Chronique d'Evariste
Rubriques :
  • Chronique d'Evariste
  • Lutter contre le néo-libéralisme
  • ReSPUBLICA

Vers la fin du système ?

par Évariste
Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

 

Après l’article paru dans le numéro 660 de votre journal ReSPUBLICA, une nouvelle accélération a eu lieu. Ce n’est plus seulement les pays du Sud de l’Europe qui sont touchés, mais les trois principales banques françaises((BNP, Société Générale et Crédit Agricole)). Elles avouent posséder des créances sur la Grèce de respectivement de 5 milliards, 2,7 milliards et 600 millions d’euros. Mais combien sur le Portugal, l’Espagne et l’Italie ? Sans doute des dizaines de milliards au moins.

Car bien évidemment, ces banques n’ont gagné dans un premier temps de l’argent — sur le papier — qu’en spéculant sur les dettes souveraines des pays du Sud. Les apprentis sorciers que sont les dirigeants de ces banques, mélangeant allégrement le dépôt et la banque d’affaires, n’ont pas prévu la possibilité d’un défaut partiel de paiement de la Grèce… pour commencer le festival. Il n’est d’ailleurs même pas sûr que les CDS1, dernière sécurité du système, puissent fonctionner !

Il faut en déduire que les « crashs-tests », qui ont soi-disant vérifié la solidité des banques, sont en fait des assurances « pour gogos en péril ». D’abord, car cela a fonctionné avec la méthode Coué, mais aussi parce que n’a été vérifié que le solde des capitaux propres et des dettes et non le solde de leur liquidité à savoir le solde courant des recettes et des dépenses augmenté d’une étude des emprunts et des ressources qui tiennent compte des possibles ou probables défauts de paiement.

De plus, les nouvelles règles bancaires dites « Bâle III » qui demandent une recapitalisation des banques avec des ratios plus contraignants sont déjà contestées par des banques étasuniennes et le désaccord est flagrant à la Banque centrale européenne (BCE) dans l’opération de rachat des titres aux banques. Il est probable que les banques tenteront d’utiliser l’effet levier en empruntant notamment à la BCE, mais pas seulement pour éviter la chute. Mais cet effet levier peut se retourner contre eux ou ne faire que reporter sur la BCE et la mutualisation européenne la dette souveraine des États et des banques. Bref c’est le jeu « de la patate chaude ». Donc pour l’instant, nous ne pouvons conclure qu’à l’approfondissement de la crise en attendant pire demain.

Les partis politiques de gauche en retard d’un métro sur l’état de la crise

Relisez les programmes et les discours des partis et de leurs dirigeants français et analysez la situation économique et financière et sa crise systémique, voilà un exercice salutaire. L’extrême droite tente comme dans toute crise profonde de développer sa ligne réactionnaire et nauséabonde. La droite, aux abois, tente avec des rustines de plus en plus couteuses pour les couches populaires (53 % de la population) et les couches moyennes intermédiaires (24 % de la population) de colmater les brèches produites par leurs politiques depuis près de 30 ans. La gauche ordo-libérale joue au jeu de la « patate chaude » décrit ci-dessus : ils préconisent de renvoyer cette dette sur une mutualisation européenne2. Et après, à qui pensent-ils donner « leur patate chaude » ? À l’ONU ? Au FMI ? À une association multilatérale interstellaire ? Disons-le tout net : les programmes votés par les partis sont sur ce point déjà obsolètes ! Quant à la gauche d’alternative qui part pourtant d’une analyse plus juste de la crise systémique, on ne l’entend pas beaucoup ni par ses candidats ni par ses organisations politiques alors que le feu arrive dans la maison.

Bien évidemment, la situation demande une réaction de temps court basé sur la nécessité d’un audit de la dette afin d’en déclarer une partie illégitime, de changer les statuts de la BCE pour qu’elle soit dans la possibilité d’acheter au moment de leur émission les titres émis par les États, de taxer les transactions financières et d’engager immédiatement une réforme fiscale en durcissant la progressivité de l’impôt voire aussi d’engager une progressivité de la cotisation sociale elle-même et d’engager une politique de grands travaux répondant aux intérêts des peuples à commencer par les couches populaires et les couches moyennes intermédiaires.

Mais cela ne suffira pas, car les politiques keynésiennes ne peuvent pas régler le problème dans le temps long depuis le début de la mondialisation néolibérale et surtout depuis le début de la dernière phase du capitalisme à savoir celle du turbocapitalisme. Donc il faut engager aussi une politique de temps long en envisageant un nouveau mode de production et une nouvelle formation sociale qui pour nous doivent se construire autour du modèle politique de la République sociale avec ses 4 ruptures et ses 10 principes. ReSPUBLICA reviendra sur ce projet.

Et pendant ce temps-là, que font nos élites ordo-libérales ?

Le gouvernement décide de lutter contre les cigarettes illégales ! La judiciarisation de la politique bat son plein ! Les dénonciations sur les financements occultes anciens et actuels de la politique fusent ! Le débat entre la droite d’une part et le PS et les écologistes d’autre part tourne autour de savoir si « la règle d’or » de l’austérité doit être votée aujourd’hui (UMP) ou l’année prochaine après les élections (la gauche et les écologistes) : c’est une honte ! Aucun média ne demande aux  principaux candidats socialistes d’expliquer le retour de la retraite à 60 ans avec l’acceptation d’une augmentation constante de la durée de cotisation ? Notre confrère « Le Kanal » nous fait remarquer que « les Allemands font encore mieux : c’est ensemble que la CDU, le SPD et les Verts votent en faveur des mesures d’austérité quand le groupe socialiste au Bundestag invite Jacques Delors pour l’ouverture des débats. À l’Est du Rhin, le père, à l’Ouest la fille. Cela nous change. » Bien vu, non ?

Et pendant ce temps-là, on apprend que le nombre de pauvres a augmenté de 337.000 personnes entre 2008 et 2009, pour atteindre le chiffre de 8,17 millions de personnes, que le nombre de refus d’accès pour cause financière à la cantine scolaire augmente, que la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles augmente, que le nombre de décès dus au travail augmente, que la croissance des inégalités sociales scolaires et de santé s’accélère, que le besoin de logement social devient criant, que le chômage est en augmentation, que les élites gagnent de mieux en mieux leur vie, que 104.000 places de maternelle ont disparu depuis dix ans, etc.

La question devient : est-ce que l’indignation est aujourd’hui suffisante ?

  1. Credit Default Swaps, sorte de réassurance qui pourrait aussi être en défaut ! []
  2. les fameux « eurobonds » des écologistes et du PS []
Ecole publique
Rubriques :
  • Ecole publique
  • Politique
  • Politique française
  • République
  • ReSPUBLICA

Le projet d'école d'Arnaud Montebourg : de la générosité à l'angélisme équivoque

par Jean-Noël Laurenti

 

1 ». Projet séduisant, généreux, attendrissant même par la façon dont il se penche sur les destins de cas typiques (Jennifer, Kevin, Ahmed, Pascal, etc.). Mais les bonnes intentions suffisent-elles pour lutter contre la machine à broyer capitaliste ?

