieux appréhender le mode et le processus de rupture nécessaire pour véhiculer de nouvelles solidarités internationalistes. Il n’est plus possible d’être à la tête d’un des organismes de la “gouvernance mondiale” ou d’un appareil au service de celui-ci et de se réclamer de la transformation sociale.
6) Les dernières élections dans les pays développés montrent l’accroissement du fossé entre les partis de gauche qu’ils soient sociaux -libéraux ou de la gauche de la gauche d’une part et les couches populaires (ouvriers, employés) d’autre part. Pour la France, les couches populaires représentent aujourd’hui la moitié des ménages. Certains altermondialistes ont théorisé le fait que les couches populaires n’étaient plus la force propulsive mais ils en ont conclu que la nouvelle force propulsive serait l’alliance des couches moyennes radicalisées et des sans du lumpenprolétariat. Ils sont dans une impasse. Tout chemin démocratique vers la transformation sociale demande une alliance entre les couches moyennes, les couches populaires et les « sans » du lumpenprolétariat. Le comblement du fossé entre le monde politique organisé et les couches populaires est donc la priorité des priorités.
7) Les idéologies monocausales sont des impasses. Le déterminisme vulgaire du marxisme orthodoxe, les différentes idéologies liés aux économismes, le dogme de la croissance, celui de la décroissance, les pitreries des “ravalements en vert” de la plupart des partis de gauche sociaux libéraux et de la gauche de la gauche, sont autant d’impasses incapables de renouer avec une dynamique sociale raisonnée. Il ne suffit donc pas de prôner la convergence des luttes, , encore faut-il proposer une ligne stratégique qui permet de penser la globalisation des combats démocratiques, laïques, sociaux, féministes, écologiques et républicains. Nous pensons aujourd’hui, que nous devons penser la globalisation de tous ses combats. Le fait d’en oublier un seul pourrait suffire à ne pas entraîner le monde du travail dans une logique de transformation sociale. Cet élargissement de la république sociale chère à Jean Jaurès à une globalisation des combats plus large nous semble conforme aux impératifs de l’heure. Un certain nombre de principes doivent pouvoir être appliqués de façon consciente et approfondie: liberté, égalité, fraternité, laïcité, solidarité, démocratie, sûreté, écologie pour un autre développement, souveraineté populaire. Chacun de ceux-ci, sans exception, doivent être appliqué dans la refondation nécessaire.
8 ) Pour construire le chemin en même temps que l’objectif du bout du chemin, il convient de penser une autre organisation sociale et politique de la gestion des moyens de production et d’échange et de produire les moyens d’y accéder. Aucune mobilisation significative des travailleurs ne demande le retour aux nationalisations bureaucratiques d’hier. Mais voir des organisations syndicales de salariés ou politiques de gauche prôner comme seule solution la recherche d’un “repreneur” de l’usine en dépôt de bilan devient de plus en plus un non-sens qui commence à se remarquer. Nous pensons qu’il convient de permettre aux travailleurs d’avoir d’autres perspectives dans la gestion des entreprises. Nous pensons que la gestion de la sphère économique publique, dont sa surface doit être le produit d’un débat politique raisonné, doit reposer sur des dirigeants élus démocratiquement comme ce fut le cas pour la sécurité sociale de 1945 à 1967, toutes choses étant inégales par ailleurs.

9) Nous faisons notre l’idée d’Antonio Gramsci, à savoir que que la bataille pour l’hégémonie idéologique doit précéder toute transformation sociale. La construction du chemin demande donc de prioriser un travail multiforme d’éducation populaire tourné vers l’action dans une stratégie à front large lié aux batailles économiques, sociales, politiques et institutionnelles. Cette campagne doit comporter des réunions publiques, des stages de formation, des nouvelles pratiques culturelles, voire de nouveaux modes organisationnels dans le but d’accompagner la montée consciente du rapport des forces politiques et sociales.

A chaque période, sa stratégie !


Déclinons les 9 thèses pour travailler aux tâches de l’heure.
Aujourd’hui, nous vivons une période formidable, c’est l’un des rares moments ou la majorité des militants dans l’ensemble de la militance française (et sans doute bien au-delà) est “hors sol”, lisez “n’est pas en phase avec les tâches de l’heure”. La propagande néolibérale à la sauce Sarkozy y est pour quelque chose. C’est lui qui fixe le “la” à partir duquel les militants s’ébrouent. Internet, les médias audiovisuels, radiophoniques et presse écrite, la direction du PS, les dirigeants des partis de la gauche de la gauche, les dirigeants syndicaux et associatifs relaient les débats définis par Nicolas Sarkozy (en général pour s’opposer à Nicolas Sarkozy mais en acceptant les cadres du débat fixé par lui). L’impact du “la” sarkozien conduit beaucoup de militants au triptyque suivant: mobilisation militante immédiate, éloignement progressif des militants vis-à-vis des couches populaires, puis désespérance des militants par rapport à des rapports de force insuffisants. Mais cette dernière désespérance se combat chez beaucoup de militants par une accélération du triptyque précédent. Le mouvement perpétuel de la succession des impasses est donc en marche.
En fait, il faut, pour nous, se dégager de cette influence et travailler plus en profondeur. Laissons ceux qui adorent les délices des débats “boboïsants” et “picrocholins” se délecter dans de nombreuses organisations dont c’est la spécialité sans conteste.
Disons-le sans ambages, sans les couches populaires (ouvriers, employés) qui forment la moitié des ménages, le mouvement social et sa représentation politique n’aura pas de force propulsive. Voilà concentré le point focal de ce qui doit être notre action consciente. Même la gauche de la gauche a montré le 7 juin dernier que le fossé entre lui et les couches populaires avait fait un nouveau bond en avant.
Si la bataille pour l’hégémonie idéologique précède la transformation sociale (Antonio Gramsci), la bataille pour le déploiement d’une éducation populaire refondée tournée vers l’action est aujourd’hui la priorité des priorités. Pour cela :

  • Tâche 1 : il convient de convaincre, dans des débats, les militants qu’il faut rompre avec les maladies infantiles (républicains nostalgiques de l’Etat-nation, altermondialistes négligeant la nécessaire prise du pouvoir d’Etat, altermondialistes communautaristes voire en connivence avec les intégrismes, sélection des luttes et refus anti-jaurésien de la globalisation des luttes, sectarisme avec vérité révélée, croyance en une stratégie propulsive hors l’allaince avec les couches populaires, etc.) qui coupent les militants des couches populaires. Pour cela, nous devons construire des débats pour les militants pour les gagner à cette cause.
  • Tâche 2 : il convient de construire des évènements et des initiatives de rassemblement pour une éducation populaire refondée tournée vers l’action (réunions publiques educpop grand public grâce à la stratégie à front large, stages de formation pour rendre la pensée cohérente et dégagée de l’idéologie dominante, c’est-à-dire du sarkozisme et de l’anti-sarkozisme primaire, université populaire locale ou régionale, information et communication sur ces évènements).
  • Tâche 3 : il convient de renouveler notre idéal internationaliste. Rien ne peut plus se faire en dehors du lien dialectique avec les affaires du monde entier. Rien ne se fera sans la république n’en déplaise à ceux qui aiment les maladies infantiles, mais rien ne se fera si on s’enferme à double tour dans la nostalgie de l’Etat-nation. Il faut prendre le bon enseignement de l’altermondialisme et des forums sociaux sans les maladies infantiles.

En conclusion, nous devons lier le bout du chemin avec la construction du chemin lui-même. Laissons de coté les débats “boboïsants” sur le bout du chemin sans la construction du chemin pour y accéder. Nous devons, me semble-t-il, nous spécialiser, dans la construction du chemin (et la construction du chemin commence par la réponse à la question “que fais-je demain matin pour construire le début du chemin” en vue d’accéder au bout du chemin et ne pas se délecter dans les débats “picrocholins” sur la couleur de la maison du peuple dans 325 ans!
Nous devons être des constructeurs, nous devons être, sur le plan symbolique, mais aussi dans l’action concrète, des poseurs de pierres pour construire un édifice, un chemin.
Ces pierres seront les évènements et les initiatives collectives que nous prendrons. Pour cela, les stages de formation sont indispensables car rien n’est inné dans ce travail.

Combat féministe
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Légiférer sur le voile intégral, oui ! au nom de la la laïcité, non !

par Marie Perret
membre du Secrétariat National
de l'UFAL
et responsable de son secteur école

Source de l'article

Nous considérons en effet que le voile intégral est bien plus qu'un signe religieux : il est l'emblème d'un projet politique, et d'un projet politique que nous qualifions de « séparateur ».

