Chronique d'Evariste
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Les "grands" médias, la droite et le gouvernement appellent à la fin de la démocratie

par Évariste
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Il était une fois, il y a très longtemps, en janvier 2013, un accord visant à diminuer les droits des salariés était signé d’une part par le Medef et d’autre part par 3 syndicats CFDT, CGC et CFTC. Les “grands” médias aux ordres, la droite, le gouvernement saluèrent cet accord en le déclarant “historique”. Il l’est, parbleu, mais pas pour les raisons souvent évoquées !

Rappelons que les syndicats signataires représentent 38,7% des votants aux élections prudhommales de 2008 :

  • CFDT : 21,8 %,
  • CFTC : 8,7 %,
  • CGC : 8,2 %,

et que les non-signataires représentent 49,7% des votants  :

  • CGT : 33,9 %,
  • FO : 15,8 %

Si la CGT et FO sont majoritaires, c’est la preuve, pour les médias, la droite et le gouvernement, que ce sont des populistes! Comme le peuple le 29 mai 2005 qui a osé dire non à la vérité dogmatique révélée !
Comme chacun sait, l’union du Medef, des “grands” médias ,de la droite et du gouvernement(sauf sur les questions sociétales!) sait mieux que le peuple et les salariés ce qui est bon pour tous.
Non seulement il déclare en “creux” que 38,7  % c’est mieux que 49,7% comme ils ont déclaré que 45 % , c’est mieux que 55% lors de la ratification anti-populaire de 2008 du Traité de Lisbonne, mais ils essayent d’intimider la représentation nationale directement élue par le peuple, appelée à voter en l’état de “l’accord” lors du futur passage au parlement, en développant l’idée que ne pas suivre les 38,7 % et suivre les “vilains canards” qui font 49,7% soit près de la moitié des suffrages, serait être contre “la modernisation des rapports sociaux”. En fait , supprimer la démocratie est un gage de modernité chez les néolibéraux de droite et de gauche. 1

  1. sur le site d’Acrimed sur le traitement médiatique de la signature de l’accord : ]
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Les éditocrates contresignent l’accord MEDEF-CFDT

par Frédéric Lemaire

Source de l'article

 

Le 11 janvier, les organisations patronales et trois syndicats (CFDT, CFE-CGC et CFTC) ont conclu un accord sur la prochaine réforme du marché du travail, au terme d’une négociation commencée en octobre dernier. L’enjeu était important, puisque le gouvernement avait annoncé qu’un éventuel accord entre « partenaires sociaux » serait transcrit dans la loi. 

Dans la presse, la signature de l’accord a été quasi-unanimement acclamée. Pour les habituels prescripteurs d’opinion l’accord serait « gagnant-gagnant », « audacieux », ou encore « une bouffée d’air au dialogue social »… Pourtant le texte est loin de faire l’unanimité, notamment parmi les syndicats1 .

Compte tenu de l’importance et de la technicité du texte, un véritable travail d’information aurait été bienvenu, explicitant les subtilités de l’accord et les positions en présence. Mais, c’est hélas coutumier, l’information a cédé le pas au copié-collé des « éléments de langage » du gouvernement ; et aux commentaires, opinions, parti pris des éditocrates, qui, en toute suffisance, s’autoproclament juges de la « démocratie sociale »…

« Plus de souplesse aux entreprises » et « plus de protection aux salariés », c’étaient les termes du gouvernement pour qualifier la réforme du marché du travail censée résulter des négociations entre organisations patronales et syndicales, lancées le 4 octobre 2012. Cette présentation de la réforme suggère qu’elle opèrerait un équilibre délicat, « gagnant-gagnant », entre les intérêts des entreprises et ceux des salariés – selon des termes (« souplesse », « protection ») qui fleurent bon l’agence de com’.

Que le gouvernement communique autour d’une de ses initiatives est une chose. Que les médias en reprennent unanimement les « éléments de langage » en est une autre… Car depuis l’AFP jusqu’à Reuters, Libération ou le Figaro, en passant par France Inter, RTL, France Télévisions, c’est la même rengaine : la réforme qui devrait résulter des négociations promet « plus de souplesse aux entreprises, et plus de protection aux salariés » (voir en annexe cette étonnante uniformité lexicale qui est aussi une spectaculaire démonstration d’unanimisme médiatique).

