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La bataille des retraites 2010, une étape sur le chemin de l'émancipation
par Évariste
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Il faut donc faire mûrir notre expérience pour vaincre demainCet éditorial est une contribution au débat du mouvement social. Les dirigeants néolibéraux vont continuer, accélérer, durcir leur offensive contre les salariés, les citoyens et les peuples sur l’ensemble des dossiers sociaux et politiques. Nous devons donc tirer les leçons de cette dernière expérience pour savoir mieux résister demain et pour préparer la contre-offensive après-demain vers une politique alternative. 2010 restera une étape enrichissante et importante pour le mouvement socialLa bataille 2010 sur les retraites a permis la remobilisation des travailleurs autour des mots d’ordre dune Intersyndicale unie. La page semble tournée de la période où l’adversaire d’un syndicat était le syndicat le plus proche de lui. Dans beaucoup d’entreprises, notamment privées, la discussion, le débat et la participation aux manifestations étaient à l’ordre du jour. Le mouvement syndical, dans son ensemble, a regagné une image de marque, qu’il avait perdue aux yeux des travailleurs, car il a engagé une bataille de classe pour l’intérêt de la grande majorité des salariés en ne se contentant plus de défendre des intérêts catégoriels. Par ailleurs, il y avait une bonne ambiance dans le camp du travail. Les manifestations se faisaient dans la bonne humeur au son du « tous ensemble ». De plus en plus de salariés et de retraités ont compris que ceux qui étaient à la manoeuvre de cette « réforme régressive » le faisaient dans l’intérêt d’une minorité et que le mouvement social était du côté du plus grand nombre. Les réunions publiques d’éducation populaire qui ont accompagné ce mouvement de résistance ont détruit un à un tous les dogmes du néolibéralisme à commencer par ceux de la démographie et du caractère soi-disant immuable de la répartition des richesses. L’Intersyndicale unie a raison aujourd’hui d’élargir la revendication, car de plus en plus la conscience de la globalisation des combats se renforce. Par ailleurs, la pédagogie de l’unité a joué. Chacun a appris à travailler avec l’autre. Gardons la stratégie à front large et globalisons les combatsLa stratégie à front large, initiée par l’Intersyndicale unie, est un acquis qu’il ne faut sous aucun prétexte abandonner. Nous avons pris conscience que nous reprenions force par notre unité. Comme disent les travailleurs hispanisants : « El pueblo unido jamas sera vencido » (le peuple uni ne sera jamais vaincu). Historiquement, les défaites des peuples ont surtout eu lieu lorsqu’ils sont divisés. Même si nous n’avons pas réussi à empêcher cette loi scélérate, le mouvement n’est pas vaincu, il sort indemne et peut se relancer notamment par la globalisation des combats. Tout simplement parce que pour la première fois depuis longtemps, le peuple français a soutenu de bout en bout le mouvement social. Rien n’y fit : les médias aux ordres, les provocations du pouvoir n’ont pas réussi à diviser le peuple. Dans les débats dans les entreprises, dans les réunions publiques, pas un débat sur les retraites ne s’est terminé sans parler du lien avec la santé et toute la Sécu, voire toute la protection sociale ou encore du lien avec les services publics, la politique économique et la politique de l’Union européenne, etc. Nous avons donc avancé en terme de globalisation des combats. Il faut continuer. Pourquoi ? Parce que toutes les réformes régressives actuelles n’ont qu’une fonction : baisser les salaires, baisser les retraites, baisser les remboursements sécu, diminuer les droits des salariés et des citoyens, diminuer les principes républicains de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de solidarité, de démocratie, de sûreté, de souveraineté populaire et de développement écologique et social. De plus en plus émerge l’idée que cet ordre social et économique n’est plus supportable. De plus en plus voit le jour la nécessité d’une rupture démocratique, sociale, écologique et laïque pour aller vers ce que Jean Jaurès appelait la République sociale. Marcher sur ses deux jambes : front de résistance et éducation populaireGarder une stratégie à front large et globaliser les combats sont indispensable et nécessaire, mais cela n’est pas suffisant. Il en faut plus. Il faut élever le niveau de conscience des travailleurs mobilisés, entraîner dans la lutte ceux qui aujourd’hui sont d’accord avec le mouvement, mais ne sont pas encore venus ni dans la mobilisation ni dans les mouvements de grève. Pour cela, d’abord développer l’action syndicale, mais développer aussi la deuxième jambe qu’est l’éducation populaire tournée vers l’action. Les travailleurs doivent se former et ne pas croire que des experts feront le travail à leur place. Plus que jamais, le principe qui énonce que « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » est d’actualité. Il convient donc de développer par l’éducation populaire tournée vers l’action une nouvelle culture salariale autonome du clergé médiatique et des experts nommés par les puissants de ce monde. C’est aussi par cette éducation populaire tournée vers l’action que se forgera, en liaison avec l’action syndicale, une culture qui rompra avec l’esprit de soumission à l’ordre établi et avec l’esprit de délégation à d’autres pour se battre pour soi. L’éducation populaire tournée vers l’action doit bien sûr former les salariés, mais aussi les informer. De ce point de vue, nous sommes en retard sur la création de nouveaux vecteurs d’information pour contrebalancer les médias aux ordres spécialistes de la désinformation. Ces médias aux ordres qui n’invitent sur leurs plateaux que ceux qui acceptent de ne pas s’opposer à leur logiciel de pensée. Par exemple, personne à la télé n’a été invité pour montrer en quelques minutes que l’argument de la démographie, principal argument pour justifier la loi scélérate des retraites, n’était qu’un dogme contredit par la raison. Personne n’a contredit ceux qui essaient de faire croire que pour aller vers l’émancipation salariale, il faut supprimer les cotisations sociales pour le financement de la protection sociale solidaire pour lui préférer la TVA sociale et la généralisation des impôts avec niches fiscales pour les plus riches. Pourquoi pas un site de l’Intersyndicale unie avec documents, débats, vidéos, ouverts à l’ensemble du mouvement social ? Développons une culture salariale autonome de l’idéologie dominanteGardons la fraternité des intersyndicales nationales et locales, des collectifs retraites. Cela doit nous permettre de continuer notre réflexion et de bien préparer notre future action collective. Mais cela n’est possible que si nous continuons à élargir le rassemblement des salariés et des retraités tant dans les fronts de résistance que dans les initiatives d’éducation populaire tournées vers l’action. Mais il faut encore plus !Il faut que nos discours soient conformes aux intérêts du plus grand nombre et donc d’abord aux intérêts des couches populaires (ouvriers, employés, majoritaires dans le pays) et des couches moyennes inférieures soumises au mouvement de prolétarisation du turbocapitalisme actuel ;1 Oui, pour cela, il faut démonter et rompre avec les discours des experts en communication utilisés par le clergé médiatique dans les médias aux ordres.
