Chronique d'Evariste
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Morale chrétienne contre liberté individuelle : le gouvernement choisi son camp et s’oppose au droit de mourir dans la dignité

par Évariste
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Depuis quelques années, une partie des sénateurs prend à contre pied l’image de cette assemblée parlementaire réputée conservatrice. Ainsi en juin 2008, un groupe de travail de la Commission des affaires sociales et de la Commission des lois du Sénat avait recommandé de lever l’interdiction de la gestation pour autrui.
Le 25 janvier, c’était la première fois qu’une proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir était examinée au parlement en séance pleinière hors d’une niche parlementaire.
Et le texte présenté n’émanait pas d’un ou plusieurs sénateurs, mais de la Commission des affaires sociales, qui a voté à la majorité une proposition de loi synthétisant 3 propositions de sénateurs.
La démarche était donc suffisamment importante, suffisamment porteuse d’espoir pour ceux qui luttent pour pour le droit de mourir dans la dignité, pour que les lobby qui s’oposent à la liberté de disposer de son corps (donc les mêmes qui luttent contre le droit à l’IVG, la contraception, le mariage homosexuel, etc.) montent au créneau et déploient une intense activité en direction du gouvernement et des sénateurs.

Quand Fillon, Bertrand et Boutin exécutent les ordres du Vatican

Le résultat de ce lobbying est édifiant. La veille de l’examen de la proposition de loi en séance, le premier ministre publiait une tribune dans Le Monde pour s’opposer au texte et le ministre du travail de l’emploi et de la santé annonçait qu’il irait assister à la discussion au Sénat pour veiller à ce que le texte ne soit pas voté. Mais il y a mieux, la commission des affaires sociale, qui a rédigé et voté la proposition de loi, a adopté un amendement qui vidait le texte de sa substance le matin même de son examen en séance ! Il va sans dire que les téléphones des sénateurs ont du sonner souvent dans les 48h qui ont précédé la discussion du texte, qui a été retoqué à une heure avancée de la nuit.
Les réseaux qui se sont mobilisés sont sans surprise ceux de la droite catholique comme le parti chrétien démocrate de Boutin ou l’alliance pour les droits de la vie présidée par Xavier Mirabel, avec au programme lettres aux sénateurs, happening et pétitions.
Mais il ne faut pas réduire l’opposition d’autoriser une liberté individuelle plébiscitée par la population à la droite catholique. C’est en effet tous ceux qui estiment que les valeurs du christianisme doivent primer sur le droit qui forment une union sacrée pour faire pression sur les représentants du peuple. Il en est ainsi du collectif “plus digne la vie” créé il y a 2 ans pour faire du lobbying contre le droit de mourir dans la dignité au delà des clivages partisans. Son comité d’honneur comprend des personnalités aussi diverse que Elie Wiesel, Israël Nisand, Marcel Rufo, Augustin Legrand aux côtés de politiques de droite réactionnaires comme Jean-Frédéric Poisson, Pierre Mazeaud, Armand Jung, d’activistes anti-euthanasie comme Marie de Hennezel, mais aussi de personnalités impliqués dans les débats éthiques, y compris dans leur traduction législative, comme Didier Sicard (président d’honneur du Comité Consultatif National d’Ethique), Bernard Debré (député, membre de ce même comité), Jean Leonetti (député, rapporteur de la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique) ou Dominique Deroubaix (directeur de l’ARS PACA).
Le vote en conscience des représentants du peuple et l’expression de la volonté générale ne sont aujourd’hui plus de mise car les tenants de l’ordre moral, pourtant réduits comme une peau de chagrin, maintiennent par leur réseaux d’influence une chape de plomb sur les évolutions sociétales voulues par le peuple.
La gauche républicaine et laïque doit donc prendre conscience que les évolutions sociétales et leur traduction législative sont des combats qui méritent une implication et des efforts a la hauteur des enjeux et des moyens déployés par leurs opposants. Pour faire société et pour répondre aux aspirations du peuple, les libertés individuelles, notamment celle de disposer librement de son corps, font aussi partie des combats à mener.

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Les féministes Tunisiennes réclament un Etat laïque et l'égalité des droits

par Hakim Arabdiou

Plusieurs organisations féministes tunisiennes ont manifesté,  samedi 28 janvier 2011, à Tunis, pour réclamer l’inscription de la laïcité et de l’égalité totale entre les hommes et les femmes dans la nouvelle Constitution de leur pays.