Un accord « donnant-donnant, équilibré et subtil » (Les Échos)

Les éditorialistes, quant à eux, sont unanimes. « Un accord (presque) historique  » titre Le Monde, pour qui « l’accord […] a l’imperfection de tous les compromis, mais il est équilibré, gagnant-gagnant » (12 janvier). Même sentence pour Libération, « les Cassandre ne manqueront pas de trouver bien des défauts à ce projet d’accord. Mais elles auront tort. Cette négociation […] apporte une bouffée d’air au dialogue social dans un pays au bord de l’asphyxie » (11 janvier).

Pour Franz-Olivier Giesbert, du Point, « l’accord […] n’est certes pas parfait, mais il a au moins le mérite de sortir la France du formol social dans lequel elle trempe depuis Mathusalem, avec les résultats que l’on sait en matière de chômage  » (10 janvier). Christophe Barbier, directeur de L’Express, étale quant à lui son art de la pédagogie : « la flexibilité, c’est la sécurité ! Il ne faut pas opposer la flexibilité et la sécurité. » (éditorial du 11 janvier sur iTélé).

Les Échos, moins pédagogues sans doute, exultent : « la clef de ce compromis se trouve du côté de la flexibilité. À tel point qu’au lieu de parler de flexisécurité, il convient d’évoquer la sécuflexibilité. » Se payant, au passage, le gouvernement : « L’ironie est qu’il appartient à la gauche d’avaliser le mot même de flexibilité qu’elle rangeait dans la case de l’ultralibéralisme il y a un an. Mais, après tout, elle récusait également tout problème du coût du travail et toute idée de hausse de la TVA.  »

Haro sur les « archaïques »

Mais Le Monde s’inquiète déjà de la fragilité des acquis de l’accord : « le plus dur est à venir : obtenir des élus socialistes le même respect de la démocratie sociale » (12 janvier). Une démocratie sociale qui a cela de sympathique qu’elle permet à trois syndicats minoritaires en termes de représentativité (au total, 38,7% aux dernières élections prudhommales) d’endosser un accord refusé par deux syndicats majoritaires (au total 49,7% aux dernières élections prudhommales, voir seconde annexe).

Libération annonce « que les partenaires sociaux, ou au moins une majorité d’entre eux, s’accordent sur une première négociation sociale, attendue depuis des années  » (11 janvier). Une majorité dont le quotidien oublie de préciser qu’elle est, en termes de représentativité, minoritaire.

Même oubli dans le Nouvel Observateur, qui annonce qu’« une majorité de partenaires sociaux a donné un avis positif, vendredi 11 janvier en fin de soirée, sur la signature de l’accord tant attendu sur la sécurisation de l’emploi, actant plus de droits pour les salariés et plus de flexibilité pour les entreprises. »

Aux syndicats signataires, qui ont permis cet accord si précieux, la presse dresse unanimement des éloges : « les signataires ont courageusement pris le risque de la réforme au lieu de s’accrocher à un statu quo mortifère » explique Le Monde (12 janvier). « MEDEF et CFDT, fins stratèges d’un accord audacieux » titre l’article du Figaro du 13 janvier. Franz-Olivier Giesbert est à deux doigts d’adhérer à la CFDT : « Grâces soient rendues à la CFDT d’avoir fait la preuve, une fois de plus, de son patriotisme et de sa maturité en signant le projet  » (Le Point, 10 janvier).

Ces éloges n’ont d’égal que l’opprobre jeté sur les syndicats qui ont refusé de signer l’accord. Si la CGT s’y oppose, c’est par pur calcul interne croit savoir Le Nouvel Observateur « Le secrétaire général de la CGT, dont la succession a affaibli l’organisation, est soucieux de montrer les muscles. » (11 janvier).

Pour Giesbert, la CGT et FO « décidemment hors d’âge » refusent l’accord par « logique boutiquière » (11 janvier) ; « C’est encore cet autisme français qui, cadenassant le pays dans l’archaïsme, l’a jusqu’à présent empêché d’accepter les solutions qui s’imposent en matière de compétitivité ou d’emploi. » (10 janvier)

Pour Le Monde, c’est bien évidemment un mauvais pari : « ce compromis va légitimer le syndicalisme réformiste et le dialogue social, si bien que la stratégie de la CGT et de FO pourrait s’avérer perdante. »

Dire « non » au projet du patronat n’est semble-t-il pas une option dans le « dialogue social » tel qu’il est conçu par les éditorialistes. « Il faut donc une nouvelle fois constater que la principale organisation syndicale française s’est mise hors du jeu de la négociation quasiment à l’instant où elle a démarré. C’est étrange, et pour tout dire condamnable » (Les Échos, 14 janvier).

