Chronique d'Evariste
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Quelle issue au Proche-Orient ?

par Évariste
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Tout d’abord, permettez-nous de dire que nous trouvons en France de nombreuses positions sur le Proche-Orient qui, loin d’être un soutien à la juste revendication d’un État palestinien à côté de l’État d’Israël, sont des caricatures qui n’aident en rien cette juste cause :

  • Ceux qui aiment se battre avec la peau des autres tout en étant bien calé dans leur sofa des villes-centres des pays nantis.
  • Ceux qui pactisent avec l’extrême droite islamiste (qui écrase les droits légitimes des femmes palestiniennes) en développant l’idée que les ennemis (l’extrême droite islamiste) de leurs ennemis (l’État d’Israël) ne peuvent être que leurs amis.
  • Ceux qui développent un antisémitisme caché sous couvert d’antisionisme.

Une fois que nous avons dit cela, peut-on rester neutre quand on voit la colonisation israélienne se poursuivre, quand on découvre que les dirigeants de l’État d’Israël ont favorisé le Hamas pour casser l’Autorité palestinienne, que la gauche sociale-libérale israélienne a trahi comme ailleurs, que la situation économique et sociale des Palestiniens se dégrade de plus en plus sans espoir possible à court terme, que les dictatures arabes (monarchiques ou pas) ont intérêt à maintenir un état de guerre permanent au Proche-Orient pour leur propagande interne, que les tenants du Choc des civilisations de Huntington qui tiennent toujours le haut du pavé aux États-unis ont le même intérêt ?

Nous avons soutenu l’idée de Deux peuples, deux États, espéré l’application des Accords de Genève proposés par Yasser Abd Rabbo avec l’accord de la direction palestinienne. Mais la partie israélienne qui avait signé ces accords n’a jamais réussi à construire un bloc politique majoritaire en Israël pour pouvoir l’appliquer. Pire, son négociateur israélien a quitté la scène politique tant il pense qu’à court terme rien n’est possible dans la démocratie israélienne.

Nous avons vu la pitrerie de ceux qui supplient le nouveau président des États-Unis de faire pression sur Israël pour qu’il négocie.

Aujourd’hui, certaines forces palestiniennes envisagent de proposer à l’Autorité palestinienne de proclamer unilatéralement l’État palestinien pour faire bouger les lignes. Nous comprenons ces forces-là. Même si ce n’est pas à nous, en France, de choisir à la place des Palestiniens eux-mêmes, nous pouvons dire que nous comprenons ceux qui essayent d’autres voies pour arriver à l’objectif d’une noble cause quand les anciennes voies s’avèrent bouchées.

Proche-Orient
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Abbas doit déclarer unilatéralement l’Etat de Palestine

par La Paix Maintenant
www.lapaixmaintenant.org

Depuis quelques jours, des rumeurs circulent dans la presse israélienne sur les intentions qu’auraient certains dirigeants palestiniens de déclarer unilatéralement la création de l’État de Palestine. Certains journalistes vont même jusqu’à évoquer un accord secret passé avec l’Administration Obama qui encouragerait positivement une telle initiative. Il est difficile de faire la part de la vérité et de l’intox dans ces articles, mais il est sûr que cette question se pose aujourd’hui au sein de l’Autorité palestinienne qui chercherait, en laissant filtrer cette information, à exercer des pressions sur les Etats-Unis pour obliger le gouvernement de Netanyahou à geler la colonisation. La déclaration d’Abbas de ne pas se représenter aux élections palestiniennes de janvier doit aussi être comprise dans ce contexte. Mais ces ballons d’essai doivent aussi nous alerter sur l’urgence à trouver une solution au conflit. Aucun dirigeant palestinien ne pourra promettre indéfiniment à son peuple un Etat sans perdre tout crédit. Si les Israéliens ne décident pas de négocier rapidement et sérieusement avec Abbas, ils risquent de se trouver, dans le cas où les Palestiniens prendraient une telle initiative, confrontés à une situation où ils seraient soumis à une forte pression internationale car il est certain que la majorité des Etats représentés aujourd’hui à l’ONU reconnaîtrait rapidement le nouvel Etat. C’est pour réfréner les dirigeants palestiniens favorables à une telle initiative que Netanyahou menace, dans le cas où une telle déclaration devait être faite, d’annexer unilatéralement les blocs de colonies en Cisjordanie.
La Paix Maintenant

Abbas doit déclarer unilatéralement l’Etat de Palestine

Ha’aretz, 14 novembre 2009
Traduction : Gérard Euzenberg pour La Paix Maintenant

C’est maintenant, précisément, que le président palestinien Mahmoud Abbas ne doit pas abandonner l’espoir, et cela n’a rien à voir avec les douceurs insignifiantes prononcées par Shimon Peres samedi soir dernier lors de la manifestation à la mémoire de Rabin à propos de certains qui donnent de l’espoir du côté de Ramallah. Comme si, à la présidence (chez Peres, président, ndt), c’était tous les jours carnaval, et pas seulement quand il fait ses valises pour le Brésil.

Abbas a eu raison de décider d’annoncer sa démission prochaine. Car il est impossible de mener une négociation « sans conditions préalables », alors que la colonisation se poursuit. Depuis 42 ans, Israël pose partout des conditions préalables et des faits accomplis en tuiles rouges (« tuiles rouges des toits des maisons » devenues le symbole des colonies ndt), faisant du processus de paix rien d’autre qu’un processus sans fin.

Mais, avant qu’Abou Mazen (Mahmoud Abbas ndt) ne parte, il lui reste quelque chose à faire : déclarer unilatéralement, la création d’une Palestine indépendante. La Palestine, maintenant.

Les deux côtés sont en droit d’agir unilatéralement. Abbas le doit à son peuple, à lui-même et à nous. Cette semaine, des informations ont filtré selon lesquelles le premier ministre Benjamin Netanyahou trouve cette perspective effrayante, et qu’il attend des Américains qu’ils calment les esprits. Mais le cauchemar de Netanyahou constitue notre seule chance d’en finir avec l’occupation, nous vivants.

Lorsqu’il déclarera l’indépendance, Abbas doit appeler les Juifs qui vivent dans l’Etat de Palestine [les colons, donc, ndt] à préserver la paix et à faire leur part du travail pour construire le nouveau pays, en tant que citoyens aux droits pleins et entiers, jouissant d’une représentation dans toutes ses institutions. David Ben Gourion n’aurait pas été choqué par ce plagiat, tiré de la Déclaration d’Indépendance d’Israël.

Ainsi, Mahmoud Abbas deviendra le Ben Gourion palestinien. Les circonstances n’étaient pas moins incertaines quand Ben Gourion a déclaré l’indépendance en 1948. Mais notre père fondateur a pris le risque, et nous avons de la chance qu’il l’ait fait.

Le risque que prendrait Abbas serait bien moindre. Sur les 192 Etats membres des Nations unies, plus de 150 reconnaîtraient une Palestine libre, et la Palestine deviendrait bientôt le 193e. Bien que nous ignorions la position des Etats-Unis, il est difficile de croire que Barack Obama accepterait de se laisser entraîner de nouveau dans l’isolation, maintenant que l’Amérique refait partie du monde.

Et que ferait Netanyahou ? Envahir et reconquérir la Cisjordanie ? Restaurer le gouvernement militaire à la Muqata de Ramallah ?

Et quels ordres Ehoud Barak donnerait-il à l’armée ? La Serbie n’a pas osé envahir le Kosovo après que celui-ci a déclaré son indépendance, et même la grande Russie ne s’est pas permis de demeurer dans le territoire géorgien souverain après la guerre russo-géorgienne.

Tout de suite après la déclaration d’indépendance, des fêtes commenceraient dans la capitale, Jérusalem-Est, et des gens du monde entier s’y joindraient, y compris des Israéliens. Les masses de la Maison Ismaël feraient la fête joyeusement dans les quartiers de la ville, en particulier dans les quartiers dont ils ont été évincés par des gens aux prétentions religieuses. Cela devra être des manifestations de joie sans violence, et aucune pierre ne devra voler.

Cette semaine, j’ai appelé Abbas au téléphone. Cela faisait plus de quatre ans que nous ne nous étions pas parlé. Je lui ai fait part de tout ce que je suis en train d’écrire aujourd’hui. Je lui ai encore dit autre chose : ce qui s’est produit au Mur de Berlin il y a 20 ans, et à l’apartheid quelques mois plus tard, arriverait aussi à l’occupation. Elle s’effondrera, même s’il y aura encore des tentatives de la renforcer à l’aide de clous.

Yossi Sarid

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Les sionistes chrétiens : de faux amis d’Israël

par Hakim Arabdiou

La plupart des dirigeants israéliens, Menahem Begin, Ariel Sharon, Benyamin Nétanyahou, Ehud Olmert… et les deux autres composantes du lobby pro-israélien aux Etats-Unis d’Amérique ne tarissent pas d’éloges à l’égard des intégristes chrétiens évangélistes pour leur soutien indéfectible à Israël ; soutien qui remonte, à 1977, suite à l’accession au pouvoir du parti d’extrême droite israélien, le Likoud.

Cet éloge est tel que l’une de leurs figures emblématiques, le télévangéliste, Jerry Falwel, leader de l’organisation intégriste, Moral Majority, s’est vu offrir en 1979, par Begin, un jet privé, et d’être, en 1980, l’unique non-Juif à recevoir par Begin, également, la fameuse médaille Jabotinsky.

« Nous soutenons Israël, explique John Hagee, fondateur du Christians United for Israel, parce que toutes les autres nations ont été crées par la volonté des hommes, mais qu’Israël a été crée par la volonté de Dieu. »

En vérité, leur soutien en Israël va uniquement aux intégristes juifs, ainsi qu’à la droite et à l’extrême droite. Ils ont crée à cet effet une multitude d’organisations : Christians United for Israel (CUFI), National Christian Leadership Conference for Israel, Unity Coalition for Israel, Christians Friends of Israeli Communities, etc.

Ils disposent aussi d’une force de frappe importante : un budget annuel de plusieurs millions de dollars, grâce aux dons de richars appartenant à leur mouvance, des dizaines de think-tank, plus de 600 stations de radios et de chaînes de télévisions, etc.

Selon le rabbin états-unien, Yechiel Eckstein, grâce surtout à ces sionistes américains, près de 60 millions de dollars ont été récoltés, depuis 1993, au profit de l’Etat hébreu. Cet argent a servi à inciter, près de 200 000 Juifs des Etats-Unis d’Amérique, de Russie et d’Argentine à émigrer en Israël. De même que les touristes chrétiens, constitués d’une part importante d’évangélistes, rapporte près de 1 milliards de dollars par an à ce pays.

Si les sionistes chrétiens militent aussi fébrilement pour l’émigration des Juifs en Israël, et contribuent au financement de leur implantation dans ce pays et dans les Territoires palestiniens ; et s’il s’opposent aussi farouchement à l’avènement d’un Etat palestinien ou à la cession du moindre bout de territoire à ce peuple, ce n’est nullement pour faire le bonheur des Israéliens et d’Israël, mais parce qu’ils considèrent la conquête de la Terre promise par les Juifs, comme l’étape précédant la seconde venue du Christ pour mille ans, conformément aux Ancien et Nouveau Testaments.

Leur doctrine dispensationaliste, fondée au XIXe siècle en Grande-Bretagne, par principalement les pasteurs, Louis Way et John Nelson Narby, considère que le monde est appelé à connaître, avant ce retour, le chaos, qui verra périr, au cours de la bataille d’Harmageddon, les deux-tiers des Juifs, et se convertir au christianisme les rescapés parmi eux.

Des chrétiens sionistes et antisémistes

L’ancien président de l’Eglise baptiste du Sud, Bailey Smith, avait déclaré : « Dieu n’entend pas les prières des Juifs. » « Les Juifs, a écrit récemment, John Hagee, leader du CUFI, avait tout, sauf une vie religieuse ». Il précise aussi que l’antisémitisme a pour cause la «rébellion des Juifs [contre Dieu] » et que Dieu allait attirer les « nations antisémites en Israël pour soumettre les Juifs d’Israël, afin qu’ils confessent qu’Ils est le Seigneur. »

Pour autant, ces propos racistes n’ont pas répugné l’AIPAC, qui a invité peu de temps après, leur auteur à sa conférence annuelle de 2007, et d’ovationner le discours que celui-ci prononça à cette occasion.