Ce texte est celui, sous sa forme complète, présenté devant la mission parlementaire de l’Assemblée nationale « Voile intégral » le 16/09/09 lors de l’audition des associations laïques. Le député André Gérin qui préside cette mission a bien précisé qu’il s’agissait d’apporter une réponse politique à un phénomène dicté par une offensive elle-même politique. L’UFAL, au sein d’un large consensus sur les valeurs républicaines à faire respecter, a justifié son analyse sur la base de l’impossibilité d’identification et du déni d’identité, et expliqué les raisons pour lesquelles le recours au principe de laïcité était, en l’occurrence, inopportun pour ne pas stigmatiser telle ou telle pratique religieuse et refuser son expression dans la société civile. (NDLR)

Je voudrais, pour commencer, évoquer deux « affaires » récentes qui engageaient toutes deux la question de la laïcité et qui ont été, par là-même, l’occasion d’en clarifier le concept mais également d’en circonscrire les limites.
La première affaire est celle du « voile à l’école » : l’affaire du voile posait le problème de savoir si l’obligation de neutralité, qui s’applique aux fonctionnaires, devait être étendue aux élèves, question qui n’allait pas de soi. Devant la commission Stasi, l’Ufal avait défendu l’idée selon laquelle l’école n’est pas un service public comme un autre : l’école publique n’a pas pour vocation de délivrer un service que les élèves pourraient « consommer », elle a pour vocation d’émanciper les individus dont la liberté est en voie de constitution, émancipation qui suppose, comme première condition, que les élèves puissent se soustraire, durant le temps scolaire, à leurs particularismes et à leurs liens d’appartenance. C’est la raison pour laquelle l’Ufal a salué la loi du 15 mars 2004 qui rappelait que la laïcité s’applique aussi aux élèves.
La deuxième affaire a été moins médiatisée que la première. Elle a pourtant divisé le camp des laïques. Je veux parler de « l’affaire du gîte des Vosges » qui engageait la question de savoir s’il fallait étendre le principe de laïcité au-delà de la sphère de l’autorité publique, à des lieux qui relèvent de l’espace civil (aux commerces, aux transports, à la rue). La position que nous avons défendue alors était loin d’être confortable : malgré notre horreur du voile, nous avons néanmoins choisi de ne pas soutenir Fanny Truchelut, qui avait refusé de louer une chambre à deux femmes qui s’étaient présentées voilées et qui refusaient d’enlever leur voile dans les parties communes du gîte. Nous considérons en effet que notre République repose sur un dualisme de principe : si le principe de laïcité s’applique aux lieux placés sous l’autorité publique, l’espace de la société civile (espace dans lequel les individus peuvent jouir de leurs libertés) est quant à lui régi par le principe de tolérance. Il nous semble par conséquent illégitime d’étendre la loi du 15 mars 2004 au-delà de la sphère de l’autorité publique.
Cela nous amène au cœur de notre sujet. Le voile intégral nous confronte à la question suivante : faut-il interdire le port du voile intégral dans la société civile sous prétexte qu’il est contraire au principe de laïcité ?
Notre réponse est clairement non : pas plus qu’on ne saurait interdire le port des signes religieux dans la rue en arguant du principe de laïcité, on ne saurait interdire le port du voile intégral dans la société civile au nom du principe de laïcité. Le principe de laïcité doit rester cantonné à la sphère de l’autorité publique. L’étendre à la société civile revient à faire un contresens sur ce qu’il signifie. Une telle extension, loin de renforcer le principe de laïcité, l’affaiblirait.
Est-ce à dire qu’il faut « laisser faire » sous prétexte que la société civile est régie par le principe de tolérance, que les individus ont le droit de se vêtir comme ils le veulent, d’arborer dans la rue les signes de leur appartenance religieuse ?
Telle n’est pas notre position. Disons le clairement : sans, bien sûr, préjuger de la décision que prendra le législateur, l’Ufal est, pour sa part, favorable à une interdiction du voile intégral dans tous les espaces de la société civile.
Nous considérons en effet que le voile intégral est bien plus qu’un signe religieux : il est l’emblème d’un projet politique, et d’un projet politique que nous qualifions de « séparateur ». Aussi est-il en lui-même une véritable provocation, une façon de tester la résistance de notre modèle républicain. Le voile intégral est non seulement le symbole intolérable de la soumission des femmes (je ne m’attarderai pas sur ce point : d’autres que moi l’ont dit avec beaucoup de force), symbole qui porte atteinte aux trois principes constitutifs de la République, mais il est, plus radicalement encore, une déclaration politique qui affecte la notion même de personne comme membre de l’association politique.
Je voudrais exposer brièvement cette idée à laquelle nous avons longuement réfléchi à l’Ufal, avec Catherine Kintzler qui est membre de notre Conseil scientifique.
Le port du voile intégral n’a pas seulement pour effet de dérober l’identité de son porteur, mais aussi de le rendre indistinct, indifférenciable. Porter le voile intégral revient à signifier : « je ne suis personne ». En cela le voile intégral est bien plus qu’un masque (qui est une identité d’emprunt), c’est un effacement. Le voile intégral, à la différence du masque de carnaval, ne vient pas substituer une apparence à une autre : il rend apparent une absence d’apparence. Il efface par conséquent le citoyen, en niant son droit à la singularité. Le voile intégral signifie en effet que celles qui le portent n’ont droit à la singularité que dans l’espace intime, et encore, d’une manière contrôlée par une coutume communautaire. Or, la singularité est indissociable du concept de citoyen. Un citoyen n’est pas un sujet abstrait : le citoyen est une personne, dont on ne saurait nier le droit à la singularité. Tout se passe comme si le voile intégral interdisait à une partie de la population, au motif de son sexe ou de son origine, de dire son nom dans l’espace accessible au public. Il constitue par conséquent un déni d’un droit fondamental, d’un droit qui est au fondement même de l’idée de droit, le droit d’être une personne.
Mais il y a plus : non seulement le voile intégral constitue un déni d’identité pour celui qui le porte, mais il a également pour effet de rejeter l’autre à une distance infinie. Le voile intégral est une façon de signifier à l’autre, sans équivoque possible : « je ne veux avoir aucun contact avec toi », « tout contact avec autrui est une souillure ». Il crée, de façon visible, une classe d’intouchables. Soit dit en passant, on peut s’interroger sur la pertinence d’un argument qu’on entend ici et là : il ne faut pas sanctionner, il faut persuader les femmes qui portent le niqab ou la burqa de l’ôter. Mais la persuasion suppose le dialogue. Comment peut-on espérer persuader quelqu’un qui arbore une tenue signifiant à l’autre que son contact est une souillure ? Mais cela fait également tomber un autre argument qu’on a souvent entendu, à savoir l’argument de la double sanction, selon lequel l’interdiction du port du voile intégral reviendrait à condamner celles qui le portent à une réclusion définitive. Le port du voile intégral dans l’espace civil est en lui-même une réclusion : il est une façon d’emmener avec soi son intimité, et de refuser toute sociabilité. Cet argument, qui plus est, renvoie à un schéma plus général selon lequel pour lutter contre un intégrisme à visée hégémonique et politique (ou contre un fascisme), il ne faut surtout pas l’affronter directement car cela le durcit, mais il faut être conciliant. Lorsqu’on observe ce qui se passe actuellement au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, on ne peut être que dubitatif à propos de l’efficacité de cette méthode.
Déni de la singularité, refus de la sociabilité, on voit que la question du voile intégral ne saurait se réduire à un problème de « civilisation ». La volonté d’interdire le voile intégral au motif qu’il serait contraire aux valeurs défendues par la civilisation occidentale nous semble alimenter bien des confusions. Outre le fait que ce discours crée des blocs monolithiques dont l’horizon est toujours celui du conflit, il méconnaît le problème en jeu : ce n’est pas à une civilisation que le voile intégral porte atteinte, mais à une conception de l’association politique, à un modèle politique dont le lien avec l’histoire et avec la civilisation occidentale est contingent.
Je finirai cette intervention en insistant sur l’idée qu’il existe une distinction entre le voile intégral et le voile islamique, qui laisse le visage visible. On entend ici et là des gens dire que le niqab et la burqa sont en quelque sorte « la vérité » du foulard islamique. Qu’il faut interdire également le port du voile et celui du voile intégral. Il se peut bien que, sur le plan symbolique, le voile intégral radicalise ce que le voile islamique symbolisait déjà. Mais cet argument est-il suffisant pour vouloir les traiter de la même façon ? Nous pensons que le voile intégral engage des questions que le foulard islamique ne pose pas. Celle de l’effacement du citoyen, et du déni de la singularité, d’abord. Mais aussi la question plus pragmatique de l’identification de l’individu. Outre le fait que le voile intégral peut poser des problèmes de sécurité publique, le fait que des personnes soient autorisées à le porter dans la rue constitue en soi une rupture du principe d’égalité : ainsi, certains peuvent être identifiés sur des caméras de vidéo-surveillance, tandis que d’autres non. Mais le voile intégral empêche également celles qui le portent de pouvoir exercer pleinement leurs droits et leurs devoirs de citoyen : on peut ainsi poser la question de savoir si un témoin entièrement voilé peut être entendu par la justice afin d’identifier un coupable présumé. Son témoignage ne sera-t-il pas déclaré irrecevable, au motif qu’on ne peut identifier le témoin ? Tolérer le port du voile intégral revient donc aussi à accepter qu’une partie de la population soit amputée de ses droits et de ses devoirs, qu’une partie de la population ne puisse pas exercer pleinement ses droits et ses devoirs de citoyen.
Le problème qui est posé au législateur est de concilier l’autorisation du port du masque dans certaines circonstances (parades, carnaval, fêtes, théâtre, cirque, épidémie par contagion aérienne, défiguration, contraintes professionnelles, etc.), masque qui ne peut être permanent et qui doit s’effacer dès qu’il y a requête d’un agent de la force publique, avec l’interdiction du port d’un vêtement permanent et non nécessaire à la santé ou à la sécurité, vêtement qui non seulement dissimule le visage mais encore qui l’efface et qui s’assortit d’un refus d’identification.
Je dirai en conclusion que tous les arguments invoqués en faveur de l’interdiction du port du voile intégral ne se valent pas. Pour sa part, l’Ufal en retient deux : celui de l’identification et celui du déni de singularité. Reste à savoir s’ils pourront être inscrits dans la loi. Sur cette question, l’Ufal ne saurait se substituer au législateur. Nous avons néanmoins réfléchi à une formulation que je voudrais soumettre au débat qui va suivre : « Le port en public d’une tenue ne permettant pas l’identification des personnes ni l’expression de leur identité est interdite, sauf autorisation préalable des autorités compétentes et sauf événements ponctuels (carnaval par exemple). »
Nous sommes toutefois conscients que si une loi est nécessaire, elle ne suffira pas à lutter contre le voile intégral. Il y a d’autres pistes à explorer : peut-être faudrait-il par exemple s’interroger sur l’école et rompre avec un certain discours dont l’école a pu, dans ces dernières années, se faire parfois le vecteur, à savoir le discours prônant les vertus du multiculturalisme et la relativité des valeurs. Il est temps, peut-être, pour l’école de renouer avec les Lumières et avec les humanités : l’école républicaine ne doit pas avoir honte des principes sur lesquels elle se fonde. Elle doit aussi être le lieu où l’on explique, de façon rigoureuse et articulée, le modèle de l’association politique que la République a produit. De même qu’on ne pourra pas lutter efficacement contre le voile intégral si l’on fait l’économie d’une réflexion plus générale sur les causes qui expliquent l’exacerbation des communautarismes qui est particulièrement sensible dans les quartiers populaires. Lorsque l’Etat se désengage de ces quartiers, lorsque les services publics disparaissent, lorsque le principe de solidarité nationale est remis en question, force est de constater que les individus n’ont d’autres recours que de s’en remettre à des formes de solidarités traditionnelles, familiales et communautaires.