En soutien à cette manifestation, les militantes de ces organisations en France et celles des leurs consœurs françaises s’étaient rassemblées au même moment, place Fontaine des Innocents, au quartier les Halles, à Paris.

Il faut dire que nos camarades féministes et laïques tunisiens s’inquiètent à juste titre des menaces pesant sur l’accès de leurs pays à la modernité politique, dite aussi transition démocratique, notamment en matière des droits de femmes, tant les sbires et les lois de la dictature demeurent presque intact, ainsi que les risques que leur fait encourir le parti d’extrême droite, Ennahda, de Rachid Ghannouchi.

Cette formation politico-religieuse avait réclamé par le passé l’abrogation des dispositions égalitaires entre hommes et femmes, contenues dans le Statut du Code personnel tunisien.

La duplicité d’Ennahda

Sachant les islamistes, sans foi ni loi, quand il s’agit pour eux d’atteindre leurs objectifs politiques, ils n’hésiteront pas pour ce faire à s’allier à une partie des caciques de l’ancien régime ou instrumentaliser une fraction de l’extrême gauche empressée dans son aveuglement à les servir.
Les progressistes arabes gardent en mémoire, comment les militants et les dirigeants du Hamas et du Djihad islamique palestiniens, avant qu’ils ne s’organisent en de telles organisations, bien que viscéralement antisémites, s’étaient néanmoins transformés en force supplétive du Shin Bet et du Shabbak israéliens, pour affaiblir la résistance palestinienne, afin d’empêcher à l’époque l’avènement d’une Palestine démocratique et laïque.

La promotion de l’extrême droite musulmane tunisienne

La chaîne du roi du Qatar, Al-Jazeera, dirigée par un militant du Hamas palestinien, s’emploie à faire la promotion de l’extrême droite en Tunisie, qui n’a pourtant pas participé à la récente révolution dans ce pays.

Auxquels s’ajoutent leur financement en millions d’euros par la fraction conservatrice ou rétrograde de la bourgeoisie tunisienne, et par les milliardaires des pays islamistes du golfe.

Les féministes et les laïques tunisiens n’ignorent pas non plus la compromission avec cette extrême droite d’intellectuels, de partis et d’associations de l’opposition de leur pays. Ces derniers s’activent depuis plusieurs années, à la rendre fréquentable.

A titre d’illustration, ils l’ont incluse dans le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie, crée il y a 10 ans, ainsi que dans l’alliance du 17-Octobre.

Il en est de même de l’autre parti pro-islamistes, le Congrès pour la République, et de son leader, Moncef Marzouki. Celui-ci avait de France où il réside, pris, au nom des droits de l’Homme, partie pour les islamoterroristes en Algérie, contre leurs victimes et les démocrates algériens, constitué des communistes, d’une partie de l’extrême gauche, des syndicalistes, des féministes, des intellectuels, des universitaires…

Comment peut-on construire la démocratie avec les ennemis de la démocratie, partisan de la chari’a ?

Certains chercheurs et certains commentateurs, se copiant mutuellement, nous expliquent qu’Ennahda, ce n’est pas le FIS algérien, c’est-à-dire fasciste et djihadiste. Mais quel est l’imbécile politique, qui a assimilé l’un à l’autre ? De plus, suffit-il pour un parti de ne pas recourir à la violence armée, pour qu’il soit dénué de dangerosité ?

Ils nous expliquent ensuite que de toutes les façons, les islamistes n’ont joué aucun rôle dans la révolution tunisienne, mais qu’il faut néanmoins les légaliser, car la répression ne peut que les renforcer. Les mêmes ne craignent pas de se contredire, en affirmant qu’Ennahda a été affaibli par la répression.

Il nous présente également ce parti, comme semblable à l’AKP turc. En admettons que cela soit vrai, en quoi l’AKP n’est-il pas dangereux ? En France, berceau de la laïcité, l’extrême droite et une partie de la droite n’ont pas eu besoin d’être musulmane, pour tenter de démanteler la laïcité, et d’attenter à certains droits des femmes, tels que l’IVG, etc.