Ces évangélistes, qui appartiennent à la droite et surtout aux conservateurs du Parti républicain, n’ont dans leurs bouches, que les propos misogynes tels que ceux de l’apôtre, Saint-Paul : « le chef de tout homme, c’est le Christ ; le chef de la femme, c’est l’homme. », « L’homme […] est l’image et la gloire de Dieu : […] la femme, est à la gloire de l’homme. »

Ils prônent, à l’instar des islamistes, l’interdiction de l’avortement et de la mixité dans le sport, l’inégalité entre les sexes, incitent les femmes mariées à rester à la maison pour se consacrer exclusivement à mettre au monde des enfants et à les élever, pratiquent le racisme et les discriminations dans leurs universités, fustigent les homosexuels, qu’ils accusent d’être la cause du Sida, etc.

Pourtant, nombre de leaders sionistes chrétiensn’ont pas moins été éclaboussés par plusieurs scandales : détournements de centaines de milliers de dollars, parmi les dons destinés à des pauvres ou à des malades dans les pays du tiers-monde, rapports sexuels avec des homosexuels et des prostitués, mensonges en public…

L’un d’entre eux n’est autre que le virulent, Pat Robertson, ancien candidat, en 1988, à l’élection présidentielle. Celui-ci n’avait pas hésité, en janvier 2006, à qualifier l’attaque cérébral, dont Sharon a été victime, de punition divine, parce qu’il avait cédé Gaza aux Palestiniens

« Un Palestinien, ça n’existe pas ».

Néanmoins, l’extrémisme et le bellicisme des sionistes chrétiens inquiètent grandement les organisations juives modérées, tant en Israël, qu’aux Etats-Unis d’Amérique et dans le reste du monde. Elles voient en eux une menace à long terme visant à convertir les Juifs au christianisme, ainsi qu’un obstacle à la paix entre Israéliens et Palestiniens, et entre Israël et les autres pays du Moyen-Orient.

D’ailleurs, « Un Palestinien, ça n’existe pas », pour Malcom Hedding, directeur de International Christian Embassy Jerusalem.

Ces intégristes avaient également organisé à Washington un rassemblement de soutien aux bombardements intensifs et à grande échelle du Liban par Israël, en 2006. Jerry Falwel a déclaré en cette circonstance : « Nous sommes au bord d’une guerre sans limites. » qui servira de « prélude ou d’annonce à la bataille d’Armageddon et au retour glorieux de Jésus-Christ. » Pour sa part, John Hagee avait estimé, en 2006, qu’une attaque nucléaire préventive contre l’Iran par Israël, comme « imminente et inévitable. »

Il ne faut alors pas s’étonner que Jo-Ann d’American for Peace Now considère, comme une « alliance impie », l’alliance entre sionistes chrétiens et la grande majorité des organisations sionistes juives américaines ; ou que l’Israélien, Yossi Alpher, déclare à la chaîne de télévision, C.B.S, que le soutien des sionistes chrétiens aux colonies : « nous mène tout droit au désastre. », avant d’ajouter à leur sujet : « Dieu nous préserve de ces gens-là. ».

Il ne s’agit, bien évidemment, pas de mettre toute l’Eglise chrétienne états-unienne dans un même sac. Un grand nombre de ses ecclésiastiques et de citoyens états-uniens s’opposent au nom de leur foi chrétienne aux implantations des colonies juives sur les territoires palestiniens, aux exactions et aux injustices, dont ce peuple est victime, et soutiennent la solution de deux Etats, et donc en échange le droit à l’existence, à la sécurité et à la paix d’Israël, selon les Accords d’Oslo.

Sources :

  • Caroline Fourest et Fiammetta Venner : Tirs croisés. La laïcité à l’épreuve des intégrismes juif, chrétien et musulman, éditions Calmann-Lévy, Paris, 2003.
  • John J. Mearsheimer et Stephen Walt : le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, éditions La Découverte, Paris, 2009.
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La finance islamique menace la laïcité française

par par l'Observatoire international de la laïcité contre les dérives communautaires

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La charia (loi islamique) a tenté de faire son entrée dans la législation française et dans la finance de la place de Paris, mettant à bas le principe de laïcité. Il s’en est fallu de peu que ce ne fut fait le 14 octobre, si le Conseil constitutionnel n’en avait pas écarté le danger, provisoirement il est vrai, en attendant une nouvelle offensive.
Nous demandons instamment au Gouvernement de ne pas poursuivre ses tentatives de porter atteinte à la laïcité en voulant modifier la législation française et la réglementation financière afin de les rendre compatibles avec la loi islamique. En effet, pour tout républicain, la France se doit de ne favoriser aucune religion, et de ne se plier aux impératifs d’aucune d’entre elles.

Rappelons que tout a commencé en février 2009, dans le cadre feutré d’une réunion de spécialistes de la finance, lorsque la ministre Christine Lagarde annonçait qu’elle donnait des instructions fiscales pour faciliter des investissements venus des Émirats. Mais ces instructions se sont avérées insuffisantes si le Code civil français n’était pas changé afin de le mettre en conformité avec la charia, permettant d’émettre des obligations islamiques (sukuks).

En mai, le sénateur Philippe Marini (UMP) glissait subrepticement un amendement dans une proposition de loi de soutien aux PME, qui fut votée sans que nul n’en relève l’énormité. Elle vise à transformer le régime légal de la fiducie (transfert temporaire de propriété).

L’affaire était relancée dans la moiteur de juillet lorsque la ministre de l’économie confirmait, au cours d’une conférence sur la finance islamique, que la France allait “développer sur le plan réglementaire et fiscal tout ce qui est nécessaire pour rendre les activités (de finance islamique) aussi bienvenues ici à Paris qu’à Londres et sur d’autres places”. Il s’agit de la Suisse, du Luxembourg, de l’Autriche, de l’Irlande et de l’Allemagne, pays qui ignorent la laïcité. Et le président de l’association Paris Europlace, Gérard Mestrallet, annonçait pour sa part que “la loi française offre déjà la meilleure flexibilité et la capacité d’adaptation pour accueillir des opérations de finance islamique. Néanmoins, de nouvelles mesures sont actuellement en préparation, avec l’installation d’un nouveau cadre pour les instruments de gestion d’actifs compatible avec la charia par l’Autorité des marchés financiers”. De son coté, l’agence de notation financière Moody’s indiquait dans son rapport que “la finance islamique en France offre un fort potentiel, mais des obstacles demeurent”.

L’affaire éclate au grand jour, le 17 septembre dernier à l’Assemblée nationale au cours de l‘examen du projet de loi sur les PME. En commission, la députée Chantal Brunel (UMP) avait expliqué – à propos de l’article 6 sexies B modifiant le code civil afin de “permettre l’émission sur la place de Paris de produits compatibles avec les principes éthiques musulmans” – que “cette disposition vise à introduire les principes de la charia dans le droit de la fiducie en le rendant compatible”. La rapporteure ajoutait qu’il y a “des déterminants culturels dont il faut tenir compte” pour “corriger” notre système bancaire. Pour le député (PS) Henri Emmanuelli, ces propos heurtent profondément la devise républicaine et la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat, ajoutant : “Nous pensons au contraire qu’il ne faut introduire, ni les principes de la charia, ni l’éthique du Coran, ni même le droit canon, la Torah ou le Talmud, qu’il soit de Babylone ou de Jérusalem.”

CONTRÔLE D’UNE AUTORITÉ ISLAMIQUE

Soulignons que le dernier avatar a pour cadre le Conseil constitutionnel saisi par des députés socialistes, qui a censuré l’article 16 portant sur la finance islamique, non pas sur le fond, mais “en raison de la procédure suivie au Parlement”. Dans l’entourage de Christine Lagarde on prévoyait déjà : “Nous représenterons un amendement dans un autre projet de loi sur la finance.” En somme, un nouveau cavalier législatif est déjà prêt.

Il n’y a pas que Bercy qui est prêt à écorner la laïcité. Deux universités françaises, au moins, ont créé un master dédié à la finance islamique : Dauphine avec une trentaine d’étudiants, et l’Ecole de management de Strasbourg. Par ailleurs, une banque française, le Crédit agricole, a annoncé, fin septembre, le lancement de sa première SICAV conforme à la charia, de droit Luxembourgeois et enregistrée en France.

La micro-finance islamique a déjà investi Paris en y tenant, le 6 octobre, son premier sommet, organisé par Nur Advisors, l’un des acteurs mondiaux dans le domaine de la finance islamique. Son directeur, Kavilash Chawla, ne cache pas sa cible et son ambition en déclarant : “En France, les jeunes musulmans sont de plus en plus éduqués. Beaucoup sont incapables d’obtenir un prêt dans une banque traditionnelle. D’autres ne le veulent pas mais ils peuvent être intéressés pour créer une entreprise ou s’impliquer dans des activités.” Encore faut-il pour cela que l’environnement politique et réglementaire soit favorable à ce système, ajoute-t-il.

Plusieurs établissements bancaires islamiques ont entrepris des démarches auprès de la Banque de France afin d’être accréditées en France. Si le gouverneur de celle-ci, Christian Noyer, précise bien que les régulateurs seront particulièrement attentifs à leur gouvernance, leur gestion de la liquidité, l’accès de ces banques aux banques centrales européennes, il ne dit rien de l’obligation qu’ont ces banques islamiques de soumettre également et parallèlement toutes leurs opérations, à une autorité religieuse islamique, installée en France ou à l’étranger, tant pour le contrôle de leurs opérations en conformité avec la charia, que pour les éventuels contentieux avec leurs clients .

Rappelons que la finance islamique est fondée sur le fait que le prêt à intérêt est interdit selon le verset 275 de la deuxième sourate : “Allah a rendu licite le commerce, et illicite l’intérêt”. Tout investissement doit être attaché à un actif réel. Sont exclus les investissements dans les secteurs de l’armement, de l’alcool, des jeux de hasard, de la pornographie et de l’industrie porcine par exemple. Afin de respecter ces préceptes, les banques islamiques et les sections islamiques de banques conventionnelles ont dû inventer de multiples astuces juridico-financières pour complaire à leur autorité religieuse de tutelle.

Enfin, selon les meilleurs spécialistes, la finance islamique ne pèse actuellement que 700 milliards de dollars dans le monde, ce qui “reste une goutte d’eau dans la finance mondiale”, reconnaît un spécialiste, sachant que 60 % de ces fonds se situent dans le golfe Persique et 20 % en Asie du Sud. Pour la France, l’enjeu ne vaut pas le risque pris envers le fondement laïque de sa République car, si l’on en croit le gouverneur de la Banque de France, les risques portés par ce système financier sont nombreux : par exemple, sur les liquidités, les risques opérationnels et légaux, amplifiés par “le manque de standardisation des produits financiers, et le manque d’harmonisation des normes islamiques, avec par exemple des différences dans l’interprétation de la charia des normes comptables”. On voit donc que l’argument de l’intérêt économique et financier de la France ne tient pas plus.

Nous appelons tous les républicains attachés à la laïcité à faire preuve de la plus grande vigilance.

Signataires de l’Observatoire international de la laïcité contre les dérives communautaires : Jean-Michel Quillardet, Fabien Taïeb, Patrick Kessel, Alain Vivien, Catherine Kintzler, Didier Doucet, Gérard Fellous, Pascal-Eric Lalmy.

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Lettre ouverte à André Gérin

par Djemila Benhabib
auteure de "Ma vie à contre-Coran : une femme témoigne sur les islamistes" aux éditions VLB

Djemila Benhabib, auteure de Ma vie à contre-Coran : une femme témoigne sur les islamistes1 , consacrée dans la catégorie “Femmes debout”, a adressé une lettre au député André Gérin, président de la Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral.