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Le 17 octobre, une date à ne pas rater !

par Aude Lemoussu

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Comme nous l’annoncions lors de notre précédent numéro, le samedi 17 octobre prochain est une date à noter dans tous les agendas. En effet, à l’initiative du Collectif National Droits des Femmes et de Femmes Solidaires, une mobilisation nationale se prépare pour défendre de manière unitaire l’égalité femmes – hommes.
Une manifestation est prévue à Paris et sera l’occasion de rassembler associations, syndicats et partis politiques pour la défense des droits des femmes. L’appel à descendre dans la rue est relayé par de nombreuses organisations féministes (Planning Familial, Coordination Lesbienne en France, Chiennes de garde…), des syndicats (CGT, Solidaires, FSU, UNEF) et des partis politiques (PS, PCF, NPA, Verts…).
L’idée d’organiser cet événement est née au lendemain de la mobilisation de février dernier pour la défense du Planning Familial, menacé de voir ses crédits coupés.
Cette tentative du gouvernement de faire disparaître un outil indispensable de l’éducation à la sexualité d’un côté et la persistance des inégalités (salaires, violences, responsabilités politiques…) de l’autre nous montrent que les avancées obtenues depuis des années par les féministes n’ont pas suffi.
La manifestation du 17 octobre a pour objectif de se faire entendre des pouvoirs publics : plus nous serons nombreuses et nombreux, plus nous aurons de chance d’obtenir de nouveaux droits (une loi contre les violences faites aux femmes, des mesures pour l’égalité salariale, un renforcement du service public de la petite enfance par exemple).
Pour mobiliser autour de nous, plusieurs outils : un tract, un site internet et une visibilité de la mobilisation sur les réseaux sociaux. Il nous reste un mois et demi pour réussir le pari de la mobilisation maximum pour cette journée !

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Inde : de la sécheresse à la prostitution

par Manju Das

Cette année, le pays a enregistré des précipitations inférieures de 29% à la normale saisonnière alors que la mousson apporte généralement les 90% des besoins annuels en eau. 177 districts sont touchés par la sécheresse. Les agriculteurs vont puiser dans les nappes phréatiques, mais le recours aux pompes à eau est coûteux. Selon le ministre indien de l’agriculture, Sharad Pawar, le gouvernement subventionnerait les tarifs de l’essence, pour sauver les plantations existantes.
Dans le district de Bundelkhand, situé dans l’Uttar Pradesh, des familles entières de paysans ont commencé à quitter leurs terres pour rejoindre New Delhi.
L’absence de récolte pousse de nombreux paysans au suicide car ils ont souvent emprunté auprès d’usuriers peu scrupuleux.
Pour certains de ces paysans endettés, vendre leur femme ou leur fille est devenu la solution de la dernière chance alimentant de la sorte un trafic d’être humains.
Il est difficile de savoir à quel prix et à qui les paysans vendent leur femme, mais selon des journaux locaux, les épouses seraient vendues entre 1 000 roupies et 12.000 roupies (14 euros à 150 euros). Certaines « transactions » sont faites sous couvert de mariages légaux, mais les travailleurs sociaux pensent que beaucoup d’épouses finissent dans des réseaux de prostitution.
Selon Ranjana Kumari, directrice du Centre de recherche sociale à New Delhi, les enquêtes montrent que le Bundelkhland est connu pour être l’une des régions les plus vulnérables à l’exploitation sexuelle. Selon elle, les paysans savent qu’ils vendent leur femme à des réseaux de prostitution mais « ils le font dans le désespoir le plus total »
De nombreux analystes demandent des réformes structurelles car les programmes d’aide aux victimes de la sécheresse sont minés par la corruption.

Lutter contre le néo-libéralisme
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Le rapport Stiglitz-Sen montre les limites d'un système qui ne peut se dépasser

par Guillaume Desguerriers

La commission « Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social », dite commission Stiglitz, vient de rendre son rapport.
Un bref aperçu s’impose sur les conclusions qu’elle rend.

« Des » points positifs… mais le pluriel commence à deux !


Le premier point positif du rapport final est la reconnaissance du fait que le PIB est un indicateur purement économique et qu’en ce sens il ne peut conduire les politiques publiques.
Ouf ! Il était temps que la critique du PIB arrive enfin à la « reconnaissance officielle », puisque la commission a été une demande du gouvernement français et que deux prix Nobel (Stiglitz et Sen) en faisaient partie.
La commission entérine ainsi les critiques faites à l’encontre de l’indicateur PIB depuis des années par les milieux progressistes voulant un autre projet de société.
Le second point positif est un état des lieux des autres indicateurs possibles et utilisables, mais (et c’est là le début des problèmes…) ce point conclut, non pas à un remplacement du PIB, mais à la nécessité de le perfectionner en y incluant d’autres paramètres pour tenir compte d’autres aspects de la société. Ainsi, au lieu de construire un indicateur sur la consommation et sa répartition qui rendrait compte de l’état de la consommation des ménages, il vaut mieux, selon la commission, inclure (c’est à dire « noyer ») ce facteur dans le PIB qui lui mesure la production. Idem pour tout le reste…
Les limites de la commission Stiglitz sont donc rapidement atteintes : aucun dépassement du PIB n’est proposé, aucune porte de sortie n’est mise en route, aucune alternative de guider les politiques publiques n’est indiquée hormis le facteur « production », renforcé de quelques oripeaux sur l’inégalité face à la consommation. Or, nous le savons très bien, nous qui voulons un dépassement du projet capitaliste, il n’y aura aucune sortie pacifique à la crise actuelle si les politiques publiques garde le même cap, c’est à dire garde la même boussole !
Le système actuel est productiviste-consumériste, la commission Stiglitz propose de conserver la même logique.

Un système ne peut jamais s’autodépasser de son propre fait


Pour y voir clair, il faut comprendre le point qui est le notre, l’époque qui est la notre, au sens où elle est le stade dans lequel le capitalisme va achever sa course. Il est désormais dans une crise structurelle qui n’est pas celle de 1929, et qui n’est donc pas une « crise », mais une « mutation » : car « l’après » sera différent « d’aujourd’hui » (ces aspects ont été longuement développés au sein de ReSPUBLICA). Reste à décider comment se fera cette mutation : pacifiquement, ou … ?!
Le fait est que les périodes de crises sont des filtres, des révélateurs, des distillateurs, car elles exacerbent les positions, cristallisent les schémas de pensées et donc rendent les affrontements de plus en plus inévitables, mais aussi de plus en plus clairs et limpides.
Le capitalisme repose sur un paradigme bourgeois qui a étendu sa domination éthique et culturelle depuis environ 200 ans. Ce paradigme, qui réduit la totalité du réel à la seule sphère économique, a forgé des esprits, des mentalités, et sa mise en pratiques (pratiques qui étaient à l’origine celles de la seule classe bourgeoise) s’est généralisée à des millions de gens. La réduction de la totalité du réel à la seule vision économique ?! C’est à dire : la réduction du monde vivant, des êtres humains, des sentiments, de la connaissance, du bien être, de la création, du plaisir, des sciences, les activités, les liens, etc. L’économisme ne permet de comprendre le réel que sous l’angle de l’économie, et il est dans toutes les pratiques, y compris dans celle de la réflexion.
Et la commission Stiglitz est à cet égard une parfaite illustration de ce paradigme : elle s’intitule « Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social » !
Rien que cela !
Et à qui confit-on le soin de définir le « progrès social » ?
À une population souveraine… ?!
Non. À des experts… mais quels experts ?!
Des économistes… et rien que des économistes !
Dans les faits, que propose cette commission : de ne pas dépasser le PIB, qui pourtant réduit la politique à suivre la boussole de la production-consommation (du superflu, bien plus que du nécessaire… profits obligent…).
Mieux ! Cette commission montre qu’elle a parfaitement connaissance des alternatives, mais ne parvient pas à la rupture avec son modèle, avec ce qui la « sacre ».
Autre fait révélateur : la proposition de la commission d’utiliser « l’Epargne Nette Ajoutée » qui est un indicateur (issu de la Banque Mondiale, autrefois dirigée par Stiglitz…) qui effectue une monétarisation de tout !  Education, environnement, protection sociale, chômage, loisirs, bien-être, consommation, etc. tout est réduit à de la monnaie, à de la valeur en argent. Même logique…
Pire ! Le PIB montre son insuffisance également en tant qu’indicateur « unique » (comme dieu unique, prophète unique, penseur unique… etc.). Comme si un médecin pouvait juger de l’état de santé en n’utilisant que la température ou la couleur de la langue de son patient… ridicule !
Mais il faut voir au delà et comprendre que l’indicateur unique incarne cette volonté de réduire le réel, donc… d’en combattre la richesse et la diversité, les équilibres, entre d’autre terme : la réalité.
Bref, nous avons là des esprits vissés, incapables de voir la nécessité de dépasser le paradigme actuel et qui ne font que tourner en rond, proposant des recettes dont les simples fondements de départ les rendent caduques car ne poursuivant, au final, que la même logique déjà à l’oeuvre depuis 200 ans : la réduction de tout le réel à la seule sphère économique au détriment de l’humain, de l’écosystème et du lien social. Mais ne rigolons pas ! Cette logique d’enfermement est aussi présente à gauche… et nous pouvons dire que la gauche ne sera à même de jouer son rôle que lorsque les forces novatrices seront majoritaires en son sein ; c’est à dire celles ayant intégré tous les enjeux du dépassement du paradigme actuel.
Alors la gauche sera la gauche, et elle offrira un projet alternatif, au lieu de la chimère des trente glorieuses et d’un PIB (teinté de verdure et de social) affichant +8 % de croissance par an…