Couverture du livre "Mon projet pour l'école"De bonnes idées, assurément, pour contrebalancer les déterminismes sociaux et pour briser la fatalité de la reproduction sociale à l’école. Deux entre autres qui sont présentées à juste titre comme solidaires. D’une part, pour lutter contre les ghettos scolaires et, corrélativement, les parcours qui permettent aux initiés d’être dans les « bonnes classes » par le jeu des options, organiser la « mixité scolaire » par un « choix régulé » (pp. 102-103) des établissements par les familles : l’autorité publique répartirait les élèves dans les établissements d’un même secteur, à proportion identique, en fonction de leurs résultats obtenus lors d’évaluations communes. D’autre part, dans ces classes d’élèves hétérogènes, lutter contre l’échec scolaire à la racine en pratiquant la pédagogie différenciée, grâce à des petits groupes qui permettraient de remédier tout de suite à telle ou telle difficulté ; ce qui est très différent de l’aide individualisée ou du soutien, qui se réduisent souvent à un saupoudrage sur des monceaux de problèmes. Le projet résout ainsi le problème du redoublement : il ne s’agit plus de l’interdire (comme le voudraient les bonnes âmes qui lui reprochent d’être traumatisant, apportant ainsi des arguments à une logique purement comptable de gestion des flux), mais de faire en sorte qu’il ne soit plus « nécessaire » (p. 111). Par ailleurs, pour permettre à chacun d’aller le plus loin possible, il est proposé de développer largement les passerelles entre la filière professionnelle et la filière générale ou technologique, moyennant une année de scolarité supplémentaire (pp. 98-99).
Troisième bonne idée : accorder dans la journée une importance non négligeable aux études du soir (pp. 92 sqq.), assurées par des étudiants sous la responsabilité de « professeurs référents » (p. 117). Donc une aide aux devoirs obligatoire (p. 137), systématiquement organisée par l’Éducation Nationale, et contrepoids aux déterminations sociales : chacun sait à quel point la qualité du travail personnel, le calme dans lequel il s’effectue, sont décisifs dans la réussite scolaire.
Une question, toutefois : comment et à quelles heures fonctionnera le ramassage scolaire, surtout si les établissements où vont les élèves ne sont pas les plus voisins ? Comment éviter que le temps de transport le matin, s’il est un peu long, ne soit pas abrutissement dans un bus surchargé avec radio hurlante ? Que le retour puisse s’effectuer suffisamment tard pour que l’étude ne soit pas réduite à une durée symbolique, au terme d’une journée stressante parce que trop concentrée ? C’est un problème crucial, concret, qui intéresse les collectivités locales, un problème que l’État peut résoudre assurément s’il en a la volonté ; on regrette qu’il n’en soit pas parlé.
De façon générale, dans ce projet, les idées généreuses s’accompagnent de beaucoup de vague. Or chacun sait que les proclamations théoriques n’ont de vérité que dans leur réalisation matérielle ; l’expérience passée a même montré comment des promesses séduisantes trop générales laissaient la porte ouverte à des mises en pratique qui en étaient la trahison.
Premier exemple : dans la division de la journée scolaire prévue par le projet, il est dit que dans la deuxième phase (avant l’étude du soir), « un temps quotidien sera réservé aux savoirs culturels, allant du latin ― qui retrouvera ainsi une place, comme fondement de notre société ― à la découverte de l’artisanat et du patrimoine, en passant par l’apprentissage d’une autre langue, le théâtre et les autres arts ou les projets européens. Un choix sera laissé aux élèves et à leurs familles, comme un pouvoir d’initiative aux enseignants. » (P. 93.) Il semble que dans cette liste il faille ajouter les « pratiques sportives » (ibid.). Fort bien : on sait à quel point l’accès à la culture, la familiarité avec le passé, la distance qu’elle permet par rapport au présent, sont déterminants dans la formation intellectuelle de l’élève et la formation critique du citoyen, à quel point aussi c’est un point de discrimination sociale. La culture pour tous, voilà une belle révolution. Seulement, qui nous dit que dans tous les établissements, par exemple, « la découverte de l’artisanat et du patrimoine » pourra être proposée ? Jusqu’où ira le pouvoir d’initiative des enseignants ? sera-t-il déterminant, ce qui veut dire qu’on s’en remettra aux bonnes volontés locales (ou peut-être aux lubies de tel ou tel appuyées par le chef d’établissement, car nul n’est infaillible) ? Quel rôle joueront les pouvoirs publics dans la détermination de ces enseignements proposés ? Et qu’est-ce que « l’apprentissage d’une autre langue » s’il n’est pas dit que cette langue doit être enseignée pour la découverte de la civilisation du pays en question et non en tant que langue purement utilitaire, de communication ? comment peut-il être garanti qu’un « projet européen » ait une vraie vocation culturelle et/ou patrimoniale et ne soit pas simplement une préparation au commerce international ? À ce compte-là, qui nous dit que les familles de milieux populaires ne renonceront pas à choisir latin ou histoire de l’art en se disant que « ce n’est pas pour eux » et n’opteront pas, par exemple, pour foot ou basket (pour « se défouler ») et « projet européen » (parce que ça peut servir plus tard pour un emploi) ? Le seul moyen pour rééquilibrer ces choix orientés par les inégalités sociales, c’est que l’État intervienne, pèse, voire impose, comme Jules Ferry a imposé aux petits paysans d’aller apprendre à lire. Mais rien n’est dit là-dessus.
Second exemple d’ambiguïté : la réforme des obligations de service des enseignants (pp. 120-121). Il est dit qu’« elle devra intégrer les temps d’échange de pratiques et de formation… de réunions… de tutorat… de réunions diverses… Il s’agira de prendre en compte, dans la rémunération des enseignants et l’organisation de leur temps de travail, les nouvelles missions attribuées aux professeurs. Cette réforme se fera en concertation avec les enseignants et leurs représentants syndicaux. » L’idée est dans l’air dans le second degré depuis bien longtemps. C’est sous de si jolies couleurs que Valérie Pécresse, il y a deux ans, prétendait accroître la charge d’enseignement des universitaires au détriment de leurs activités de recherche, et donc de l’activité de recherche du pays tout entier. Car une garantie essentielle manque : ces nouvelles missions, dont certaines répondent assurément à des nécessités (la formation continue, le tutorat ou l’entretien avec les familles, par exemple) seront-elles assurées moyennant des décharges d’heures de cours (puisque le service actuel des enseignants est compté actuellement en heures de cours), ou bien ajoutées aux heures de cours ? Certains, on le sait bien, ont fait leur doctrine du « prof présent dans l’établissement 35 h par semaine » : la formulation du projet ne l’exclut pas, en tout cas ouvre la porte à une augmentation du temps de présence dans l’établissement, qui pourrait être significative. Or cette question n’est pas seulement une affaire corporative et ne concerne pas que les syndicats. La liberté d’aller et venir de l’enseignant, le temps qui lui est laissé est essentiel pour lui permettre de préparer ses cours, de s’informer sur sa discipline, d’aller en bibliothèque, de se cultiver pour se maintenir à un certain niveau intellectuel. Il est rare qu’on prépare efficacement son cours avec un simple manuel, même avec internet (y accède-t-on facilement et pour un temps long dans tous les établissements ?) dans le bruit d’une salle des professeurs et même dans un bureau (que le projet, prudemment, ne promet qu’aux enseignants de collège pour les activités de tutorat). Dès lors, davantage de temps de présence hors des cours, à moins que les heures d’enseignement ne soient considérablement réduites, signifie baisse de la qualité des contenus, de leur ambition critique, et donc recul dans la démocratisation du savoir.

À travers ces deux exemples, on retrouve l’ambiguïté qui a permis d’organiser la faillite de l’école républicaine dans le dernier demi-siècle : des promesses parfaitement estimables, animées d’un pur esprit démocratique, mais dont on ne nous dit pas exactement comment l’État les mettra en œuvre en faisant barrage à toutes les forces extérieures, sociales et politiques, qui s’y opposeront, des propositions suffisamment vagues pour ouvrir la porte à des mesures au jour le jour qui vont exactement à l’inverse des intentions proclamées. De fait, le projet d’Arnaud Montebourg est fortement inspiré de ceux de l’ancienne FEN, les mêmes qui ont inspiré en son temps le ministère d’Alain Savary, lequel, après les démolitions entamées par les ministères de droite, a joué un rôle décisif la dévalorisation du savoir, jugé élitiste, et dans la déliquescence de l’école républicaine.
Aussi retrouve-t-on dans ce projet la proposition d’« école fondamentale » (appelée « école commune », p. 88 et passim), qui rassemblerait dans les mêmes murs l’école élémentaire et le collège. La proposition peut se défendre, mais à condition que sa mise en œuvre non seulement ne sacrifie pas les contenus dispensés, mais au contraire assure à tous les enfants l’accès à des savoirs jusqu’ici réservés à une minorité. Or, là encore, il faut bien observer la réalité. L’école fondamentale a été conçue à une époque où il s’agissait de porter l’obligation scolaire de quatorze à seize ans, du certificat d’études au BEPC. Or, d’une part, ce n’est plus au BEPC qu’il s’agit de porter les jeunes gens, mais bien au-delà : si école fondamentale il y a, elle doit être conçue comme la première étape d’études longues, et il faut que des garanties soient données dans ce sens-là en matière de contenus et de formation intellectuelle, qui ne figurent pas dans le projet. D’autre part, dans les faits, la prolongation de l’obligation scolaire n’a pas (ou très partiellement) abouti à une véritable hausse du niveau, mais au contraire à un retardement des apprentissages, au nom du « progresser chacun à son rythme » ainsi formulé naguère sans fioriture par une inspectrice de lettres : « Ils ne savent pas lire en entrant en sixième ? Ce n’est pas grave, ils n’ont pas fini leurs études. » Temps d’étude perdu, donc, et dont pâtissent tout particulièrement les enfants de milieux populaires.
Or sur ces contenus programmatiques, le projet ne dit rien de précis. Au contraire, tout en faisant un peu la moue sur la notion de « socle commun de connaissances et de compétences » (p. 72) mise en place par la droite, il se réfère à lui (pp. 47, 84, 92 et passim). Or rien n’est dit sur le contenu de ce socle commun. Au contraire, la notion de « compétences », qui dans les faits (quoi qu’on puisse penser de la notion de compétence prise en soi et sur les sens possibles du mot, revenons toujours aux faits hic et nunc dans la société telle qu’elle est) se trouve liée à la notion patronale d’« adaptabilité » et d’« employabilité » (faire de l’élève un futur salarié docile et bien pensant, qui sache produire et se comporter comme le veut l’entreprise), ne fait l’objet d’aucune mise en garde, d’aucune critique. Rien n’empêche ce socle commun, objet de la première partie de la journée scolaire d’être un simple SMIC intellectuel, sachant que par ailleurs les « savoirs culturels » proposés en deuxième partie, comme on l’a vu, pourraient fort bien être réduits à des contenus de faible efficacité émancipatrice.
À l’occasion, précisément, le projet reprend la rengaine des « programmes chargés » (pp. 52, 71), qu’il faudrait par conséquent dégraisser : vieux mot d’ordre pédagogiste qui, prononcé à l’emporte-pièce, ne peut aboutir qu’à un appauvrissement de l’enseignement au détriment des enfants d’origine populaire, même s’il serait légitime de se demander si certains contenus ne devraient pas être allégés au profit de certains autres, et surtout si ce ne sont pas la présentation de ces contenus, leur mise en forme et les méthodes qui seraient à revoir. En effet, il est clair que les ambitions intellectuelles des programmes dans bien des disciplines, leur choix de privilégier la synthèse par rapport à l’analyse, la « problématisation » par rapport au fait brut et, disons-le, le tape à l’œil prétentieux par rapport au solide, se sont accrus depuis quarante ans, à mesure que bien des contenus de base s’amenuisaient, tandis que l’enseignement s’organisait (c’est-à-dire en fait s’émiettait) en « séquences » ou en flash thématiques et tournait le dos avec mépris à la construction patiente et continue, aux exercices répétitifs, le rendant plus difficile à suivre pour le commun des élèves.
On le voit, tout en affichant sa volonté de rompre, le projet ne s’oppose pas de façon nette et précise à ces évolutions en cours. Il peut même aller ouvertement dans leur sens. Ainsi, sur un point très important, l’indépendance des enseignants : malgré un coup de chapeau à la « liberté pédagogique de l’enseignant » (p. 73, 119), il n’est question que de les intégrer dans des « équipes pédagogiques » et même de les pourvoir d’un supérieur adjoint du chef d’établissement, le « proviseur pédagogique » (p. 119). Prudemment, il n’est pas dit ouvertement qu’il se substituerait à l’inspecteur de la discipline missionné par l’État, puisque les inspecteurs seraient plutôt préposés à des évaluations collectives (p. 122). Mais le flou en la matière est parlant. Ajoutons à cela l’idée d’une « latitude à laisser en matière de programme… d’initiatives, notamment pour les savoirs plus culturels dispensés l’après-midi » (p. 118). Voilà qui va pleinement dans le sens de l’idée, lancée sous le ministère de Savary et progressivement mise en œuvre par la suite, d’établissements à caractère propre, les uns pouvant dispensant des contenus ambitieux, les autres… autre chose. Et l’enseignant, dépendant de cette structure et non plus directement de l’État pour ce qui est de ses choix pédagogiques, n’aura plus qu’à se conformer à ce moule local. Imaginons le poids des influences extérieures, économiques bien sûr, éventuellement religieuses, on peut s’inquiéter pour la laïcité, et surtout la garantie que la qualité de l’enseignement sera la même partout.
On pourrait multiplier les exemples de ces glissements, de ces gages donnés par le projet d’Arnaud Montebourg à une politique, la même depuis plusieurs décennies, par delà la couleur des ministères successifs et de presque tous les ministres, qui a détricoté l’école républicaine, école perfectible certes, mais qu’on a dénigrée au lieu de la rendre plus efficace, et à la mise en panne d’un ascenseur social qui fonctionnait déjà poussivement.