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« Qu’ils s’en aillent tous » de Jean-Luc Mélenchon
par Zohra Ramdane
Voilà un livre qui mérite d’être lu, car il montre la capacité de Jean-Luc Mélenchon à comprendre les évolutions nécessaires pour porter un projet de transformation sociale, quitte à modifier sa pensée quand cela est nécessaire, ce qui est l’apanage des grands personnages politiques. Cela est d’autant plus important que nous ne voyons toujours pas le pendant de cette clairvoyance dans les expressions du Parti de gauche. On a vu récemment des prises de position très positives de Jean-Luc Mélenchon qui n’ont pas été suivies au sein du Parti de gauche, qui semble plutôt suivre la pensée dominante de la gauche de la gauche ce qui n’est pas propice aux liens nécessaires qu’il faut reprendre avec les couches populaires (ouvriers, employés, majoritaires dans le pays).1 Il en est ainsi de bien d’autres sujets comme la laïcité, la république, les institutions… Différents sujets où les textes du Parti de gauche sont très en retard sur les positions de leur leader. 2 Il avance donc l’idée qu’il faudra peut-être rompre avec le fédéralisme européen même si il ne l’écarte pas définitivement dans l’hypothèse où « l’occasion historique se présente[rait] » (p. 86). Pourtant le fédéralisme est toujours dans les textes du Parti de gauche. Sans doute que Jean-Luc Mélenchon connaît ce décalage, mais il donne à son action la priorité vers 2012. On pourra cependant regretter le maintien d’ambiguïté entre son discours et les textes d’orientation du PG, car il perturbe des milliers de militants du mouvement social.
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Déclarations de Bockel : le retour de l'eugénisme
par ReSPUBLICA
Entretien exclusif avec Stéphane François historien des idées et politologue français qui travaille sur les droites radicales et les subcultures « jeunes ». Chargé de recherche au Laboratoire Cultures et Sociétés en Europe (Chaire Gutenberg) de l’Université de Strasbourg. Propos recueillis pour Respublica par Nicolas Pomiès Respublica : L’ex ministre Jean-Marie Bockel avait fait une quinzaine de propositions sur la prévention de la délinquance juvénile dans un rapport remis à Nicolas Sarkozy, où il met l’accent sur la responsabilisation des parents et revient sur l’idée controversée d’un repérage des troubles du comportement dès 2-3 ans. Comment expliquez vous qu’un responsable politique se disant toujours de gauche puisse relancer de cette sorte les théories eugénistes ? Stéphane François :Votre question amène plusieurs réponses, de différentes natures. Une première, qui relève du bon sens : il ne suffit pas de se dire de « gauche » pour l’être réellement. Jean-Marie Bockel a beau se dire de « gauche », il ne cautionne pas moins une politique ouvertement libérale-conservatrice. Ce constat amène ma seconde réponse : l’idée d’un repérage de possibles troubles chez de petits enfants implique une autre idée, celle du poids de l’inné, et donc de la génétique. En France, la principale structure à avoir « biologiser » les comportements sociaux, la « sociobiologie », fut le GRECE d’Alain de Benoist, notamment dans son premier corps de doctrine. A l’époque, c’est-à-dire dans les années soixante-dix, la Nouvelle Droite fut ouvertement inspirée des thèses de psychologues conservateurs et eugénistes comme Raymond Cattell, Hans Eysenck ou Arthur Jensen, qui remirent au goût du jour les postulats eugénistes de la psychologie galtonienne, formulée à la fin du 19ème siècle. Cependant, les néo-droitiers vont rapidement s’éloigner de ces positions, à la suite de l’évolution antimoderniste d’Alain de Benoist au début des années quatre-vingt. Les positions soutenues par les différents gouvernements du président Sarkozy s’inscrivent ouvertement dans ce type de discours. Cela n’est pas étonnant outre-mesure : les discours inégalitaristes que ces positions impliquent étaient très fréquents dans les milieux de la droite conservatrice et libérale du début du 20ème siècle. Par contre, il est étonnant qu’à l’aube du 21ème siècle, un président fasse encore référence à des discours discrédités scientifiquement depuis longtemps, et rejetés par tous, y compris par les néo-droitiers qui les ont diffusés en France. Enfin, il faut garder à l’esprit une chose : les idées eugénistes, sous-entendues dans l’idée d’un repérage de possible trouble, ne sont pas incompatibles avec des idées de gauche, en particulier sociale-démocrate. En effet, durant l’entre deux-guerres, les principales nations ayant mis en place une politique eugéniste