***
Chroniqueurs, experts et éditorialistes « pédagogues » patentés s’accordent donc unanimement pour donner leur bénédiction à l’« accord sur l’emploi ». Juges autoproclamés de la « démocratie sociale », ils distribuent bons et mauvais points, acclamant les signataires et condamnant les syndicats « archaïques », défenseurs d’un « statu quo mortifère ». Oubliant, au passage, de préciser que ces syndicats représentent une majorité de salariés…

Dans le traitement médiatique de cet accord sur la réforme du marché, le commentaire a « écrasé » l’information. Comme si expliquer le contenu de l’accord revenait à s’en féliciter. Comme si présenter les positions des différentes organisations syndicales exigeait d’adouber les unes et de vilipender les autres, ou comme si rendre compte des grands dossiers économiques et sociaux commandait de se lamenter systématiquement sur l’obsolescence du « modèle français »…

Ce journalisme d’opinion recouvre et étouffe le reste de l’information. Il trouve appui dans les automatismes d’une langue journalistique, censément « neutre », qui reproduit pourtant servilement les éléments de langage gouvernementaux : « flexibilité » et « souplesse » pour évoquer les licenciements ; « dialogue social » comme ratification par les syndicats des exigences patronales ; et aux accents parfois orwelliens (« La flexibilité, c’est la sécurité ! » annonce Christophe Barbier).

Ses victimes collatérales sont doubles : ceux qui au sein de la profession journalistique cherchent à informer plutôt qu’à influencer l’opinion ou à intervenir dans le débat politique ; et le public, pris en otage par une clique bavarde et partisane, qui impose une version subjective de l’actualité.


Annexe 1 : une étonnante uniformité lexicale

« Le chef de l’Etat […] croit aux vertus du dialogue social […] pour donner plus de souplesse aux entreprises, plus de protection aux salariés.  » (L’Express, 29 décembre) ;

« Cette négociation, voulue par le gouvernement et entamée le 4 octobre, vise à concilier plus de souplesse pour les entreprises et plus de protection pour les salariés . » (Libération, 1er janvier) ;

« Il s’agit de trouver un équilibre entre plus de flexibilité pour les entreprises et plus de protection pour les salariés . » (La Croix, 7 janvier) ;

« A la recherche d’un compromis historique sur une réforme du marché du travail, syndicats et patronat peinent à s’entendre pour le rendre à la fois plus souple et plus protecteur.  » (Direct Matin, 8 janvier) ;

« Les négociations reprennent […] Il s’agit d’offrir à la fois plus de protection aux salariés, mais aussi plus de souplesse aux entreprises  » (Leparisien.fr, 9 janvier). L’article est assorti d’un sondage : selon vous, faut-il assouplir le code du travail ? » ;

« Depuis le coup d’envoi, le 4 octobre 2012, de cette négociation cruciale, syndicats et patronat peinent à trouver un compromis pour fluidifier le marché du travail en donnant plus de souplesse aux entreprises et de protection aux salariés.  » (AFP, 10 janvier) ;

« Une majorité de partenaires sociaux a donné un avis positif, vendredi 11 janvier en fin de soirée, sur la signature de l’accord tant attendu sur la sécurisation de l’emploi, actant plus de droits pour les salariés et plus de flexibilité pour les entreprises . » (Nouvel Obs, 11 janvier)

« La négociation sur la sécurisation de l’emploi, destinée à offrir à la fois plus de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés , a abouti vendredi à un projet d’accord. » (Le Parisien, 11 janvier 2013)

«  Les négociations sur une réforme du marché du travail alliant plus de sécurité pour les salariés et flexibilité accrue pour les entreprises ont débouché sur un accord vendredi  » (Reuters, 12 janvier)

« Au terme d’une journée marathon et de trois mois de négociations, syndicats et patronats ont arraché hier soir l’accord tant attendu par l’exécutif sur la sécurisation de l’emploi, destiné à offrir à la fois plus de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés.  » (La Dépêche, 12 janvier)