Au delà du paradigme économisme…


Dépasser un paradigme veut dire dépasser des pratiques (un paradigme n’est qu’un concept pour illustrer les forces psychologiques et sociales qui sont à l’oeuvre).
L’ENA, en réduisant tout à la seule monnaie, illustre la psychologie du paradigme actuel : les dépenses pour l’éducation peuvent « tout naturellement » compenser des absences de dépenses pour l’environnement ou pour la santé.
Hélas, la réalité du monde est bien plus complexe, plus riche, plus sensible. Il n’est pas possible de mesurer le réel avec un indicateur unique !
Ainsi, il nous faudra un indicateur « composite », c’est à dire constitué de plusieurs points indépendants qui ne pourront pas être additionnés. Car il est important de regarder – indépendamment ! – le bien-être social et individuel, la pression environnementale, la répartition de la richesse ainsi que les conditions de vie réelles des individus. Mais ceci oblige à une redéfinition de ce qu’est une politique de « progrès social », donc à remettre directement en cause les fondements du paradigme actuel et son productivisme. Or, et c’est peut-être le point le plus révélateur de la commission, elle a eu pour tâche de réunir des experts pour indiquer ce qu’est le « progrès social », alors que ce sujet est l’enjeu de tout un peuple, de toute une communauté de destin (le Pacte Républicain… ). Mais là encore, il était impossible pour des esprits moulés dans l’économisme, de rompre avec leurs fondements de pensées et se rendre compte qu’il appartient à la souveraineté populaire de bâtir son projet de société. Pourtant, le référendum sur le TCE en 2005 a mis en évidence qu’un tel débat est possible, qu’il est fécond et qu’il rompt les clivages habituels, ceux que l’on croient gravés dans une société. 2005 a montré que les individus peuvent prendre en charge ce débat politique, riche et complexe, et qu’ils peuvent définir ce qu’est le progrès social. Mais les tenants du paradigme actuel craignent la délibération publique, ils craignent la souveraineté populaire et par là même s’éloignent de cette population en créant les règles propices à cet éloignement.

De fait, la commission Stiglitz-Sen est une illustration du paradigme actuel qu’il nous faudra bien dépasser. Dans cette optique, d’autres se sont essayés, avec des efforts pour des propositions concrètes novatrices, par exemple le FAIR (Forum pour d’Autres Indicateurs de Richesses) ou l’initiative du BIP40. Ces exemples montrent que la sortie pacifique du capitalisme est possible, et que ces forces sont à l’oeuvre aujourd’hui même, dans notre pays. Mieux, ils montrent que la sortie ne se fera pas sur le mode de l’affrontement, mais sur le mode de « l’abandon », c’est à dire très concrètement par tout ce qui permettra l’autonomisation des individus-citoyens à l’égard du système production-consommation actuel, afin qu’ils puissent construire et fonder sur d’autres bases leur communauté de destin au sein du Pacte Républicain.

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Les fétichistes du PIB

par Joseph E. Stiglitz
professeur d’économie à l’université de Columbia et lauréat du prix Nobel d’économie 2001 a aussi présidé la Commission sur la Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social.

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S’efforcer de ressusciter l’économie de la planète tout en réagissant au changement climatique soulève une question épineuse : les statistiques sont-elles de bons indicateurs des mesures à prendre ? Dans un monde axé sur la performance, les chiffres ont pris une importance accrue : ce que l’on mesure affecte nos actions.

En effet, si les résultats sont faibles, nos efforts (par exemple d’augmenter le PIB) peuvent contribuer à détériorer le niveau de vie. Nous pouvons aussi nous retrouver confrontés à de faux choix, en croyant, à tort, que le rendement compromet la protection environnementale. En revanche, une meilleure appréciation de la performance économique pourrait montrer que les mesures prises pour améliorer l’environnement sont bénéfiques à l’économie.

Il y a dix-huit mois, le président français Nicolas Sarkozy a créé une Commission sur la Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social, car il n’était pas satisfait – il n’était d’ailleurs pas le seul – de l’information statistique de l’époque sur l’économie et la société. Cette commission publiera son rapport tant attendu le 14 septembre.

La grande question est de savoir si le PIB est un bon outil de mesure du niveau vie. Dans beaucoup de cas, les statistiques afférentes semblent suggérer que l’économie se porte bien mieux que ce que les citoyens ressentent. En outre, la mise en avant du PIB génère des conflits : on exige des responsables politiques qu’ils le portent à son maximum, tandis que les citoyens attendent aussi qu’ils soient attentifs à l’amélioration de la sécurité, à la réduction de la pollution sonore, de l’air, de l’eau, etc. En bref, à tout ce qui pourrait saper la croissance du PIB.

Le fait que le PIB est un piètre indicateur du bien-être, voire de l’activité des marchés, est admis depuis longtemps. Mais l’économie et les modifications de la société peuvent aussi avoir eu leur influence, au moment même où les percées en économie et en technique statistique offraient de nouvelles chances d’améliorer notre métrique. Le PIB est censé mesurer la valeur de la production de biens et services. Or dans un secteur clé – celui du gouvernement par exemple – nous ne disposons d’aucun outil pour le faire. La production est souvent mesurée, très simplement, en fonction de l’apport. Donc si le gouvernement dépense plus – même s’il est inefficace – la production augmente. Au cours des 60 dernières années, la part gouvernementale dans la production du PIB a augmenté de 21,4 % à 38,6 % aux Etats-Unis, de 27,6 % à 52,7 % en France, de 34,2 % à 47,6 % au Royaume-Uni et de 30,4 % à 44,0 % en Allemagne. Voilà qu’un problème mineur à l’origine est devenu majeur.

Parallèlement, l’amélioration de la qualité (de meilleures voitures au lieu d’une plus grande quantité de voitures) représente de nos jours une part très importante de l’augmentation du PIB. Or, l’amélioration de la qualité est difficilement quantifiable. Le système de soins de santé en est un bon exemple : la majeure partie est financée de manière publique tandis que la plupart des avancées sont qualitatives.

Comparer différents pays comporte le même lot de problèmes que de faire des comparaisons dans le temps. Les Etats-Unis dépensent plus que tout autre pays (per capita et en pourcentage du revenu) pour son système de santé, mais obtiennent une mauvaise performance. Le système de mesure pourrait donc expliquer, pour partie, la différence du PIB par habitant aux Etats-Unis et dans quelques pays européens.

Un autre changement frappant dans beaucoup de sociétés réside dans les inégalités. Il y a en effet davantage de disparités entre le revenu moyen (calcul d’une moyenne) et le revenu médian (celui d’une personne « typique », dont le revenu se situe au milieu de la fourchette de tous les revenus). Si quelques banquiers s’enrichissent massivement, le revenu moyen augmente, même si le revenu de la plupart des individus reflue. Donc les statistiques du PIB per capita ne se font pas le reflet exact de la vie des citoyens.

Aussi, pour évaluer les biens et les services, nous utilisons les prix du marché. Mais à l’heure actuelle, même ceux qui vouent une grande foi dans les marchés remettent en question la validité de ces chiffres, y opposant les comptabilisations au prix du marché. Les profits faits dans les banques avant la crise – un tiers de tous les profits d’entreprise – ont l’apparence d’un mirage. Cette prise de conscience éclaire d’un jour nouveau non seulement la mesure de la performance, mais aussi nos déductions. Avant la crise, lorsque la croissance des Etats-Unis (d’après les outils de mesure standard du PIB) paraissait bien plus forte que celle de l’Europe, nombre d’européens étaient en faveur du capitalisme à l’américaine. Bien sûr, tous ceux qui le désiraient auraient pu constater l’endettement croissant des foyers américains, ce qui aurait tendu à montrer que la vision du succès donnée par la mesure du PIB était erronée. De récentes avancées méthodologiques nous ont permis de mieux évaluer ce qui contribue au sentiment de bien-être chez les citoyens et à rassembler les données nécessaire pour y procéder régulièrement. Ces analyses examinent et quantifient ce qui devrait être évident : la perte d’un emploi implique des répercussions plus considérables que la perte d’un revenu seul. Elles montrent aussi l’importance des liens sociaux.