positive furent des démocraties : Etats-Unis, dans la République de Weimar, la Scandinavie (la Suède pratiqua une politique eugéniste jusque dans les années soixante-dix), Suisse et … la France, avec Carrel ou Richet. L’URSS mis aussi en place une politique eugéniste, inspirée des thèses fumeuses de Lyssenko. Mais dans ce cas précis, l’eugénisme s’inscrit dans l’idéologie totalitaire visant à créer un homme nouveau. Respublica : Les propositions de Bockel et plus largement du Président de Sarkozy seraient donc un relent de conceptions pourtant scientifiquement dépassées. Doit on en conclure que leur formations idéologiques datent un peu ou assiste on à une victoire de la Nouvelle Droite d’avant les années 80 et au succès de sa stratégie métapolitique et gramsciste ? Stéphane François : A mon avis, la formation idéologique du Président date, si tant il en ait une. En effet, la politique gramsciste du GRECE (la « métapolitique ») a échoué, et cela dès le milieu des années quatre-vingt. Tous les spécialistes de la Nouvelle Droite en conviennent. Le constat de cet échec est accepté par des membres fondateurs du GRECE. Pierre Vial le reconnaît. Ce qui ne l’empêche pas de regretter son abandon. Les idées de Sarkozy semblent inspirées de la psychologie galtonienne mais celle-ci n’est pas néo-droitière: elle a été diffusée de la fin du XIX au milieu du XX par des personnes évoluant dans les milieux de la droite libérale-conservatrice. Le GRECE va s’en inspirer dans les années 70 (dans une phase de discours occidentaliste) mais ces thèses ne lui appartiennent pas. D’ailleurs il va très vite s’en éloigner. Mais il est vrai que les grécistes vont les mettre en avant dans le Figaro Dimanche… Ces idées, par contre resteront présentes au Sein du Club de l’Horloge, dissidences occidentaliste de la Nouvelle Droite (la scission se fera lors de l’évolution européiste et anti-américaine du GRECE à la fin des années soixante-dix), fondé en 1974 par Yvan Blot et Jean-Yves Le Gallou. Certains membres de ce Club vont faire le lien entre le RPR, l’UDF et l’extrême droite. L’influence de la Nouvelle Droite, dénoncée durant l’été 1979, dépasse de beaucoup, à la fin des années soixante-dix, les milieux extrémistes. Ainsi, Yvan Blot a été le chef de cabinet d’Alain Devaquet, alors secrétaire général du RPR tandis que Jean-Yves Le Gallou est un ancien du Parti républicain. Cependant, son projet élitiste a échoué. C’est à partir de ce moment que la Nouvelle Droite va développer sa vision nostalgique de la civilisation européenne. Respublica : Pensez-vous comme l’un des spécialistes de la Nouvelle Droite Pierre-André Taguieff que « les représentations et les arguments forgés par le GRECE dans les années soixante-dix lui ont progressivement échappé, étant repris, retraduits et exploités par des mouvements politiques rejetant l’essentiel de sa “vision du monde” » ? Stéphane François :Oui, tout à fait. Les idées du GRECE vont être reprises, grâce aux passages d’anciens néo-droitiers vers d’autres partis, non seulement par des mouvements d’extrême droite (néonazis, nationalistes-révolutionnaires, racialistes blancs, ésotéristes antimodernes, etc.), mais aussi par des acteurs de la droite parlementaire. Ainsi le livre de Michel Poniatowski, L’Avenir n’est écrit nulle part, a été écrit par Alain de Benoist. Pierre Vial l’affirme d’ailleurs sans détour dans son livre Une Terre, un peuple : « Disons, pour parler crûment, qu’ils ont souhaité exploiter le filon que pouvait représenter pour eux la capacité productive, au plan du combat des idées, des hommes du GRECE. Il est assez connu maintenant que certains livres sous telle ou telle signature, y compris celle d’un ancien ministre de l’Intérieur, ont été écrits par des membres du GRECE. J’ai le souvenir, aussi, que certains ministres giscardiens m’ont un jour proposé d’organiser pour leur parti un certain nombre d’opérations ludiques, festives, assez spectaculaires, en particulier à Paris. » Cependant, il semblerait que les relations entre les néo-droitiers et les giscardiens furent complexes, certains de ceux-ci, comme Bernard Stasi, s’opposant aux idées du GRECE et du Club de l’Horloge. — — — — - Stéphane François est l’auteur de plusieurs ouvrages et de dizaines d’articles dont le très remarqué : « Les Néo-paganismes et la Nouvelle Droite : pour une autre approche », préface de Philippe Raynaud, Archè, 2008 (ISBN 978-88-7252-287-5). On peut retrouver plusieurs de ses travaux sur le blogue « Fragments des Temps Présents » |
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Qui est Strauss-Kahn ?