« Au terme de trois mois de négociations, syndicats et patronats sont parvenus à un accord vendredi 11 janvier sur la sécurisation de l’emploi, destiné à offrir à la fois plus de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés . » (L’Expansion, 14 janvier)

« Destiné à offrir plus de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés cet accord “marque l’avènement d’une culture du compromis après des décennies d’une philosophie de l’antagonisme social”, s’est félicitée Laurence Parisot, présidente du Medef. » (BFMTV.com, 12 janvier 2013)

«  Destiné à offrir plus de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés , que prévoit exactement cet accord ? » (RTL.fr, présentation de l’émission d’Eric Vagnier, 12 janvier)

« Trois syndicats sur cinq, à l’exception de la CGT et de FO, et les organisations d’employeurs, sont convenus d’un dispositif qui offre plus de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés.  » (RFI)

«  Plus de souplesse pour les entreprises et davantage de protection pour les salariés. Tels sont les grands axes de l’accord trouvé vendredi après trois mois de négociations entre syndicats et patronats. » (francetvinfo.fr, 14 janvier)

«  Destiné à offrir plus de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés , ce projet de loi sera présenté en Conseil des ministres en mars, puis examiné en urgence par le Parlement en vue d’une promulgation fin mai » (france24.com, présentation de l’émission « duel de l’économie », 17 janvier)

« La semaine dernière, la CGT et Force ouvrière ont refusé de signer l’accord sur une réforme du marché du travail […] Cet accord est censé offrir plus de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés » (présentation de l’émission du 21 janvier 2013, France Inter)

Annexe 2 : une majorité de partenaires sociaux… non majoritaire.

Trois syndicats sur cinq ont voté l’accord. Une majorité de partenaires sociaux, certes, mais non représentative : en termes de représentation syndicale, les signataires représentent 38,7% des votants aux élections prudhommales de 2008 :
- La CFDT : 21,8%
- La CFTC : 8,7%
- La CFE-CGC : 8,2%

Les non-signataires représentent 49,7% des votants aux élections prudhommales de 2008 :
- La CGT : 33,9%
- FO : 15,8 %

Des informations trop rarement rappelées dans les articles consacrés à l’accord…

  1. La CGT et FO, qui ont refusé de signer le texte, sont majoritaires en termes de représentativité. Au-delà du milieu syndical, de nombreuses voix se sont par ailleurs élevées pour critiquer cet accord… []
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Mali - Algérie - Sahel : sortir de la confusion entretenue

par Ahmed Améziane, Zohra Ramdane

 

Des évènements sans images et sans informations crédibles ouvrent la voie à une propagande médiatique Cette propagande, largement entretenue pour raison de guerre, brouille les pistes de compréhension de la réalité matérielle. L’information est en elle-même un élément de la guerre en ce siècle. Il y a même lieu de dire, qu’en soi, la guerre de l’information devient permanente au fur et à mesure que nous avançons dans ce XXIe siècle. L’un des sujets récurrents sur lequel se concentre la propagande des pôles dominants est celui du traitement du djihadisme musulman et de sa matrice génitrice, l’islam politique. Une propagande à géométrie variable, selon les intérêts et les situations. Alliance en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Libye… Mésalliance, en Iran, au Sahel, en Palestine… Quand faut-il applaudir ? Lorsque l’Algérie négocie avec les terroristes afin de sceller une « concorde civile », ou lorsqu’elle frappe avec une poigne de fer pour mater un groupe djihadiste venu « exploser » un complexe gazier ?

Comme Samir Amin1 , nous pensons que la France a eu raison d’intervenir pour empêcher les djihadistes de prendre Bamako, djihadistes dont le but est de constituer le Sahélistan islamiste sur l’ensemble du Sahel et du sud saharien. Mais, nous pensons que la France et les pays occidentaux ont une grande part de responsabilité dans les évènements actuels. En fait, nous pensons que l’implantation islamiste est en grande partie due aux politiques néolibérales qui ont eu cours dans ces pays. Par exemple, la France a soutenu, pour le Mali comme pour d’autres pays, les plans d’ajustement structurel (ancêtres des politiques d’austérité mais pour les pays du Sud) de la Banque mondiale : accroissement de la pauvreté, libéralisation de la filière coton entraînant l’exode rural, destruction des systèmes de santé et d’enseignement public ouvrant la voie à des substitutions islamistes charitables. Ajoutons à cela que l’armement des djihadistes provient du conflit libyen où les occidentaux ont joué les apprentis-sorciers.

