Chronique d'Evariste
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« Le changement, c'est maintenant » disait-il au printemps. Nous disons en été : « le changement, c'est pour quand ? »

par Évariste
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Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Une fois de plus, cet adage se vérifie. Et sur de nombreux sujets, peuchère !
Il avait dit qu’il n’y aurait pas de démantèlement des campements des Roms sans proposition d’une alternative. Il y a démantèlement sans alternative proposée comme dans la Sarkozie.
Il avait dit dans la proposition n°11 « …Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre 2011 en privilégiant la croissance et l’emploi, et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne dans cette direction… ». Aujourd’hui, il fait annoncer par le ministre chargé des relations avec le Parlement que le traité tel qu’il a été produit par Sarkozy et Merkel sera proposé en l’état.

Pour le reste, le gouvernement demande du temps : big bang fiscal, blocage des prix du carburant, loi d’assainissement des banques pour séparer les activités de dépôt des activités spéculatives, doublement du plafond du livret A, caution solidaire pour le logement des jeunes, etc. Accordons-lui ce temps mais nous y reviendrons !
Mais le pire est ailleurs. La triple crise économique, financière et de la dette publique continue de se développer. Les taux d’intérêt à 10 ans des pays du sud de l’Europe (Grèce, Italie, Espagne, Portugal) et de l’Irlande repartent à la hausse. Les politiques austéritaires font chuter la demande intérieure des 5 pays précités pour un montant bien supérieur aux gains allemands. La contraction de la demande intérieure de ces 5 pays est de 11,1 % depuis 2007. Alors que les gains pour l’Allemagne dans la même période ne sont que de 5,4 % dans la même période et pour la France de 1,5 %. On voit bien là que la zone euro va dans le mur car le PIB des 5 pays précités est très nettement supérieur à celui de l’Allemagne. D’ailleurs, la zone euro est entrée en récession avec un recul du PIB zone euro de 0,4 % sur un an.
Après les mille milliards de prêts à 3 ans pour les banques européennes délivrés par la Banque centrale européenne (BCE) les 31 décembre 2011 et le 1er mars 2012, la demande correspondant aux besoins pour la Grèce, l’Espagne et de l’Italie est d’environ mille milliards d’euros d’ici la fin de l’année 2012. Et comme en plus il y a la crise de profitabilité et de compétitivité de l’économie réelle capitaliste européenne, les nuages vont donc continuer à s’amonceler.
Et là, on se heurte à une réalité qui a été masquée pendant longtemps, c’est que l’ordo-libéralisme - rameau du néolibéralisme mondial - développe un intégrisme politico-religieux autour des fondamentaux de sa doctrine, d’une façon encore plus régressive que les autres variétés du néolibéralisme. L’acceptation des « élites » européennes de reprendre les fondamentaux de l’ordo-libéralisme allemand est aujourd’hui mortifère. La dépolitisation totale de l’économie, la coordination économique uniquement réalisée par les prix, l’économie sociale de marché et la concurrence libre et non faussée, la limitation du rôle de l’État à la définition et à la protection des règles du jeu avec interdiction d’intervenir dans l’économie réelle, la stabilité monétaire comme primat contre les intérêts des salariés, la suppression des conventions collectives, la croyance dans la non-interdépendance des pays de la zone euro, l’ethos luthérien de la souffrance nécessaire du peuple, sont autant de piliers de cet ordo-libéralisme qui va nous entraîner dans une crise longue et dramatique sur le plan social.

A moins qu’une vigoureuse campagne d’éducation populaire ne se développe pour organiser les ruptures nécessaires face à cette évolution. A-t-on d’autres choix ? Mais où sont les bases d’appui pour cela ? Où sont les volontés pour ne pas se laisser endormir par les ronrons des diverses organisations ?

Pétition
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Appel pour répondre à la crise, aux enjeux et défis planétaires et redonner confiance à nos concitoyens : OSER LA DÉMOCRATIE !

par Oser la Démocratie !
Collectif à l'initiative de l'appel.
http://www.oser-la-democratie.fr/

 

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L’élection au suffrage universel du Président de la République a personnalisé, à un point tel le débat politique, que celui ci est désormais sous la dictature des sondages, des petites phrases, des experts et du marketing médiatique.