La révolution exemplaire du peuple tunisien

L’exemple tunisien a encouragé le peuple égyptien à vouloir en finir avec le régime de Moubarak, au pouvoir depuis plus de 30 ans, et la levée de l’état de siège, en vigueur depuis 30 ans, également.
Ce dictateur, sous les pressions conjuguées des manifestants et des États-Unis d’Amérique, principalement, vient de nommer, pour lui succéder, lors de l’élection présidentielle de septembre prochain ou avant, si les événements tournaient encore plus mal pour lui, aux postes de Vice-président et de Premier ministre, deux généraux maffieux, et hommes de main des États-Unis d’Amérique et d’Israël.

Les deux principales missions de ces généraux : assurer l’impunité de Moubarak et de sa maffia, à laquelle ils appartiennent eux aussi, en adoptant quelques inévitables réformes, mais sans toucher aux fondements du régime ; et la sécurité d’Israël.

En Algérie, les choses sont également en train de bouger. Bouteflika et son clan sont pris de panique. Ils ont décidé d’importer une grande quantité de produits alimentaires de bases, d’annoncer un prochain remaniement ministériel (sans intérêt), de libérer les jeunes arrêtés pendant les émeutes concomitantes à celles de Tunisie, etc.

Du côté de l’opposition démocratique, de nombreuses initiatives sont entreprises, notamment la mise sur pieds de divers comités, réclamant la démocratie, la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 19 ans… Comme en Tunisie, l’opposition démocratique algérienne sera de moins seule face à la répression politico-policière du régime. De nouveaux acteurs jusque-là découragés, indifférents ou surtout effrayés pas la répression du pouvoir commencent à s’engager dans la lutte pour le changement.

La maffia du pouvoir de Bouteflika craint par-dessus tout, une jonction entre d’une part la population et l’opposition démocratique, et d’autre part, une partie du clan qui lui est opposé, dans l’armée et les appareils de sécurité, le FLN parti au pouvoir, la haute administration d’État…

Fin de la protection des despotes arabes par l’Occident

Désormais, dans leurs combats contre leurs régimes corrompus et répressifs, les peuples arabes ont tiré une leçon capitale : il leur est possible de chasser leurs despotes, pour peu qu’ils fassent preuve de courage et de détermination.

De même qu’ils disposeront dorénavant de trois atouts majeurs : la fin progressive du soutien de l’Occident aux despotes de leurs pays.

Ces despotes ne pourront plus y jouir du produit de leur brigandage, produits, qu’ils y avaient entreposé au cours de leurs règnes. Les biens dérobés seront restitués à leurs États d’origines.
Enfin, la fin annoncée, mais ce n’est pas encore gagné, de l’impunité, dont jouissaient les dictateurs et dirigeants corrompus sur les territoires des pays occidentaux. Ils ne pourront plus y trouver refuge, afin d’y écouler des jours paisibles.

Ces derniers exécuteront à l’avenir les mandats d’arrêt internationaux, émis par les nouvelles autorités politiques, contre les précédents dirigeants ayant fui leurs peuples, comme vient de le faire la Tunisie à l’encontre de l’ancien dictateur et de son épouse.

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Tunisie, monde arabe : laïcité ou islamisme, l’heure du choix

par Patrick KESSEL
Président du Comité Laïcité République

Source de l'article

La « révolution de jasmin » ouvre au peuple tunisien la voie de la démocratie et, au-delà, appelle le monde arabe à un choix décisif : laïcité ou islamisme.

Tous les démocrates se réjouissent de la chute d’un régime fondé sur la prévarication et la force et soutiennent le mouvement populaire qui devra conduire à des élections transparentes, à la mise en place d’institutions démocratiques, à des mesures économiques et sociales de simple justice.

Cette expérience, que les pays européens n’ont pas su anticiper, telle une onde de choc se propage dans le monde arabe comme un exemple, un message d’espoir pour les peuples, un message de crainte pour nombre de leurs dirigeants.

Comment ne pas s’en réjouir ? Mais nous savons que la chute du Shah d’Iran, dont nous dénoncions à l’époque le régime despotique, a ouvert la voie à celui, obscurantiste et dictatorial, des ayatollahs et au tsunami de l’intégrisme islamique.