Qu’a-t-il donc manqué aux rédacteurs du projet ?
Il leur manque d’abord une analyse approfondie de la situation de l’école de la République dans la société. S’ils admettent le principe (comme on peut le voir au fil des pages) que sa mission n’est pas seulement de fournir les bases nécessaires à l’exercice d’un métier, mais aussi l’émancipation du citoyen, ils semblent ne pas voir à quel point cette ambition fait de l’école républicaine, comme le soulignait Jaurès, un ferment de révolte insupportable dans la société de classes, à quel point il est inévitable que les forces économiques dominantes pèsent pour que cette ambition émancipatrice soit neutralisée, à quel point l’école est une forteresse assiégée et en même temps un milieu perméable où l’idéologie dominante, en se parant des plus belles plumes, peut investir, infléchir et pervertir les politiques et les doctrines éducatives. Pour ceux qui entreprennent de penser une école démocratique, cette présence permanence et sournoise de la domination de classe doit être une préoccupation de tous les instants.
Les auteurs du projet en ont quelque conscience : ainsi, il voient fort bien que « l’éducation libérale » (p. 10) et la « pédagogie libérale » (p. 14), mettant en avant le mythe de l’enfant « auto-construit » (pp. 10), reposent sur le « laisser-faire » (p. 14), abandonnent chacun à ses déterminations sociales et par conséquent ne sont que l’application du néolibéralisme économique au domaine scolaire. De même, ils se préoccupent quelque peu de l’influence des médias sur les jeunes, et ils glissent cette phrase allusive et elliptique : « Une charte de bonne conduite sera mise en place avec les médias sur les programmes destinés aux jeunes. » Mais c’est bien peu. Qu’en est-il des programmes destinés à tout le monde et dont les jeunes aussi sont abreuvés ? Chacun sait que l’enseignement de l’école républicaine va à l’encontre de l’abrutissement induit par toute la société marchande, contre la consommation aveugle et impulsive présentée comme un modèle universel allant de soi, contre l’obéissance irréfléchie camouflée en choix personnel. Et par conséquent elle a contre elle le matraquage de la publicité omniprésente, de l’audiovisuel et de la Monoforme qu’il pratique. Plus généralement elle a contre elle toute l’idéologie qui imprègne la société et les discours, tous les comportements admis et acquis, les modes de pensées transmis à toute heure de bouche à oreille et maintenant sur les forums internet, souvent par ceux mêmes qui en sont les victimes. Elle a contre elle aussi le poids des déterminations sociales, le vécu des élèves dans des familles où l’existence est difficile, le mode de vie où l’enfant part systématiquement en week-end en oubliant ses affaires, ou bien va perdre son temps avec ses parents dans le tohu-bohu du supermarché, ou bien va « traîner avec des potes » qui se moquent de lui s’il a de bonnes notes. Si les auteurs du projet avaient parfaitement conscience de tout cela, ils n’écriraient pas : « L’élève qui ne comprend pas devient perturbateur, et non le contraire. » Formule qui aboutit à faire porter à l’école et particulièrement aux enseignants la culpabilité de toute la société, puisque s’il est vrai qu’un élève qui ne comprend pas peut devenir perturbateur il peut y avoir une foule d’autres raisons extérieures qui le perturbent et l’empêchent de se concentrer pour comprendre. Mais au fond, dans le projet, l’arrière-plan social est embrumé, adouci. Les doctrinaires de l’école libérale, les ministres de droite sont pointés du doigt, à juste titre, mais ils sont seuls désignés. Les forces sociales profondes, les antagonismes fondamentaux sont ignorés. Pour l’édification de l’école nouvelle, on appelle à une union des bonnes volontés, qu’on suppose nombreuses et incorruptibles, en oubliant qu’il y en a d’autres, bien réelles, d’autant plus invisibles qu’elles sont partout présentes, aussi sournoises qu’influentes et implacables. C’est une vision angélique de la politique.
Cette absence d’analyse de classe a pour complément une absence d’analyse critique réelle de la politique des ministères passés. Sur le mode unanimiste, les auteurs du projet disent « Nous avons réussi la massification, il faut désormais réussir la démocratisation » (p. 23), sans se demander si la massification n’était pas justement le moindre mal voulu par les puissants pour éviter une vraie démocratisation et pour payer en monnaie de singe la revendication populaire du savoir pour tous. Ainsi la réforme Haby, fausse démocratisation voulue par la droite et dont on sait qu’elle s’est traduite par un appauvrissement des contenus, et donc des ambitions offertes aux enfants des classes populaires, est traitée avec indulgence (p. 42-43). À plus forte raison, on ne trouve aucun regard critique véritable sur les ministères socialistes qui, depuis 1981, ont participé activement à la démolition de l’école républicaine. On a vu au contraire que le projet se situait largement dans cette continuité. Un exemple révélateur de l’embarras des rédacteurs est la brièveté du discours sur le ministère de Claude Allègre, simplement qualifié de « calamiteux » (p. 49). Or qui l’avait nommé ? Qui croira que ce soit une simple affaire de personne et de caractère ? Est-il indifférent qu’il ait appartenu au ministère Jospin, celui qui le plus privatisé de toute la période ? Et n’y a-t-il pas continuité avec la politique de Jospin ministre de l’Éducation Nationale et auteur de la fameuse loi de 1989 qui sanctifie la pédagogie libérale de « l’apprenant au centre du système », laquelle pédagogie, on l’a vu, est par ailleurs critiquée par les auteurs du projet ?
Certes, on comprend que ceux-ci ne veuillent pas trop choquer à l’intérieur de leur propre parti : il s’agit pour Arnaud Montebourg de rassembler. Pourtant, il y a des lignes de rupture sur lesquelles on ne peut pas transiger. L’école est de celles-là, parce qu’elle joue un rôle formidable, et qui est à double tranchant : elle peut être instrument d’émancipation, mais elle peut être aussi un instrument d’asservissement qui forme les esprits à la soumission, et cela d’autant plus insidieusement que les enfants et les familles lui font confiance. Enfin, comme on l’a eu l’occasion de le voir, par delà le problème de l’école, l’état d’esprit du projet révèle une vision somme toute fort œcuménique de l’action politique. Débats et critiques restent superficiels en l’absence d’une claire vision des enjeux de classes. N’est-ce pas l’état d’esprit général du PS, qui a abandonné depuis longtemps l’idée du rôle régulateur de l’État pour flotter dans les eaux de l’économie de marché, et dont les différences avec la droite ne sont que des variantes ?
Jean-Noël Laurenti

  1. également disponible sur]
Rubriques :
  • Ecole publique
  • ReSPUBLICA

L'école ou le plaisir difficile

par Olivier Rogers
Professeur.