Les citoyens sont réduits à un rôle de simples spectateurs/consommateurs d’images, alors que tout devrait être mis en œuvre pour que ceux-ci soient les vrais acteurs de la démocratie. En faisant, avec la 5éme République, du présidentialisme le cœur de la vie politique, on a dépolitisé celle-ci, tout en hyperinstitutionalisant les comportements. On attend du Président et/ou de l’élu en charge d’une collectivité qu’il règle tout à la fois des problèmes d’ordre général mais aussi privé. Le présidentialisme est une machine à déresponsabiliser. Nous sommes dans une conception consumériste et non citoyenne de la politique.

De ce fait la politique, ou plus exactement le politique n’inspire plus confiance, mais plutôt le rejet, avec, comme conséquence, une abstention de plus en plus massive aux élections, notamment dans les milieux populaires.

On retrouve aussi, au niveau de nombreuses grandes collectivités, la démarche présidentielle et autocratique de la 5éme République, renforcée par la décentralisation telle qu’elle a été mise en oeuvre. La « course aux places » et les enjeux de pouvoir se substituent fréquemment à la bataille des idées, renforcés par la spécificité bien française du cumul des mandats.

La personnalisation du pouvoir est devenue le coeur de notre démocratie. Le « JE » a pris le pas sur le « NOUS ».Le collectif a cédé le pas à l’individuel.

Dans ces conditions, la participation réelle et active des citoyens à la gestion des collectivités, et à la vie publique en général, est pratiquement inexistante en France.

Pourtant la complexité croissante des rapports sociaux, la crise systémique, les enjeux et défis planétaires rendent indispensable l’intervention de l’ensemble des citoyens, y compris les plus en difficultés, dans tous les aspects de la vie de notre pays. Car ce qui est désormais en jeu, c’est l’émergence d’un autre type de développement, humain, écologique et démocratique, à l’échelle du monde et des territoires, pris dans leurs diversités. Cela appelle des réponses concrètes afin de construire une société plus fraternelle, une société plus respectueuse des hommes, des femmes et de l’environnement. Et ce n’est pas un homme (ou une femme) seul, même président de la République qui est en capacité de le faire ! Celle-ci ne pourra se construire que dans une mobilisation consciente et collective du peuple citoyen. La participation de tous au pouvoir de décision et d’orientation de la société est le plus fort facteur de cohésion sociale et de dynamisme.

Des propositions novatrices pour une nouvelle ère de la démocratie

Il est temps de sortir des formules incantatoires sur la démocratie, pour commencer à la mettre concrètement en actes, dans des pratiques de participation citoyenne, aux côtés d’un système représentatif reconstruit et revivifié. C’est crucial pour l’avenir de la démocratie.

Il est impératif :