Toute bonne mesure de notre état doit aussi prendre en compte la durabilité. Ainsi qu’une entreprise a besoin de quantifier la dépréciation de son capital, les comptes nationaux, aussi, doivent refléter la diminution des ressources naturelles et la dégradation de l’environnement.

Les statistiques visent à résumer ce qui se passe dans notre société complexe en quelques chiffres interprétables aisément. L’évidence que l’on ne peut tout réduire à un chiffre unique, le PIB, aurait dû nous frapper. Le rapport de la Commissions sur la Mesure de la Performance Economique et du Progrès Social mènera, espérons-le, à une meilleure compréhension des us et abus des statistiques.

Ce rapport devrait aussi fournir des axes sur lesquels fonder un plus large éventail d’outils reflétant de manière plus précise à la fois le bien-être et la durabilité. Il devrait aussi fournir une base dynamique pour améliorer la capacité du PIB et des statistiques afférentes à évaluer la performance de notre économie et de notre société. De telles réformes nous aideront à orienter nos efforts (et ressources) dans les directions menant à l’amélioration des deux.

par Joseph E. Stiglitz*, paru dans Le Quotidien d’Oran du 12 septembre 2009, traduit de l’anglais par Aude Fondard

* Professeur d’économie à l’université de Columbia et lauréat du prix Nobel d’économie 2001

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Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières, de Frédéric Lordon

par Hakim Arabdiou

éd. Raison d’Agir, Parid

Pour Frédéric Lordon, cette crise est un démenti aux prétentions cardinales de la doctrine néolibérale : l’autorégulation des marchés et l’allocation optimum des ressources. Il en veut pour preuve les nombreuses crises financières et monétaires qui ont secoué les économies capitalistes, toutes les deux années et demie en moyenne, durant ces deux dernières décennies.

Economiste marxiste s’il en est, l’auteur, tout en rappelant la cause structurelle et centrale de cette crise, à savoir les crises cycliques de surproduction (relative) auxquelles est confronté le système capitaliste, a surtout entrepris de démystifier le discours néolibéral triomphaliste sur la prétendue efficacité des mécanismes de marché. Il a aussi longuement analysé les conséquences désastreuses des mesures de déréglementation économiques et financières, mises en œuvre au service des prédateurs des marchés financiers, depuis les années 1980.

« Innovation financière » ou prolifération financière ?

C’est ainsi que les investisseurs (spéculateurs) ont recherché, à travers ce qu’ils ont nommé pompeusement l’ « innovation financière », les plus hauts rendements possibles à leurs capitaux propres. Cette innovation consiste en la transformation en titres financiers (ou titrisation) des crédits bancaires et un certain type d’assurance.

Les produits dérivés de crédits structurés (ou non) et les produits assurantiels sont titrisés sous l’une des deux formes suivantes : les ABS (Asset Backed Securities) et les CDS (Credit Default Swap).

Les ABS sont des produits financiers dérivés de crédits structurés. Ils sont en effet structurés en pools de 3 tranches hiérarchisés, selon les degrés de risque qu’ils font encourir à leurs détenteurs et les profits proportionnels qu’ils leur procurent. Ils peuvent prendre différentes appellations, selon la classe de produits, dont les crédits ont été titrisés : prêts immobiliers (MBS), crédits à la consommation, prêts étudiants, etc. Des produits titrisés peuvent être combinés entre eux sous différentes formes (TRS, CMDS, etc.). Ce mélange de diverses tranches de produits dérivés de crédits structurés vise selon leurs fabricants (banques et monolines) à diluer les risques. La titrisation permet aux banques de faire coup double : transférer les risques de non-remboursement par un emprunteur, en transformant des dettes en titres financiers, puis les vendre à d’autres établissements. Cette vente a l’avantage également de leur procurer de nouveaux capitaux, qu’elles accorderont sous forme de nouveaux crédits, et ainsi de suite.

Les CDS consistent, pour une banque, à transférer les risques de non-remboursement d’un crédit, en souscrivant à ce dernier une police d’assurance, auprès d’un établissement spécialisé (dit monoline). Les entrepreneurs souscrivent également ce type d’assurance contre la variation des taux de change, des taux d’intérêt, des prix des matières premières et ceux des produits finis. Les CDS ont eux aussi leur variante : les CDO.

En vérité, ces précautions comportent séparément et cumulativement des risques énormes, pour les spéculateurs, ainsi que pour les systèmes économiques et financiers nationaux et internationaux.

Il s’agit aussi bien de l’importante proportion de crédits accordés à des emprunteurs insolvables que de la fabrication de produits titrisés, de plus en plus complexes, et de ce fait extrêmement difficile à en évaluer les risques.

Il est également question de la négociabilité des produits titrisés, c’est-à-dire de leur capacité à être vendus et achetés sur les marchés financiers. Cette disposition a rendu, elle aussi, quasi-impossible non seulement l’évaluation des risques (le troisième ou le cinquième acquéreur du titre ne connait ni l’identité ni la solvabilité de l’emprunteur initial) et leur localisation (chez quel détenteur, tel produit titrisé se trouvent à tel ou tel moment), mais pousse aussi à négliger les risques que peut comporter un produit titrisé, par la banque et par toute la chaîne des spéculateurs, car chacun d’entre eux n’acquière la plupart du temps le produit en question, que pour le revendre immédiatement (le transfèrement du risque) et empocher une belle plus-value.

A titre d’illustration, la valeur de la dette d’entreprises (les obligations) s’élève à 5,7 trillions de dollars, alors que la valeur de leurs assurances (celle des CDS) s’étaient élevés à la mi-2008 à 62 trillions de dollars (un trillion = un millier de milliards), soit dix fois plus.

L’effet de levier

Outre les bonus versés aux traders, la forte complaisance des agences de notation corrompues et le nouveau système d’évaluation des risques de défaut de paiement, « Value-at-Risk » (Valeur exposée au risque), évaluation fondée sur les théories de probabilités, l’auteur cite l’effet de levier. Il s’agit d’un investissement, fondé en grande partie, sur des capitaux empruntés, et qui démultiplie les gains, mais aussi les pertes dans les mêmes proportions.

C’est pourquoi les banques exigent de l’emprunteur-investisseur un dépôt de garantie en fonds propres. Elles peuvent en rehausser le montant (deux fois, quatre fois plus…), si les risques de l’investissement s’accroissaient. L’intéressé peut se trouver alors obligé de vendre une partie de ses actifs pour disposer d’argent frais en vue de satisfaire au nouveau montant de dépôt de garantie. Cette vente, lorsqu’elle se déroule en même temps que la vente du même type d’actifs par plusieurs autres investisseurs, entraîne une perte considérable de la valeur aussi bien des actifs mis en vente que des actifs conservés par les investisseurs. Ceci à cause des nouvelles règles comptables internationales, « mark-to-market », aux conséquences, elles aussi catastrophiques : l’achat et la vente des actifs financiers se font au prix du marché, et non plus à leur valeur nominal (d’acquisition). C’est ce qui est arrivé à BNP-Paribas, Citigroup, Merril Lunch… ou acculés à la faillite, comme la banque Bear Stearns, etc.


Bâle I et Bâle II

Ce n’est donc pas les « mesurettes », décidées à Bâle I et à Bâle II, fixant notamment les ratios prudentiels des banques à 8% du volume total des crédits qu’elles octroient, qui ont été capables de prévenir les risques ou d’enrailler les multiples crises financières et monétaires de ces vingt dernières années.

L’opacité du marché des produits titrisés a également provoqué l’apparition du « risque de contrepartie » (méfiance mutuelle entre établissements financiers) et ses conséquences, la quasi-disparition des prêts interbancaires, ainsi que la montée en flèche de leurs taux d’intérêt.

La crise interbancaire actuelle a pris en otage les Etats et leurs banques centrales au profit des marchés financiers. Les premiers se trouvent obligés de venir au secours des seconds, afin d’éviter une crise systémique, c’est-à-dire l’extension (ou généralisation) de la crise financière aux sphères économique et monétaires, au lieu de re-réglementer les folles activités des marchés financiers.

Ces facilités ne pourront qu’encourager ces marchés à prendre davantage de risques dans le futur, tant ils sont sûrs d’être sauvés par les Etats.

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Modernité et sécularisation des sociétés musulmanes

par Hakim Arabdiou

La modernité est à la fois un état et un idéal. Par modernité, on entend généralement tout mode d’organisation et de fonctionnement de l’État et de la société, fondée sur les valeurs humaines universelles et les principes des droits de l’Homme, et visant la liberté, l’égalité et le bien-être multidimensionnel de l’Homme.

La modernité est aussi un idéal, un état indéfiniment perfectible. Le droit français, bien que régissant un État républicain et laïque, ne comportait pas moins nombre de dispositions sexistes, inspirées du christianisme et de certaines traditions occidentales conservatrices ou rétrogrades. C’est de moins en moins le cas, aujourd’hui.

La modernité n’est pas la contemporanéité. Car tout ce qui est contemporain n’est pas forcément beau ou juste. La théorie antidarwinienne du Dessein intelligent est récente ; elle n’est pas moins réactionnaire.

Des contingences historiques font que c’est l’Occident qui est, depuis cinq cents ans, le principal producteur et vecteur de la modernité et de la sécularisation.

Il ne faut pas pour autant confondre modernité et occidentalisme. Tout ce que produit cette ère dernière civilisationnelle n’est pas forcément bon : l’antisémitisme politique par exemple. Bien évidemment, les intégristes et leur marchepied au sein de la gauche communautariste, ainsi que les tiers-mondistes s’abritent derrière cette idée pour tenter d’empêcher coûte que coûte l’accès des musulmanes aux valeurs humaines universelles.