A défaut d’une véritable montée en puissance de la démocratie dans le monde arabe, face à des régimes autoritaires et souvent corrompus, la tentation islamique apparaît déjà comme une alternative politique. Car l’islamisme, avant d’être une doctrine religieuse, est une idéologie proprement politique, l’idéologie d’une dictature et d’abord d’une dictature sur les consciences fondée sur la communauté de la « vraie foi » quand les totalitarismes du vingtième siècle reposaient sur la « supériorité » de la race ou d’une classe sociale.

L’islamisme est un projet identitaire qui se nourrit de la détestation de l’Occident, des Lumières, de la liberté de penser, de croire autrement ou de ne pas croire, de l’égalité entre hommes et femmes, de la démocratie présentée comme arme d’une conspiration contre les peuples arabes ! Mensonges paranoïaques quand le propre des principes des Lumières est de s’adresser à l’humanité toute entière, à toutes les femmes et à tous les hommes, quelles que soient leurs origines, leurs cultures…

Par la haine de l’autre qu’il développe, la violence qu’il pratique, le dogmatisme qu’il profère, l’islamisme ressemble comme un frère au populisme xénophobe qui se développe sous nos yeux en Europe. Complicité d’intérêts, complicité des bottes et des turbans : elles se nourrissent l’une de l’autre !

La montée en puissance d’un mouvement démocratique en Tunisie, pays qui dans sa jeune histoire a posé les bases d’une démocratie laïque et notamment l’égalité hommes-femmes à l’époque du Président Bourguiba, interpelle l’ensemble du monde arabo-musulman.

L’heure du choix pointe à l’horizon, entre laïcité et islamisme. Un choix qui est déjà au cœur de la société turque, en Afghanistan, en Irak, en Égypte. Quel que soit le pays, quel que soit le peuple, la démocratie à venir ne pourra être que laïque car seule la laïcité permettra la tolérance mutuelle entre majorités et minorités d’origines différentes, la liberté de conscience pour chaque citoyenne et chaque citoyen, l’égalité des droits, notamment entre hommes et femmes.

« Il ne s’agit pas d’imiter le modèle occidental mais d’assimiler la dimension universelle » plaidait un philosophe égyptien, Fouad ZAKARYA1.

Ce serait la plus belle surprise de ce siècle encore nouveau : l’entrée du monde arabo-musulman dans la démocratie et son retour dans l’universalisme des Lumières auxquelles il a contribué un temps.

Ce serait la réponse la plus intelligente aux populistes européens qui attisent la xénophobie comme réponse à l’islamisme et aux islamistes qui veulent imposer l’obscurantisme en réponse à l’Occident. Une réponse cinglante aux tenants du choc des civilisations.

Ce serait le projet le plus pertinent pour les héritiers de la brillante Carthage qui n’ont aucune raison d’entrer dans l’Histoire à reculons. En ce sens, au delà de l’Histoire et des affinités, la « révolution de jasmin » nous concerne et nous implique. Elle parle à notre cœur et à notre raison.

Ce qui se joue sur toute la rive sud de la Méditerranée et d’abord en Tunisie, aura des conséquences lourdes sur nos propres enjeux ici et bientôt. Les Nations européennes, sans s’immiscer dans les débats internes du jeune mouvement démocratique, doivent concourir à empêcher les instrumentalisations et à soutenir le développement économique sans lequel il n’y a pas de démocratie.

A tous les Tunisiens engagés dans ce mouvement, nous voulons témoigner notre amitié, notre solidarité, notre soutien et notre affection républicaine et laïque.

  1. Auteur de Laïcité ou Islamisme, Editions La Découverte, 1991. []
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Apprendre à faire la guerre