par Raoul Marc JENNAR
militant et chercheur altermondialiste
L’actualité abonde de sujets. Les acteurs politiques et les évènements défilent. Un clou chasse l’autre, comme dit le proverbe. On oublie vite. Et les médias en tous genres en font chaque jour l’illustration. Or, depuis quelques temps, ces médias nous abreuvent d’articles et de sondages de nature à nous convaincre que Dominique Strauss-Kahn, s’il est candidat aux présidentielles, a toutes les chances de battre Sarkozy. Sans jamais nous rappeler ce qu’il a fait quand il était ministre de Jospin et ce qu’il fait à la tête du FMI. Bien entendu. Qui sont ces médias ? Pour l’essentiel, les grands hebdomadaires de droite (L’Express, Le Point, Paris-Match, le Journal du Dimanche) et de la gauche libérale (Le Nouvel Observateur) et des quotidiens de droite comme Le Figaro ou La Tribune. Les sondages qui nous désignent déjà le prochain président sont commandés par des journaux de droite. Il semble que les patrons de ces organes de presse (Lagardère, Dassault, ’), déçus par l’actuel occupant de l’Elysée, préfèrent quelqu’un qui leur épargnera, espèrent-ils, grèves et manifestations. D’où la nécessité de nous présenter un candidat de la gauche dite moderne, dite réaliste, dite responsable. Il me semble donc important de rappeler qui est celui qu’on invite avec tant d’insistance à soutenir, avant même que le PS ait choisi son candidat. Sans doute pour que ce choix soit celui du patronat. Pour ce faire, cinq sources utiles : le numéro du 24 avril 2010 de l’hebdomadaire Marianne avec un dossier intitulé « DSK mis à nu », l’article de Jean-Jacques Chavigné consacré au FMI de DSK dans le numéro 176 de juin-juillet-août du mensuel Démocratie et Socialisme, l’organe du courant du même nom au sein du PS, le livre de Vincent Giret et Véronique Le Billon, Les Vices cachés de DSK (Seuil, 2000), quelques chroniques que j’ai publiées en son temps dans un hebdomadaire belge ou sur ce blogue et, enfin et surtout, l’excellent dossier de François Ruffin paru dans le numéro 47 (automne 2010) de Fakir (encore en vente actuellement ’ contact@fakirpresse.info). Il me paraît indispensable de rappeler les choix qui furent ceux de Strauss-Kahn quand il était ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie de Jospin :
C’est Strauss-Kahn qui, en 1999, a proposé Pascal Lamy pour que celui-ci devienne le Commissaire européen au commerce international (avant de devenir, ensuite, directeur général de l’OMC). En 2003, Strauss-Kahn déclare à Tribune Juive qu’il se lève chaque matin « en se demandant comment il pourra être utile à Israël. » En 1991, il avait déclaré : ’Je considère que tout Juif de la diaspora, et donc de France, doit, partout où il peut, apporter son aide à Israël. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est important que les Juifs prennent des responsabilités politiques. En somme, dans mes fonctions et dans ma vie de tous les jours, à travers l’ensemble de mes actions, j’essaie d’apporter ma modeste pierre à la construction d’Israël.’ (Passage) En 2005, Strauss-Kahn fait campagne pour le « oui » au TCE. Le directeur général du FMI est fidèle à l’ancien ministre de Jospin. Sous son impulsion, le FMI instrumentalise la dette publique des pays du Nord comme du Sud. Sous la pression du monde des affaires et de la finance, les gouvernements ont décidé de ne plus permettre aux pouvoirs publics d’emprunter auprès d’organes publics de crédit, à des taux nettement avantageux. En Europe, c’est devenu la règle depuis le traité de Maastricht. Les Etats sont tenus d’emprunter auprès des banques privées. C’est la principale cause de leur endettement, vu les taux pratiqués. La seconde cause d’endettement, c’est le renflouement des banquiers et des spéculaterurs suite à la crise de 2008. Pour combattre la dette, on ne pose pas de questions sur les causes de celle-ci. On affirme que le seul remède, ce sont des réformes dites « structurelles ». Le FMI de Strauss-Kahn poursuit ainsi 4 objectifs : diminuer les salaires des fonctionnaires, remplacer les retraites par répartition par un recours aux assurances privées, réduire les investissements dans la santé, l’éducation, la culture vendre les services publics aux firmes transnationales flexibiliser le marché du travail en démantelant le droit du travail, en favorisant les délocalisations et en rendant les licenciements plus faciles augmenter les profits des firmes privées en multipliant les exonérations de cotisations sociales ou d’impôts et en gelant ou en réduisant les salaires. Ce sont ces politiques que le FMI de Strauss-Kahn impose aux pays du Sud. Avec la complicité de la Commission européenne, il fait de même avec les Etats de l’Union européenne. Nul ne s’étonnera dès lors qu’il ait très officiellement exprimé son soutien aux « réformes » entamées par Sarkozy. « On vit 100 ans, on ne va pas continuer à avoir la retraite à 60 ans , » déclarait Strauss-Kahn au journal Le Figaro, le 20 mai 2010. Quelle différence entre Sarkozy et Strauss-Kahn ? Celle qu’on peut trouver entre un Sarkobrun et un Sarkorose. C’est toujours du Sarko. Il me semble urgent que, dès à présent, les partis à la gauche du PS fassent savoir qu’en tout état de cause, il leur sera impossible de soutenir Strauss-Kahn en 2012. Il ne suffit pas de changer une personne. Il faut changer de politique. Cela va sans dire, me dira-t-on. Mais cela va encore mieux en le disant. |
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Allocution à l'occasion des cérémonies de commémoration du 11 novembre
par Jean ESTIVILL
Jean Estivill est président de l’Arac (Section de Savigny sur Orge) En 1911 lors d’une série de conférences en Amérique latine, Jaurès avait prévu ce que serait la guerre qui menaçait.« N’imaginez pas que la guerre de demain (je le rappelle, nous sommes en 1911) serait une guerre courte où quelques coups suffiraient à battre le rival.