C’est également pain béni pour eux, lorsque l’extrême droite et un groupuscule « laïque » discrédite le combat laïque ou féministe en racontant certaines inepties à propos de l’islam ou des sociétés musulmanes ou lorsqu’ils confondent islamophobie, qui est la lutte légitime contre les prétentions des religions à vouloir régenter la vie des êtres humains, et la musulmanophobie, qui est le racisme envers les adeptes d’une religion, en l’occurrence l’islam, et une atteinte à la liberté de conscience et d’expression.

Quant à la sécularisation, qu’il ne faut pas confondre avec la modernité, elle consiste, elle aussi, pour les êtres humains, à substituer progressivement leurs besoins et aspirations profanes à leurs préceptes religieux.

Ces deux processus sont proches ou semblables dans leurs modalités, mais pas dans leurs finalités. Le stade ultime de la première ne vise pas, par elle-même, l’extinction de la foi et des pratiques religieuses. Le stade ultime de la seconde, c’est la disparition des religions des communautés humaines.

Mais la sécularisation n’est pas forcément synonyme de modernité. Une loi sécularisée peut être fondée sur la suprématie raciale, telle que stipulée par le nazisme. Un État sécularisé peut être également une dictature politique, comme l’URSS sous la botte de Staline et du stalinisme.

C’est pourquoi il faut considérer la modernité comme une condition de possibilité de la sécularisation ; et considérer réciproquement la sécularisation comme une condition de possibilité de la modernité.

Le monde musulman, en particulier depuis la décolonisation aux débuts des années 1960, et les politiques de développement, qu’il a connues, est à son tour en train de vivre les mêmes mutations profondes que le monde occidental a accompli aux siècles passés. Si différence il y a chez l’un et l’autre monde, et il y en a une, elle ne réside ni dans la nature ni dans l’ampleur ni dans les phases de ces mutations. Elle a trait au rythme de ces dernières, qui sont, pour des raisons évidentes, bien plus rapides dans le monde musulman.

Un exemple, parmi beaucoup d’autres, qui ne trompe pas : en une quarantaine d’années seulement, et malgré la contre-offensive de l’un des détachements de l’ultralibéralisme, l’islamisme, la majorité des familles musulmanes ne tient plus compte de la tradition séculaire de donner à au moins un de leurs enfants mâles, les prénoms de Mohamed ou de Ali, et à au moins une de leurs filles celui de Khadidja ou de Aïcha, en hommage respectivement au Prophète, au troisième calife de l’islam et imam des chiites, à la première et à la troisième épouse du Prophète. Ajoutons : sans qu’elles n’y voient le moindre manquement à leur foi religieuse.

Les musulmans, à l’instar de tous les êtres humains, obéissent dans leur évolution à deux facteurs essentiels : la loi de la nécessité et la loi de l’imitation. Ce qui les amène, de plus en plus, à interpréter leur religion et leurs traditions à l’aune de leurs besoins et aspirations humaines, ainsi que des exigences de la vie moderne.

Ces mutations convergentes s’effectuent par leur tendance, plus ou moins spontanée et grandissante, à se référer de moins en moins à leur religion et à leurs traditions dans leur vie sociale et à adopter de plus en plus de souplesse ou de laxisme dans leurs pratiques cultuelles. Ces mutations se réalisent également par l’effort d’interprétation savante et moderniste de la part de théologiens et d’intellectuels musulmans ou de cette origine.

Ceci, à l’exemple de ce qui avait été entrepris, aux XIXe et XXe siècles, par Djamel Eddine El Afghani, Mohammed Abdou, Rachid Rédah (à ses débuts)… Kacem Amin (Égypte), Tahar Haddad (Tunisie), Abdelhamid Benbadis (Algérie), etc., en vue de « moderniser l’islam », par l’apport des idées et des techniques les plus avancées de leurs époques, à savoir celles qui étaient en vigueur en Occident.

Au contraire d’un intégriste musulman comme Hassan Banna et de bien d’autres idéologues de son courant politico-religieux, ces derniers évaluent les idées nouvelles et les exigences de la vie à partir de leur conformité à l’islam, afin d’ « islamiser la modernité », à défaut de pouvoir la rejeter dans sa totalité.

C’est pour cette raison qu’il faut analyser les progrès de la modernité et de la sécularisation dans les sociétés musulmanes et dans les communautés musulmanes d’Occident, à partir de trois critères fondamentaux : leur direction, de manière globale et sur le long terme.

Car, comme bon nombre de phénomènes sociologiques, ces deux processus ne sont ni univoques ni uniformes.

En effet, il ne s’agit pas d’une évolution ascendante et linéaire, mais d’une tendance, et donc de processus non exempts de stagnations, voire reculs partiels et/ou provisoires, contradictoires, etc., mais surtout d’avancées irréversibles sur le long terme.

Ces progrès peuvent également ne pas s’effectuer au même rythme et au même degré dans les domaines économique, politique, que dans les domaines culturel et social, individuel et collectif, institutionnel et sociétal… Il est clair que ces progrès sont plus rapides et de plus grande ampleur en Tunisie ou au Liban qu’au Bangladesh ou en Arabie saoudite.

Cette lame de fond inexorable n’a pas épargné non plus une partie de la mouvance islamiste, entraînant certaines décantations politiques et idéologiques positives en leur sein, en particulier dans leurs organisations féminines.

A titre d’illustration, les jeunes filles et les jeunes hommes islamistes dans une quinzaine ou vingtaine d’années circuleront avec des moyens contraceptifs dans leurs poches - au nom de l’islam. Et ne voyez surtout pas ce propos comme une boutade.

Quant aux savants fondamentalistes musulmans, ne pouvant empêcher l’attrait irrésistible des sciences et des techniques sur les peuples musulmans, ainsi que leur utilité vitale pour leurs maîtres, le patronat musulman, essaient alors de les dépouiller de leur dimension émancipatrice. Ils tentent vainement d’endiguer cette dimension, notamment par le projet de créer une «science islamique », dont les points de départ et d’arrivée ne sont autre que la chari’a. C’est à cette fin, par exemple, qu’ils ont ouvert en 1981, en Amérique du Nord, l’Internationale Institute of Islamic Thought.

Ce n’est pas pêcher par excès d’optimisme que de dresser un tel constat. L’Europe des années 1920, 1930 et du début des années 1940, était infestée d’organisations et de régimes d’extrême droite et fascistes, de camps d’extermination et de camps de concentration, de colonialisme barbare et triomphant. Et pourtant, dès 1945, un air de liberté avait commencé à souffler sur l’Europe, et dans une moindre mesure sur les peuples colonisés.

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Islam et démocratie

par Nadia Geertz

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Ces derniers temps, il m’arrive fréquemment d’être interpelée sur la compatibilité de l’islam avec la démocratie. Et certains considèrent manifestement cette question comme définitivement tranchée.

Inutile de préciser que cette manière de poser le problème m’inquiète beaucoup. Car si à titre personnel, je considère les religions comme des fables et l’athéisme comme un réjouissant indice de bon sens, je trouve extrêmement maladroit et contre-productif de présenter une religion, quelle qu’elle soit, comme définitivement incompatible avec la modernité. Car cela équivaut à poser un ultimatum aux croyants concernés : soit vous devenez comme nous (athées ou, à la rigueur, croyants en une religion qui a fait son aggiornamento), soit vous restez musulmans, c’est-à-dire inévitablement hostiles aux principes démocratiques, quoi que vous prétendiez.

Je ne suis pas théologienne, loin s’en faut. Mais ceux qui prennent à témoin des sourates guerrières du Coran pour démontrer que l’islam est par essence une religion conquérante me laissent perplexe, parce qu’enfin l’Ancien Testament n’est pas exempt de ce type d’exhortations pour le moins musclées, qu’on en juge :

Lorsque Moïse (Exode V, 32) découvre que le peuple juif entier, sauf les Lévi, s’est adonné au culte du Veau d’or, il parle ainsi aux Lévi :

« Ainsi parle Yahvé, le Dieu d’Israël : Ceignez chacun votre épée ! Circulez dans le camp, d’une porte à l’autre, et tuez, qui son frère, qui son ami, et qui son proche !” Les fils de Lévi exécutèrent la consigne de Moïse et, ce jour-là, environ trois mille hommes du peuple perdirent la vie. Moïse dit : “Vous vous êtes aujourd’hui conféré l’investiture comme prêtres de Yahvé, qui au prix de son fils, qui au prix de son frère, de sorte qu’il vous donne aujourd’hui la bénédiction. »

Dans la Bible encore (Deutéronome, chap. 7), Moïse s’adresse en ces termes aux Hébreux :

« Lorsque Yahvé ton Dieu t’aura fait entrer dans le pays dont tu vas prendre possession, des nations nombreuses tomberont devant toi : les Hittites, les Girgashites, les Amorites, les Cananéens, les Perizzites, les Hivvites, les Jébuséens, sept nations plus nombreuses et plus puissantes que toi. Yahvé ton Dieu te les livrera et tu les battras. Tu les dévoueras par anathème. Tu ne concluras pas d’alliance avec elles, tu ne leur feras pas grâce. Tu ne con­tracteras pas de mariage avec elles, tu ne donneras pas ta fille à leur fils, ni ne prendras leur fille pour ton fils. Car ton fils serait détourné de me suivre ; il servirait d’autres dieux ; et la colère de Yahvé s’enflammerait contre vous et il t’exterminerait promptement. Mais voici comment vous devrez agir à leur égard : vous démolirez leurs autels, vous briserez leurs stèles, vous couperez leurs pieux sacrés et vous brûlerez leurs idoles. Car tu es un peuple consacré à Yahvé ton Dieu ; c’est toi que Yahvé ton Dieu a choisi pour son peuple à lui, parmi toutes les nations qui sont sur la terre. »

Cela n’a pas empêché un philosophe comme Spinoza de mettre en question la notion de « peuple élu » et de défendre l’idée selon laquelle les textes religieux du judaïsme devaient être contextualisés, et non interprétés de manière littérale.