Disons clairement qu’aucune solution ne pourra voir le jour sans la victoire contre les islamistes, mais qu’une victoire contre les islamistes ne règlera rien s’il n’y a pas de rupture avec la politique néolibérale suivie dans cette région depuis la fin des années 70. Pourquoi la France a-t-elle soutenu la prise de pouvoir et la dictature de Moussa Traoré contre le Mali de Modibo Keita ? C’est ce coup d’État de la Françafrique, c’est cette dictature qui a déstabilisé le Mali. C’est cette dictature qui a engagé les plans d’ajustement structurel de la Banque mondiale. C’est à partir de là que les Touaregs et les peuples du nord du Mali ont été abandonné par le pouvoir de Bamako. Une fois libérés de la dictature, les Maliens n’ont pas pu organiser le développement autocentré et faire les réformes politiques nécessaires.

Les politiques mises en place ont toutes échoué. Échec en Algérie, où le traitement sécuritaire de la donne islamiste a débouché sur un compromis de pouvoir appuyé sur une néo-islamisation de la société. Échec en Afghanistan, où la démarche guerrière poussée à ses dernières limites aboutit à un retrait qui refait place aux talibans qu’elle était venu combattre. Échec en Irak, où le démembrement de l’entité nationale a fait régresser le pays vers des confrontations confessionnelles et ethniques éculées. Échec en Libye, où l’intervention militaire occidentale et les ingérences moyen-orientales mettent, à chaque instant, les trois régions constitutives de la Libye en situation de quasi sécession. Échec prévisible au Mali, où la réponse aux différentes crises, telle qu’elle est engagée, consolidera les faiblesses institutionnelles qui ont miné le pouvoir de Bamako, et renforcera le ressentiment légitime des populations du nord, délaissées et marginalisées depuis toujours.

Les discours néolibéraux de droite et de gauche, mais aussi certains discours de la gauche dite anti-libérale, ne sont pas susceptibles de changer la donne. De fonder une approche pertinente des questions que posent l’islam politique et son prolongement opérationnel : le djihadisme.

Les discours des néolibéraux ont, pour leur part, l’avantage de la clarté, ils protègent leurs intérêts, la France inquiète pour l’approvisionnement de sa filière électronucléaire en uranium, à partir du Niger, voit d’un mauvais œil aussi bien l’enkystement des islamistes que l’aspiration à l’autodétermination de populations locales marginalisées et délaissées par les États postcoloniaux. Les travaux de l’Autorité pour la promotion de la recherche pétrolière au Mali (AUREP) ont mis à jour des gisement au Nord du pays. Sans doute a-t-on oublié de vous le dire ! Le cas malien est un cas d’école, et illustre parfaitement la démarche. La France intervient dans ce pays à l’appel, dit-elle, des autorités de transition, tout le monde sait que celles-ci n’ont aucune emprise sur la réalité du pouvoir. L’armée malienne est aujourd’hui une armée ethnique peu efficace. L’objectif de déloger les djihadistes, retranchés dans les villes des provinces du Nord, est décliné comme étant la défense de l’intégrité territoriale du Mali. Les ethnies du Nord-Mali (Azawad pour les Touaregs) ont, de tout temps, été abandonnées tant par les occidentaux, par le pouvoir de Bamako (depuis le coup d’État de Moussa Traoré et de ce point de vue, sa chute n’a rien changé) que par celui de l’État algérien. .

Comprendre pour agir

Si nous voulons avoir une chance d’aller vers le mieux, nous pensons que la seule solution est d’aider les forces démocratiques, sociales et laïques à engager un processus d’émancipation. Pour cela, il faut d’abord comprendre les causes et notamment les plus essentielles :