On en tira 30 millions à Verdun. Pas un m² ne fut épargné. Après la seconde guerre mondiale les usines Renault furent nationalisées car ses dirigeants avaient collaboré avec l’Allemagne nazi. Doit on être plus explicite sur ceux qui se sacrifient pour la patrie et ceux qui vivent de la patrie. Le recours à l’histoire est la meilleure méthode pour comprendre cela et Jaurès là encore donne le meilleur éclairage. Écoutons-le toujours lors d’une de ces conférences en Amérique latine : |
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Une Algérie laïque et prospère
par Hakim Arabdiou
Pour la première fois dans l’Algérie indépendante, une formation politique, le Parti pour la Laïcité et la Démocratie (PLD), a rendu publique cet été une charte relative à la nécessaire instauration de la laïcité, en Algérie. Une charte qui vient à point nommé, tant méconnaissance et confusions de cet ordre institutionnel ou juridique sont grandes, même en France pourtant berceau de la laïcité. En effet, beaucoup croît connaître cette forme moderne d’organisation de l’Etat, en répétant le plus souvent abstraitement la définition de la laïcité, à savoir la séparation entre les Églises et l’Etat, sans pour autant que les intéressés et leurs interlocuteurs sachent précisément et concrètement de quoi il s’agit. Ce déficit en la matière est pain bénit pour les islamistes, tant en Algérie et dans les autres pays musulmans, où leur propagande assimile mensongèrement la laïcité à l’anti-religion ; qu’en Europe et en Amérique du Nord, où il la définissent faussement, et au mieux, par la seule liberté religieuse non seulement dans la sphère privée, ce qui est parfaitement conforme à la laïcité, mais aussi dans la sphère publique, ce qui constitue la négation pure et simple de la laïcité. Ces définitions tronquées permettent aux islamistes dans leur diversité, droite conservatrice, extrême droite et fascistes, d’avancer frauduleusement leurs revendications, au nom de l’ « islam », et en détournant à leur profit le droit légitime des musulmans d’exercer leur culte, notamment dans l’émigration. Clarification de quelques notions relatives à la laïcitéLa charte en question aurait cependant gagné à clarifier également les quelques notions suivantes, somme toute subsidiaires, en regard de la richesse de ce document. Le « E » majuscule du mot Eglises, figurant dans la définition de la laïcité, a trait aux religions, et non aux lieux de cultes, synagogues, églises, temples ou mosquées. Il en est de même pour le pluriel de ce mot, qui renvoie à l’interdiction de l’ensemble des confessions dans la sphère publique, et non uniquement au christianisme. C’est aussi pour des raisons historiques que la définition de la laïcité s’était vue formulée par référence aux seules religions, alors qu’elle concerne aussi dans la sphère publique, les autres particularismes : ethniques, nationaux, sexuels, ainsi que l’athéisme, l’agnosticisme, les opinions politiques partisanes, etc. Car c’est la religion chrétienne, instrumentalisée par les intérêts de classes au pouvoir, qui avait constitué l’un des obstacles politico-religieux majeurs à l’évolution des mœurs et des lois dans les sociétés et les États occidentaux. Il est deux autres confusions sémantique et graphique fréquentes, même chez des personnes au fait de la laïcité. Il s’agit des mots « laïc » et « laïque » qui sont loin d’être synonymes. Et pour cause ! Le mot « laïc », désigne les catholiques, qui exercent au sein des églises, sans toutefois appartenir au clergé. Ils ne jouissent de ce fait d’aucun grade dans la hiérarchie ecclésiastique catholique ou clergé. C’est donc tout le contraire de clerc, qui désigne, lui, un membre du clergé : diacre, prêtre, vicaire, évêque, archevêque, cardinal et pape. Quant au mot « laïque », terme neutre du point de vue grammatical (on écrit un État laïque ; une École laïque), il désigne les partisans de la séparation des Églises et de l’État. La différence entre laïcité et sécularisationEnfin, la laïcité est souvent confondue avec la sécularisation. Si la laïcité bannit tous les particularismes, c’est uniquement de la sphère publique, au profit des lois civiles et communes à tous les citoyens. Autrement dit, elle sécularise et modernise la sphère publique, qui est celle de l’Etat et des collectivités territoriales, espaces naturels et exclusifs de la puissance publique. Parallèlement, et sous réserve de respect du principe de l’ordre public, elle reconnait et garantit la libre expression de ces mêmes particularismes et autres dans la sphère privée. Cette sphère couvre tout ce qui est en dehors de l’espace étatique et de celui des collectivités territoriales. Ainsi, la laïcité garantit dans la sphère privée autant la liberté de culte que celle de blasphémer. Cette dernière est la libre critique des religions, y compris l’islam, que ce soit leur caractère métaphysique ou leurs dimensions misogyne et attentatoire aux droits de l’Homme. Historiquement, les consécrations politique et juridique du droit de blasphémer a constitué l’un des socles sur lequel se sont érigés les droits de l’Homme et l’Etat de droit. Pour ce qui est de la sécularisation ou déconfessionnalisation, il s’agit d’un long et lent processus idéologique, intellectuel et juridique d’émancipation des consciences individuelles et collectives, du droit, ainsi que des croyances et des pratiques sociales par rapport aux religions. Sa finalité est la disparition de ces dernières des communautés humaines. Compatibilité entre islam et laïcitéA l’exception des ignares, des racistes, ainsi que des islamistes et de leurs « idiotes utiles », unis par leur commune imprégnation des conceptions européocentriste et essentialiste de l’islam, et grâce aux progrès des sciences humaines et des sciences sociales, ainsi qu’en matière de connaissance cumulative de l’islam et des sociétés musulmanes, plus personne ne conteste que cette religion, ou plus exactement son interprétation et son application, n’est pas moins ni pas plus réfractaire à la laïcité et à la modernité, que le judaïsme et le christianisme. Pendant des siècles, le christianisme et son bras séculier, l’appareil d’Etat, avaient imposé leur pouvoir obscurantiste et répressif sur les êtres et les consciences des peuples européens, en même temps qu’ils avaient plus tard farouchement combattu les répercussions sur leurs sociétés et leurs institutions politiques, sociales, culturelles et scolaires des gigantesques