  • De mettre fin au présidentialisme et de refonder la République en mettant un terme à la Véme République, en exigeant la convocation d’une Assemblée Constituante afin de construire, avec l’ensemble des citoyens, une nouvelle Constitution pour une 6éme République démocratique,laïque,social et écologiste pour notamment :
    • donner au Parlement de véritables pouvoirs et le contrôle sur l’exécutif, assurer la participation et le contrôle du peuple sur les lois, repenser l’organisation des territoires et la gouvernance de ceux-ci, développer la démocratie partout dans tous les domaines et à tous les niveaux.
  • De repenser et de revivifier le modèle représentatif, en sortant du carriérisme en politique, en concevant l’engagement électif comme un engagement temporaire au service de l’intérêt général. Ce sera le moyen d’entraîner la participation d’un plus grand nombre à l’exercice d’un mandat d’élu, de favoriser le rajeunissement et la mixité sociale.Des pistes d’évolution, parmi d’autres, vont dans cette voie :
    • scrutin proportionnel à toutes les élections. Le scrutin majoritaire favorisant la notabilité, la sur-reprèsentation masculine et le carriérisme politique.
    • interdiction du cumul des mandats et limitation dans le temps de l’exercice du mandat (maximum de 2 mandatures)
    • gouvernance collégiale et partage du pouvoir dans les collectivités, rotation des responsabilités,co-présidences, présidence tournante dans les intercommunalités,etc.
    • séparer dans les collectivités, le pouvoir législatif (assemblée) du pouvoir exécutif
    • interdire la présidence de deux exécutifs, ainsi que la présidence d’un exécutif, avec un mandat de parlementaire et le cumul d’un exécutif d’une commune avec l’exécutif d’une intercommunalité
    • Favoriser un développement territorial, multi-niveaux, multi-acteurs et multi secteurs ayant en son cœur la mutualisation, la coopération et la participation citoyenne
    • Introduction du mandat impératif ou introduction du référendum révocatoire à mi-mandat, qui obligerait les élus à respecter leurs engagements,
    • Evaluation,chaque année,de l’action du Président de la République,des ministres,des parlementaires , des exécutifs des collectivités, par des jurys citoyens indépendants désignés par tirage au sort
    • Mise en place d’un statut de l’élu, permettant à chaque citoyen quel que soit son statut social d’exercer un mandat sans risque d’être pénalisé,notamment dans l’évolution de sa carrière professionnelle. Le statut de l’élu doit aussi concerner le syndicalisme et le secteur associatif
    • Parité dans toutes les strates institutionnelles et droit de vote aux étrangers résidants dans notre pays depuis un certain nombre d’années, afin d’éviter le repli communautaire et renforcer le vivre ensemble.
  • De construire une nouvelle culture politique avec le peuple au centre. Renforcer l’intervention des citoyens sur tous les territoires, du local au mondialLa démocratie n’est pas seulement un mode de désignation des représentants, c’est surtout une manière de vivre ensemble, l’expression même de la dignité ; c’est de décider des affaires communes, de les mettre en œuvre et de se construire un destin commun, basé sur la solidarité, l’équité, la justice sociale, le respect des hommes, des femmes et de la nature, la coopération, l’ouverture au monde et aux autres cultures.Un tel idéal démocratique ne peut s’envisager et se construire que dans la durée, par une pratique longue visant à faire prévaloir l’intérêt général sur l’intérêt privé, par une culture de la citoyenneté et de la responsabilité, avec :
    • Le droit à la participation citoyenne inscrit dans la Constitution, une loi qui en formulera les modalités d’application et une charte de la démocratie participative dans toutes les assemblées
    • L’instauration de la citoyenneté et de la démocratie dans les entreprises (publiques et privées)
    • Des dispositifs multiples :droits de pétitions des citoyens pour faire inscrire une question à l’ordre du jour des délibérations du parlement et des assemblées délibératives, forums participatifs, conférences de citoyens, assemblées citoyennes, jurys citoyens, comités d’initiatives citoyennes, conseils de quartier, droit de saisine, budgets participatifs, observatoires locaux des engagements, observatoires de la démocratie participative, conseils de développement participatifs, référendum d’initiative populaire, comités d’usagers participatifs, etc.
    • Des modalités pratiques : tirage au sort et/ou panel de citoyens respectant la réalité sociale, la parité et l’échelle des âges, avec une animation territoriale à la participation citoyenne
    • des moyens de communications : radios et TV locales, web TV, journaux, gérés par des collectifs citoyens dans les territoires de proximité, en toute indépendance,
    • création d’un observatoire national et d’observatoires régionaux de la participation citoyenne
  • D’informer et de former : le renouveau de l’éducation populaire et citoyenne est une exigence. Que chaque citoyen devienne maître de son destinIl faut favoriser l’accès de tous aux informations liées aux politiques publiques, et créer les conditions d’une appropriation collective des questions et problématiques soulevées par les citoyens. Tout citoyen bien formé et informé est capable s’agir en politique et de gérer, aux côtés des élus, toutes les affaires du local au mondial. Il faut développer une intelligence individuelle et collective Il est nécessaire :
    • de favoriser l’émergence de médias pluralistes et indépendants des groupes de pression
    • de multiplier les universités populaires et citoyennes pour re-donner de la vitalité au civisme, favoriser les prises de conscience émancipatrice individuelles, augmenter la puissance d’agir de chacun, œuvrer à la transformation sociale et politique d’une société qui ne peut rester en l’état
    • de disposer d’une formation initiale qui inclurait des modules de formation à la citoyenneté active, dès l’école élémentaire (préparer les jeunes à être des citoyens responsables et actifs)
  • De mettre en place une évaluation démocratique des politiques publiques sans laquelle il n’y a pas de citoyenneté activeIl ne peut y avoir de véritable démocratie participative active si le citoyen n’est pas assuré que les choix faits et discutés avec les décideurs sont bien appliqués, et donnent des résultats ; s’ils correspondent bien aux objectifs de départ, à l’intérêt général, à la cohésion sociale, sociétale et territoriale.

Nous sommes au début d’un long processus et ce d’autant plus que la démocratie entend relier entre elles toutes les échelles, du local au mondial, qu’elle porte sur tous les défis auxquels notre pays est confronté, qu’elle est au cœur de la gouvernance multi-niveaux, multi-acteurs et multi-secteurs de l’approche territoriale et qu’elle s’articule avec un projet politique global, constructeur d’autres rapports sociaux, d’autres institutions et d’une autre civilisation.

Il n’y a pas d’autres voies et alternatives pour répondre aux défis planétaires et à la survie de l’humanité.