 

Jour de rentrée, discours de rentrée. Monsieur le Proviseur choisit de mettre en avant le principe régulateur de l’institution scolaire : l’épanouissement de l’élève. Lui emboîtant le pas, Mesdames et Messieurs les Proviseurs-adjoints ne manquèrent pas à leur tour de rappeler que l’école est avant toute chose un lieu de vie dont le centre est occupé par l’élève. Voilà qui est bien singulier, remarquai-je in petto.  Cette auto-dénégation de ce lieu fermé qu’est l’école. Des lieux de vie, les élèves en fréquentent, et ils n’ont nul besoin du lycée pour cela : cafés, boîtes de nuit…Ils ne sont, nous ne sommes tout de même pas là pour nous amuser. Certes, mais cela signifie-t-il qu’ils y soient pour s’ennuyer… ? Par simple envie de provocation, je répondrais par l’affirmative et, tout bien réfléchi, c’est la formule, abrupte, qui peut être provocante mais quant au fond, cela me paraît bien défendable. Il y a en effet quelque chose de touchant à voir certains représentants de l’institution s’échiner à faire de celle-ci un lieu d’épanouissement et d’animation ; c’est admettre, sans s’en rendre compte, que l’école - la scholè, le loisir- n’est pas le lieu d’un plaisir immédiat, du même ordre que ceux que l’on peut vivre dans le monde extérieur, et qu’en ce sens elle exige un renoncement à la recherche de ce type de plaisir. Cela n’en fait pas pour autant un endroit qui suinte l’ennui et la négation de la vie.

L’Ecole, c’est l’apprentissage et la transmission des savoirs, aussi bien techniques qu’intellectuels. Or, apprendre suppose qu’une déception soit surmontée et un deuil effectué : il s’agit pour l’élève de prendre acte de ceci  que le propre du savoir, c’est qu’il ne fait pas l’objet d’une compréhension immédiate et n’est pas dissociable du moment de l’incompréhension, du tâtonnement. Comprendre immédiatement, ce n’est rien comprendre du tout. « Il n’y a rien à comprendre » : là-dessus, le commun langage ne se trompe pas ; quelque chose qui se comprend de suite n’offre aucun intérêt et ne mérite pas que l’on s’y arrête. Suivons encore le langage. « J’ai compris ! C’était donc cela ! » ; comprendre, c’est toujours finir par comprendre et comprendre soit pourquoi l’on ne comprenait pas soit que nous ne comprenions pas alors que l’on croyait comprendre. L’expérience de la compréhension s’accompagne toujours d’un affect de joie. Joie et non simplement plaisir. Ou alors plaisir pris au difficile et non pas plaisir facile. La difficulté surmontée prend tout son sens. Bref, l’école, comme lieu de transmission du savoir, institue les conditions d’un plaisir du difficile, qui n’est pas plaisir reçu mais conçu. Où nous sommes bien loin, soit dit en passant, du pédagogisme et de son paradigme ludique. Le plaisir n’est pas forcément l’amusement… Et je me plais à retrouver l’ami Spinoza qui, achevant son Ethique, écrivait que « tout ce qui est beau est rare autant que difficile ».

Etait-ce bien cela que les têtes de proue administratives avaient à l’esprit en mettant en avant l’épanouissement de l’élève ? N’est-ce pas plutôt l’expression d’un renoncement au plaisir conquis ? Il ne fallut pas attendre bien longtemps pour avoir la réponse. « Les exclusions de cours sont désormais interdites, sauf motif gravissime. ». Si apprendre implique que l’on accepte la difficulté et l’effort, il est bien évident que toutes nos chères petites têtes blondes- et cela est bien normal- ne le conçoivent pas et agissent en conséquence. Le cours est perturbé et l’acte commun des élèves et du professeur- sous la direction de ce dernier, bien entendu- ne peut plus se dérouler convenablement. Il y a des conditions matérielles évidentes à l’intégration par les élèves de l’éthique exigeante du travail ; la première d’entre elles consistant à pouvoir exclure ceux qui ne parviennent pas à s’y plier.

Les choses ont donc au moins le mérite d’être claires : l’insistance sur l’épanouissement des élèves doit s’entendre sur le mode « animateur » et n’est en fait que le sinistre camouflage festif de l’abandon du savoir.

Rubriques :
  • Ecole publique
  • Nicolas Sarkozy
  • Politique
  • Politique française
  • ReSPUBLICA

La destruction programmée de l'école publique par la Ve République (Chronologie 2002-2011)

par Juliette Estivill
membre de la commission éducation du Parti de Gauche

 

L’Éducation Nationale est actuellement l’objet d’une série de contre-réformes qui visent à démanteler ce qui restait de l’école républicaine. La logique qui prévaut est uniquement comptable (LOLF), l’ensemble des mesures qui en découlent se fait dans cet esprit de réduction de postes (RGPP) et de casse des statuts des personnels. On tend à faire disparaître tout cadrage national que ce soit au niveau des diplômes ou du fonctionnement des établissements et du statut des enseignants. Ces contre-réformes s’inscrivent dans le processus de Bologne et la stratégie de Lisbonne qui ont pour but de libéraliser ce secteur qu’est l’éducation pour en faire « une économie de la connaissance ».

2002

— Début de la mise en place de la réforme LMD à l’Université (Licence master doctorat), suppression du diplôme du DEUG à bac+2 et de la maîtrise à bac+4. Fin du cadrage national des diplômes et multiplication de l’offre de formation (contenu du diplôme propre à chaque Université, création des bi-licences…). Ouverture à l’entreprise par la mise en place des licence-pro, des stages en entreprise… Les parcours de formations sont découpés en « unités d’enseignement ». Chacune a une valeur définie en crédits européens, les ECTS ( système européen de transfert et d’accumulation de crédits)

2003

— Juin 2003 : réforme du statut des MI-SE qui deviennent AE (assistants d’éducation) : recrutement par le chef d’établissement et non plus par le rectorat, augmentation du nombre de leur mission, annualisation de leur temps de travail, même salaire pour plus d’heures de travail, plus de représentation en CPCA…

2005

Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de Fillon du 23 avril 2005 dite Loi Fillon qui prend appui sur la loi d’orientation Jospin de juillet 1989

Principales dispositions :
— Au collège : mise en place du Socle Commun des Connaissances et de Compétences, entraînant la réécriture de l’ensemble des programmes et création du « livret de compétences » destiné à suivre l’élève jusqu’au brevet : « la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaire à l’acquisition d’un socle commun constitué d’un ensemble de connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société. » (cf rapport Thélot)

Le Socle commun réduit à un minimum le savoir que doit posséder un élève le réduisant à des compétences minimalistes : « maîtrise langue française », « maîtrise des principes des éléments de mathématiques », « culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté », « pratique d’au moins une langue étrangère », « maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication », « acquisition de compétences sociales et civiques », « autonomie et initiative ». Le terme « savoir » a quasiment disparu ; c’est le seul terme de « compétence » qui prévaut (cf le livre A l’école des compétences de Angélique del Rey, « la Découverte »).

Devenu obligatoire à la rentrée 2010 pour l’obtention du brevet, les académies traînent à en donner les résultats, car près de 100 % des élèves l’ont obtenu (dans de nombreux établissements : refus de remplir le livret, possibilité de le valider par bloc en dernier ressort, c’est le chef d’établissement qui valide)

Réforme des EPLE : développer leur autonomie en prenant appui sur le projet d’établissement « qui vise à mobiliser les équipes pédagogiques pour améliorer la performance des élèves ». Cette disposition prévoit la mise en place dans chaque établissement d’un contrat d’objectifs qui « définit des objectifs à atteindre à une échéance pluriannuelle (de 3 à 5 ans) ».