et irréversibles bouleversements entraînés par la révolution industrielle dans le Vieux Continent ; révolution initiée par une nouvelle classe alors révolutionnaire, la bourgeoisie, et son élite intellectuelle, les philosophes des Lumières, qui n’étaient pas tous athées, contrairement à ce que l’on croit. L’interprétation anti-modernité de l’islam, dont l’islamisme représente l’expression extrême, s’explique avant tout par la persistance des sous-développements socio-économique et culturel des pays musulmans. Comme elle s’explique par le fort déficit démocratique de ces pays, notamment en matière de libertés de conscience et d’expression, dont le droit de critiquer l’islam, de croire, de ne pas croire ou de changer de religion. La laïcité est un patrimoine universelIl n’existe pas plus non plus de « laïcité musulmane », que de « science islamique » et de « science prolétarienne », de triste mémoire. La laïcité consacre en fait l’autonomie de l’individu par rapport à la communauté. De même que sa vocation universelle s’inscrit dans le vaste processus, entamé il y a quelques six siècles, d’évolution des sociétés humaines et des États, avant tout européens, vers la sécularisation et la modernité, notamment politique ; cette dernière devenant la norme universelle d’organisation de la quasi-totalité des États de la planète : république, parlementarisme, séparation des pouvoirs, suffrage universel, etc. En Occident, les islamistes ont néanmoins réussi à duper et à enrôler à leur projet d’Etat théocratique et d’une société inégalitaire, ce que la fraction laïque et féministe de la gauche républicaine en France a surnommé les « idiots utiles » des islamistes : universitaires, journalistes, militants et sympathisants politiques et associatifs… C’est d’ailleurs dans ce vivier que se recrutent aisément ces « petits soldats » de l’islamisme, et autres tenants du « Qui-tue-qui ? » en Algérie, en vue d’absoudre les islamoterroristes des atrocités innombrables que ceux-ci y ont commis. On peut citer quelques universitaires et en France, uniquement : François Burgat, Bruno Etienne, Jean Baubérot, Cécile Laborde… Leur vision européocentriste de l’islam et des musulmans les a rendus vulnérables aux manipulations, dont ils sont victimes de la part des intégristes musulmans, qui leur ont fait confondre islam et islamisme, musulmans et islamistes. L’extrême droite, païenne et chrétienne, ainsi que les sionistes d’extrême droite font le même amalgame. Ce qui dans les deux cas attise la musulmanophobie, qui est du racisme envers les adeptes de l’islam, contrairement au terme « islamophobie », terme inventé par les théocrates iraniens pour disqualifier toute critique à leur encontre, et qui signifie étymologiquement, la libre et légitime critique de l’islam. Il faut tout de même savoir que ces « idiots utiles » sont antilaïques uniquement, lorsqu’il s’agit de prêter main forte aux islamistes en vue d’empêcher les migrants musulmans ou de cette origine de bénéficier des bienfaits de la laïcité et des processus d’intégration dans leurs pays d’accueils respectifs. L’objectif est de les transformer en masse de manœuvre des islamistes. La chercheure, Cécile Laborde, par exemple, n’a pas manqué, au cours de la conférence sur le rapport entre laïcité et islam, qu’elle avait donnée au printemps dernier, à Alger, d’usera sans retenue, comme ses amis communautariens (terme désignant les chercheurs antilaïcité, et généralement, pro-islamistes), de leurs expressions habituelles visant à discréditer la laïcité et à insuffler plus de force aux revendications des intégristes musulmans ; expressions ne reposant de surcroît sur aucune validité scientifique telles que « catho-laïcité », « laïcité stricte », « laïcité ouverte », « laïcité critique , etc. Elle a repris, et à son insu, là aussi, le discours mystificateur des islamistes, en employant systématiquement à tort les mots «islam » et « musulmans » au lieu de celui d’ « islamisme » et d’ « islamistes » Elle a également repris à son compte, à l’instar de ses amis, un autre registre du discours malhonnête des islamistes instrumentalisant le racisme et autres discriminations, dont sont parfois victimes en Occident les citoyens musulmans ou de cette origine, et leur corollaire la mentalité victimaire que cela provoque chez certains, afin de jouer sur cette corde sensible, et calomnier tout rejet de leurs revendications en les qualifiants d’ « islamophobes », de « racistes »… La laïcité, c’est le passage d’un Etat pré-moderne à un Etat moderneEn Algérie, la lutte des féministes pour la sécularisation de toutes les lois concernant les femmes et la réaction ces dernières années d’une frange encore minoritaire de la société civile contre les atteintes à la liberté de conscience, deuxième grand principe de la laïcité, notamment la répression polico-judiciaire de la liberté de culte de citoyens chrétiens algériens ou des déjeuneurs pendant le ramadan sont des signes encourageants pour l’instauration de la laïcité dans ce pays. Cette dernière ne doit toutefois pas être du seul ressort des quelques partis laïques algériens, des féministes et des rares associations de défense des droits civiques, mais s’étendre au plus grand nombre possible de formations politiques, d’associations, d’intellectuels et de citoyennes et citoyens. Ces réactions constitueront autant de jalons dans le combat entre autres pour l’abolition des anachroniques article 2 de la Constitution algérienne, stipulant que l’islam est religion d’Etat, et article 144 bis 2 du code pénal punissant de lourdes peines de réclusion et d’amendes une « quelconque offense au Prophète » ou critique de l’islam. Une chose est sûre : les luttes des laïques algériens convergeront de manière croissante, dans les quelques décennies à venir seulement, avec la lame de fond de la sécularisation et de la modernité, qui a commencé grosso modo depuis la décolonisation, à toucher à son tour et à des degrés divers l’ensemble du monde musulman. |
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Le religieux réinvestit le politique
par Patrick KESSEL
Président du Comité Laïcité République