• Depuis le déclenchement de la guerre d’Afghanistan en 1979, les forces néolibérales se sont engagées dans un système d’alliance avec les forces communautaristes et intégristes. Une alliance diabolique qui au-delà de son utilité pour les néolibéraux leur pose des problèmes auxquels ils ne voient que la seule option militaire pour contenir et tenter d’en éteindre les conséquences indésirables. Ce sont les alliés des néolibéraux qui arment et financent les groupes islamistes via les grandes banques du monde qu’elles soient occidentales, saoudiennes, qataries ou autres… Ce sont toujours les néolibéraux (ou leurs alliés saoudiens ou qataris) qui encouragent la participation des islamistes au pouvoir en Turquie, en Tunisie, en Égypte, en Algérie, etc., ou qui les arment en Libye et en Syrie… Et ce sont les néolibéraux qui précipitent et privilégient la « solution » militaire lorsque les choses vont trop loin, en Afghanistan, en Somalie ou au Mali. De ce point de vue, les évènements du « printemps arabe » n’ont rien changé aux rapports des gouvernements néolibéraux occidentaux avec cette aire qui s’étend de l’Afrique du Nord au Moyen-Orient.

• Il faut voir la volonté des néolibéraux d’asseoir la théorie du « choc des civilisations » en faisant monter les mouvements intégristes (y compris chrétiens d’ailleurs) pour contrarier le mouvement de sécularisation à l’œuvre dans le monde entier. Il faut comprendre que les intégristes de toutes religions, y compris donc les islamistes, progressent grâce à l’alliance matérielle et financière avec les néolibéraux mais aussi parce que le capitalisme actuel augmente la pauvreté, la précarité, détruit les services publics, fait reculer la santé et la protection sociale, l’école, détruit dans les pays développés et dans les pays les plus pauvres du monde, l’économie réelle en la remplaçant par les trafics maffieux et informels, etc. Il faut donc une rupture avec ces politiques néolibérales de charité partout, y compris au Mali. Lutter contre la pauvreté et pour le développement économique et social autocentré est la meilleure politique contre les intégristes.

• On ne peut vaincre les islamistes par la seule voie militaire. Pas plus que la police et l’armée ne sont venues à bout d’Al Capone, qui est tombé suite à l’action du fisc américain et non de sa police. Dans notre sujet, il faut couper les sources de financement et d’aide des groupes islamistes et djihadistes. Notamment venant des « amis » des néolibéraux et arrêter d’encenser ces pays qui viennent « investir » en France

• Les forces intégristes se soutiennent entre elles. Faire comme l’Algérie de considérer qu’il faut discuter avec Ansar Dine mais pas avec Aqmi ou le Mujao, ou comme la France qui soutient les djihadistes en Syrie et les combat au Mali, est une faute, en tout cas si on veut améliorer les choses. En fait, toutes les forces intégristes se mettent d’accord et croire aux divisions entre Mokhtar Bel Mokhtar et Aqmi ou Ansar Dine est une impasse. Ils sont tous d’accord entre eux, agissent dans le cadre d’une répartition de tâches et ne diffèrent que par des éléments secondaires tels les moyens de se financer, les uns par le trafic les autres par les pays du Golfe. Quant à l’Algérie, contrairement à ce que racontent tous les jours les grands médias français, elle n’a eu de cesse, au moins depuis Chadli Bendjedid (en dehors de l’intermède Boudiaf, liquidé parce qu’il n’était pas d’accord avec le compromis avec les islamistes), de chercher le compromis avec les islamistes qui se sont renforcés politiquement, militairement et financièrement jusqu’à devenir une force dominante aujourd’hui.
La direction politique algérienne agit comme les néolibéraux occidentaux, elle favorise les islamistes en son sein et agit militairement sur les conséquences de cette politique. Car le renforcement des islamistes même modérés nourrit in fine les groupes djihadistes. Il n’y a pas de barrière entre eux. Il cesser d’être naïfs, de croire que l’on peut jouer des divisions entre les islamistes modérés, les islamistes faucons et les djihadistes. Il y a entre eux un continuum et un projet commun, une unité stratégique ! La seule barrière qui vaille d’être recherchée et encouragée est entre d’une part l’islam et les musulmans qui intègrent et défendent les principes républicains et d’autre part les islamistes (modérés ou pas, djihadistes ou pas) qui se vouent à l’instauration d’une théocratie.

• C’est bien parce que la France est engluée dans la Françafrique qu’elle n’a toujours pas, avec ses alliés occidentaux, engagé un véritable soutien à une politique contre la pauvreté, pour la santé, pour l’école et pour le développement économique et social autocentré, qu’elle a dû intervenir militairement au Mali. La France, qui a eu raison d’intervenir pour empêcher la prise de Bamako par les islamistes, doit changer de politique dans les faits et pas seulement en parole.