— Création du conseil pédagogique dont l’application a été fortement contrariée par les appels au boycott lancés par les syndicats, mais il a été mis en place dans la plupart des établissements. C’est le chef d’établissement qui nomme des représentants des disciplines, en théorie volontaires. Il ne fait pas partie des obligations statutaires de l’enseignant ce qui permet de résister à sa mise en place. C’est l’un des leviers pour la mise en place de l’autonomie des établissements (on y débat de la DGH, du projet d’établissement…)

Rattachement des IUFM aux universités, premier pas vers la Mastérisation. (Les IUFM ont été créés en 1990 remplaçant les écoles normales pour former professeurs des écoles, collèges et lycées. Ce sont les recteurs et les inspecteurs qui font le choix des formateurs- souvent contestés par les enseignants stagiaires pour leurs choix pédagogiques et l’infantilisation qui y règne (cf le livre La ferme aux professeurs de F. Vermorel). Il existe en France 32000 IUFM où y travaillent 4500 formateurs à temps plein et 2000 à temps partiel.

— D’autres dispositions ne seront pas appliquées comme la réforme du bac, contestée par les syndicats et les lycéens, elle sera remise à l’ordre du jour en 2009.

— Création du PPRE (projet personnel de réussite éducative) dans les ZEP : « à tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu’il apparaît qu’un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances ou les compétences indispensables à la fin d’un cycle, le directeur d’école ou le chef d’établissement propose aux parents ou au responsable légal de l’élève de mettre en place un PPRE ». Il s’agit d’un contrat signé par l’élève, les parents, le professeur principal, le chef d’établissement qui cible les difficultés de l’élève. Dans les faits, ce contrat n’a rien d’individuel, car le professeur qui a dans son service le PPRE est souvent face à plus d’une dizaine d’élèves, cela revient à un cours de soutien en math ou français, mais demande à l’équipe enseignante une paperasse lourde et inutile.

loi Montchamp qui prévoit la scolarisation des enfants handicapés dans l’école de leur quartier. Sous couvert d’intégration de ces nouveaux publics, on supprime les classes à effectifs réduits dans les écoles spécialisées, de postes d’enseignants spécialisés itinérants, disparition programmée des médecins scolaires. En parallèle, les EVS pour la maternelle et les AVS pour le primaire sont chargés de l’insertion des enfants (ce sont en réalité des contrats précaires, appelés « contrat d’avenir », CDD de 26h payés au SMIC soit environ 700 euros). Nombreux de ces postes sont réduits d’année en année, ce sera aux professeurs des écoles d’assumer cette mission

— multiplication des partenariats entre les établissements scolaires et les entreprises (cf circulaire du 28 mars 2001 « Code de bonne conduite des entreprises en milieu scolaire »)

remplacement des professeurs absents pour une durée inférieure ou égale à deux semaines par les collègues. Il existe un protocole propre à chaque établissement. Cela a pour conséquence l’allongement du temps de travail, une atteinte au statut national et permet de masquer la pénurie de remplaçants)

2006

Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) -68 articles au lieu de 45 de l’ordonnance du 2 janvier 1959- adoptée au 1er janvier 2001, entre en vigueur dans l’Éducation Nationale, dans un premier temps sous forme expérimentale pour les académies de Bordeaux et Rennes, puis pour l’ensemble des académies. Avec l’entrée de la LOLF c’est désormais 100 % du budget de l’Éducation Nationale qui est voté au parlement au lieu de 6 % auparavant (le reste étant reconduit annuellement). C’est la nouvelle politique budgétaire en matière d’Éducation adoptée par le ministre de l’Économie de l’époque L. Fabius

Le vote du budget s’accompagne de la définition d’un projet annuel de performances à atteindre sur cinq ans.

La LOLF par les contrats d’objectifs essentiellement comptables qu’elle impose aux services publics à tous les niveaux de leurs interventions, réduit de fait la portée de leurs missions et place les personnels et les établissements dans une logique de concurrence permanente, désastreuse et bien plus coûteuse pour la collectivité que les économies qu’elle est censée réaliser.

Elle a trois objectifs affichés :
— réformer le cadre de la gestion publique pour l’orienter vers les résultats,
— assurer la transparence des informations budgétaires et le contrôle parlementaire,
— favoriser le débat stratégique sur les finances publiques (source Minefi, direction du budget, février 2002).
L’application de cette loi a commencé le 1er janvier 2002 et sera achevée au 1er janvier 2006 On organise le « passage d’une culture de moyens à une culture de résultats » (source Minefi) (culture du résultat, management appliqué aux services publics -déconcentration, contractualisation, démarche qualité, contrôle de gestion, pilotage de la performance, évaluation sur objectifs définis et engagement sur les résultats…-.)

Les chefs d’établissement deviennent des « gestionnaires » et les enseignants des « salariés »>

Elle oblige à utiliser des Indicateurs de performances (ex : ISA indice synthétique d’activité) (cf les hôpitaux), des points par élève (ISQ indice synthétique de qualité : écart entre résultats attendus et constatés, des indices de performance (croisement ISA et ISQ : efficience des établissements). À terme, elle vise à créer une concurrence entre les établissements publics et entre les établissements publics et privés.

Autre nouveauté la « fongibilité » : caractéristique de crédits dont l’affectation dans le cadre du programme n’est pas déterminée de manière rigide, mais simplement prévisionnelle, elle laisse la faculté de définir l’objet et la nature des dépenses dans le cadre du programme pour optimiser la mise en œuvre. C’est un nouveau pas vers l’autonomie des établissements.

En résumé, la LOLF a pour objectif la baisse des dépenses publiques comme objectif en soi, on ne réfléchit plus aux objectifs que l’on assigne à des services publics, ni aux besoins de la population ; elle conduit à éliminer la dépense publique et à terme le service public

— mise en place des établissements RAR (Réseaux, ambitions réussite, à la rentrée 2011, les établissements primaires RAR sont entrés dans le dispositif ECLAIR (cf plus bas)

— circulaire sur méthode de lecture de Robien

— en langues vivantes, application des nouveaux programmes CERL (Cadre européen des références des langues)

Loi de rénovation du dialogue social dans la fonction publique qui menace de disparition les syndicats obtenant moins de 10 % aux élections professionnelles et tend vers un moindre pluralisme syndical.

2007, arrivée au pouvoir de N. Sarkozy

Gratuité des lycées français et baisse en parallèle de la contribution des entreprises, qui sont pourtant souvent des grands groupes. (ce qui représente 100 millions d’euros en 2010, 700 millions en 2007 pour toutes les classes depuis la maternelle et concerne 100000 expatriés).

— La RGPP : C’est la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) qui met en place le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Elle concerne à la fois tous les ministères et leurs opérateurs et les services rendus aux usagers et sur les fonctions de support au sein de l’État. Elles fondent les économies structurelles de la loi de programmation des finances publiques 2009-2011 (LOLF) En mai 2009, un rapport d’étape sur la RGPP présenté par le ministre des finances met en évidence « la transformation profonde et visible de l’État par la RGPP ». Elle vise à réduire drastiquement la dépense publique en matière d’Éducation, à partir de là découle une série de réformes qui n’ont que ce but inavoué sous couvert de réformes pour la réussite des élèves, enfin pour garantir sa mise en place, elle a besoin d’un autre levier : celle de la casse des statuts de mai 1950 des enseignants qui définissent leurs droits et obligations.

Dans l’Éducation Nationale, ce sont 8700 postes supprimés en 2007, 11200 en 2008, 13500 en 2009, 16000 en 2010. Soit 50 000 depuis 2007 et 30 000 de 2003 à 2007 soit 80 000 depuis 2002. (Voir articles dans A Gauche n° 1183, 1217) dont 25000 dans le premier degré. À la rentrée 2011, ce sont encore 16000 postes supprimés dans l’Éducation nationale. En parallèle, le ministère se gausse d’avoir embauché 16000 nouveaux agents, on se souvient du recrutement très médiatisé organisé par Pôle emploi en juin dernier.

Les services administratifs sont aussi touchés par la RGPP et se retrouvent dans une situation impossible pour faire appliquer les nouvelles réformes. Les mesures de suppressions de postes, la politique de déconcentration et de décentralisation de la gestion produisent des effets alarmants sur les personnels : « en difficulté psychologique, voire en souffrance », une « fragilisation croissante des personnels »… (cf Rapport de l’Inspection Générale de l’Administration de l’Éducation nationale et de la recherche de juin 2010)

— Deuxième volet de cette politique : l’Autonomie des établissements réalisée dans le supérieur avec la loi LRU, en germe au lycée avec la réforme Darcos, elle se met également en place au primaire avec les EPLE pour lesquels les regroupements de classes et d’écoles sont légion. C’est ainsi que l’on fabrique des écoles primaires de plus de 700 élèves.

LRU à l’Université : loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU ou loi Pécresse, communément appelée loi d’autonomie des universités. La loi LRU prévoit principalement que, d’ici au 1er janvier 2012, toutes les universités accèdent à l’autonomie dans les domaines budgétaire et de gestion de leurs ressources humaines et qu’elles puissent devenir propriétaires de leurs biens immobiliers. Les Universités gèrent leur budget, la dotation de l’État comporte trois masses : la masse salariale, les autres crédits de fonctionnement, les crédits d’investissement. Le montant global est prévu dans le contrat pluriannuel d’établissement. Elles peuvent faire appel à des fonds privés par la création de « fondations ». Elles ont la possibilité de recruter en CDI et CDD, elles sont mises en concurrence et peuvent organiser des regroupements d’établissements, modifier le recrutement des enseignants, avec des présidents d’Université aux prérogatives élargies, aux CA siègent un nombre élargi de représentants extérieurs nommés par le président de l’Université. Depuis sa mise en place, certaines Universités ont augmenté fortement leurs frais d’inscriptions, mais ils restent fixés par l’État.