Monsieur,

J’ai longuement hésité avant de vous écrire. Peut-être, par peur d’être perçue comme celle venue d’ailleurs qui fait indélicatement irruption dans les « affaires françaises ». Au diable les convenances, je n’ai jamais été douée pour la bienséance surtout lorsqu’elle est au service des plus forts, des plus puissants et des plus arrogants. Puis, s’il avait fallu que je vive en fonction du regard des autres, je n’aurais rien fait de ma vie ou si peu. Lorsqu’il s’agit des droits des femmes, nulle convenance ne doit primer sur l’essentiel. L’essentiel étant : la liberté, l’égalité et l’émancipation des femmes. J’entends encore des copines françaises me dirent avec insistance : parle-lui, dis-lui, écris-lui. Étrangement, leurs propos me rappellent le titre de ce magnifique film d’Almodovar, Parle avec elle, où dès les premiers instants le rideau se lève furtivement, pendant quelques secondes, sur un spectacle de danse, mettant en scène le corps d’une femme, celui de Pina Bausch. Elle qui exprimait si bien dans ses chorégraphies crûment la violence exercée à l’encontre des femmes.

Monsieur Gérin, c’est à vous que je m’adresse, je voudrais vous parler, vous dire la peur que j’ai connue le 25 mars 1994 alors que j’habitais à Oran, en Algérie et que le Groupe islamique armé (GIA) avait ordonné aux femmes de mon pays le port du voile islamique. Ce jour-là, j’ai marché la tête nue ainsi que des millions d’autres Algériennes. Nous avons défié la mort. Nous avons joué à cache-cache avec les sanguinaires du GIA et le souvenir de Katia Bengana, une jeune lycéenne âgée de 17 ans assassinée le 28 février 1994 à la sortie de son lycée, planait sur nos têtes nues. Il y a des événements fondateurs dans une vie et qui donnent une direction particulière au destin de tout un chacun. Celui-là, en est un pour moi. Depuis ce jour-là, j’ai une aversion profonde pour tout ce qui est hidjab, voile, burqa, niqab, tchador, jilbab, khimar et compagnie. Or, aujourd’hui vous êtes à la tête d’une commission parlementaire chargée de se pencher sur le port du voile intégral en France.

En mars dernier, je publiais au Québec un livre intitulé Ma vie à contre-Coran : une femme témoigne sur les islamistes. Dès les premières phrases, je donnais le ton de ce qu’est devenue ma vie en termes d’engagements politiques en écrivant ceci : « j’ai vécu les prémisses d’une dictature islamiste. C’était au début des années 1990. Je n’avais pas encore 18 ans. J’étais coupable d’être femme, féministe et laïque. » Je dois vous avouer que je ne suis pas féministe et laïque par vocation, je le suis par nécessité, par la force des choses, par ces souffrances qui imprègnent mon corps, car je ne peux me résoudre à voir l’islamisme politique gagner du terrain ici même et partout dans le monde. Je suis devenue féministe et laïque à force de voir autour de moi des femmes souffrir en silence derrière des portes closes pour cacher leur sexe et leur douleur, pour étouffer leurs désirs et taire leurs rêves.

Il fut un temps où on s’interrogeait en France sur le port du voile islamique à l’école. Aujourd’hui il est question de voile intégral. Au lieu d’élargir la portée de la loi de 2004 aux établissements universitaires, nous débattons sur la possibilité de laisser déambuler dans nos rues des cercueils. Est-ce normal ? Demain, c’est peut-être  la polygamie qui sera à l’ordre du jour. Ne riez pas. Cela s’est produit au Canada et il a fallu que les cours s’en mêlent. Car après tout la culture a bon dos lorsqu’il s’agit d’opprimer les femmes. Ironie du sort, j’ai constaté dans plusieurs quartiers que les jupes se rallongent et disparaissent peu à peu. La palette des couleurs se réduit. Il est devenu banal de camoufler son corps derrière un voile et porter une jupe, un acte de résistance. C’est tout de même une banlieue française qui est le théâtre du film La Journée de la jupe. Alors que dans les rues de Téhéran et de Khartoum, les femmes se découvrent de plus en plus, au péril de leur vie, dans les territoires perdus de la république française, le voile est devenu la norme. Que se passe-t-il ? La France est-elle devenue malade ?

Le voile islamique est souvent présenté comme faisant partie de « l’identité collective musulmane ». Or, il n’en est rien. Il est l’emblème de l’intégrisme musulman partout dans le monde. S’il a une connotation particulière, elle est plutôt politique surtout avec l’avènement de la révolution islamique en Iran en 1979. Que l’on ne s’y trompe pas, le voile islamique cache la peur des femmes, de leurs corps, de leur liberté et de leur sexualité.

Pire encore, la perversion est poussée à son paroxysme en voilant des enfants de moins de cinq ans. Il y a quelques temps, j’essayais de me rappeler à quel moment précisément, en Algérie, j’ai vu apparaître ce voile dans les salles de classe. Pendant mon enfance et jusqu’à mon entrée au lycée, c’est-à-dire en 1987, le port du voile islamique était marginal autour de moi. À l’école primaire, personne ne portait le hidjab, ni parmi les enseignants, surtout pas parmi les élèves.

Voilà 12 ans que j’habite au Québec dont la devise inscrite sur les plaques d’immatriculation des voitures est « je me souviens ». A propos de mémoire, de quoi la France devrait-elle se souvenir ? Qu’elle est porteuse des Lumières. Que des millions de femmes se nourrissent des écrits de Simone de Beauvoir dont le nom est indissociable de celui de Djamila Boupacha. C’est peu dire. Il ne fait aucun doute pour moi que la France est un grand pays et ceci vous confère des responsabilités et des devoirs envers nous tous, les petits. C’est d’ailleurs pour cela qu’aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers votre Commission et que nous attendons de vous  que vous fassiez preuve de courage et de responsabilité en interdisant le port de la burqa.

Pour notre part, au Québec, on se souvient qu’en 1961, pour la première fois dans l’histoire, une femme, une avocate de surcroît, est élue à l’Assemblée législative lors d’une élection partielle. Son nom est Claire Kirkland et elle deviendra ministre. En invoquant un vieux règlement parlementaire qui exigeait des femmes le port du chapeau pour se présenter à l’Assemblée législative, on la force à se couvrir la tête pendant les sessions. Elle refuse. C’est le scandale. Un journal titre : Une femme nu-tête à l’Assemblée législative ! Elle résiste et obtient gain de cause.

Il faut comprendre par là que nos droits sont des acquis fragiles à défendre avec acharnement et qu’ils sont le résultat de luttes collectives pour lesquelles se sont engagés des millions de femmes et d’hommes épris de liberté et de justice. J’ose espérer, monsieur Gérin que la Commission que vous présidez tiendra compte de tous ces sacrifices et de toutes ces aspirations citoyennes à travers le monde et les siècles.

Veuillez recevoir, Monsieur, l’expression de mon respect le plus profond.

  1. édition VLB []
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Les autoritaires et les totalitaires s'entendent sur le dos des démocrates laïcs

par Caroline Fourest

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Invitée à l’université d’été du RCD, organisée les 22 et 23 octobre dernier à Alger, Caroline Fourest a animé une conférence sur le thème « Quelle alternative face aux autoritarismes ? » Dans cet entretien, elle explique avec le détail cette problématique et suggère des solutions pour parvenir au changement des régimes dans la région du Maghreb. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont, affirme-t-elle, des moyens efficaces pour démasquer les pratiques des régimes autoritaires.
Propos recueillis par Madjid Makedh et publiés dans le journalEl Watan

En finir avec les régimes autoritaires est l’une des questions qui revient à chaque fois dans les pays du Maghreb. Les luttes des partis d’opposition et les mouvements autonomes se sont, depuis l’avènement des indépendances, avérées vaines. Y a-t-il une solution pour mettre un terme à l’autoritarisme dans la région ?

Caroline Fourest : Les pays du Maghreb sont pris entre deux fléaux autoritaires de nature différente. Quand on dit autoritaire, on pense souvent à une structure coercitive étatique, mais en réalité il y a des régimes et des mouvements autoritaires. Il y a toujours une troisième voie qui permet d’éviter le choix entre un régime autoritaire et un mouvement autoritaire, voire totalitaire, que sont les intégristes. Les Maghrébins paient le prix de ce cercle infernal depuis trop longtemps. Je me suis toujours demandée ce que je ferai si je vivais dans un régime autoritaire ou si je devais affronter un mouvement totalitaire. Je travaille depuis douze ans sur les mouvements extrémistes : j’ai commencé par enquêter sur l’extrême-droite, comme le Front national en France, puis je me suis spécialisée dans l’étude des mouvements intégristes comme les anti-avortement en France ou la droite religieuse américaine. Mais ce n’est que depuis que je travaille sur l’islamisme que je mesure l’ampleur du courage qu’il faut pour affronter à la fois les régimes autoritaires et les mouvements totalitaires comme les intégristes.

Les mouvements autonomes et démocratiques sont souvent empêchés et interdits d’action dans les régimes autoritaires. Pensez-vous qu’une troisième voie est possible dans ce genre de situation ?

Cette troisième voie existe internationalement et au-delà des frontières. Si tout le monde avait la possibilité de se mettre autour d’une table et de réfléchir au mode de société qui rendrait le plus grand nombre de personnes heureuses, cette troisième voie gagnerait largement l’élection. Le problème est que tout est fait pour que cette délibération à l’issue d’un débat de qualité soit impossible. Cela n’empêche ni la solidarité ni la délibération par delà les frontières depuis l’avènement des nouvelles technologies, je pense aux réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter. On a vu, par exemple, ce qui s’est passé en Iran et qui est plein d’enseignements. Pendant les révoltes contre la fraude électorale qui a porté une nouvelle fois Ahmadinejad au pouvoir, on a vu à quel point les gens étaient connectés et à quel point la censure du régime n’a pas pu étouffer cette colère parce que le monde entier observait ce qui se passait via Twitter et Facebook. Je ne suis pas sûre que cela aurait pu avoir lieu dix ans auparavant. Aujourd’hui, la mort de la jeune Neda ne laisse personne indifférent. Ce qui ne change pas, en revanche, c’est le cynisme de certains décideurs européens par rapport au Maghreb et au Monde arabe. Certains adoptent une position qui consiste à se dire que les opinions publiques arabes méritent, sans doute, ces régimes autocratiques qu’elles laissent perdurer. C’est une idée que je réfute catégoriquement.

Justement, ne pensez-vous pas que les occidentaux soutiennent les régimes autoritaires au Maghreb et dans le Monde arabe pour défendre leurs propres intérêts économiques ?

Les régimes occidentaux font avec ce qu’il y a. On ne peut pas leur reprocher à la fois d’être dans une forme de néocolonialisme s’ils s’emmêlent trop, et en même temps de ne pas assez s’en mêler pour changer les choses. En revanche, le gouvernement français n’était certainement pas obligé de féliciter le président algérien pour sa réélection avec autant de chaleur, quand on sait que le scrutin est contesté et qu’il s’est déroulé dans des conditions contestables.Les Etats-Unis ont su faire preuve de plus de réserve… Au niveau des intellectuels, il faut aussi combattre ce fatalisme aboutissant à ne pas être solidaire des opposants à la fois démocrates et laïcs sous prétexte qu’ils ne sont pas représentatifs de l’opinion publique arabe. Personnellement, je ne me pose pas la question de savoir qui il faudrait pour l’Europe à la tête de l’Algérie. Je me demande pour qui j’aimerais voter si j’étais citoyenne algérienne. Le fait qu’un homme, comme Saïd Sadi, dont j’apprécie le courage et l’intégrité, tienne bon malgré toutes les épreuves, c’est important. Le monde et l’enthousiasme que j’ai vus lors de ces universités d’été du RCD prouvent que ni les autoritaires ni les totalitaires ne sont parvenus à tuer le rêve d’une Algérie à la fois démocrate et laïque, qui respecte la liberté de conscience de chacun et se préoccupe de la justice sociale pour tous.

Mais ne croyez-vous pas que si les régimes arabes continuent à se maintenir au pouvoir, c’est grâce à la connivence avec des régimes occidentaux ?