• L’action contre-productive des USA en Afrique est manifeste. Comme ils avaient formé et financé Ben Laden et ses djihadistes pour combattre l’Union soviétique, voilà qu’on apprend que les islamistes ont eu le renfort de bataillons de l’armée malienne formés par les étasuniens.

• Le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), aujourd’hui affaibli du fait de l’absence de tout soutien international et qui a vu ses unités combattantes diminuer en faveur d’Ansar Dine propulsé par les financements moyen-orientaux, vient de réaffirmer sa disponibilité à combattre Ansar Dine et les islamistes. Le MNLA est l’interlocuteur qui n’aurait jamais dû être négligé.

Pour finir, un mot sur la Syrie

Samir Amin2 nous montre l’étendue de la désinformation des médias : « Les médias français donnent crédit aux communiqués du prétendu Observatoire Syrien des Droits de l’Homme, une officine connue pour être celle des Frères Musulmans, fondée par Ryad El Maleh, soutenue par la CIA et les services britanniques. Autant faire crédit aux communiqués d’Ansar Eddine ! La France tolère que la soit disant « Coalition Nationale des Forces de l’Opposition et de la Révolution » soit présidée par le Cheikh Ahmad El Khatib choisi par Washington, Frère Musulman et auteur de l’incendie du quartier de Douma à Damas. » Sans commentaires.
La militarisation de la contestation du régime de Bechar Al Assad, recherchée à la fois par le régime et par l’alliance néolibérale et des monarchies ultra-conservatrices, a contrarié le potentiel démocratique de la contestation populaire de masse qui s’était puissamment exprimée au début du mouvement. Ce mouvement démocratique populaire contrarié actuellement par la militarisation de la confrontation, pâtira à coup sûr du pouvoir qui sera issu de la confrontation actuelle entre les extrêmes.

Il serait temps que le changement, ce soit maintenant !

  1. Voir ]
  2. Idem. []
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Ce que le film « Lincoln » ne dit pas sur Abraham Lincoln

 

À l’occasion de la sortie en salle de Lincoln, le film réalisé par Steven Spielberg, Mémoire des luttes publie un article inédit en France de Professeur de sciences politiques et de politiques publiques à l’Université Pompeu Fabra (Barcelone) et professeur d’études politiques et de politiques publiques à l’Université John Hopkins (Baltimore, Etats-Unis)., et dont le propos sera, à n’en pas douter, absent de la plupart des commentaires et des critiques proposés par les grands médias.

Qui sait que le seizième président des Etats-Unis fut très proche des idées socialistes et des revendications du mouvement ouvrier ? Et qu’il liait indissociablement la question de l’abolition de l’esclavage à celle de l’émancipation de la classe ouvrière tout entière ?

On verra en quoi l’adaptation de Steven Spielberg déforme l’histoire, et les raisons idéologiques et culturelles de ce parti pris.

Cet article est publié en français et dans sa version originale en espagnol (sur le site Publico). Il est accompagné de la lettre de félicitations que reçut Abraham Lincoln le 30 décembre 1864 de la Première Internationale pour sa toute récente réélection. Ce document d’histoire – réelle, elle – fut rédigé par Karl Marx.

Le film Lincoln, produit et dirigé par l’un des réalisateurs les plus connus des Etats-Unis, Steven Spielberg, a provoqué un regain d’intérêt pour la figure d’Abraham Lincoln. Un président qui, comme Franklin D. Roosevelt, a marqué la culture étatsunienne et l’imaginaire collectif. Ce personnage politique fait figure de garant de l’unité du pays après la défaite des Confédérés qui aspiraient à la sécession des Etats du Sud vis-à-vis de l’Etat fédéral. Il s’est également distingué dans l’histoire des Etats-Unis en abolissant l’esclavage et en offrant la liberté et la citoyenneté aux descendants des immigrés d’origine africaine, à savoir à la population noire dite « afro-américaine ».

Lincoln a également été le fondateur du Parti républicain. Un parti qui, à l’origine, n’avait pas grand chose à voir avec la formation actuelle, fortement influencée par un mouvement – le Tea Party – chauvin, raciste et particulièrement réactionnaire, derrière lequel se cachent des intérêts économiques et financiers déterminés à éliminer l’influence du gouvernement fédéral sur la vie économique, sociale et politique du pays.