Alors il est temps d’OSER LA DEMOCRATIE !

Signer l’appel

Les premiers signataires : Paul Ariès, politologue, directeur du Sarkophage, Francis Combes, écrivain, Patrick Coulon, co-auteur de « Démocratie participative et transformation sociale », Jean Claude Depoil, syndicaliste paysan,responsable agricole FDSEA03, Catherine Gégout, ancienne élue à Paris, Marc Lacreuse, co-animateur du collectif national Education populaire et transformation sociale, AlainLaurent,consultant,président de « Territoires responsables » Jean Claude Mairal, ancien président du Conseil général de l’Allier, Christian Maurel, sociologue,co-fondateur du collectif national Education populaire et transformation sociale, Yannick Monnet, membre du Conseil national du PCF, Héloïse Nez, enseignante, Patrick Norynberg, DGA développement social et territorial, auteur de « Faire la ville autrement » et « Ville,démocratie et citoyenneté,expérience du pouvoir partagé », Yves Rémi, directeur du CIDEFE, Julien Talpin, sociologue, Bernard Teper, co-animateur Réseau d’Education populaire » (REP), Pierre Thomé, auteur de « Créateurs d’utopies », Bernard Vasseur, philosophe, Pierre Zarka , association des communistes unitaires.

 

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Territoires. Et la défense de la proximité ?

par Alain David
PCF Morlaix (29)
http://le-chiffon-rouge-pcf-morlaix.over-blog.com/

 

On apprend qu’à l’initiative de Manuel Valls, ministre de l’intérieur et de Didier Guillaume, vice-président socialiste du Sénat, une révision de la carte des 238 sous-préfectures est à l’étude avec comme objectif des économies et donc un certain nombre de suppressions.

Le ministre et son camarade de parti se préparent ainsi à suivre la recommandation de la Cour des Comptes qui indiquait, dans un rapport récent, qu’il fallait « adapter la carte des arrondissements aux réalités sociologico-démographiques et administratives actuelles ». Ce qui, en langage ordinaire et sans langue de bois, veut dire : « au dessous d’un certain niveau de population on ferme ».

Selon Le Télégramme du 6 août seraient concernées, menacées serait plus juste, les sous-préfectures de Châteaulin, Morlaix, Lannion, Pontivy…

Il fut un temps pourtant où certain-e-s n’avaient à la bouche que « démocratie » et « proximité ». Aujourd’hui, bien à l’aise dans leurs fauteuils ou dans les ors de la République, ils et elles ont changé de chanson. Maintenant c’est la rigueur qui est à l’ordre du jour. Même si on se fait taper sur les doigts lorsqu’on prononce ce mot proscrit.

L’éloignement des services de l’état et des difficultés d’accès accrues pénaliseront, bien entendu, l’ensemble de la population. Mais plus particulièrement les plus fragiles, les plus démunis, celles et ceux qui ne peuvent pas se déplacer, qui n’ont pas de voiture ou de permis… ni internet. C’est une atteinte à l’égalité de tous à l’accès aux services de l’État Certain-e-s le disaient haut et fort (et à juste titre) lorsque Sarkozy et sa ministre de la justice avaient décidé de fermer le tribunal de Morlaix. Leur mémoire serait-elle défaillante ? A moins qu’il ne faille craindre que cela soit une étape supplémentaire vers le transfert aux collectivités locales (déjà pressurées et à bout de souffle financier) et/ou la privatisation de certaines missions de l’État… avec de juteuses perspectives de profit.

Il y a aussi une certaine incohérence, pour des raisons uniquement financières, à diminuer ainsi les moyens de l’État La défense de l’emploi et la réindustrialisation de notre pays sont proclamées, à juste titre , comme des priorités du gouvernement. Pour y répondre les territoires, les collectivités locales et leurs élu-e-s, les populations ont besoin d’un État présent. Ils ont besoin de disposer de moyens performants, proches et accessibles pour mener à bien leur action. C’est le contraire de ce qui se prépare pour des raisons strictement comptables. Les associations d’élus ne s’y sont pas trompées en s’opposant immédiatement à ce néfaste projet.

Espérons que, là encore, l’objectif ne soit pas d’ouvrir encore davantage de gigantesques marchés à des bureaux d’études « amis ». Aux frais des contribuables bien entendu.

Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, on voit la nécessité que le peuple fasse entendre sa voix et ne délègue à personne le soin de défendre son avenir.

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Quel statut pour les services sociaux en Europe ?

par Michel Chauvière
Directeur de recherche au CNRS,
Membre du CERSA (Université Paris 2).