par Marie Perret
professeur agrégée de philosophie

Lorsque Jacques Chirac supprima le service militaire, on vit s’opposer, comme souvent, les progressistes (que cette décision réjouissait) et les républicains (qui, au contraire, la déploraient). Les premiers considéraient le service militaire comme une obligation liberticide et abrutissante, les seconds, comme l’un des creusets où pouvaient encore se transmettre les « valeurs » républicaines. Il n’était pas interdit d’être plus pragmatique : on pouvait craindre la disparition du service militaire au seul motif que c’était un moyen d’apprendre à faire la guerre.
N’en déplaise aux belles âmes antimilitaristes, savoir faire la guerre est précieux. Quand un pays tombe sous le joug d’un tyran, il n’est pas inutile de savoir remonter un fusil, manier des explosifs, dégoupiller une grenade, utiliser une radio. Telle est l’une des leçons que l’on peut tirer de l’Occupation.
J’appartiens à une génération qui n’a pas appris à faire la guerre. La proposition peut être entendue au sens propre comme au sens figuré : j’appartiens à la première génération à qui le service militaire fut épargné. Mais j’appartiens aussi à une génération qui a été dépossédée des armes grâce auxquelles on mène une bataille dans le champ politique.
Lorsque les gens de ma génération eurent l’âge de s’intéresser à la chose politique, le discours de la démocratie sociale était devenu hégémonique à gauche. Le mur de Berlin venait de s’écrouler. On prophétisait la fin de l’histoire : les sociétés, incitées à entrer dans le grand Marché mondial, ne connaîtraient plus, désormais, de convulsions. On constaterait bientôt que l’économie de marché était le meilleur vecteur de la démocratie. Apprendre à se battre était devenu inutile.
Pire : l’idée même que la politique puisse relever de la catégorie de la guerre était suspecte. Car l’heure était à la fétichisation du consensus. Les syndicats s’étaient majoritairement ralliés à la cogestion. La philosophie de Jürgen Habermas, en valorisant l’éthique de la discussion, apportait à cette nouvelle doxa son assise théorique. Les partisans du compromis étaient généralement loués, les diviseurs, honnis. Jürgen Habermas était en vogue, et Marx mis au rebut : qu’il puisse exister des classes, qui plus en est lutte, voilà une thèse que personne n’entendait plus.
C’est ainsi que s’installa progressivement ce que Jean-Claude Milner appelle la « politique des choses » : l’idée selon laquelle la politique est affaire d’experts, qui parlent au nom des choses, et non affaire de décisions humaines.
Le bon peuple était gentiment invité à circuler, car il n’y avait rien à dire. Les experts parlaient à sa place. Il pouvait toujours méditer devant sa caricature : le beauf et Dupont-Lajoie. Pour la jeunesse bourgeoise, adopter le style cynique et le ton de la dérision qui étaient de mise sur Canal Plus était du plus grand chic. Les hommes politiques, en toute logique, n’étaient plus seulement caricaturés : ils étaient réduits à de pathétiques marionnettes.
Ceux qui auraient malgré tout voulu entrer dans la bataille se retrouvaient sans armes. Pour mener un combat dans le champ politique, la colère ne suffit pas. Il faut transformer sa colère en indignation et son indignation en propositions articulées, rigoureusement argumentées. Il faut être capable de repérer et d’analyser des séquences historiques, afin d’avoir l’intelligence des situations. Pour cela, la connaissance de l’histoire et la maîtrise de la langue sont nécessaires. Deux choses qui, dans l’école réformée, étaient précisément battues en brèche. On aurait voulu condamner les générations à venir aux bredouillages et aux balbutiements qu’on ne se s’y serait pas pris autrement.
J’ai eu la chance de rencontrer quelques sages. Je les ai reconnus à ceci qu’ils savaient faire la guerre. Ils ont eu la générosité de me transmettre leur art. Que cet article soit une façon, pour moi, de les remercier.

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Ces sondages qui manipulent la démocratie

par Zohra Ramdane

Les sociétés de sondage sont à la démocratie ce que sont les agences de notation pour la mesure de l’économie. Les unes, liées aux banques, défendent leurs intérêts ; les autres, dans ce monde régi par l’argent, influencent les choix démocratiques de ceux qui les payent.

Pour comprendre ce jeu de manigances, il suffit de regarder pour qui opère la grande majorité des directions des médias qui utilisent les sondages. Au lieu de nous prendre pour des c… en annonçant hypocritement : « nous vous prévenons, c’est l’analyse d’un moment donné ne présumant pas pour autant le vote final », ne devraient-ils pas nous expliquer l’utilité d’un sondage fait un an auparavant ?

On voit pourtant bien de quelle manière nous sommes conditionnés : Dominique Strauss-Kahn serait le seul candidat crédible à gauche… Suite aux sondages, beaucoup que nous rencontrons nous expliquent suivre leurs résultats. Et quelle manipulation !

Il suffit de se rappeler les unes des groupes de médias Dassault et Lagardère favorisant Ségolène Royal dans la primaire socialiste pour l’échéance de 2007, puis favorisant Nicolas Sarkozy dans l’élection elle-même.