— Mise en place de la commission sur la condition d’enseignant par X. Darcos avec à sa tête Marcel Pochard

— 7 juin 2007 : comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires, mais qui ne verra pas le jour avant 2013 (cf plus bas).

— Juillet 2007 circulaire accompagnement éducatif élargi en 2008 au primaire pour les ZEP puis généralisé en 2009, en réalité il n’est pas mis en place partout et s’il l’est, c’est de manière différente.

Fin de la carte scolaire : assouplissement lancé à la rentrée 2007, il a ensuite été poursuivi et accéléré par Xavier Darcos. Le ministre de l’époque, présente cette disposition comme « une mesure de justice sociale ».

— juin 2007 : décret instituant le « Livret de compétences » de l’école primaire au collège. Depuis la rentrée 2009, il est généralisé à tous les collèges. Il est utilisé à l’école primaire depuis 2008. On individualise les parcours, on raisonne en fonction de l’employabilité des élèves, à terme ce sera la fin des diplômes (comme le brevet) reconnus par les conventions collectives. Ce livret informatisé participe au « fichage des élèves ».

2008

— Publication du livre vert sur la condition enseignante : Rapport Pochard remis à X. Darcos le 4 février 2008. Présidée par M. Pochard, la commission se composait de personnes issues du monde universitaire, de la recherche, du monde politique, de la fonction publique, de représentants du monde économique.

Le rapport comprend deux parties : 1ere partie : « les enseignants à l’aube du 21ème siècle », 2ème partie : » quelles perspectives pour les enseignants ?».

Ces propositions prônent une autonomie plus grande des établissements, une annualisation des horaires des élèves, une définition locale des missions des enseignants dans le cadre d’un contrôle renforcé du chef d’établissement et d’une promotion au mérite, une individualisation des profils de poste, l’imposition aux professeurs d’un temps obligatoire à passer dans l’établissement, la mise en place d’une évaluation standardisée des savoirs et des compétences définies dans le socle commun mis en place en 2005. Ces orientations seront des références incontournables pour les réformes qui suivront.

Loi Carle : (10 décembre 2008 prise sue la base de la loi sur la décentralisation du 13 août 2004)

— Elle met en place le financement des écoles primaires privées par les communes de résidence des élèves même si ceux-ci sont scolarisés dans une autre commune. Un recours a été déposé devant le Conseil d’État. À rapprocher de la fin de la carte scolaire (Voir articles dans A Gauche n° 1185). L’article 89 de la loi Carle aggrave la loi Debré du 31 décembre 1959

Elle reconnaît les diplômes de l’enseignement supérieur catholique puis protestant : accords Vatican-Kouchner de décembre 2008 puis annonce par Sarkozy de l’équivalent pour l’enseignement supérieur protestant le 27 mai 2010. (Voir article dans À GAUCHE n°1216).

— Elle permet la formation des enseignants du public dans le privé : via la mise en place des PRES (pôles de recherche et d’enseignement supérieur), des instituts confessionnels privés vont délivrer des diplômes permettant, en complément du concours, de devenir enseignant. De même, des instituts privés se proposent de se substituer aux IUFM pour aider les futurs enseignants à prendre en charge une classe, eux qui n’auront plus de formation pratique.

— Un accord signé le 18 décembre 2008 entre la République française et le Saint-Siège sur l’enseignement supérieur : donne au Vatican, le droit de délivrer des diplômes sur le territoire de la République dans toutes les disciplines. C’est la fin du monopole des universités publiques en matière de la collation des grades.

Il s’agit d’une véritable alliance objective entre l’enseignement privé catholique et les partisans d’une politique néolibérale : pour le privé, c’est la possibilité de scolariser le plus grand nombre d’élèves possibles, de l’autre côté, c’est intérêt à libéraliser tous les biens et les services publics (cf Accord Général sur le commerce des services)

La réforme de l’enseignement primaire

Parmi les principales dispositions :

  • C’est la « réorganisation du temps scolaire : le temps annuel d’enseignement est abaissé de 936 h à 864h »
  • C’est « la suppression des cours le samedi matin qui fera passer la durée hebdomadaire des enseignements de 26 à 24h ce qui doit permettre de dégager du temps au profit de l’accompagnement éducatif pour les enfants en difficulté »
  • En 2009, une évaluation sera mise en place au CE1 et en CM2. Elles auront pour rôle de repérer et mesurer les progrès de l’élève. »

Ces diverses dispositions ont eu pour conséquence :

— La suppression des cours le samedi entraînant la perte de 72h de cours sur l’année (c’est la semaine de 4 jours), 2h par semaine soit l’équivalent d’un trimestre sur une scolarité. Pour compenser cette réduction, les enseignants doivent assurer 60 h d’aide individualisée et consacrer 12h à leur formation.

— La mise en place d’une base de données nationale nommée « Base élève » comprenant notamment de nombreuses informations relatives au contexte familial de l’élève

La réforme de l’enseignement professionnel :

La réforme de l’enseignement professionnel lancée en décembre 2007 par X Darcos aboutit à un protocole d’accord signé par 6 syndicats.

Les principes du protocole sont :

— « D’assurer aux jeunes une formation de niveau 5 et leur offrir un parcours allant du CAP au BTS, de créer un cadre de référence pour un baccalauréat professionnel en 3 ans, développer les passerelles entre les filières professionnelles, technologiques et générales »

— « D’améliorer l’orientation dès le collège avec des parcours de découverte des métiers dès la classe de 5e »

— « D’accompagner les personnels pour faciliter la mise en œuvre de cette réforme »

Le bac professionnel en 3 ans était déjà expérimenté depuis 2003 : disparition du BEP, donc d’un niveau de qualification, au profit d’un bac pro en trois ans.

— Cette réforme marque la perte d’une année de formation (Bac pro sur 4 ans) et une réforme des programmes (apprentissage de compétences, de savoir-faire et savoir-être au détriment de la transmission d’une culture solide).

— Les LEP deviennent EPLP (Établissements publics Locaux d’Enseignements) : leur fonctionnement dépend des orientations pédagogiques d’une administration aux prérogatives élargies jusqu’au pouvoir de noter les enseignants.

— C’est la fin du diplôme professionnel national par l’évaluation des connaissances au niveau local et inégalité face au diplôme puisque sa valeur dépend désormais en grande partie de la renommée de l’établissement qui le délivre.

— On crée les « lycées des métiers » dans lequel il est question d’introduire des structures semi-privées de type CFA ou GRETA.

— Cette réforme met en péril la filière professionnelle par la déprofessionnalisation, la réduction de la formation générale, un accroissement des périodes de formation en entreprise, une extension du CCF, la mise en difficulté des élèves les plus faibles. Son principal objectif : une gestion comptable et financière du système éducatif.

2009

— Jusqu’en 2009 : liste complémentaire de recrutement au concours maintenant supprimée.

— Rentrée 2009 : création d’internats d’excellence. Il s’agit de la poursuite de la discrimination positive initiée dès 2001 avec par exemple le Concours IEP Paris pour les milieux défavorisés par R. Descoings : sur critères sociaux, certains bons élèves sont retirés de leur établissement réputé « difficile » afin de suivre leur cursus scolaire dans un internat d’excellence, c’est une chance pour eux, mais quid des autres ?

— Rentrée 2009 généralisation : parcours de découverte des métiers de la cinquième à la terminale

La réforme du lycée :

La réforme du lycée est mise en place par L. Chatel après avoir été soumise au vote du CSE (cf  le rapport Apparu et le rapport Descoings).

Les principaux points de la réforme reposent sur trois objectifs :

— « Mieux orienter chaque lycéen pour en finir avec l’orientation-couperet, avec le délit d’initié, avec une voie exclusive d’excellence »

— « Mieux accompagner chaque lycéen pour éviter les décrochages, pour développer l’autonomie, pour permettre d’atteindre l’excellence »

— « Mieux adapter le lycée à son époque ».

En réalité, ces dispositions redéfinissent le métier d’enseignant, encore une fois le gouvernement ne s’en prend pas frontalement aux statuts, mais il tente de les contourner en dénaturant les fonctions de l’enseignant et en multipliant ses tâches :

— les tâches non pédagogiques se multiplient : réunions diverses, orientation, accompagnement scolaire s’ajoutent au temps nécessaire pour la préparation des cours, l’actualisation des connaissances

— la « liberté pédagogique » est de plus en plus encadrée par l’accroissement des pouvoirs des chefs d’établissement, notamment avec la création du Conseil pédagogique (cf plus haut)

— les suppressions de postes, les classes plus chargées, les emplois du temps de plus en plus compliqués viennent alourdir le travail de correction des copies et aggraver la fatigue de la journée

— les programmes s’élaborent dans des commissions fermées, sans véritable consultation des enseignants et de leurs syndicats.