 

En l’état du droit communautaire, les services sociaux sont considérés comme des entreprises exerçant une activité économique sur un marché dans lequel, pour ne pas fausser la concurrence, les aides d’État sont interdites, sauf dérogations complexes fondées sur l’intérêt général. La libéralisation de toutes les activités, dont celles des services, se réalise en réalité depuis 1957 par différents instruments juridiques, confortés par l’accord général sur le commerce des services de l’OMC. Cette norme néolibérale pèse sur l’organisation et les pratiques sociales, ouvrant plus encore la porte à leur chalandisation1, préparant leur marchandisation. Elle affecte ainsi la signification de l’intérêt général à destination des ayants droit et engloutit le contrat social-démocrate, notamment les valeurs du service public et de la coopération entre partenaires.

Toutefois, le corpus juridique et la doctrine présentent des contradictions

Sa contingence résulte d’abord de sa dépendance à l’égard de l’économie libérale et de sa variante l’ordo-libéralisme au fondement de la construction européenne2 mais aussi d’un régime de compromis permanent entre projets nationaux et entre formations politiques.

Les services réalisent 70 % du PIB des États membres (dont 9 % pour les services sociaux et de santé) et leur marge de progression est un objectif principal des politiques européennes. C’est dans la stratégie de Lisbonne pour une croissance intelligente, durable et inclusive3 que s’inscrit la directive relative aux services dans le marché intérieur de décembre 2006, dite directive Services. Dans le détail, les différentes définitions demeurent très vagues. Ainsi, les services d’intérêt général (SIG) sont des services, économiques ou non, que les pouvoirs publics considèrent comme étant d’intérêt général et soumettent, pour cette raison, à des obligations spécifiques de service public. Les services d’intérêt économique général (SIEG) sont des services de nature économique mandatés pour accomplir des obligations de service public. Les services sociaux d’intérêt général (SSIG) sont déterminés selon deux grands groupes : d’une part, les régimes légaux et les régimes complémentaires de protection sociale et, d’autre part, les autres services prestés à la personne, les prestations étant considérées comme des activités économiques. Enfin, les services non-économiques d’intérêt général (SNEIG) sont ceux accomplis sans contrepartie économique, par l’État ou pour le compte de l’État, dans le cadre de ses missions. Cette absence de contrepartie économique ne peut s’apprécier qu’au cas par cas par la Commission, sans doctrine générale.

Trois questions essentielles restent néanmoins en débat : le caractère non lucratif, l’objectif d’intérêt général, les modalités de mises en œuvre (mandatements)

Rappelons d’abord que si la problématique des SSIG a une portée européenne, on ne peut effacer les spécificités nationales. D’autant que les politiques sociales sont souvent des compétences partagées, et que leurs mises en œuvre, financements et contrôles restent du ressort de chaque État en vertu du principe de subsidiarité4 . A fortiori en France, où le caractère social de la République a valeur constitutionnelle depuis l’article premier de la Constitution : « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

En matière de non-lucrativité, les classifications des activités économiques produites par l’ONU ne font pas de distinction entre les activités marchandes ou non, tout en affirmant l’importance de cette distinction ! Inversement, pour l’OMC, les services sociaux peuvent ne pas être concernés, s’ils ne sont pas fournis sur une base commerciale, ni ne sont en concurrence avec d’autres fournisseurs. Ainsi, les activités de sécurité sociale, les services publics de santé et d’éducation. Le critère d’absence de but lucratif est ici associé à celui du mandatement.

Au niveau communautaire, la Cour européenne a jugé, par deux arrêts au moins, que toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné constitue une activité économique. D’où la qualification de services d’intérêt économique général. Pour autant, la Cour de justice a admis qu’il peut être justifié de soumettre un prestataire à l’exigence de ne pas poursuivre de but lucratif. La directive Services, quant à elle, précise que dans la mesure où le service est toujours essentiellement financé par des fonds publics, ces activités exercées par l’État ou pour le compte de l’État, dans le cadre de ses missions dans les domaines social, culturel, éducatif et judiciaire, n’entrent pas dans son champ d’application. Outre les services de soins de santé, elle exclut même explicitement les services sociaux relatifs au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l’État, par des prestataires mandatés par l’État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État. Finalement, pour la Commission, les services sociaux sont seulement destinés aux plus défavorisés.