Toutes les religions du livre sont traversées des mêmes questions : quelle interprétation du texte sacré faut-il privilégier ? Que faire lorsque le texte en question contredit manifestement des principes plus modernes ?

Certains, progressivement séduits par les Lumières, se distancient de la religion et finissent par lui tourner le dos. D’autres tentent à toute force de montrer que le texte contient déjà ces principes. Tentative à mes yeux puérile de sauver une religion ; mais pourquoi pas ? D’autres enfin récusent la démocratie et ses valeurs parce qu’elles sont incompatibles avec la lecture littérale du texte sacré.

Ceux-là m’apparaissent comme indubitablement les plus dangereux. Et ceux qui présentent aujourd’hui l’islam comme incompatible, une fois pour toutes, avec la démocratie, s’en font hélas les alliés objectifs : en posant en principe que le texte sacré n’est pas interprétable, ou qu’il ne l’est que d’une manière univoque (ce qui revient au même) ils empêchent toute émergence d’un « islam des Lumières ». Dont, personnellement, je dois bien avouer que je me fiche éperdument de savoir s’il est fidèle à l’esprit du Coran…

Que des croyants se réapproprient le texte sacré, qu’ils se mettent à le lire avec des yeux éclairés, qu’ils en rejettent toute lecture littérale engendrant violence et intolérance, n’est-ce pas finalement le point de départ de ce que nous appelons les Lumières ?

Et plutôt que de souhaiter un monde d’athées, ou à tout le moins un monde délivré de l’islam, n’est-ce pas ce qu’il nous faut encourager chez les musulmans eux-mêmes, plutôt que de les sommer de choisir entre un texte définitivement condamné et un rejet total de leur religion ?

Alors certes, le climat mondial n’est guère rassurant à cet égard. L’islam souffre d’une maladie grave, nommée islamisme. Un islamisme qui croît sur le terreau de la haine de l’occident et, précisément, de ses Lumières. Raison de plus pour renforcer notre soutien aux musulmans qui tentent de faire émerger les Lumières au sein de la civilisation musulmane elle-même.

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Quelques mots à l’attention de Riposte Laïque

par Mohamed Sifaoui
Journaliste, Ecrivain et
Réalisateur.
www.mohamed-sifaoui.com/

Source de l'article

Je pense que des précisions s’imposent à l’attention de Pierre Cassen et de certains de ses amis de « Riposte Laïque » qui font les vierges effarouchées depuis ma prise de position contre certains de leurs textes nauséabonds.

Inutile de tourner autour du pot et d’essayer de couper un cheveu en quatre. Si cela doit vous rassurer (ou pas), mes convictions laïques et républicaines restent intactes. Mes engagements contre l’extrémisme musulman et contre tous les extrémismes (religieux ou pas) demeurent fidèles à la ligne qui a toujours été la mienne. Et je le dis avec un brin d’ironie, on ne devient pas un adepte de la pensée salafiste parce qu’on critique « Riposte Laïque » sinon il y aurait beaucoup plus d’islamistes en France tant ce site dégoûte de plus en plus de républicains et de féministes. Épargnez-moi donc vos cries d’orfraies et vos supplications laïques, je ne me suis trouvé encore une vocation de religieux intégriste.

Je suis sincèrement désolé pour vous, mais une critique, même virulente, contre « Riposte Laïque » ne vaut pas à son auteur une excommunication de la « communauté des défenseurs de la laïcité » car détrompez-vous, vous n’êtes ni les Papes de la laïcité ni un modèle en la matière. Vous ne détenez ni vous ni personne le monopole de la défense de la laïcité. Il aurait été préférable, au lieu de choisir l’aveuglement, de vous adonner, avec humilité, à une autocritique de l’article raciste que vous avez publié sous la signature de Lucette Jeanpierre (c’est bien toi Pierre ou je me trompe ?) et qui n’était pas autre chose qu’un texte qu’aurait signé avec les dix doigts, les deux mains et les dix orteils un lepéniste historique.

Pourquoi affirmé-je une telle chose ? Appréciez vous-même, ce que vous écrivez pour les uns et ce que vous cautionnez pour les autres : « je trouve dramatique pour le voisinage qui n’est pas musulman de devoir subir, la nuit, pendant un mois, la vie nocturne souvent bruyante de voisins qui se rattrapent des frustrations quotidiennes ».

Ainsi, si je comprends bien, tous les musulmans qui pratiquent le Ramadan font vivre à leur voisinage une situation « dramatique » ? Cela ne veut-il pas dire autre chose que les musulmans, tous les musulmans qui respectent le jeûne, manqueraient de civisme ? Qu’est-ce qui permet d’apporter un tel jugement globalisant ainsi, tous ceux qui pratiquent le Ramadan, les stigmatisant pour les traiter d’êtres inciviques ? Avez-vous un, cinq, cent, mille, dix mille témoignages ? Quand bien même, cela vous autoriserait-il, pour autant, d’avancer une sentence aussi peu subtile et si peu crédible ? Quand on part d’une supposition pour construire un raisonnement orienté, c’est tout simplement dans un but d’ostraciser une catégorie de personnes. Et pour vous, cela n’est pas raciste ?

Vous prétendez que je m’insurge contre la critique de la religion. Que Nenni ! Il est faux et malhonnête d’affirmer une telle chose puisque je suis de ceux qui se battent pour que les dogmes, les religions, les croyances pour que tous les Dieux et tous les Saints et avec eux tous les Bouddhas soient critiqués. Alors de grâce, ne cherchez pas à détourner le sujet de la discorde et de noyez le poisson dans l’eau. J’ai remarqué que dans toutes les réponses que vous avez sollicitées, personne n’a daigné apporter une clarification à propos du texte – et surtout des passages – que je dénonce. Vous vous dérobez en essayant de salir les gens ou de jeter désormais le doute sur leurs convictions républicaines. Quel courage ! Vous agissez exactement comme tous les extrémistes : vous avez la diabolisation facile. Normal, quand on vient de l’extrême gauche, on garde certaines habitudes. J’ai vu les réactions de certains de vos défenseurs. C’est presque si on me transformait en un affreux islamiste. Comme vous n’êtes pas à une contradiction près, je peux devenir chez vous « un allié des islamistes », un « journaliste controversé », et ce, après avoir été le « journaliste courageux » et le « musulman éclairé ». Je connais ce type de pensées staliniennes.

Mais pensez-vous vraiment que cela me touche ? Pas du tout ! Vous me confortez dans mes choix et dans mes convictions et vous voir utiliser aujourd’hui, pour m’attaquer, les mêmes arguments (au demeurant très fragiles) que ceux usités par l’extrême droite, les dieudonnistes et les islamistes ou quelques délinquants sur lesquels j’ai enquêté, ne me surprend guère. Vous exactement à l’image que beaucoup se font de vous !

Je suis « controversé » oui ! Parce que contrairement aux sectaires que vous êtes, et je parle ici de Pierre Cassen, je ne cherche pas à faire l’unanimité, je veux être cohérent et fidèle à mes principes. Et parmi ceux-là, il y a les principes antiracistes auxquels je ne dérogerai jamais.

Dans cet article, je le répète, vous n’avez pas critiqué le Ramadan. Une telle chose m’importe peu, voire pas du tout et n’aurait suscité de ma part aucune, je dis bien aucune réaction. Dans ce texte, dis-je, vous diffamez, non pas le culte, mais tous ceux qui pratiquent ce culte en particulier et je trouve malheureux de constater votre incapacité à saisir cette subtilité.

L’autre passage clairement raciste : « Je serai curieuse d’avoir des statistiques sur le nombre de musulmans qui vont aux urgences, ou qui doivent se voir prodigués des soins, dans cette période… J’aimerais d’autre part de connaître les conséquences de la pratique du ramadan pour la Sécurité sociale, les mutuelles et les assurances ». La curiosité est une belle chose lorsqu’elle tend à nourrir l’information et devient un vilain défaut quand elle sous entend des idées puantes. Soyez curieux et allez voir les urgences et rapportez-nous des preuves de ce que vous voulez dire. Que voulez-vous affirmer par une telle phrase ? Que tous ceux qui pratiquent le Ramadan seraient des êtres suicidaires ? Vous êtes libres de le penser même si vous n’avez aucun argument. Parce que vous ignorez peut-être – ou faites-vous semblant d’ignorer – que le Ramadan est interdit aux personnes fragiles, aux femmes enceintes, aux mères qui allaitent, aux enfants, aux personnes âgées et toute personne malade ou étant dans l’incapacité physique ou psychique de le pratiquer. Vous voulez donc, par ignorance avérée ou feinte, faire croire en somme que ces barbares qui respectent leur culte ne sont même pas capables de prendre soin de leur santé. Naturellement votre paternalisme qui n’a d’égal que ces vieux tics qui souhaitent faire bégayer l’histoire de cette partie de la France, si prompte à donner des leçons, vous empêche de raisonner avec lucidité. Mais en réalité – et vous le dites clairement dans cet article raciste – ce qui vous préoccupe le plus, ce sont les prétendues « conséquences de la pratique du ramadan pour la Sécurité sociale, les mutuelles et les assurances ». Et là, évidemment, vous tombez volontairement ou pas, dans le fameux discours frontiste qui laisse dire, à travers des clichés, que les Arabes, aujourd’hui les musulmans pratiquants le Ramadan, ne rapportent rien ou si peu à la société et profitent d’elle. Là aussi, je vous invite à faire un travail d’investigation et allez demander à la Sécurité Sociale ce que lui coûtent ces musulmans qui pratiquent un pilier de leur religion.