Il faut dissocier différents niveaux pour ne pas tomber dans l’amalgame. Il y a, d’un côté, les pouvoirs économiques comme les entreprises qui se satisfont très bien des régimes autoritaires avec lesquels ils peuvent faire des affaires, et puis il y a les gouvernants qui peuvent être soit sensibles aux opinions publiques de leur pays (plutôt solidaires des démocrates), soit sensibles aux intérêts de leurs entreprises (plutôt favorables aux autocrates). L’enjeu est de donner la parole aux démocrates, y compris en Europe, pour que les opinions publiques fassent pression sur les gouvernants au détriment des entreprises. Ce n’est pas simple. Mais soyons clairs, personne, pas même l’Europe, et sûrement pas la France, ne pourra faire bouger les choses à la place du peuple algérien. La seule chose que peuvent faire les démocrates laïcs européens, c’est de rester connectés et solidaires des démocrates laïcs du maghreb. Par exemple, lorsque le Maroc interdit à deux militantes du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI) de sortir du territoire marocain pour venir donner une conférence à Paris à l’invitation du Manifeste des libertés, nous avons pu leur donner la parole quand même, en direct, via une connexion internet avec une web cam… C’est un échange qui marche dans les deux sens. Nous avons besoin de l’expérience des laïcs marocains ou algériens pour résister au danger islamiste qui monte en Europe. Il séduit parfois les enfants d’Algériens ayant fui le FIS ou le GIA pour trouver refuge en Europe ! J’admire le courage, la patience et l’abnégation des démocrates laïcs algériens. J’apprends beaucoup d’eux pour savoir comment éviter que ce mal ne rattrape les enfants d’immigrés en France.

A votre avis, qui sont les plus dangereux, les régimes autoritaires ou les mouvements autoritaires ?

Je crois qu’ils ne représentent pas des dangers de même nature. Aujourd’hui, le régime autoritaire est dans un état de décrépitude et de déliquescence. On est face à un comportement de type mafieux, sans en avoir la force coercitive. On est devant une impasse et un immense gâchis qui ne peut qu’encourager la montée d’une alternative totalitaire. Le pouvoir envoie ses propres enfants chez les Pères blancs ou dans de bonnes écoles à l’étranger, mais il a choisi de casser totalement l’éducation publique en Algérie pour s’assurer de tuer l’esprit critique des futurs citoyens. La « confessionalisation » de l’école, le fait que les futurs citoyens algériens apprennent à réciter par cœur à partir de textes religieux au lieu d’apprendre à penser par eux-mêmes, permet aux mouvements totalitaires de remplir leurs cerveaux avec de la propagande. Au fond, les autoritaires et les totalitaires s’entendent sur le dos des démocrates laïcs. Je crois que le tournant a eu lieu avec les événements d’octobre 1988, quand on a refusé d’entendre la rage de la jeunesse contre les inégalités et le manque des libertés et que l’on a préféré acheter la paix sociale en négociant avec les intégristes. Il s’est noué un pacte infernal qui a donné l’horreur que l’on sait et qui reprend depuis quelques années. Les recettes pour sortir de cette spirale infernale existent. Entre la Turquie, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, on voit bien que ceux qui s’en sortent bien, sont ceux qui ont sécularisé avant de démocratiser. Si vous démocratisez sans séculariser, comme l’Algérie en 1991, vous donnez les clefs à un régime totalitaire qui ne les rendra jamais. A l’inverse, si vous sécularisez sans démocratiser, comme en Turquie ou en Tunisie, vous nourrissez aussi une alternative religieuse… Mais elle est moins dangereuse qu’en Algérie. L’AKP au pouvoir, ce n’est pas le FIS au pouvoir. Le gouvernement tunisien devrait comprendre qu’il est temps de démocratiser… Pendant ce temps, l’Algérie, qui n’a ni démocratisé ni sécularisé, se trouve dans une impasse totale. Dont le pouvoir et les intégristes portent l’écrasante responsabilité.

Lutter contre le néo-libéralisme
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Comprendre Copenhague

par par le secteur Développement Durable de l'UFAL

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Un peu d’histoire

Le premier sommet international consacré à l’environnement a eu lieu à Stockholm en 1972 sous le nom de Conférence des Nations unies sur l’environnement. Dans la foulée de ce sommet, l’ONU créait le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).
En 1979, l’Organisation météorologique mondiale (OMM), institution spécialisée des Nations unies depuis 1951, organise la première conférence mondiale sur le climat.
Le rapport intitulé Notre avenir à tous est publié en 1987, il définit le concept de développement durable. Il est souvent appelé rapport Brundtland, du nom de la présidente norvégienne de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement créée en 1983 qui l’a rédigé.

Toujours en 1987, le Protocole de Montréal pour la protection de la couche d’ozone est adopté (il impose la suppression progressive de l’utilisation des gaz CFC).
L’année suivante, en 1988, l’OMM et PNUE instaurent le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Le GIEC a pour mission d’évaluer, sans parti pris et de façon méthodique, claire et objective, les informations d’ordre scientifique, technique et socio-économique qui nous sont nécessaires pour mieux comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d’origine humaine, cerner plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation. Le GIEC publie son premier rapport en 1990. Le dernier rapport publié, le quatrième, date de 2007 et le prochain est prévu pour 2014.
La deuxième Conférence mondiale sur le climat est organisée en 1989 et aboutit à la déclaration de La Haye.
En 1992, l’ONU organise la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, plus connue sous le nom de Sommet de Rio. La Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) y est signée et le programme d’actions Action 21, plus connu sous le vocable Agenda 21, est adopté.
La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques entre en vigueur en 1994 avec comme objectif la stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Un processus de négociation annuel rassemble les représentants des états signataires et est appelé Conférence des parties (COP).
La première COP a lieu à Berlin en 1995.
La troisième COP s’est déroulée à Kyoto et a adopté le fameux Protocole de Kyoto dont l’objectif est de réduire entre 2008 et 2012 les émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés d’au moins 5% par rapport à celles de 1990. Il est entré en vigueur en 2005 après la ratification de la Russie.
La treizième COP a lieu en 2007 à Bali et fixe l’objectif (Feuille de route de Bali) de parvenir à un accord à Copenhague en 2009 pour l’après 2012.
La quinzième COP se déroulera à Copenhague en décembre.

Copenhague, c’est quoi ?

Le nom de la capitale du Danemark est fréquemment cité comme une échéance importante à venir. Pour ceux qui tendent l’oreille, ils auront compris qu’il s’agit d’une conférence internationale pour limiter les changements climatiques en réduisant les émissions de gaz à effets de serres issues des activités humaines (cf. le texte de Dominique Mourlane).
En fait, Copenhague accueillera du 7 au 18 décembre 2009 la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques. Cette conférence a lieu chaque année mais celle de Copenhague revêt une importance particulière puisqu’elle a comme objectif de parvenir à un accord qui prendra la suite du Protocole de Kyoto (qui se termine en 2012).
La conférence de Copenhague est aussi désignée par l’abréviation COP15 pour : 15ème Conférence annuelle des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
La COP13 de Bali en 2007 a déterminé une feuille de route pour un processus de négociation devant aboutir à un accord à Copenhague qui prendra la suite du Protocole de Kyoto.
Les participants à la conférence sont les représentants des états signataires, avec pour chaque état une délégation constituée de ministres, de négociateurs, de responsables des administrations concernées, de logisticiens, etc.
Peuvent aussi y participer en tant qu’observateurs et sous réserve d’accréditation des journalistes, des représentants d’organisations internationales et intergouvernementales et « tout organe ou organisme national ou international, gouvernemental ou non gouvernemental compétent dans les domaines visés par la convention ». Les associations peuvent donc se faire accréditer comme observateur, cela concerne aussi bien des associations de défense de l’environnement que des organismes de recherche ou des lobbys professionnels. La date butoir pour demander une accréditation pour Copenhague était fixée au 1er juillet 2009.

L’UFAL est signataire de l’appel « urgence climatique, justice sociale ».

Le Conseil d’administration de l’UFAL a décidé à l’unanimité le 26 septembre 2009 d’être signataire de l’appel Urgence climatique, justice sociale. Au regard du travail effectué pour intégrer la problématique écologique à son action, il allait de soi que l’UFAL devait s’engager pour faire valoir ses positions et tenter de peser dans les négociations en cours. Mais le mode d’engagement restait à préciser. Partir seule n’aurait pas eu de sens dans la mesure où il s’agit d’une négociation internationale d’états et que seules de grosses ONG ou des rassemblements d’associations peuvent espérer pouvoir jouer un rôle. Parmi les appels ou les rassemblements qui ont vu le jour en prévision de la conférence de Copenhague, seul l’appel Urgence climatique, justice sociale correspond à notre vision du problème, à savoir une approche non exclusivement environnementaliste ou économico-environnementaliste, mais qui au contraire lie l’urgence à prendre des mesures pour limiter les bouleversements climatiques avec une prise en compte sociale (riches/pauvres, Nord/Sud) forte.

« Décarboner » la société : les mesures mises en œuvre actuellement

De quels outils disposons nous pour parvenir à réduire drastiquement les émissions de GES, c’est à dire pour sortir de l’ère d’une société reposant sur la combustion des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel) ?
Si fondamentalement c’est à un changement de paradigme qui doit renverser celui actuel, c’est à dire le productivisme dans sa forme capitaliste néolibérale, qu’il faut parvenir, des mesures doivent être prises pour permettre rapidement une baisse substantielle des émissions de GES par les activités humaines. Ce sont ces mesures que nous allons passer en revue.

1. Les politiques publiques
Les politiques publiques sont d’une première importance même si elles ne sont pas à même de résoudre tous les problèmes. Aux côtés de l’exemplarité des organismes publics et du levier de la commande publique, on peut citer deux types de mesures :

  • Les normes :
    Il s’agit pour la puissance publique de fixer des limites à respecter. Il en va ainsi par exemple des logements dont la consommation énergétique ne devra pas dépasser 50 kWh/m²/an pour ceux construits après 2015. Fixer une norme implique de permettre son respect tant économiquement, que techniquement et socialement.
  • Les interdictions :
    Il s’agit de mesures radicales donc efficaces. Exemple : interdiction progressive de la vente des ampoules à incandescence depuis le 1er septembre 2009 décidée par l’Union européenne.

2. Intégrer dans les prix les externalités induites sur les changements climatiques
Les coûts induits aujourd’hui et encore plus demain ne sont aujourd’hui pas intégrés dans les prix. Bien entendu, il n’est pas facile de tout quantifier, d’autant plus qu’il faut prendre en compte l’ensemble des coûts sociaux, environnementaux et économiques.
Deux dispositifs permettent d’agir sur les prix :

  • Les permis :
    Ils consistent à fixer maximum d’émission de GES à une industrie. L’avantage est que l’on procède en valeur absolue et en quantité fixée à ne pas dépasser, ce qui permet une meilleure planification pour autant que la volonté politique soit présente. Mais les inconvénients l’emportent sur les avantages car la mise en place des permis d’émission s’est transformée en distribution de permis de polluer avec possibilité de les monnayer sur un marché ad hoc, ce qui montre bien qu’il n’y a décidément rien à tirer de bon du néolibéralisme, y compris lorsqu’il prétend prendre à bras le corps le danger du changement climatique. Dans ce système, les quantités d’émissions sont fixes et le prix du CO2 s’ajuste en fonction du « marché ». Lors des premières cotations en 2005, la tonne de CO2 valait environ 10 €, fin 2007 (fin de la première période d’allocation de permis d’émission qui avait été très généreuse) elle était rendue à moins de 0,1 €, elle a atteint un maximum de 30 € et actuellement elle coûte 13,5 €.
  • Les taxes :
    Si les permis sont réservés aux grosses structures émettrices de GES, les taxes concernent aux contraires les émissions dites diffuses. A l’inverse des permis, le prix est fixé et ce sont les émissions qui varient. Il n’y a plus de limitation d’émissions quantifiées mais il y a un pilotage possible en faisant varier le montant de la taxe, alors que dans le cas des permis, c’est « le marché qui décide ». Les promoteurs de la taxe carbone doivent trouver l’équilibre entre « l’acceptabilité sociale » et l’efficacité. Alors que la logique voudrait que l’affectation du montant de la taxe soit déterminé avant même de l’instaurer, l’exemple français montre qu’il n’en est rien puisque si le principe de la taxe a été arrêté, l’affectation des sommes collectées n’est toujours pas décidé, même si l’idée d’un « chèque vert » semble acquise.