Il suffit de se rappeler que le 24 janvier 1994, un sondage IFOP-L’Express donnait Balladur gagnant le second tour de la présidentielle avec 68 % face à M. Rocard et 64 % face à M. Delors. M. Chirac battrait M. Rocard mais serait distancé par M. Delors. Dans l’hypothèse où les deux “gaullistes” seraient sur les rangs, M. Balladur, avec 41 %, laisserait loin derrière lui M. Chirac (17 %). Le 18 janvier, un sondage Sofres avait même donné le premier ministre, testé comme seul candidat de la majorité, élu dès le premier tour avec 52 % ! On connaît la suite : M. Balladur fut éliminé d’entrée de jeu, et M. Chirac, confronté à M. Jospin, élu président de la République. Au final, du sondage au vote de M. Balladur, c’est le plus grand écart jamais recensé : avec beaucoup d’argent, on nous a fait croire que c’était le candidat qui allait gagner.

Et l’histoire se répète sans fin : il suffit de se rappeler un sondage CSA-Libération sur les intentions de vote, réalisé les 5 et 6 janvier 2001, ayant crédité M. Jospin de 29 % au premier tour (pourtant concurrencé par trois autres candidats de la “gauche plurielle”), contre 23 % pour M. Chirac et 9 % pour Jean-Marie Le Pen. Au second tour, le candidat socialiste l’emporterait avec 54 %, contre 46 % au président sortant. Trois autres sondages, début février, livrent la même conclusion : M. Jospin serait élu avec 54 % (BVA-Paris Match), 53 % (Sofres-Nouvel Observateur) et 51 % (Ipsos-Le Point). L’épilogue est, de loin, très différent : le 21 avril 2002, M. Jospin est éliminé, et M. Le Pen est qualifié pour le second tour…

Un quinquennat plus tard : un sondage CSA-Marianne réalisé les 25 et 26 janvier 2006 donne Ségolène Royal, pour la première fois, gagnante au second tour de 2007, avec 51 % contre 49 % à Nicolas Sarkozy…

2012 ? Il paraît évident que si Dominique Strauss-Kahn maintient sa candidature, il y aura beaucoup de monde pour rappeler qu’il a été nommé au FMI, entre autres par Nicolas Sarkozy, et qu’il fait la politique qui frappe les couches populaires. Il descendra alors dans les sondages. Le mot est lancé : bien plus que les 24% des salariés intermédiaires et les 15% de cadres salariés, ce seront les 53% des couches populaires (ouvriers, employés) qui feront l’élection !

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La suppression des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire: Une mesure injuste et inefficace

par République et Socialisme

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Le mercredi 15 septembre 2010, le Parlement avait adopté définitivement la proposition de loi voulue par Nicolas Sarkozy et Luc Chatel, et présentée par le député UMP Eric Ciotti prévoyant la suspension des allocations familiales pour absentéisme scolaire. Les décrets d’application sont maintenant publiés.

Toujours plus de répression, toujours moins d’éducation.

Cette loi est dans la droite ligne des mesures répressives que Sarkozy multiplie envers la jeunesse en général, privilégiant toujours la répression plutôt que l’éducation et la prévention. Il fait le choix d’accroître les difficultés des familles les plus fragiles et les plus en difficultés plutôt que celui de la prévention sociale et éducative.

Une mesure injuste, inégalitaire et inadaptée.

D’abord l’absentéisme scolaire n’est pas un fléau, contrairement à ce que dit le chef de l’Etat.
C’est un phénomène stable depuis plusieurs années, il n’y a pas d’explosion du nombre des élèves absentéistes. Les causes en sont multiples et la mesure prise ne l’aborde uniquement que sous l’angle de la sanction. De plus, ce phénomène touche plus les familles déjà en difficultés socialement.

Ainsi, cette mesure ne touchera pas de la même façon les familles aisées et les plus défavorisées, c’est à dire celles pour lesquelles les allocations représentent les moyens de subsister. Elle accentuera les difficultés des dernières sans inquiéter les autres.Suppression des allocations

Une mesure inefficace

L’exemple britannique est parlant. Depuis une dizaine d’années, les autorités d’outre Manche ont privilégié la répression: sanctions financières et même emprisonnement pour les parents dont les enfants sont absentéistes! Au final, les derniers chiffres montrent une augmentation du nombre des élèves qui s’absentent. Quand l’argent manque à la maison, les enfants vont travailler plutôt qu’à l’école!