— mise en place de l’accompagnement personnalisé, du tutorat et des stages, sans moyen supplémentaire.

— on va vers la fin du redoublement comme c’est déjà le cas dans le primaire et au collège par des parcours à la carte (60 % de tronc commun et 40 % de modules complémentaires choisis par l’élève.

— on réduit le nombre d’heures de cours (un lycéen français avait entre 28 h et 35 h de cours par semaine, après la réforme ce chiffre sera réduit à 27 h de cours).

En résumé, cette réforme a surtout permis de supprimer des milliers de postes.

— enfin, elle renforce l’autonomie des établissements, les CA disposent d’un nombre d’heures qu’ils sont libres d’utiliser pour renforcer tel ou tel choix pédagogique : demi-groupe, langues… L’enseignement commun à tous les établissements est réduit à un minimum puis chaque établissement est libre d’organiser ses enseignements. En seconde par exemple, elle instaure une flexibilité dans les enseignements en mettent en place des passerelles entre les disciplines ainsi que la semestralisation de certains enseignements. Le ministre L. Chatel le dit lui-même : «  mais je ne peux pas à la fois donner leur autonomie aux établissements et exiger que les pratiques soient partout identiques » (entretien du 4 novembre 2010 dans le livre Le pacte immoral de S. Coignard…)

La réforme de la formation des enseignants dite « Mastérisation » :

Cette réforme vise plusieurs objectifs :

— « élever le niveau de qualification des personnels enseignants au moment du recrutement »

— « intégrer la formation des maîtres dans le dispositif LMD : à terme les enseignants qui seront recrutés disposeront d’un master »

— « préserver les possibilités de réorientation pour les étudiants qui ne seraient pas recrutés »

— « préparer progressivement au métier avant les concours. Les étudiants pourront suivre des stages d’observation et de pratique accompagnée et des stages en responsabilité dans des classes »

— « offrir des mécanismes d’encouragement et de promotion sociale pour ceux qui se destinent à l’enseignement »

Dans le même temps, il est prévu via la mise en place des PRES (pôles de recherche et d’enseignement supérieur de recourir aux instituts confessionnels privés pour délivrer des diplômes permettant, en complément du concours de devenir enseignant.

L’application de ces dispositions a surtout permis une restructuration en profondeur des universités en relation avec la loi LRU, la mise en cause des masters et du lien entre enseignement et recherche.

Dans les faits :

— cette réforme met en péril l’existence même des concours nationaux et fragilise ainsi le statut d’enseignant-fonctionnaire, statut indispensable à l’autonomie des professeurs les protégeant des éventuelles pressions de leur hiérarchie. Pouvant relayer des intérêts locaux de toute nature (économiques, idéologiques…)

— c’est la disparition de l’année de formation « pratique », l’année de « stage ». Déjà les enseignants recrutés en 2010 ont été envoyés à temps plein dans les classes. Dans le secondaire jusqu’alors, les enseignants assuraient au maximum 6h de cours devant les élèves et suivaient en parallèle une formation en IUFM. Cette année d’enseignant-stagiaire permettait une entrée dans le métier « en douceur », bien que les IUFM soient très controversés, ils avaient au moins le méritent de se faire rencontrer de nouveaux enseignants qui pouvaient échanger sur leurs pratiques. Dorénavant, ils sont envoyés 18h devant les classes pour les certifiés et 15 heures pour les agrégés (temps plein), sans formation. Nombreuses ont été les démissions. Enfin, les stagiaires ne connaissent pas la même organisation de leur formation d’une académie à l’autre puisque les dispositifs de formations sont désormais « pilotés » localement, on assiste à la disparition d’un cadre national organisant la formation initiale et définissant le statut du professeur-stagiaire.

Encore une fois, l’occupation de postes à 18h par ces stagiaires permet de réduire le nombre de postes puisqu’ils occupent dorénavant des temps pleins.

2010

— Conséquences des réformes précédentes : septembre 2010 : 16000 professeurs sans formation

— Été 2010 : suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme selon une grille.

— Rentrée 2010 recrutement sur master professionnel

— Pénurie de remplaçants. Les TZR (titulaires zone de remplacements) sont de plus en plus affectés sur des postes à l’année. En cas d’absence d’un enseignant, les rectorats peinent à trouver des remplaçants autrefois souvent TZR (multiplication des contractuels, des vacataires remplacement par des étudiants en Master pro…). Les TZR peuvent maintenant être nommés sur trois établissements différents et on a élargi la zone géographique sur laquelle ils peuvent être nommés.

— Multiplication au collège et lycées de l’expérimentation (ex. : cours le matin et sport l’après-midi…) Cela permet d’augmenter encore davantage l’autonomie des établissements et de désorganiser encore un peu plus leur fonctionnement au niveau national. À terme ; autant de fonctionnements différents que d’établissements. Quid de l’égalité républicaine en matière d’enseignement sur le territoire français ?

— Avril 2010 : États généraux de la sécurité à l’école :

Son but officiel est « d’apporter un éclairage sur les causes, les définitions et les évolutions de la violence en milieu scolaire et permettre de proposer des réponses multiformes sur ce sujet complexe. Des professionnels de l’éducation et des partenaires institutionnels et associatifs sont rassemblés pour échanger et présenter des mesures concrètes afin d’endiguer ce phénomène ».

Face à la multiplication des intrusions, agressions et meurtres durant l’année scolaire 2009-2010, Luc Châtel a convoqué au printemps les états généraux de la sécurité à l’école. Au programme, portiques de sécurité, liaison avec la police…

Poursuite de la réforme des lycées : La réforme du lycée a également porté sur les programmes. En terminale S l’histoire et la géographie sont supprimés et deviennent optionnels (voir communiqué : « La peur du citoyen » et article dans A Gauche n°1194). En seconde la réorganisation de l’enseignement des SES conduit l’APSES à parler de dénaturation de cette matière. En terminale, en dépit d’un vote négatif au CSE, les contenus de cette matière sont revus dans le sens d’une plus grande adéquation avec les nouvelles théories de management et les épreuves du bac réduites à un contrôle de connaissances. Ces évolutions sont aussi perceptibles dans d’autres matières avec la mise en place du LPC.

Juin 2010 : installation du comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires :

Le ministre a fixé deux objectifs à la conférence :

— « remettre à plat la question des rythmes scolaires »

— « améliorer les conditions de vie et d’apprentissage des élèves ».

Le 4 juillet 2011, le comité de pilotage rendu son rapport au ministre qui a indiqué qu’il allait engager des « concertations afin de décider concrètement des mesures qui pourraient entrer en vigueur en 2013. La présentation du ministère revient sur certains acquis (utilité de la baisse des effectifs par classe, prise en charge spécifique de la grande difficulté) et fait craindre un recentrage sur les savoirs fondamentaux au détriment des apprentissages culturels, artistiques et sportifs. (Voir A Gauche n°1215).

— 2010-2011 : mise en place du programme CLAIR (collège et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite) et ECLAIR dans les écoles primaires (écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite.

Le programme CLAIR a été mis en place dans une centaine d’établissements en 2010-2011 ; il est étendu à la rentrée 2011 à la plupart des écoles et des collèges des réseaux « ambition réussite » devenant le programme ECLAIR.

Les objectifs affichés sont :

— « améliorer le climat scolaire et faciliter la réussite de chacun »

— « renforcer la stabilité des équipes »

— « favoriser l’égalité des chances »

— « ce programme prévoit des innovations en matière de pédagogie, de vie scolaire et de ressources humaines ».

En réalité, les objectifs principaux du dispositif étant le contournement de nombreuses dispositions statutaires :

— recrutement des enseignants par les chefs d’établissement sur entretien professionnel (contournement du dispositif de mutation des enseignants en vigueur au niveau national)

— poste à profil et lettre de mission (les enseignants sont recrutés sur lettre de missions pour trois ans et doivent respecter le projet pédagogique de l’établissement, cela permet encore une fois de contourner les statuts)

— expérimentations qui dérogent aux programmes nationaux, autonomie pédagogique des établissements, le conseil pédagogique jusqu’alors « coquille vide » prend sa pleine place dans le système.

— nomination d’un préfet des études au sein des enseignants ou des CPE, chargé de veiller à l’application de la lettre de missions.

Treize syndicats ont lancé une pétition « NON aux ECLAIRS, OUI à une éducation prioritaire ».