La taxe carbone : l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire

La taxe carbone annoncée par le gouvernement est socialement injuste. D’abord, elle ne concerne pas les grosses entreprises fortement émettrices de GES au prétexte qu’elles sont soumises au principe des permis. Ensuite, parce que les ménages vont acquitter plus de la moitié de la note soit une proportion plus importante que leur proportion d’émissions. Enfin, parce que les ménages les moins favorisés seront relativement plus taxés que les ménages aisés car la part de leurs dépenses consacrée à l’énergie est proportionnellement plus importante (les 35% des ménages les plus pauvres ont une facture énergétique deux fois plus importante en proportion de leurs revenus que les 5% des ménages les plus aisés). De même, les ménages qui résident en zone rurale seront plus taxés que les ménages urbains (absence de transports en commun, trajets plus nombreux et plus longs, dépenses de chauffage souvent plus importantes, etc.).
Par ailleurs, la taxe ne distingue pas les dépenses contraintes (se chauffer, transport domicile-travail, etc.) des dépenses qui relèvent de l’accessoire.
La taxe carbone a été adoptée par l’Assemblée Nationale en première lecture du projet de Loi de finance 2010.
Pour plus de détails, reportez-vous aux textes déjà écrits sur ce sujet :

Ce qu’il faut faire

Il faut renforcer l’action publique en déterminant démocratiquement et non « technocratiquement » les normes et interdictions qui vont permettre d’infléchir réellement notre économie carbonée.
Il faut s’engager plus fermement dans une coopération internationale basée sur des objectifs collectivement définis et selon le principe de solidarité. Les responsabilités sont bien évidemment très différentes notamment entre les pays anciennement industrialisés et ceux en transition. Mais les solutions sont elles aussi différentes (notamment technologiques) entre un développement qui doit reconvertir une industrie pour émettre moins de GES et un développement qui doit promouvoir une industrie non carbonée.
Les dépenses contraintes des ménages doivent être épargnées par les taxes, ce sont aux politiques publiques de faire en sorte de les diminuer (offre de transports en communs, rénovation thermique des logements, etc.) avec par exemple un financement qui proviendrait d’une taxation des gros émetteurs industriels et agricoles de GES.
Tout cela ne sera possible qu’en instaurant un néo-protectionnisme altruiste social et écologique pour éviter le dumping social et environnemental de certains pays, les délocalisations vers les pays les moins-disant socialement et environnementalement, et pour assurer un financement solidaire de la mise à niveau de la protection sociale et environnementale des pays les moins avancés.

Réagissez : dev-durable@ufal.org

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Trois effets de la mutation du « capitalisme fordiste » vers un « capitalisme cognitif »

par Guillaume Desguerriers

Suite de l’article : Les ruptures fondamentales dans le schéma du capitalisme

Les ruptures technologiques apportées par l’automatisation et l’informatisation, dans les années 70, ont eu pour conséquence une mutation de la production mais aussi des impacts sur la nature et les mécanismes de cette production (voir l’article précédent). Par ailleurs, l’abandon du « capitalisme fordiste » pour un « capitalisme cognitif » provoque plusieurs effets, dont trois très importants.

Premier effet : crise de la valeur des marchandises produites

D’abord cette mutation rend difficile d’accès les produits simples dont la valeur n’est que la valeur d’usage (ils sont peu rentables donc peu produits). Il est désormais impossible d’acheter un téléphone qui ne fasse « que » téléphone ; impossible d’acheter une voiture qui ne fasse « que » voiture. Ceci a pour conséquence de paupériser davantage des populations les plus pauvres qui ne peuvent avoir accès qu’à des produits « superflus » car ils n’ont plus accès aux biens simplement « nécessaires ». Le prix des biens superflus n’étant plus fixé sur leur valeur d’usage mais sur le seul effet mode (donc sur le message « cognitif »), les prix peuvent être fixés sans aucun rapport avec la réalité de la production. Il y a donc possibilité d’une crise de la valeur, car l’endettement des entreprises, dans le but d’investir pour produire un objet cognitif, ne correspond plus à la réalité matérielle de la production de cet objet, mais aux bénéfices qu’il est possible d’en tirer suivant les critères de cette mode… passagère ! Ainsi, au moindre problème, l’écart entre la réalité (la valeur réelle d’un objet) et l’endettement devient alors colossal. C’est ce que nous sommes en train de vivre lorsque la FDIC (la compagnie fédérale de garantie des dépôts bancaires américaine) s’engage à garantir des actifs pourris à hauteur de 2 000 milliards de dollars. Par le mot « pourris », il faut comprendre : qui n’a pas de valeurs !

Second effet : travail collaboratif et crise de la société du salariat

Cette mutation des activités du capitalisme modifie la nature même du travail pour nombre de salariés. En effet, durant le fordisme, le travail était évalué en fonction du critère « temps » (passé au travail). Mais aujourd’hui, il est de plus en plus demandé aux individus d’être « créatifs », d’être « inventifs », de « trouver » du fait même de cette mutation du capitalisme qui a besoin de nouveautés pour garantir son taux de profit. Autrement dit, la capacité du capitalisme a produire de la richesse est liée de plus en plus fortement à la capacité d’innovation et de créativité des individus.

Problèmes : 1- cette capacité de création n’est pas liée à un temps de présence (dans les faits, les individus « travaillent » en dehors de leurs horaires de travail). 2- la créativité se fait souvent sur le mode collaboratif, c’est-à-dire suivant un mode de production de richesse où il est, au final, quasi impossible de définir qui a fait quoi !

Pour ces deux raisons, l’évaluation des salaires héritée du fordisme (donc sur les critères « temps de travail » et « répartition des tâches ») pose problème. Là encore, nous sommes dans une crise de la valeur, car comment trouver – et justifier ! – des salaires différents pour une même activité collaborative ?

Troisième effet : choix des technologies pour le travail hétéronome

Pour les gens qui travaillent dans les chaînes de production, l’automatisation toujours plus poussée rend l’employé du capitalisme prisonnier de sa tâche. Marx l’avait bien compris : la division du travail est nécessaire au capitalisme, pas seulement pour des raisons de production (analyse économique réductrice), mais pour des besoins de domestication des individus et de leurs subjectivités. En effet, les machines produites pour des buts et des fonctionnalités bien précises asservissent du même coup les individus qui les pilotent en leur demandant d’accomplir des travaux de plus en plus réglés par le fonctionnement même de la machine. Autrement dit, l’automatisation, au lieu de libérer l’individu, l’asservit davantage ; mais pas uniquement d’un point de vue physique ! En effet, cet asservissement est aussi cognitif, car il dépossède l’individu de sa main mise sur sa créativité en visant l’annihilation de sa subjectivité. Le jour où la fierté de l’individu se trouve dans des valeurs éthiques et culturelles en accords avec le capitalisme, c’est-à-dire des valeurs reposant sur les valeurs fondamentales de l’économisme qui leurs sont accessibles, à savoir le travail et la production / consommation / exploitation (les employés n’ayant pas de capital), alors le capitalisme assure sa pérennisation par les pratiques et la subjectivités des individus qu’il a domestiqués. Tout le développement technologique du capitalisme s’est donc orienté à des fins d’asservissement.

C’est cette conception que le soviétisme n’a pas compris (ou alors trop bien ! ), car en ne changeant pas l’appareil productif et la place de l’individu face aux machines, l’asservissement des individus et de leur subjectivité est resté identique à celui pratiqué dans les pays occidentaux.
En effet, rappelons que l’évolution technique n’est pas objective, mais qu’elle repose sur des choix idéologiques très forts. L’exemple de l’usine Volvo d’Uddevallade, en Suède, entre 1987 et 1993, est caractéristique : le dépassement du taylorisme y a été mené en confiant la fabrication complète de chaque véhicule à des équipes d’ouvriers maîtrisant chacune la chaîne complète de l’assemblage. De fait, il est apparu très rapidement que la notion même de hiérarchie perdait toute consistance dans des ateliers où chaque équipe gérait sa production. Et ainsi, malgré des rendements supérieurs aux autres usines du groupe, cette usine sera fermée en 1993 par la direction de Volvo, cette forme d’autogestion réintroduisant une main-mise des « employés du capitalisme » sur leur production, donc laissait aux individus la possibilité de s’extraire du modèle d’asservissement capitaliste.

Technologies « verrou » contre technologies « ouvertes »

Ainsi, si la technique se développe, il est possible de mettre en évidence deux développements technologiques distincts : l’un « hétéronome », ou « verrou », où les individus deviennent prisonniers du développement technologique. Ces techniques ont un effet d’asservissement en coupant les individus d’eux-mêmes, en réduisant leur marge d’initiative, de gestion de leur activité propre, leur possibilité de création et de communication (par exemple en imposant le règne de l’instantané ou de l’émotion) et, par ailleurs, ces technologies « verrou » engagent la société sur des échelles de temps considérables, la rendant prisonnière des choix initiaux, donc des logiques productivistes.

L’autre développement relève de la mise en place de technologies « ouvertes » ou « conviviales » qui favorisent la communication entre individus, la possibilité d’initiative personnelle et l’appropriation de sa subjectivité. La notion de temps n’est pas réduite à l’instantané, et la réflexion est possible face à l’émotionnel. De plus, la notion de ressources, de déchets et de cycle est présente afin de ne pas rendre les sociétés prisonnières des effets de ces technologies. Ces technologies « ouvertes », ou « conviviales », permettent le développement de l’individu et son ouverture sur les autres (donc renforcent le lien social tout en renforçant la subjectivité).

Bien entendu, pour se maintenir, le « capitalisme fordiste » a développé des technologies « verrou », tant pour assujettir les individus (travail à la chaîne) que le fonctionnement de la société (industries produisant beaucoup de déchets et imposant des échelles de temps considérables). Cette tendance s’est encore accrue avec le passage à un « capitalisme cognitif » (voir article précédent) où l’asservissement ne passe plus seulement par le travail, mais où celui-ci se développe au travers du consommateur. En effet, il est impératif de déposséder au maximum l’individu à l’égard de sa propre existence pour mieux le rendre servile à l’égard des modes qui lui « vendent » l’identité et l’apparence de subjectivité dont il a été dépossédé et dont il a un besoin naturel.

Il est donc erroné de voir la lutte contre le capitalisme uniquement sur le plan de la société et de l’économie, ce serait précisément la signature de l’asservissement à l’économisme. En tant que projet originel et historique de la gauche, le dépassement du capitalisme – projet avec lequel la gauche du XXIe siècle doit renouer – s’inscrit avant tout dans une théorie de la libération de l’individu et de sa subjectivité. Ce lien avec la philosophie existentielle est le garde-fou contre toutes les dérives totalitaires que l’on a pu connaître. Il est aussi le lien avec la véritable nature de la gauche qui n’a pas pour vocation « l’ordonnancement parfait du monde », mais la libération des individus en tant que subjectivités non réductibles (à l’économie, à une communauté, à une fonction, etc. )

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Statut de la Poste : lettre ouverte au Premier Ministre

par Pierre Carassus
Maire de Vaux-le-Pénil
Ancien député de Seine et Marne (1997-2002)

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Texte publié dans le n°159 de Combat Républicain.

François Fillon a adressé une lettre aux Maires pour tenter de justifier le projet gouvernemental de transformation du statut de la Poste. Pierre Carassus, Maire de Vaux-le-Pénil (Seine-et-Marne), lui répond.

Monsieur le Premier Ministre,

J’accuse réception de la lettre que vous avez adressée aux Maires, relative au statut de la Poste et datée du 16 octobre. Treize jours avant votre envoi, 2,3 millions de Français ont participé à une votation citoyenne sur le sujet, à l’issue de laquelle une très forte majorité s’est prononcée contre le projet gouvernemental. Mais depuis, vous faites la sourde oreille à la demande populaire, vous refusez la tenue d’un référendum sur l’avenir de cet important service public, et vous vous contentez, en guise de réponse à l’inquiétude de nos concitoyens, d’une lettre circulaire à l’intention des élus locaux afin de les « sensibiliser sur (votre) démarche ».

Bien que votre courrier relève de la communication à sens unique - un genre fort prisé par votre gouvernement -, le Maire d’une commune de 11 000 habitants que je suis croit utile de vous répondre. Car je suis très « sensible à votre démarche », Monsieur le Premier Ministre, comme je le suis à la politique de démantèlement systématique des services publics que l’Elysée et vous-même menez depuis 2007. J’y suis d’autant plus sensible que j’ai longtemps travaillé au tri postal avant d’exercer les fonctions de Maire de Vaux-le-Pénil et, de 1997 à 2002, de député de la troisième circonscription de Seine-et-Marne. C’est pourquoi j’ai soutenu et participé à la votation citoyenne du 3 octobre et que j’entends bien poursuivre le combat contre la privatisation rampante de la Poste conduite par votre gouvernement.