Quant à l’intérêt général, c’est est un élément juridique et politique de tout premier plan. Sa détermination est de la seule compétence des États membres, à condition qu’il ne soit pas porté atteinte aux règles communautaires. C’est aussi le critère principal de mise en œuvre de la subsidiarité sur un terrain politiquement mouvant, aux risques de requalifications voire de sanctions.

Enfin, peu utilisé en droit français, le terme de mandatement a fait irruption en raison des obligations découlant du respect des règles européennes mais aussi de l’usage excessif de la procédure des marchés publics, avec cahier des charges.

Le caractère injonctif de toutes ces règles et les obligations d’applications ont suscité inquiétudes et hostilités, notamment au moment de la transposition de la directive dans le droit interne. La France, par différence avec les autres pays, a instillé ces normes, secteur par secteur, malgré deux propositions de loi socialistes à l’Assemblée nationale et au Sénat. Puis le gouvernement Fillon a signé en janvier 2010 une circulaire relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations, après la conférence de la vie associative de décembre 2009. En guise de clarification du cadre juridique, elle a annoncé le maintien du financement par subventions moyennant la signature de conventions pluriannuelles d’objectifs et prétend que l’exercice d’un mandat d’intérêt général et l’exigence de compensation proportionnée ne limitent pas la liberté d’initiative des associations. Différents mouvements ne l’ont pas du tout compris ainsi, qui y ont vu au contraire un contrôle renforcé des initiatives citoyennes.

Les effets négatifs sur l’action sociale sont nombreux, avec des corrections possibles

Au niveau juridique, malgré les pressions et le lobbying, le Conseil et la Commission restent donc sur leurs positions, envisageant éventuellement quelques concessions marginales, sans s’engager davantage au plan doctrinal.

Au plan institutionnel et financier, les opérateurs craignent à juste titre de passer d’une logique de partenariat entre pouvoirs publics et associations à une logique de prestataires de services, en application de cahiers des charges contraignants en vue d’exécuter des missions préalablement déterminées, loin des problématiques singulières rencontrées sur le terrain, nécessitant souplesse et rapidité des réponses techniques, détection des nouveaux besoins et proposition des solutions inventives. Sans oublier les risques de dissolution/absorption des petites associations, pourtant les mieux adaptées dans de nombreux cas.

Sur le plan financier, les réductions de moyens, leur non pérennité et les complexités d’allocation génèrent une insécurité pour l’exercice des missions et pour l’emploi. Le moins disant financier dans les appels d’offres suscite beaucoup d’inquiétude, la concurrence risquant notamment de créer du dumping. Ce point appelle une autre économie politique.

Au niveau clinique, enfin, l’introduction de la sélection des clientèles les plus solvables, la baisse des moyens en personnels, l’affaiblissement du travail interdisciplinaire, la réduction des durées d’intervention, l’augmentation du nombre des cas suivis, le recul de l’écoute attentive et patiente, doublés d’une concurrence interinstitutionnelle exacerbée sur le marché des prestations, nuisent à la qualité des services rendus dans l’intérêt général.

Conclusion

Ce détournement de la finalité sociale par des opportunités lucratives ne peut qu’engendrer une régression de la solidarité nationale et une rétraction du contrat républicain. D’une ardente obligation, le social s’en trouve réduit à l’état de produit sur un marché concurrentiel, les bénéficiaires ne sont plus considérés comme les ayants droit d’un régime égalitaire et les citoyens les moins fortunés devront se contenter d’un service minimum, au moindre coût.

Les SSIG sont des services spécifiques garantissant l’effectivité des droits fondamentaux. Il faut continuer d’exiger leur (re)classement dans les services non économiques d’intérêt général (SNEIG), autrement dit dans la sphère non marchande. Ce (re)classement aurait au moins trois conséquences principales :

  1. Les placer hors de la compétence communautaire.
  2. Décourager les opérateurs marchands d’investir un champ peu productif de réels profits financiers.
  3. Restituer à l’économie sociale sa vocation majeure et noble d’instrument d’inclusion et de cohésion sociale.

C’est évidemment affaire de volonté politique.