Voyez-vous, là non plus, il ne s’agit pas de la critique d’une pratique religieuse mais d’une volonté manifeste de jeter le doute sur des croyants. Et cela, peut-être l’ignorez-vous, ce n’est pas autre chose qu’un discours raciste dissimulé derrière le « combat en faveur de la laïcité ». Je ne citerai pas ce fameux « courrier des lecteurs », souvent rédigés par des beaufs de retour du camping, et certaines de ses dérives que vous vous refusez de condamner. Certains de vos supporteurs devraient à mon sens revoir leurs « positions républicaines » et au lieu de se réclamer du général de Gaulle, ils gagneraient à avouer leur filiation idéologique avec le Maréchal Pétain.

« Le masque est tombé », m’écrira l’un d’eux. Quel masque ? Pourquoi pensiez-vous que j’étais opposé à tous les musulmans ? N’ai-je pas toujours clamé publiquement que j’étais un croyant, mais fervent défenseur de la laïcité ? N’ai-je pas de tout temps affirmé que mon combat était contre les extrémistes qui instrumentalisent l’islam ? M’avez-vous entendu dire un jour que j’étais en croisade contre l’islam et les musulmans ? Que pensiez-vous ? Que j’allasse cautionner tous les dérapages, tous les propos, toutes les aventures, y compris les plus douteuses ? Ne saviez-vous pas que j’ai toujours été contre le racisme et l’antisémitisme ?

Alors oui, naturellement aujourd’hui vous pouvez me mettre dans le même sac que ces musulmans que vous honnissez tant. Parce qu’en réalité, votre combat n’est pas contre les intégristes, mais contre tous les croyants qui se reconnaissent encore dans la religion musulmane. Vous voulez vous construire votre « musulman modèle » selon une image que vous vous êtes créée. Pour vous, le « musulman modéré », et d’ailleurs vous l’écrivez, n’existe pas. Il n’existe que lorsqu’il délaisse l’islam et qu’il fait allégeance à votre discours de petits excités.

Je suis pour la liberté de conscience : un droit républicain, dois-je le rappeler. Et je suis aussi pour que les gens puissent vivre sereinement leur spiritualité, en conformité avec les lois de ce pays et les valeurs universelles, mais sans qu’ils aient à subir les critiques inquisitrices, y compris celles des laïcs. Autant la défense de la laïcité est un combat que je mènerai sans concessions contre ceux qui la mettraient en péril, autant je défendrai les croyants, tous les croyants, contre les excès fous et irresponsables de certains et vous en faites partie. Une République une et indivisible, généreuse et soucieuse de la notion du vivre ensemble doit barrer la route à des discours qui suscitent la haine et le rejet d’où qu’ils viennent.
Une dernière chose tout de même parce qu’il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ni pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Il n’y a de pas de haine chez moi et aucun ressentiment, il y a une nécessaire fermeté et une clarification incontournable pour un antiraciste. Alors, au cas où vous auriez de la buée devant votre ordinateur, relisez bien la position que je défends : Critiquez comme bon vous semble la religion musulmane, Mahomet, le Ramadan, l’Aïd, le « mouton dans la baignoire » ou à l’extérieur de celle-ci, le Pèlerinage à La Mecque, les mosquées, la djellaba, et tout ce qui vous passe par la tête et je dénoncerai tous ceux qui se mettraient sur votre chemin. Par contre, à chaque fois que je vous surprendrai cherchant à susciter la haine, la stigmatisation, le rejet des croyants en raison de leurs pratiques religieuses, non contraires aux valeurs laïques et républicaines, vous me trouverez sur votre chemin. Si vous reconnaissez publiquement cette différence qui, je le rappelle, est marquée sur le marbre par les lois républicaines, on fera une sorte de divorce amiable et comme la laïcité ne m’appartient pas plus qu’à vous, chacun emportera avec lui sa vision de la laïcité et on fera en sorte d’éviter respectueusement de se croiser ou de se saluer.

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Belgique : Pas de signes religieux à l’école !

Communiqué de presse conjoint du Comité belge Ni Putes ni Soumises, de l’Asbl Insoumise et dévoilée et du Réseau d’Actions pour la Promotion d’un Etat Laïque

Depuis plusieurs années, la question du port de signes religieux à l’école perturbe la rentrée scolaire. Aujourd’hui, à Dison, on en vient à examiner sérieusement la question de savoir s’il faut ou non accepter des fillettes voilées dans l’enseignement maternel et primaire. Quelques activistes ont engagé avec les écoles concernées un bras de fer dont les premières victimes sont les filles.

Nous saluons la décision du Conseil de l’enseignement de la Communauté flamande d’avoir pris la décision d’interdire le port de signes religieux dans l’enseignement qu’il organise et appelons la Communauté française à adopter enfin un décret similaire, seul à même de faire revenir le calme dans les écoles et d’assurer un droit égal pour tous et toutes à un enseignement de qualité.

Nous appelons à une manifestation à Bruxelles, le samedi 26 septembre 2009 à 11h devant le Ministère de la Communauté française, Place Surlet-de-Chokier 15-17, autour des mots d’ordre suivants :

  • « Pas de signes religieux à l’école »
  • « Non au marquage des filles »
  • « Non à l’immixtion du religieux à l’école »

Associations partenaires (liste provisoire) :

  • La maison de la laicite d’Angleur-Chênée
  • L’Interrégionale du Front Antifasciste

Agenda

samedi 26 - samedi 26 septembre 2009
La laïcité à l'Ecole, un état des lieux

L’Observatoire international de la laïcité contre les dérives communautaires organise un colloque intitulé “La laïcité à l’Ecole, un état des lieux

au Sénat, 15 rue Vaugirard à Paris, dans la salle Gaston Monnerville.

Programme du colloque :

Sous le haut patronage du sénateur Jean-Michel BAYLET.

  • Accueil par Jean-Michel QUILLARDET à 9h00.
  • Introduction par Françoise LABORDE (sénatrice PRG de
     Haute-Garonne).

Table ronde avec :

  • Eddie AIT, maire de Carrière Sous Poissy, conseiller régional d’Ile de France ;
  • Charles CONTE, chargé de mission laïcité à la Ligue de l’enseignement ;
  • Philippe GUITTET, secrétaire général du SNPDEN (2002-2009) ;
  • Catherine KINTZLER, professeur des universités (à confirmer) ;
  • Paul STOUDER, inspecteur d’académie, inspecteur pédagogique régional en retraite ;
  • Conclusion par Antoine SFEIR à 13h00.

Vous pouvez télécharger le bulletin d’inscription (à renvoyer obligatoirement au siège de l’Observatoire : 5 rue Le Goff 75005 PARIS.)

L’inscription est obligatoire pour accéder à la salle Gaston Monnerville, muni d’une pièce d’identité.
Le colloque est suivi d’un déjeuner au restaurant du Sénat pour celles et ceux qui le souhaite moyennant une participation financière de 40 euro.

samedi 10 - samedi 10 octobre 2009
Forum laïcité 2010 : Renaissance de la République indivisible, laïque, démocratique et sociale

Gauche Avenir - Think Tank - Pour l’unité de la gauche

Il y aura 50 ans le 31 décembre, malgré les nombreuses et imposantes manifestations de protestation, le Gouvernement de M. Debré s’apprêtait à faire voter la loi qui portera son nom.

En donnant un statut à l’enseignement privé, cette loi ouvrait la brèche par laquelle la droite libérale détruirait la loi du 9 décembre 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat, fondatrice de la République laïque, c’est-à-dire unie et attentive à l’égalité des citoyens.

Aujourd’hui, notre République dérive vers le communautarisme et le cléricalisme renaissant, dont l’Histoire et le présent montrent les dangers de division et de conflits.

Il faut réagir. C’est l’intention exprimée par le thème du colloque organisé par Gauche Avenir.

Assemblée nationale, Salle Victor Hugo
101, rue de l’Université, Paris

Un dossier complet sera adressé aux inscrits à partir du 20 septembre 2009.

Programme

9h30 : Ouverture par un responsable de Gauche Avenir

  • THEME 1 : Laïcité, valeur universelle sans épithète
  • THEME 2 : Science et laïcité : les menaces
  • THEME 3 : Laïcité et enseignement : un cas d’école

Débat

Pause déjeuner

  • THEME 4 : La progression du communautarisme, ses dangers
  • THEME 5 : Laïcité et Union européenne : état des lieux
  • THEME 6 : Loi du 9 décembre 1905 contournée et menacée : comment la réhabiliter ?

Débat

17h : Conclusion par un responsable de Gauche Avenir

Inscription urgente

Nom :
Prénom :
Adresse :
Nombre de participants :
Organisation :
Nombre de repas (26,50 euros),
chèque à l’ordre de Gauche Avenir :
E-mail : ;
Téléphone :
Merci de nous retourner ce coupon-réponse à l’adresse suivante : Gauche Avenir – 26, rue du Commandant Mouchotte – 75014 Paris, ou de nous confirmer votre inscription par mail à : contact@gaucheavenir.org (la participation au repas devra cependant nous parvenir par courrier).