-Mise en place des jardins d’éveil : privatisation de l’éducation de la petite enfance, recul de la scolarisation dès 2 ans. Réforme Morano. (Voir articles dans A Gauche n° 1186, 1214) Un nouveau décret relatif aux établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans a été publié le 8 juin 2010 au Journal officiel. Il assouplit les conditions de diplômes pour les professionnels encadrant les enfants. Il prévoit des règles spécifiques pour les microcrèches (dix places maximum) et les jardins d’éveil (enfants de plus de deux ans). Les professionnels du secteur ont multiplié les mobilisations contre ce texte depuis l’automne 2009. Dans la continuité du précédent décret sur le secteur, datant de 2007, le nouveau texte assouplit les règles concernant l’encadrement et les qualifications des professionnels présents auprès des enfants. Et il officialise, au-delà de l’expérimentation prévue par le décret de 2007, l’existence des microcrèches.

2011

— Avril 2011 : consultation ministérielle sur un projet de réforme de l’évaluation des enseignants visant à mettre en application dans l’Éducation nationale le décret de juillet 2010  stipulant le remplacement de la notation par un entretien individuel dans la fonction publique.

— Rentrée 2011 : mise en place du dispositif ECLAIR dans le primaire.
Face à la résistance des établissements au dispositif CLAIR, le Ministère met cette année l’accent sur le primaire. Dans certaines communes, les établissements secondaires sont cernés par des établissements ECLAIR, premier volet à leur généralisation. Quant aux personnels de ces établissements, ils sont pour le moment dans « le flou » en ce qui concerne les conséquences de ce passage dans ce dispositif. Tous les établissements RAR (primaires et secondaires) passent en CLAIR et ECLAIR

— Les conséquences de la RGPP se poursuivent, fermeture de classes, augmentation des effectifs (16000 postes supprimés à la rentrée)…

— Mise en place d’une épreuve « d’Histoire des Arts » au collège pour l’obtention du DNB (aucun cadrage national, absence de rémunération pour le jury, interdisciplinarité forcée, risque pour l’art plastique et la musique puisque d’autres disciplines sont à même de s’en occuper…)

Progressive disparition des RASED mis en place en 1990. Les RASED ont pour mission de fournir des aides spécialisées à des élèves en difficulté dans les classes ordinaires des écoles primaires, à la demande des enseignants de ces classes, dans ces classes ou hors de ces classes. Ils comprennent des enseignants spécialisés chargés des aides à dominante pédagogique, les “maîtres E” (difficultés d’apprentissage), des enseignants spécialisés chargés des aides à dominante rééducative, les “maîtres G” (difficultés d’adaptation à l’école), et des psychologues scolaires.

réforme de la STI, devenue STI2D (postes menacés, absence de définition des nouvelles épreuves du baccalauréat…)

— Le RIME (Répertoire interministériel des Métiers de l’État) appliqué à l’Éducation nationale a été présenté par le Ministre au Comité Technique Paritaire Ministériel en juillet 2011. Il s’agit de renommer les fonctions des personnels dans l’Éducation nationale afin de détruire leur statut actuel. Par exemple, les COP deviendraient « Conseiller d’orientation » afin de permettre la mise en place de leur polyvalence dans les CIO labellisés Pôle Emploi ; le CPE serait « responsable des activités éducatives », il pourrait alors compléter ses missions en dehors de ses missions statutaires…)

2012

— Loi Cherpion : Ce dispositif pourrait être appliqué dès la prochaine rentrée scolaire. Il remet en cause le droit à la scolarisation des élèves (réduction à 15 ans voire 14 ans de l’âge minimum d’entrée en apprentissage, des parcours dits d’alternance personnalisée dès la 4ème ou la 3ème, ouverture de l’apprentissage aux entreprises de travail temporaire). Il s’agit donc aussi d’une attaque contre les lycées professionnels.

— Circulaire de rentrée 2011 : Stages de remise à niveau des élèves de CM2 à la fin du mois d’août au collège pour préparer « l’école du socle » ; au lycée, stage de remise à niveau pendant les vacances ; EIST -enseignement intégré de science et technologie- dans les ECLAIR -un même enseignant pour la SVT, la physique et la technologie- ; le PDMF -le parcours de découverte des métiers et des formations- pour tous les élèves de la 5ème à la Tale doit se concrétiser dans les enseignements disciplinaires et dans le temps spécifique d’information sur les métiers ; ATP généralisé à la rentrée 2013 pour toutes les classes. ; réduction des redoublements ; « contrat d’objectif » pour les établissements dans le cadre du projet d’établissement…)

— Menace sur le statut des COP par la labellisation dans le cadre de « l’orientation tout au long de la vie » et l’accueil dématérialisé par la plate-forme ONISEP, la labellisation permettrait la fusion et la fermeture de dizaines de CIO remettant en cause la proximité voulue par le décret de 1971)

— Arrêt des contrats des CUI (contrat unique d’insertion) de la région parisienne, dont le non-renouvellement des CAE aussi appelé « médiateurs de réussite éducative (contrat de 2 ans 20 heures payées au SMIC)

— Menace sur le Baccalauréat (cf. polémique sur la fraude cet été)

L’ensemble de ces réformes constitue un vaste puzzle dont les objectifs sont fixés depuis plusieurs dizaines d’années que ce soit en France, au niveau européen ou encore de l’OCDE : l’État se désengage pour laisser la place à un vaste marché de l’éducation. On peut conseiller la lecture de trois livres fondamentaux pour comprendre les rouages de ces contre-réformes :

  • La revanche du parti noir — la lente mise à mort de l’école publique, M. Eliard, M. Godicheau, P. Roy, édition abeille et castor, 2011
  • De l’école, JC. Milner, 1984 (réédité récemment)
  • Quelle République sauvera l’école républicaine ?, M. Sérac, PIE, 1985

Ainsi que la lecture d’un rapport qui permet de mieux comprendre la manière dont les gouvernements s’y prennent pour parvenir à leurs fins sans susciter de conflits :

La faisabilité politique de l’ajustement, C. Morrisson, Cahier de politique économique, n°1, OCDE, 1996

Enfin on peut aussi citer :

Plusieurs articles publiés dans le monde diplomatique :

International
Rubriques :
  • Combat féministe
  • International
  • Laïcité
  • Laïcité et féminisme
  • Politique
  • ReSPUBLICA

Libye : comment plomber une révolution

 

En Libye, le coup d’État programmé et la guerre du pétrole écrasent les libertés du peuple, les batailles claniques s’exacerbent et les droits des femmes s’éloignent : la charia, la revoilà.

Cherchez l’erreur…

Voici quelques mois, l’actuel président du Conseil National de Transition, déclarait souhaiter l’instauration d’« un État libre, démocratique, fondé sur des institutions gouvernementales sans caractère ni nature religieux ».
Aujourd’hui, Mustapha Abdeljalil annonce que la religion sera « la principale source de la législation » du pays.

Femmes en République islamique :
Si nul n’ignore que la Libye est de religion majoritairement musulmane, tout le monde sait que la charia prévalente va assombrir la vie du peuple libyen et surtout aggraver la situation des femmes.

Qui peut imaginer que la future Constitution portera l’égalité femmes-hommes ?
Qui peut ignorer ce que va devenir l’école mixte et obligatoire ?

Une seule femme siège au Conseil de transition actuel, combien seront-elles d’ici quelques jours, quand le gouvernement sera formé ?

Des amis de longue date :
La France de N. Sarkosy a été le premier pays à reconnaître le C.N.T. libyen ; pourquoi le 11 mars à Bruxelles, la Bulgarie a-t-elle immédiatement condamné cette validation par la France ? Parce que, a déclaré le premier ministre, « dans ce Conseil, il y a des gens qui ont torturé nos infirmières » et qu’ils ne peuvent être politiquement fiables. Qui sont les personnes visées qui représentent actuellement les « rebelles » dans le Conseil de transition libyen ?

Probablement le général Abdel Fattah Younis surnommé à Sofia le « tortionnaire en chef » à cause des actes de torture — viols, électrochocs, morsures de chiens — commis par ses hommes pour faire parler les infirmières accusées alors d’avoir transmis le virus HIV.

Idris Laga également, mais aussi ce même Mustapha Abdeljalil qui veut aujourd’hui instaurer la charia, ministre de la Justice sous Khadafi de 2007 à 2011, auparavant président de la Cour d’appel de Tripoli où par deux fois, il a confirmé la peine de mort des infirmières bulgares.

Celles-ci avaient été libérées après des années d’emprisonnement, après de lourdes transactions financières et des interventions européennes.

La nouvelle équipe a donc de quoi inquiéter. Elle s’est déjà illustrée par le passé. Pour ce qui est du présent, voilà qu’un rapport d’Amnesty International pointe les crimes de guerre et les violations des droits de l’homme commis par les « rebelles ». Alerté par ces conclusions, le CNT ne souhaiterait pas diligenter d’enquête indépendante sur le sujet et ne chercherait pas à prendre des mesures contre les responsables des exactions.

À cela, Amnesty ajoute un « climat de racisme et de xénophobie » à l’encontre des Libyens noirs venus d’Afrique subsaharienne.

Maintenant, la charia vient contrarier les désirs de démocratie, de liberté et d’égalité du peuple libyen. À suivre…

On dit que N. Sarkosy va se rendre en Libye et parler à Benghazi, place de la Liberté : place de quoi ?