  1. M. Chauvière, Trop de gestion tue le social. Essai sur une discrète chalandisation, La Découverte, Paris, 2010 (1ère éd. 2007) []
  2. Ordolibéralisme : théorie prônant la liberté économique, faisant confiance aux initiatives individuelles et aux mécanismes du marché et s’opposant à toutes les formes de socialisme et de dirigisme. V. le Blog de P.Bilger, L’école de Fribourg, l’ordolibéralisme et l’économie sociale de marché. []
  3. V. § 3.1, Un marché unique pour le XXIe siècle, COM (2010) 2020, Communication de la Commission, pp. 21-22. []
  4. Ce principe est une clé de voûte de l’édification européenne. Trouvant ses origines dans la doctrine sociale de l’Église, imposé par les négociateurs allemands lors de l’élaboration des traités de Rome, il est défini dans l’article 5 -1-2 du traité CE : « la communauté agit dans la limite des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité. Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la communauté n’intervient […] que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc […] être mieux réalisés au niveau communautaire ». []
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Lettre ouverte à M. Peillon

par l'Observatoire de la Laïcité Scolaire de Seine-Maritime
(CREAL76 – Comité de Réflexion et d’Action Laïque, DDEN-Délégués Départementaux de l’Education Nationale-union de Seine-Maritime, FCPE 76, ICEM 76-pédagogie Freinet, Snuipp-FSU 76, Snuep-FSU 76, SUD-Éducation 76 et des élus municipaux, régionaux.)

Contact : Francis Vanhée, coordinateur de l’Observatoire (tél. 06 86 15 33 59)

 

Au mépris de la loi de 1905 portant sur la séparation des églises et de l’État, c’est au nom des ” voies nouvelles de la contribution de l’enseignement catholique à l’œuvre d’intérêt général que constituent la formation et l’éducation des enfants” que M. Éric de Labarre, secrétaire général de l’enseignement catholique, a annoncé, sans démenti de votre part, juste avant le début de la concertation sur la refondation de l’école ouverte le 5 juillet, que l’enseignement privé bénéficierait de 70 postes en primaire à la rentrée, d’un contingent d’assistants d’éducation sur les 1 500 prévus ainsi que des aménagements pour permettre aux stagiaires du second degré privé de se former.

Voilà des annonces faites après que vous ayez rencontré à 4 reprises les représentants de l’enseignement catholique qui s’octroie en passant la représentativité de tout l’enseignement privé.

Il faut rappeler que, depuis le milieu des années 80, la règle tacite de répartition des moyens créés ou supprimés (80 pour le public, 20 pour le privé) n’a été respectée que dans les configurations de créations de postes. Le privé, qui scolarise 18 % des élèves (et non 20 %), a bénéficié d’un traitement de faveur ces 5 dernières années : sur les 80 000 suppressions de postes dans l’Education nationale, il n’a été concerné que pour 6 700 retraits, soit environ 8,4 % et non 16 000 (20 %) soient 9700 fermetures de plus imputées au public portant sa « part » de suppressions à 91,6 % !

Faut-il rappeler que M. Éric de Labarre estimait début 2012 « impossible » et « non pertinent » de rétablir 60 000 postes, allant jusqu’à affirmer « qu’on peut probablement continuer à en supprimer » (La Croix du 23.01.12) ? Comment comprendre dès lors la revendication d’attribution de 5 100 postes sur les 60 000 par le secrétaire général de l’enseignement catholique ? Est-ce à dire que des suppressions de postes dans les ministères jugés non prioritaires, puisque le nombre global de fonctionnaires n’augmentera pas, serviraient à satisfaire l’attribution de 5100 postes dans l’enseignement privé sous contrat ? Nous pourrions le croire selon vos propos début juin au congrès de l’Unguéal (Union nationale des Parents de l’école Libre), indiquant que le privé aurait sa part « en proportion des postes détruits ».

La loi de 1905 en son article 2, rappelons-le, ne reconnaît aucun culte. Quant à la loi Debré de 1959, elle, en son article 4, ne connaît que des établissements privés. En totale contradiction avec ces Lois, les annonces de M. de Labarre, le 5 juillet, indiquent que des négociations sont menées avec l’enseignement privé confessionnel et des moyens accordés globalement au même enseignement.

M. de Labarre annonce donc aussi le 5 juillet qu’il sera présent à la Sorbonne pour la « grande concertation ». Ainsi, un réseau privé, catholique, participera-t-il à un processus de définition et de refondation de l’Éducation nationale alors que son statut contractuel ne lui confère pas ce droit. Dans son Manifeste de l’école catholique au service de la Nation publié début 2012, on peut lire page 3 : « C’est pourquoi l’enseignement catholique, fidèle à la vision chrétienne de l’Homme transmise par l’Évangile, attache une importance si grande à former des jeunes ouverts sur le monde, enracinés dans une culture et une histoire qui ouvrent, dans un dialogue entre foi et raison, à l’accueil de Dieu dans la vie de chaque homme. » Cette profession de foi vous semblerait-elle conforme à une nécessaire refondation du système éducatif d’une République laïque ? Ce manifeste promeut par ailleurs avec zèle toutes les « réformes » dans un cadre de baisse des moyens que nous avons combattues ces dernières années.