Car en dépit de vos affirmations, la transformation de la Poste en société anonyme est bien le premier pas franchi vers sa privatisation. D’ailleurs, à quoi bon changer de statut s’il ne s’agit pas, à terme, de modifier la composition du capital ? Le cas de France Télécom est à cet égard exemplaire. Transformée en société anonyme en 1996, cette entreprise a vu son capital « s’ouvrir » progressivement, au point que l’Etat n’y est plus aujourd’hui qu’un actionnaire minoritaire. Et l’on connaît, hélas, les conséquences de ce retrait pour les salariés…

Il faut rappeler aussi qu’en 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Economie et des Finances, s’était publiquement engagé à ce que GDF ne soit jamais privatisé. Aujourd’hui, l’Etat ne détient plus que 35,7% du groupe GDF-Suez. Et vous voudriez que les Français croient en vos promesses !

Pour justifier la transformation du statut de la Poste, vous mentionnez l’ouverture complète du marché postal européen prévue au 1er janvier 2011. Or les directives de l’UE, aussi contraires soient-elles au service public, n’imposent aucun statut aux opérateurs. C’est donc le choix de votre gouvernement que de le modifier.

Certes, la Poste doit être modernisée, mais cette nécessité n’implique nullement l’ouverture du capital de l’entreprise. Quant à l’apport de 2,7 milliards d’euros de capitaux publics, il permettrait au gouvernement, écrivez-vous, d’ « investir massivement dans la Poste ». Voilà une affirmation osée, au regard des milliards avancés aux banques, des exonérations fiscales accordées aux entreprises et aux ménages les plus aisés. Dernier exemple en date : la commission des finances de l’Assemblée Nationale a chiffré à 20,5 milliards d’euros le manque à gagner par l’Etat dû à l’allégement de la fiscalité des plus-values depuis 2007. Et les 2,7 milliards accordés à la Poste constitueraient « un investissement massif » !

Pourtant, les missions accomplies par le service public postal sont indispensables. Elles contribuent à l’aménagement du territoire, renforcent le lien social. Or les pouvoirs publics ont laissé se dégrader la qualité de ce service public. Depuis 2002, plus de 6 000 bureaux de poste sur 17 000 ont été mis en activité réduite, ce qui a permis au gouvernement de supprimer 50 000 emplois dans l’entreprise. La population et les salariés sont les premières victimes de ce désengagement de l’Etat, qui se traduit par l’espacement des tournées, des délais croissants de livraison des courriers, des réductions d’horaires, l’allongement des files d’attente…

Votre gouvernement vient de lancer un débat sur « l’identité nationale ». S’il s’agit de faire apparaître le je-ne-sais-quoi qui distinguerait les Français du reste de l’espèce humaine, ce débat est au mieux inutile, au pire pernicieux. Notre seule identité, forgée par l’Histoire, c’est la République, et sa vocation est d’être universelle. Les services publics en constituent le socle : ils garantissent un accès égalitaire à chacun, permettent la satisfaction des besoins fondamentaux de tous les êtres humains. C’est le programme du Conseil National de la Résistance, présidé par le général De Gaulle, qui en a le mieux défini la nature et étendu la portée. Depuis 1946, ces principes sont inscrits dans le préambule de la Constitution. Force est de constater que le chef de l’Etat et votre gouvernement leur tournent le dos.

Mais puisque vous insistez sur l’urgence de ce débat, pourquoi ne pas appeler les électeurs à se prononcer, par référendum, sur l’avenir de la Poste, et plus généralement, sur celui de nos services publics ? Il ferait bon savoir qui, du néo-libéralisme ou de la République, a la faveur des Français : ainsi définiraient-ils leur identité.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma considération distinguée.

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Nucléaire : Radiographie syndicale

par La FNME-CGT
Fédération Nationale des Mines-Energie CGT

Article paru dans “Énergies syndicales”, journal mensuel de la FNME-CGT

Sur fond de concurrence débridée, les opérateurs du secteur nucléaire se livrent à un combat fratricide, au détriment des salariés et des usagers. Et de certains principes sociaux et démocratiques. Analyse.
Le nucléaire français, et ses acteurs EDF et Areva, entre autres, sont actuellement au cœur d’une singulière tourmente. Le 4 novembre, était reclassé de niveau 1 en 21 un incident survenu en septembre à Flamanville, où un salarié sous-traitant recevait 5 mSievert, soit un quart de la dose annuelle autorisée, lors d’un contrôle de soudure. Deux autres accidents de niveau 2 sont survenus depuis le début de l’année. En mars, lors de la réception de matière fissile sur le site Melox2 d’Areva à Marcoule (Gard). Et la sous-évaluation de résidus de plutonium par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) à Cadarache (Bouches- du-Rhône), rendue publique début octobre. D’autres mauvaises nouvelles concernent Areva, après la remise en cause par trois autorités de surveillance - finlandaise, britannique et française - du niveau de sûreté du système contrôle-commande de l’EPR3, qui ne serait pas suffisamment indépendant du système de sauvegarde. En octobre également, Areva et EDF ont été accusées d’entreposer secrètement en Russie des déchets nucléaires4. Et, à quelques jours d’intervalle, RTE (Réseau de transport d’électricité) annonçait la nécessité d’importer de l’électricité, pour cause de disponibilité du parc nucléaire d’EDF ” en très net retrait ” par rapport à l’hiver précédent.

Questions sans réponses

Sûreté, transparence, gouvernance… Ces questions resteraient-elles toujours en suspens ? À y regarder de plus près, syndicalement parlant, d’autres interrogations, tout aussi structurelles et fondamentales, se font jour. À commencer par la gestion politique calamiteuse du secteur. Que dire, par exemple, de l’engagement récent [voir Énergies Syndicales d’octobre] de donner accès aux concurrents d’EDF à 100 térawattheures d’origine nucléaire par an et ce, à prix réduit ? ” Le gouvernement français semble décidé à prouver par l’absurde qu’il est urgent de privatiser EDF : c’est l’interprétation la plus indulgente qu’on peut donner aux bavures à répétition dont l’État actionnaire se rend coupable, de longue date vis-à-vis du géant français de l’électricité. ” L’opinion du quotidien Le Monde, mérite d’être approfondie. La FNME-CGT, pour sa part, y voit, a minima, unemanoeuvre des principaux opérateurs ” qui cherchent à faire augmenter les prix payés par les usagers. ” Une attitude d’autant plus scandaleuse que ” Ce n’est pas à un dirigeant quelconque de prendre des décisions si structurantes, mais bien à l’Assemblée nationale. ” Le parc français aurait des problèmes de disponibilité ? La Division production nucléaire (DPN) désigne les coupables, soit les grévistes qui auraient bloqué le bon déroulement des arrêts de tranche au printemps dernier. ” Oubliant de préciser que la direction d’EDF SA a réquisitionné trois mille agents grévistes sur cinq centrales, en juin dernier, afin de remettre six réacteurs en production. Le seul objectif était de pouvoir passer l’été tranquillement en cas de canicule ! ” Pour la FNME, il faut ” dénoncer les choix politiques arbitraires qui ont conduit la hiérarchie d’EDF à réduire ses coûts dans les domaines de l’organisation du travail, de la gestion des emplois et des compétences, dans la maintenance du matériel et la gestion des pièces de rechange. ” Des choix qui expliquent ” une disponibilité du parc nucléaire au plus bas, en dessous de 80%. ” Le développement outrancier de la soustraitance est incontestablement le problème majeur du secteur.

Concurrence(s)

Des problèmes qui puisent à la même source… Les directions successives d’EDF, ainsi que le gouvernement français, emboîtant le pas de la Commission européenne, ne considèrent la filière nucléaire que sous l’angle économique et concurrentiel, soit la recherche de profits et la conquête de nouveaux marchés. Ce qui induit une approche parcellaire et partiale du secteur, doublée d’une vision temporelle à court terme. En termes de déchets nucléaires, par exemple, Jean-Baptiste Poisson, administrateur CGT de l’Andra (Agence nationale de gestion des déchets radioactifs) constate ” les efforts déployés par les opérateurs pour différer les contrats ou peser sur les choix techniques afin de baisser leurs provisions. ” Les dispositions de la loi de 20065 les obligent en effet à provisionner à très long terme (jusqu’à trois cents ans) afin de disposer d’actifs dévolus à la gestion de ces déchets. Ce qui fait désordre sur les bilans comptables lorsqu’on recherche à dégager rapidement bénéfices et dividendes… Quant à la construction des futurs EPR français et finlandais, elle est elle-même un champ de bataille, au détriment des conditions de travail et de sécurité des salariés comme de la transparence nécessaire à la réussite d’un tel projet. La FNME en fait le constat : ” Nous ne pouvons plus nous payer le luxe de la concurrence stupide existant entre Areva et EDF. Qui, au lieu de coordonner les compétences françaises, les oppose. C’est une vision financière à court terme qui alimente cette guerre fratricide et stérile, en train de déstabiliser toute la filière. ” C’est en mettant ” le social au coeur de la fourniture d’électricité “, en se basant sur une logique ” de complémentarité des énergies, en lieu et place de leur mise en concurrence qui freine les investissements ” que l’on pourrait ” redonner du sens au fonctionnement anarchique du secteur. ”

par Christian Valléry

  1. L’échelle internationale des événements nucléaires (INES) compte huit niveaux, de 0 à 7. []
  2. L’usine Melox produit du Mox, mélange d’oxyde d’uranium et d’oxyde de plutonium, qui sert de combustible à 10 réacteurs (sur 58) en France. Le Mox (de l’anglais Mixed Oxides) permet de récupérer le plutonium issu des combustibles usés, récupéré lors des opérations de traitement à La Hague. []
  3. Areva construit actuellement quatre EPR : un à Olkiluoto en Finlande, un à Flamanville et deux à Taishan (Chine). []
  4. En attendant la mise en service de l’usineArevaGeorges- Besse 2 au Tricastin, qui disposera de la technologie de l’ultracentrifugation, EDF a passé un accord avec Tenex, société dépendante de l’Agence atomique russe Rosatom, pour le ré-enrichissement de l’uranium. []
  5. Ce sont les producteurs de déchets qui doivent eux-mêmes provisionner dès maintenant les sommes nécessaires aux financements prévus pour le long terme. []
Canada
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Louise Mailloux: la gauche toujours prompte à dénoncer le pape et les intégristes chrétiens, mais prend la défense des intégristes musulmans

par Hakim Arabdiou

Louise Mailloux est professeure de philosophie et s’intéresse à ce qui touche la religion, particulièrement à sa dimension politique. Elle est collaboratrice à l’Aut’Journal qui est un journal québécois, syndicaliste, progressiste et indépendantiste. Elle a co-fondé avec Djemila Benhabib et plusieurs autres laïques, le Collectif citoyen pour l’égalité et la laïcité, dont elle est co-porte-parole, avec Djemila Benhabib. Ajoutons au passage que le récent projet de Charte de la laïcité au Canada a été uniquement préparé par nos camarades laïques canadiennes.

Hakim Arabdiou : A part la scandaleuse tentative d’instaurer des tribunaux islamiques au Canada, sur le modèle des tribunaux israélites qui existaient déjà, les Français et a fortiori les Européens connaissent peu de choses sur les agissements des intégristes religieux sur votre territoire.

Louise Mailloux : Sur cette question, on pourrait écrire un livre, mais je vais tenter d’être brève… Du côté des chrétiens, on peut dire que la droite religieuse canadienne majoritairement protestante est présente en politique depuis les années 30. Elle est surtout active dans l’Ouest canadien où elle a été à l’origine de certains partis politiques populistes de droite qui ont échoué aux élections et dont les membres ont rejoint l’actuel gouvernement conservateur de Stephen Harper. Suivant l’exemple des conservateurs religieux américains, ces fondamentalistes ont compris que pour infléchir les politiques du gouvernement dans le sens de leurs valeurs, le prosélytisme et le lobbysme ne suffisent pas et qu’il faut occuper les fauteuils du Parlement. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, on retrouve bon nombre des fondamentalistes religieux dans la députation conservatrice et jusqu’au sein du cabinet, chez certains ministres du gouvernement Harper.