La République célébrera dans quelques semaines le 105ème anniversaire de la Loi de 1905, dite de séparation des Églises et de l’État. Une belle opportunité pour rappeler l’importance de la laïcité face à la montée des communautarismes, des intolérances religieuses et de la tentation renouvelée des différents clergés à s’immiscer dans le politique.En Iran, au moment où ces lignes sont écrites, Sakineh Mohammadi Ashtiani, accusée d’adultère est menacée de lapidation au nom de la morale des « fous de Dieu ». C’est l’antique message de peur et de haine de la femme qu’on réhabilite. Imagine t-on une telle condamnation pour un homme présumé adultère ? Haine des femmes, haine des autres, haine de la liberté : leitmotiv d’une barbarie qui prétend éclairer l’avenir de l’humanité en lieu et place de l’éthique des Lumières. Sur une échelle différente, ce sont des idées similaires qui ont conduit des Églises évangéliques et catholique à lancer une violente et indécente campagne contre Dilma Rousseff, la candidate à la présidence de la République brésilienne, au prétexte que cette femme divorcée s’était prononcée en faveur d’une évolution de la législation sur l’interruption volontaire de grossesse. La dauphine de Lula a finalement été élue et même bien élue, ce dont nous nous réjouissons. Mais à quel prix puisqu’elle a été contrainte d’abandonner une partie de son projet. Il n’est peut être pas inutile de rappeler que ce n’est qu’en 1877 que l’Inquisition a pris fin au Brésil, qui depuis a intégré la laïcité dans sa Constitution ! Le scenario n’est pas dissemblable aux Etats-Unis où la campagne électorale victorieuse des ultraconservateurs a été marquée par le retour en force d’un moralisme religieux, réactionnaire, stigmatisant pêle-mêle comme expression du diable, l’IVG, le vice, la masturbation… le « socialisme » de ce Président noir… « étranger » ! L’ingérence de l’Église romaine contre le PACS, l’IVG, la procréation assistée, l’homosexualité, la « fécondation in vitro », qualifiée de « petite sœur de l’eugénisme », en Espagne, en Argentine, au Chili, au Mexique… en Pologne, en Italie, où elle refuse de retirer les crucifix des écoles publiques, est désormais coutumière. Son omniprésence sur la scène publique et politique est telle qu’à Varsovie, un parti anticlérical vient de se créer qui veut chasser le catéchisme de l’école publique et obtenir la séparation de l’Église et de l’État ! En Espagne, l’archevêque de Madrid, président de la Conférence épiscopale, a fait descendre dans la rue des centaines de milliers de catholiques contre la libéralisation de l’avortement et la loi sur le mariage homosexuel. Et Benoît XVI en voyage officiel outre-Pyrénées a de nouveau martelé ces thèmes, s’ingérant dans la politique espagnole, tandis qu’à Barcelone, plusieurs milliers de personnes manifestaient pour la défense de la laïcité et contre l’utilisation des deniers publics pour accueillir le pape. Les Anglais avaient trouvé la même liberté de ton qui fait cruellement défaut aux Français, contraignant le gouvernement britannique à limiter le financement public du voyage pontifical à Londres et le Vatican à prendre en charge une partie du déplacement en faisant payer l’entrée aux offices ! En France, le pouvoir religieux continue de s’insinuer dans les grands choix de société et notamment les lois éthiques, jugées « trop libérales ». Le gouvernement vient ainsi de reculer en maintenant l’interdiction de principe de recherches sur l’embryon et les cellules souches, sauf dérogations très difficiles à obtenir, tandis que l’obligation de révision de la loi qui s’imposait au législateur tous les cinq ans, permettant d’intégrer les problématiques nouvelles liées aux découvertes scientifiques, est supprimée ! De la même façon, l’Église pèse pour interdire toute évolution législative en faveur du droit à mourir dans la dignité alors qu’un sondage récent atteste que près de 90 % des français sont partisans de laisser à chacun la liberté de choisir sa fin de vie. Si chaque famille spirituelle a toute légitimité pour participer aux débats de société et proposer des règles de comportement à ses fidèles, dès lors que ceux-ci sont libres d’adopter ou de refuser, le retour du moralisme religieux en politique et les pressions sur l’État sont inquiétants. D’autant que les ministres de ces cultes ne prêchent pas toujours par l’exemple ! Le chef de l’Église catholique belge vient ainsi d’être poursuivi pour homophobie après avoir qualifié le sida « de justice immanente consécutive à la permissivité sexuelle ». Quant aux auteurs d’actes pédophiles, l’institution catholique aurait été bien inspirée de saisir la justice plutôt que d’essayer de cacher les faits et de se satisfaire de repentances. Aussi eussions-nous préféré que le président de la République Française, qui confondait il y a peu le rôle de l’instituteur et celui du prêtre, conserva à son déplacement en octobre dernier au Vatican et à sa participation à une messe spécifique un caractère privé. Au lieu de cela, le président a pu donner l’impression d’être venu chercher quelque soutien électoral, voire quelque pardon, après certaines déclarations concernant des populations nomades ! Offensantes pour ceux qui vivent une sincère conviction religieuse, les conditions d’une telle visite sont blessantes pour les laïques qui attendent du président qui incarne la République toute entière, un devoir de réserve. C’est le Premier ministre d’une monarchie voisine, José-Luis Zapatero, qui en a donné l’exemple. Tout en recevant le pape avec les égards dus au rang d’un chef d’État, il a décidé, par souci de laïcité, de ne pas se rendre à la messe célébrée par le souverain pontife ! A Moscou, l’église orthodoxe retrouve la voie de la grande Russie blanche aux relents xénophobes et antisémites. En Egypte, les Coptes sont menacés par des musulmans extrémistes. En Irak cinquante huit Chaldéens ont été déchiquetés par une bombe alors même qu’ils étaient occupés à prier. A Jérusalem, les « hommes en noir », profitant d’un système électoral qui surdimensionne leur poids politique, veulent imposer la loi religieuse au détriment de celle de l’État, imposer leurs dogmes à tous les habitants et empêcher que soient rendus les territoires occupés, condition d’une paix durable avec les Palestiniens. Ces événements, à des degrés divers, constituent les stigmates d’une société en voie de mondialisation libérale, lancée dans une fuite en avant qui écrase les droits sociaux, explose les services publics, ravale l’individu à une fonction de consommateur, menace les valeurs universelles que la famille humaine s’était donné comme référence en 1948 pour bâtir un monde de justice et de paix. Paradoxalement, alors que le progrès scientifique et technique permet des avancées considérables – ne serait-ce qu’en termes de connaissance de l’espace, de la matière, de la vie –, progrès qui doivent être conjugués avec une éthique de la responsabilité et de la liberté, l’injustice sociale et l’ignorance font des progrès remarquables ! L’intolérance et la haine de l’autre sont de retour. L’affrontement entre communautés que prépare l’illusion d’une société multiculturelle ici et le choc des civilisations là, deviennent malheureusement des scenarii du possible. Une nation comme la France, dont l’histoire n’est certes pas blanc-bleu mais qui a porté les Droits de l’Homme et du Citoyen, a vocation à promouvoir la liberté de conscience, l’égalité des droits, la citoyenneté et donc la laïcité. A promouvoir l’universalisme de ces principes ouverts à l’humanité toute entière, à toutes les femmes et à tous les hommes, quels que soient leur couleur, leur culture, leur sexe, leur communauté d’origine, à tous différents peut–être, libres et égaux sûrement. L’anniversaire de la loi de 1905 pourrait offrir l’occasion de lancer un tel appel et de renouer avec l’image de la France aimée dans le monde : celle d’une République pleinement démocratique, laïque et sociale. |
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Coca Cola sponsorise le bonheur à 2 euros
par Sébastien Claeys
D’Épictète à Nietzsche, les philosophes n’avaient pas défriché la vaste question du bonheur. Coca Cola France profite de cette lacune pour ouvrir l’Observatoire du bonheur et financer la recherche en sciences humaines. Le bonheur, c’est simple comme une bouteille de Coca Cola… |
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Proclamer un État palestinien
par Sami Naïr
Ancien député européen, professeur à l’université Pablo de Olavide, Séville
En refusant l’arrêt des colonisations condamnées par le monde entier, Israël vient de démontrer, une fois de plus, qu’il n’obéit qu’à une seule loi, celle du plus fort, c’est-à-dire la sienne. Jamais un Etat, en dehors de l’Afrique du Sud de l’apartheid et de l’Amérique de George Bush, n’a à ce point méprisé le droit international depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le 2 octobre, les dirigeants palestiniens, après avoir avalisé depuis des années une stratégie de négociations entièrement fixée par les Israéliens et leurs alliés inconditionnels américains, ont dû se résoudre à arrêter la comédie de rencontres aussi verbeuses qu’inutiles pour leur cause. La poursuite des colonisations dans les territoires palestiniens par des Israéliens fanatiques et intégristes venait de rappeler à tous que ni le gouvernement israélien ni le président américain, Barack Obama, n’étaient décidés à lever le petit doigt pour faire avancer un processus dit « de paix » que personne ne prend au sérieux, mais auquel chacun, du moins dans les chancelleries internationales, feint de croire. Mahmoud Abbas, le chef de l’Autorité palestinienne, homme choisi par les Américains et leurs alliés arabes pour succéder à Yasser Arafat, n’a pourtant pas cessé, depuis des années, de donner des gages de bonne volonté, au point d’encourir le reproche, de la part de nombre de Palestiniens, et en premier lieu du Hamas, de n’être qu’une marionnette rampante aux mains des ennemis de la cause palestinienne. Le 8 octobre, une conférence des ministres des affaires étrangères des pays arabes s’est réunie à Syrte, en Libye, pour décider de la stratégie à suivre après cet échec du processus de paix israélo-palestinien. Les ministres arabes, qui se sont spécialisés dans la rhétorique ronflante pour mieux cacher leurs divergences et leur impuissance, trouvent toujours des formules alambiquées pour ne pas avoir à mécontenter leur protecteur washingtonien ou leurs bailleurs de fond de la péninsule arabique. La décision d’arrêter ou de ne pas arrêter les négociations est de toute façon parfaitement secondaire. Le vrai problème est de savoir si, sur le fond, les Palestiniens ont une stratégie de rechange face au piège dans lequel ils se sont placés en acceptant les conditions israélo-américaines de « solution » du conflit. Ils ont trois possibilités : soit ils continuent de négocier en espérant des changements qui leur seraient favorables à Tel Aviv et Washington, mais c’est désormais une voie sans issue car, doté d’une autonomie militaire dissuasive, le gouvernement israélien peut désobéir à n’importe qui, s’il ne choisit pas lui-même de faire la paix. Soit ils reprennent la lutte armée contre l’occupation, ce qui serait probablement le vœu d’une partie importante de la population. Mais cette voie est nocive et ne pourra pas régler ce conflit pourri, car l’avenir est à la cohabitation entre les deux peuples, et seule une solution politique, négociée, pacifique peut rapprocher Palestiniens et Israéliens. C’est pourquoi, soit dit en passant, l’option négociée était et reste la seule juste et la meilleure. Soit enfin, et c’est sans doute la dernière arme réaliste qui reste entre leurs mains après avoir, justement d’ailleurs, reconnu le droit à l’existence de l’Etat d’Israël, ils proclament à la fois leur intention de continuer à négocier et, en même temps, la création d’un Etat palestinien pacifique aux frontières définies au côté de l’Etat israélien, et doté d’instruments de souveraineté propres. Ils pourraient ainsi mettre le monde entier (la fameuse « communauté internationale » dont la duplicité n’a d’égal que le cynisme dans ce conflit) devant ses responsabilités et réellement mesurer le poids de leurs soutiens diplomatiques. Une telle solution serait extrêmement gênante pour l’Etat israélien, qui devra à son tour expliquer pourquoi le monde entier doit reconnaître l’Etat d’Israël, mais pas l’Etat palestinien. Ce qui est sûr, c’est que la réaction à chaud, après la rupture des négociations, de Jibril Rajoub, l’un des chefs du Fatah, demandant à la « communauté internationale » de faire cesser l’agression israélienne contre les terres palestiniennes ou de ne plus reconnaître « le droit à l’existence de l’Etat d’Israël », est d’une stupidité sans nom. C’est en effet exactement ce que Israël cherche à faire croire en arguant que les Palestiniens, au fond, n’acceptent pas son existence. Au contraire, les dirigeants palestiniens rendraient un grand service à leur peuple et à la cause de la paix en réaffirmant, par la proclamation unilatérale de leur Etat, la volonté de vivre pacifiquement avec un Etat d’Israël enfin libéré des colons fanatiques qui lui ont fait tant de mal. |