Non à la répression, oui à la prévention et à l’éducation.

République et Socialisme estime que cette mesure est injuste et inégalitaire socialement et inadaptée face a un problème qui mérite mieux que des décisions populistes à l’emporte pièce.

Pascal Langlois,
Responsable de République et Socialisme en Seine Maritime
Conseiller municipal de Rouen.

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Héritage versus travail et enseignement

par Zohra Ramdane

2012. Voilà nos militants de gauche, voire de la gauche anti-libérale, qui se mobilisent. Les meetings sont pleins de militants enthousiastes, persuadés que leur leader va les mener à la victoire, à la transformation sociale. Forts de leur leader charismatique, ces « militants politiques » estiment réussir directement par le bulletin de vote, là où les militants sociaux (associations, syndicats, notamment) n’ont pas réussi dans le mouvement social des retraites malgré leurs efforts. Nous serions sauvés par DSK, Aubry, Royal, Joly, Mélenchon, Chassaigne, Gérin, Besancenot, entre autres bien sûr.
Antilibéraux, néolibéraux ? L’essentiel est de gagner la transformation sociale et politique. Plus que la victoire des postes en 2012, c’est le chemin de l’émancipation culturelle, sociale et politique qui compte !

Pour ce faire, trois conditions indispensables sur lesquelles Respublica reviendra chaque semaine:

  1. rien ne se fera sans les fronts de résistance du mouvement social syndical où les “militants des partis politiques” ne sont pas assez présents ;
  2. rien ne se fera sans un développement des structures autonomes d’éducation populaire tournées vers l’action liées aux mouvements sociaux et politiques où les “militants des partis politiques” ne sont pas assez présents ;
  3. rien ne se fera sans prendre à bras le corps les impensés de la gauche qui obèrent sa renaissance aux yeux des couches populaires (ouvriers, et employés majoritaires en France (53%), loin devant les couches moyennes intermédiaires et supérieures.

Montrons, par exemple, un impensé dont personne ne parle et qui est malgré tout un point important dans la nécessaire reconquête des couches populaires. Toute société, tout modèle politique a des élites économiques, politiques et culturelles : la question est de savoir comment elles se constituent. Dans l’Ancien régime, c’était simple : par l’héritage et par l’allégeance. Au tout début du 20ème siècle, le flux annuel des donations et des patrimoines par rapport au revenu national était de 24,1 %. Nous étions alors dans une France dont les élites étaient les enfants des élites d’hier : la transmission se faisait par le sang.

Les avancées du début de la troisième République et les situations laissées par les cataclysmes des deux guerres mondiales ont fait baisser ce flux à moins de 10 % à la fin de la première guerre et à moins de 5 % après application du programme du Conseil national de la résistance (gloire à lui!) vers les années 1950. Nous commencions donc à sortir de la France des héritiers financiers directs.

Patatras !, la division de la gauche, sa trahison, le travail culturel des néolibéraux (Hayek, Société du mont pèlerin dès les années 50), la construction européenne faite pour la finance et les héritiers, la nouvelle gouvernance mondiale, les militants déboussolés ne se vouant qu’à des leaders, ont fait remonter ce taux à 14,5 % en 2008. Tout porte à croire qu’avec le sarkozysme ce taux est sans doute encore plus fort aujourd’hui. Retour à la case départ : la constitution des élites par le sang.

Face à ce phénomène, l’impensé de la gauche est donc de croire qu’on peut aller vers la transformation culturelle, économique et sociale sans comprendre que les couches populaires ne se mobiliseront que s’il y a, entre autres bien sûr, le retour à une mobilité sociale forte (on appelle mobilité sociale le niveau de possibilité de sortir de sa couche sociale de naissance pour aller par l’enseignement et le travail vers les élites du système).

Demandons à un militant politique “débordé” (qui ne fait pourtant rien sur les points 1,2,3 évoqués précédemment) ce que propose son organisation pour endiguer la constitution des élites par le sang et pour augmenter la mobilité sociale… nous n’obtiendrons que les balbutiements de ce militant désespéré, invoquant son leader charismatique afin de l’amener vers la victoire en chantant…