Plus que jamais, dans cette période où le communautarisme empiète sur le vivre ensemble - et l’entre-soi social du réseau d’enseignement confessionnel n’est-il pas un communautarisme ? - nous affirmons que seule l’Ecole Publique peut et doit être le lieu qui garantit l’égalité et la justice sociale, offrant aux jeunes une formation et des savoirs affranchis de tout dogme. C’est pourquoi nous vous demandons de conforter une école publique de proximité, sur tout le territoire, pour toutes et tous, gratuite, laïque en adoptant et en recherchant les moyens budgétaires, réglementaires, législatifs qui n’accordent les fonds publics qu’à la seule école publique.

Brèves
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Cour des comptes de la nation ou Cour des princes du néolibéralisme ?

 

Nous avons pris du plaisir à lire la critique du rapport de la Cour des comptes faite par trois des « atterrés ». Non que nous partagieons toutes leurs idées mais parce que cela met en pièces le travail d’une Cour qui s’est mise au service des néolibéraux sans émettre le moindre doute.

Nous lançons un concours pour définir le travail de la Cour des comptes. En lice : « La stratégie Diafoirus à la Cour des comptes », « Honte à la Cour des comptes », « La Cour des comptes récite son catéchisme », « Les grands prêtres du néolibéralisme sont à la Cour des comptes »… Qu’en pensez-vous ?

En fait, depuis la présidence de Philippe Séguin, la Cour n’est plus là seulement pour contrôler les finances publiques mais fonctionne comme un bureau d’études du néolibéralisme. Triste à pleurer !

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Courrier des lecteurs : "Les Sept merveilles de l'Islam" sur Arte

par ReSPUBLICA

 

C’est peu de dire que je suis scandalisé. Sous couvert de nous présenter “Les Sept Merveilles de l’Islam”, Arte a diffusé ce jour, vendredi 13 juillet 2012, entre 18 et 19 heures, un documentaire de propagande entièrement consacré à chanter la gloire de la religion Islamique, les “sept merveilles” en question étant simplement reléguées au rôle de faire-valoir… Parmi les intervenants, figurait notamment le très célèbre et très sulfureux Tariq Ramadan. Pas une voix discordante, pas un bémol.
Je considère qu’il s’agit là d’un attaque délibérée contre les principes même de la laicité, par la manière dont toute distanciation critique a été évacuée (rien sur le statut de mineure des femmes dans de nombreux pays islamiques, rien sur les dérives terroristes, rien sur le conservatisme hermétique de pays comme l’Arabie Saoudite, entre autres). À en croire ce reportage, c’est l’Islam qui concentre les sept merveilles du monde : il est beau, il est grand, il ne veut que la paix, les fidèles pleurent comme des madeleines en voyant la Kaaba quand ils font le Hadj, tous les musulmans communient dans une même ferveur - bref, qu’attendons-nous pour nous convertir ?
Que dirait-on, si on parlait du Christianisme en considérant les Croisades et l’Inquisition comme des choses tout à fait normales, acceptables ? Sans jamais parler de ses schismes, des guerres de religion, des multiples abus commis par l’Église ?
Ce documentaire, en termes de propagande, est à la hauteur de ce que faisait un certain Dr Goebbels, de triste mémoire…

William Desmond

Commentaire de la Rédaction

Nous avons tenu, avant de publier cette forte réaction d’indignation, à visionner le film en question http://videos.arte.tv/fr/videos/les_sept_merveilles_de_l_islam-6795918.html : il s’agit sans aucun doute de propagande. La découverte touristico-culturelle des grandes mosquées de Jérusalem Est, Grenade, Istamboul, Djenné, Ispahan et Lahore, le « reportage » inédit mais très organisé à l’intérieur de l’enceinte sacrée de La Mecque, le fil conducteur autour du pélerinage dans cette ville de ressortissants de plusieurs pays, l’exposé simpliste de l’islam sous couvert de spiritualité, tout ceci est en effet parfaitement malhonnête. S’agit-il d’invoquer le principe de laïcité ? Il conviendrait dans un premier temps de protester auprès du CSA, instance de régulation des contenus à destination du public, à deux titres :

  • le caractère apologétique envers une religion du document en question, contraire au principe de neutralité d’une chaîne généraliste,
  • le manquement à la déontologie du journalisme quant à la présentation très « organisée » des croyances et pratiques religieuses sous couvert d’information documentaire.