Ainsi, il y a quelques années, ils ont pu, avec l’appui de la Conférence des évêques catholiques du Canada, s’opposer au mariage gai. En janvier 2008, un député conservateur a présenté un projet de loi voulant que le meurtre d’une femme enceinte soit considéré comme un double meurtre, donnant ainsi une personnalité juridique au fœtus et visant ultimement à recriminaliser l’avortement. Tous les députés conservateurs, sauf quatre, ont voté en faveur de ce projet de loi qui attaquait la liberté sexuelle des femmes, de même que leur droit à procréer librement. Ce même gouvernement a aussi renié son engagement de mettre sur pied un programme national de garderies, rendant ainsi plus difficile pour les femmes l’accès aux études et au travail. Autant d’attaques perpétrées par ces chrétiens pour remettre en cause les acquis de la révolution féministe et renvoyer les femmes au foyer.

Il faut également souligner l’influence de la droite religieuse américaine. Des groupes évangélistes qui ont joué un rôle important dans l’élection de Bush ont émigré au cours des dernières années au Canada. C’est le cas des groupes Focus on the Family, Christian Coalition et Promise Keepers dont sont issus certains députés à Ottawa et qui travaillent à promouvoir la famille traditionnelle, la chasteté chez les jeunes, à valoriser l’hétérosexualité, sans compter l’offensive soutenue en faveur du créationnisme dans le but de contrer l’enseignement du darwinisme.

Pour ce qui est des juifs hassidiques, ils ne sont pas prosélytes puisqu’ils se croient le Peuple élu. Ils vivent donc en vase clos et ne cherchent pas à s’intégrer à notre société. Mais lorsqu’ils s’adressent à la société civile, ils demandent des accommodements, comme par exemple transiger avec un policier plutôt qu’une policière, qui remettent en question le statut des femmes et que nos responsables d’État leur accordent bien gentiment. Ce qui provoque à chaque fois de vives protestations dans l’ensemble de la population. L’exemple le plus récent est celui de ne pas vouloir d’examinatrice pour passer l’examen de leur permis de conduire, accommodement sexiste qui leur a été accordé par une société d’État au nom de la liberté religieuse.

Quant aux intégristes musulmans, ils sont très actifs au point où l’on se demande s’il leur reste du temps pour prier! D’abord ils sont organisés au Québec à travers Présence musulmane dont le mentor n’est nul autre que l’islamiste Tariq Ramadan, et au Canada à travers le Congrès islamique canadien qui a été à l’origine de la demande pour l’implantation de tribunaux islamiques en Ontario en 2004. Ce qu’ils visent ultimement ce ne sont pas de reconquérir comme le souhaitent les chrétiens des espaces institutionnels où ils pourraient diffuser leurs valeurs, mais de remplacer l’État démocratique par un État islamique et d’imposer la charia. Et les stratégies pour y arriver sont multiples. Rien qu’aujourd’hui, on apprenait dans l’actualité que des musulmans ont fait une demande pour avoir une banque islamique conforme à la charia!

D’une manière générale, comme l’explique Djemila Benhabib dans son livre, les intégristes suppléent aux carences de l’État en matière d’intégration en offrant toutes sortes de services d’aide aux immigrants musulmans comme par exemple pour le logement, la recherche d’emploi, les papiers administratifs, ils financent parfois des études et donnent des cours de langues et d’informatique. Bref, autant de moyens pour se rapprocher des gens de leur communauté, pénétrer à l’intérieur des familles en se rendant indispensables et demander en retour le port du voile ou la fréquentation de la mosquée. C’est ainsi que des femmes qui ne se voilaient pas à leur arrivée au Canada, se sont mises soudainement à porter le voile et faire de la réclame pour les intégristes.

Les intégristes musulmans empruntent aussi la voie juridique en s’appuyant sur nos Chartes qui garantissent la liberté religieuse pour demander des accommodements comme par exemple des locaux de prière dans les universités de façon à accentuer la visibilité de l’islam dans l’espace public et les institutions publiques et contester par le fait même le caractère laïc de ceux-ci. Et lorsque la grogne populaire se manifeste suite à des accommodements qui leur sont consentis, ils crient alors au racisme et à l’islamophobie pour empêcher toutes critiques.

Ils sont aussi actifs auprès des lobbys religieux, les appuyant lorsque cela les sert. Ils courtisent également ceux de nos intellectuels qui sont multiculturalistes et qui, sous prétexte de respect et d’ouverture, vont constamment se porter à leur défense, et leur offrir une porte d’entrée dans l’intelligentsia et une tribune dans les médias.

Et finalement, tout comme les chrétiens, ils ont compris l’importance d’investir les partis politiques à ce point qu’ils présentent maintenant des candidats à chaque élection, que ce soit au niveau municipal, provincial ou fédéral. Ils investissent des partis plus à gauches comme Québec solidaire au provincial ou le Nouveau parti démocratique au fédéral puisque les partis conservateurs sont occupés par les chrétiens. Évidemment, ils se gardent bien de présenter leur «vrai programme» et se retrouvent sous la bannière de partis qui défendent le mariage gai et le port du voile dans les institutions publiques. Trouvez l’erreur!

H. A. : Vous êtes, en tant que laïques canadiens, à l’instar des féministes de votre pays, confrontés, comme en Europe et aux États-Unis d’Amérique, aux mêmes trahisons de certains idéaux humanistes et égalitaires, et à la même complicité avec les intégristes, surtout islamistes, de la part des communautaristes au sein de la droite, de la gauche et des féministes.

L.M. : C’est exact. La gauche est toujours prompte et très à l’aise pour vitupérer contre le Pape et l’intégrisme chrétien. Évidemment, on ne peut que se réjouir d’une telle vigilance mais pourquoi demeurer silencieux lorsqu’il s’agit de dénoncer l’intégrisme musulman? Et pire encore, pourquoi le défendre sous prétexte de lutter contre le racisme ou la xénophobie?

Une telle démission devant les idéaux des Lumières et une telle lâcheté sont déconcertantes et révoltantes. Ceux qui hier défendaient la laïcité contre les chrétiens, les droits humains et l’égalité des femmes et des hommes sont les mêmes qui aujourd’hui se tiennent aux côtés des islamistes pour défendre des valeurs rétrogrades qu’ils ont eux-mêmes combattues, il y a à peine quelques décennies.

Le refus de la gauche (je pense notamment à Québec solidaire et à un organisme féministe comme la Fédération des Femmes du Québec) de condamner l’intégrisme, en se portant à la défense de tous les musulmans quels qu’ils soient, traduit un antiaméricanisme et un anti-Israël primaire et dogmatique qui nient toute différence entre l’islam comme religion et l’islam comme politique. Ce qui a pour effet de soutenir ceux qui luttent contre la démocratie, la laïcité et le féminisme et d’abandonner, du même coup, les démocrates, les laïques et les féministes qui, fidèles aux idéaux des droits humains, se retrouvent bien malgré eux associés à une droite raciste et xénophobe.

La culpabilité de l’Occident vis-à-vis de l’impérialisme que l’on retrouve à forte dose dans les rangs de la gauche, sa position altermondialiste qui valorise sans discernement la diversité culturelle, son refus d’être la référence universelle en matière de droits humains, se traduit par une très grande tolérance à l’égard de l’intolérable et cautionne des positions dont les femmes sont souvent les premières victimes. Cette gauche-là, gangrenée par le relativisme culturel, souffre d’un excès de pureté dont l’envers est une incroyable lâcheté.

Au Canada et au Québec, cela se traduit par la défense inconditionnelle d’une «laïcité ouverte», favorable à l’intrusion du religieux dans les institutions publiques et qui s’inscrit dans la logique du multiculturalisme qui encourage le maintien et la valorisation des communautarismes et interprète la neutralité de l’État comme étant l’expression des multiples confessions. Vous imaginez comme les intégristes doivent rire dans leur barbe…

H. A. : Finalement, vous vous retrouvez partiellement démunis face à ces menées sur le plan juridique, puisque ni la Constitution ni aucun texte de loi dans votre pays ne fait explicitement état de la laïcité de l’État canadien.

L.M. : Il est vrai qu’aucune Charte et aucun texte constitutionnel canadien ou québécois ne fait référence à la laïcité de l’État et qu’il n’y a donc aucune garantie juridique attestant de la séparation de l’Église et de l’État. Toutefois, bien qu’il soit évidemment souhaitable qu’une telle affirmation de laïcité soit enchâssée dans nos textes constitutionnels, il faut tout de même nuancer les limites de sa portée juridique.

Pour preuve, nos voisins du Sud, les Américains qui ont inscrit dans le premier amendement de leur Constitution que la religion est officiellement séparée de l’État et qu’il n’y a donc pas de religion reconnue par l’État. Cela n’empêche pas quiconque voulant être élu à la Présidence des États-Unis de devoir tenir compte de l’immense poids politique de la droite religieuse américaine. Nous voyons donc que cette affirmation de laïcité n’est pas forcément le gage d’un haut indice de sécularisation et que même si le Québec n’est pas formellement laïc, son niveau de sécularisation est nettement supérieur à celui des États-Unis.

Là où les Québécois sont démunis, c’est face à la conception multiculturaliste du Canada anglais qui s’oppose à leur conception républicaine de la laïcité et qui trouve son expression juridico-politique à travers les différents jugements de la Cour suprême fédérale qui ont préséance sur ceux des cours provinciales. Ainsi en 2001, la Cour supérieure du Québec a rejeté la demande d’un jeune sikh voulant porter le kirpan à l’école publique. Celui-ci a porté sa cause en appel jusqu’en Cour suprême qui a alors renversé le jugement de la Cour supérieure du Québec en faveur du port du kirpan à l’école moyennant un accommodement.

Au républicanisme des Québécois se greffe une conception juridique, qui, à l’instar de la Cour européenne des droits, ne reconnaît qu’une interprétation objective de la religion alors que les jugements rendus par la Cour suprême s’appuient sur une interprétation subjective de celle-ci, donnant ainsi à la simple foi des croyants une légitimité incontestable.

Voilà en quoi consiste «l’inconfort» du Québec qui n’étant toujours pas un pays, demeure une province du Canada. C’est la raison pour laquelle les Québécois souhaitent sortir la question des accommodements religieux du terrain juridique pour l’amener sur le terrain plus démocratique du politique.

H. A. : Quel a été le processus qui a abouti à votre élaboration d’un projet de Charte de la laïcité ? Quelles sont les forces qui le portent actuellement ? Et quelle chance a-t-il d’être adopté par vos parlementaires ?

L.M. : En mai dernier, suite à la prise de position de la Fédération des Femmes du Québec en faveur du port de signes religieux dans les institutions publiques, position qui fut appuyée par la Ministre de la Condition Féminine, Christine Saint-Pierre, notre Collectif citoyen a vu le jour dans le but d’initier un débat sur la laïcité à travers tout le Québec, débat qui n’a jamais eu lieu et que l’ensemble de la société civile réclame actuellement. Dans ce débat, deux conceptions s’affrontent : celle de la laïcité s’inspirant du modèle républicain et qui est celle que nous défendons, et celle de la laïcité dite «ouverte» qui s’inspire du multiculturalisme sur lesquelles sont calquées les recommandations du rapport Bouchard-Taylor.
Notre proposition de Charte, que vous pouvez consultez sur le site de notre Collectif, se veut une contribution à ce débat démocratique nécessaire. Elle rejoint les préoccupations de la grande majorité des Québécois et rencontre d’énormes sympathies auprès des partis politiques d’opposition, du Conseil du Statut de la Femme, de l’ensemble des syndicats et également d’une bonne partie de notre élite intellectuelle qui réclament unanimement que le gouvernement assume ses responsabilités et adopte une Charte de la laïcité. Le succès de cette bataille dépendra de la mobilisation de tous ces acteurs de la société civile jusqu’au simple citoyen. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’avenir s’annonce radieux…

Entretien réalisé par Hakim Arabdiou

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Lettre à la Fédération des Commissions scolaires du Québec

par ReSPUBLICA

Nous relayons, ci-après, une lettre ouverte à la Fédération des Commissions scolaires du Québec suite à l’incorporation du hidjab dans l’uniforme officiel d’un établissement scolaire québécois.
La Rédaction de Respublica.

Mesdames et messieurs,

Militantes des Droits Humains et des Droits des Femmes, nous sommes choquées et très inquiètes par la décision de la direction du Collège Marguerite De Lajemmerais de Montréal.

La direction de ce collège public a mis à disposition des élèves DITES « musulmanes » un hidjab à l’effigie de l’école comme faisant partie de l’uniforme officiel de l’établissement.

Nous connaissons les divergences qui opposent La Centrale de l’enseignement du Québec qui s’oppose au port du voile dans l’école publique, et la Commission des Droits de la Personne, qui voit une discrimination dans son interdiction.

La Fédération des Commissions Scolaires du Québec a proposé de laisser la décision à la direction de chaque école.

Le fait « d’offrir » le hidjab aux élèves « musulmanes » donne une légitimité au voile islamique alors que le port du voile est contesté par la majorité des musulmans qui vivent leur religion dans l’intimité, ainsi que par de nombreuses autorités musulmanes.

Cette décision démontre que l’on considère automatiquement comme « musulmanes » des filles qui sont nées dans des communautés ou des familles musulmanes qui peuvent elles mêmes ne pas se définir comme telles et qui ne veulent surtout pas que la religion soit leur marqueur identitaire. Par ailleurs, cette décision ignore aussi la volonté de ceux qui, bien que croyants, veulent pratiquer leur religion sans imposer le port du voile à leurs filles.

Vous participez de ce fait à une discrimination envers des jeunes canadiennes qui veulent être simplement considérées comme citoyennes canadiennes.

Comment pensez- vous éviter que les filles au « hidjab » ne fassent pression sur celles qui refusent le communautarisme dans lequel on veut les enfermer.

Comment ignorer, à nos jours, les différentes formes de pression que subissent les filles, les femmes, au nom de lois ou de coutumes prétendues islamiques.

C’est en criant au racisme et à la discrimination que les fondamentalistes musulmans sont arrivés à faire valoir leurs revendications religieuses et communautaristes auxquelles vous avez répondu par ce que vous considérez comme « accommodements raisonnables ».

Nous nous élevons contre tout racisme et toute discrimination mais nous nous déclarons contre les accommodements au nom des religions.

Aussi est il de notre devoir de vous dire que le respect des cultures tel que vous semblez le concevoir nous amène à une différence de droits, à une sous-citoyenneté, et à un recul des droits des femmes.
Le Droit International, la Charte internationale des Droits de l’Homme, la Convention relative aux droits de l’Enfant, la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discriminations à l’égard des Femmes, auxquels le Canada a souscrit doivent nous guider pour ne pas adopter des décisions, des politiques, qui ont un effet discriminatoire sur la majorité des citoyens.

Je vous prie de voir dans notre démarche la préoccupation de voir une école libre de toute pression communautariste et, ou religieuse.

Nous vous prions, Mesdames et messieurs d’accepter l’expression de notre considération.

Premiers signataires : Women’s Initiative for Citizenship and Universal Rights (WICUR), Lalia Ducos, militante associative, présidente de l’association WICUR, Initiative de Femmes pour la Citoyenneté et les Droits Universels (IFCDU) ; SIAWI—Secularism Is A Women s Issue ; Marieme Helie Lucas, sociologue algérienne, fondatrice du reseau Women Living Under Muslim Laws, coordinatrice de SIAWI ; Samia Allalou, journaliste algérienne secrétaire de Wicur ; Hakim Arabdiou, militant associatif ; Soad Baba-Aissa , militante associative, trésorière de Wicur ; Cherifa Kheddar, Présidente de DJAZAIROUNA, association des Familles Victimes du terrorisme islamiste ; Harsh Kapoor, South Asia Citizens Web (WWW.sacw.net) ; Jeanine Caraguel, Algérienne, linguiste Paris ; Amel Feve, responsable qualité, Paris ; Catherine Deudon, photographe Paris ; Bernice Dubois, féministe et déléguée du MAPP à l’ ONU ; Annie Sugier, Présidente de la Ligue du Droit International des Femmes ; Aouicha Ouamrane, juriste algérienne ; Aouïcha Ouamrane, membre de la direction du Parti pour la Laïcité et la Démocratie(Algérie) ; Françoise Liassine, professeur agrégée de philosophie ; Rita Moreira, journaliste, Sao Paulo, Brasil ; Lucette Hadjali, militante algérienne, fait partie des Anciennes Moudjahidates ( combattantes) algériennes ; Jeanne favret Saada, directeur d’études, EPHE (Paris) ; Jean Pierre LLedo, cinéaste algérien ; Anissa Lemouchi- Baba-Ali Turqui, pédiatre urgentiste ,Paris ; Danielle Charest, lesbienne politique ; Micheline Carrier, éditrice de Sisyphe (Québec) ; Daisy Attali, membre de la Commission de lutte Contre les Intégrismes, Paris ; Marthe Orfus, membre de la Commission de lutte Contre les Intégrismes, Paris ; Monique Bouaziz, membre de la Commission de lutte contre les Intégrismes, Paris ; Luce Sirkis, membre de la Commission de Lutte contre les Intégrismes, Paris ; Malika Zouba : Ioana WIEDER Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir ; Marie Claude baldo, enseignante ; Gerard Baldo, membre KIWANIS, Asnieres France ; Azar Majedi, Chair of Organisation for Women’s Liberation, Organisation for Women’s Liberation ; André Gomar, militant de la laïcité, Saint Denis 93 ; Souad Inal, Algérie ; Françoise Davignon, ambulancière SAMU Paris ; Vanina Royer, infirmière anesthésiste, Paris ; Dr Azzedine Ayachi, praticien Hospitalier, responsable médical SMUR pédiatrique SAMU, Paris ; Linda Wiel-Curiel, avocate au Barreau de Paris, Ligue du Droit International des Femmes ; Michèle André, Sénatrice, Présidente de la délégation Droits des Femmes du Senat, Ancienne Ministre Initiative Féministe Européenne (IFE- EFI) ; Huguette Chomski-Magnis, professeur agrégée, responsable associative Paris ; Fewzi Benhabib, professeur de physique, Saint Denis Paris ; A.Michard. Paris ; Rym Helal, Montréal, Québec ; Christine Bouchara, réviseuse, Paris France ; Sabine Salmon, Présidente de l’association Femmes Solidaires, Paris, France ; Michèle Viannes, Présidente de l’association Regards de Femmes, France ; Anne Marie Lizin, Sénatrice belge, ancienne présidente du Sénat belge, Bruxelles, Belgique ; Monique Dental, animatrice du Réseau « Ruptures » ; Réseau Féministe « Ruptures » ; Aisha Lee Shaheed, networker Wluml Canada/pakistan.

Liste non close pour signer ou écrire à « laliaducos@gmail.com »

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Adoption par les homosexuel(le)s : mettre fin à l'hypocrisie !

par L'Union des FAmilles Laïques
www.ufal.org

Source de l'article

La Cour européenne des droits de l’Homme, sise à Strasbourg (dont nous rappelons que cette cour n’a rien à voir avec l’Union européenne et sa Cour de justice de l’Union européenne siégeant à Luxembourg) donne raison quelques années après aux combattants laïques. Et voilà que le tribunal administratif de Besançon ouvre la brèche.
Confortée par un jugement qui va dans le bon sens, l’UFAL demande aux pouvoirs publics :

  • de mettre fin à l’hypocrisie d’une application de la loi de 1966 (celle-ci autorisait l’adoption par des couples mariés ou par un célibataire de plus de 28 ans, point barre !) restreinte par la pratique des services de l’Etat et des conseils généraux faisant preuve de discriminations directement liées à l’inclination sexuelle, avec la complicité tacite de toutes les majorités politiques qui se sont succédé depuis !
  • de permettre, dans la réforme du statut du beau-parent annoncé par la secrétaire d’Etat à la Famille, l’adoption sans discrimination en fonction de l’inclination sexuelle.

Rappelons qu’il y a dix ans, le député PS Patrick Bloche, rapporteur de la loi sur le Pacs, réclamait déjà une modification de la loi. « La société est prête à accepter que des couples homosexuels adoptent des enfants », assurait l’élu, selon lequel la jurisprudence « oblige le législateur à prendre ses responsabilités ». Depuis, le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, a redit l’hostilité « du président de la République lui-même » à l’adoption d’enfants par les couples homosexuels.
Malheureusement le rapport récent sur le sujet du député UMP Jean Léonetti refuse toute reconnaissance, via ce texte, de l’homoparentalité, et Nadine Morano qui avait pourtant promu la révision du statut du beau-parent, suggère d’attendre « la prochaine élection présidentielle en 2012 » pour revenir sur cette question.

L’UFAL défend depuis longtemps une position d’une grande cohérence, appelant à une refonte complète de la loi de 1975 portant définition de la famille. A la fin des fins, il faudra bien permettre à tous les couples de pouvoir bénéficier des procédures adoptives, sans discrimination selon l’inclination sexuelle !
L’UFAL rappelle que deux critères et deux seulement doivent être mis en application :

  1. l’enfant adopté doit être aimé,
  2. l’enfant adopté doit connaître ses origines
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Manifeste pour l'égalité des droits pour les couples de même sexe

par le MÉM !
Le Mouvement pour l’Égalité, Maintenant !

Le Mouvement pour l’Égalité, Maintenant ! (MÉM !) a pour objectif de promouvoir l’égalité des droits au mariage civil et à l’adoption par les couples de même sexe, à travers une campagne de sensibilisation et d’information. Porté par une aspiration citoyenne, il n’est en rien communautariste et entend rassembler sans aucune distinction, toutes celles et tous ceux qui partagent la même notion d’égalité.

MANIFESTE DU MOUVEMENT POUR L’ÉGALITÉ, MAINTENANT !

L’article premier de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dispose que «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits». Pourtant, alors que dans un souci d’équité et de justice, de plus en plus de pays à travers le monde légalisent le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe, la France, berceau des Droits de l’Homme, perpétue une discrimination à l’égard des homosexuels. «Liberté, Égalité, Fraternité», s’enorgueillit notre République. Mais où est la Liberté quand la loi interdit à un couple qui s’aime de se marier ? Où est l’Égalité quand le droit autorise à certains ce qu’il refuse à d’autres ? Où est la Fraternité quand toutes les familles ne jouissent pas de la même protection ?

Engagement laïc, le mariage civil est, contrairement au mariage religieux, le seul mariage reconnu par la loi française, et ce depuis 1792. Aucun principe républicain ne peut justifier que les couples homosexuels en soient privés. L’homosexualité n’est pas un choix, se marier doit en être un pour tous les couples qui le désirent. Même si le Pacs instauré en 1999 fut un premier pas vers la reconnaissance officielle des couples de même sexe, il reste, comparé au mariage, très insuffisant en matière de droits et de devoirs. En outre, aucun Pacs, union civile ou autre formalité administrative, ne symbolisera jamais l’amour entre deux êtres avec autant de force que le mariage. En exclure les couples homosexuels infériorise non seulement leur sentiment amoureux, mais nie aussi leur aptitude à fonder une famille. Cette marginalisation légitime de fait une citoyenneté de seconde zone, qui entretient dans l’inconscient collectif une homophobie latente aux conséquences trop souvent dramatiques.

Mettons fin à l’hypocrisie qui prétend vouloir lutter contre le fléau de l’homophobie sans s’attaquer à l’une de ses causes principales qu’est l’inégalité devant la loi. Mettons fin à cette idée reçue selon laquelle les homosexuels n’auraient aucune vocation à vivre en couple et à élever des enfants. Pensons à ces familles homoparentales qui partagent leur vie sans avoir les mêmes droits ni la même protection que les autres. Pensons à l’idéal républicain, et mettons fin ensemble à cette injustice qui entache l’honneur de notre pays. Seule une mobilisation citoyenne de grande ampleur, dépassant toutes communautés et tous clivages, forte d’un soutien médiatique, culturel, économique et politique, conduira les pouvoirs publics à l’abolition de cette discrimination.

Que le droit au mariage et à l’adoption soit enfin accordé aux couples de même sexe : voilà notre appel, voilà notre engagement, voilà l’exigence du Mouvement pour l’Égalité, Maintenant !