Le Parti républicain du président Lincoln était au contraire une organisation fédéraliste qui considérait le gouvernement central comme le garant des droits humains. Parmi ces derniers, c’est l’émancipation des esclaves, thème majeur de Lincoln, qui fut le principal cheval de bataille du président. L’abolition de l’esclavage permit aux individus asservis d’acquérir le statut de travailleurs propriétaires de leur propre travail.

Mais Lincoln, avant même de devenir président, considérait d’autres conquêtes sociales comme faisant partie des droits humains. Parmi elles, le droit du monde du travail à contrôler non seulement son travail, mais aussi le produit de son travail. Le droit à l’émancipation des esclaves transforma ces derniers en individus libres salariés, unis – selon lui – par des liens fraternels avec les autres membres de la classe laborieuse, indépendamment de la couleur de leur peau. L’ambition de rendre l’esclave libre et celle de faire du travailleur – qu’il soit blanc ou noir – le maître non seulement de son travail, mais aussi du produit de son travail, étaient aussi révolutionnaires l’une que l’autre.

La première faisait de l’esclave un individu libre et propriétaire de son travail, tandis que la seconde rendait la classe laborieuse maîtresse du produit de son travail. Lincoln tenait à ces deux aspects de l’émancipation. Or le second est totalement absent dans le film. Il est ignoré. J’utilise délibérément le terme « ignoré » plutôt qu’« occulté », car il est tout à fait possible que les auteurs du film ou du livre dont il s’inspire ne connaissent même pas la véritable histoire d’Abraham Lincoln.

La guerre froide, qui perdure dans le monde culturel - y compris universitaire - des Etats-Unis et la domination écrasante de ce que l’on nomme là-bas la corporate class (à savoir la classe des propriétaires et des fondés de pouvoir du grand capital) sur la vie non seulement économique, mais aussi civique et culturelle, explique que l’histoire officielle des Etats-Unis enseignée à l’école et dans les universités soit fortement biaisée. Elle est purifiée de toute « contamination » idéologique liée au mouvement ouvrier, qu’il s’agisse du socialisme, du communisme ou de l’anarchisme.

La vaste majorité des étudiants américains, y compris ceux des universités les plus prestigieuses, ignorent que la fête du 1er mai, célébrée à travers le monde en tant que Journée mondiale du travail, rend hommage aux syndicalistes américains morts en défendant la journée de huit heures (au lieu de douze). C’est cette victoire qui permit de porter avec succès cette revendication dans la plupart des pays du monde. Or aux Etats-Unis, le 1er mai, outre qu’il n’est pas férié, est le jour dit de la loi et de l’ordre – Law and Order Day – (lire l’ouvrage A People’s History of the United States, de Howard Zinn). La véritable histoire des Etats-Unis est fort différente de la version officielle promue par les structures de pouvoir étatsuniennes.

Des sympathies politiques ignorées et/ou occultées

Lincoln, lorsqu’il était membre de la Chambre des représentants de son Etat (l’Illinois), sympathisait avec les revendications socialistes du mouvement ouvrier, non seulement américain, mais aussi international. Pour lui, le droit des travailleurs à contrôler le produit de leur travail était un droit humain, ce qui constituait à l’époque – et constitue encore aujourd’hui – une position tout à fait révolutionnaire. Or ni le film ni la culture dominante aux Etats-Unis n’en font état. Cet aspect a été opportunément oublié par les appareils idéologiques de l’Establishment américain contrôlés par lacorporate class.

En réalité, Lincoln considérait l’esclavage comme la domination suprême du capital sur le travail. Son opposition aux structures de pouvoir des Etats du Sud s’expliquait justement par le fait qu’elles représentaient pour lui les piliers d’un régime économique fondé sur l’exploitation absolue des travailleurs. Il voyait ainsi dans l’abolition de l’esclavage la libération non seulement de la population noire, mais de tous les travailleurs, y compris ceux appartenant à la classe laborieuse blanche, dont le racisme allait selon lui à l’encontre de ses propres intérêts.

Pour Lincoln, « le travail précède le capital. Le capital est seulement le fruit du travail et il n’aurait jamais pu exister si le monde du travail n’avait tout d’abord existé. Le travail est supérieur au capital et mérite donc une plus grande considération (…). Dans la situation actuelle, c’est le capital qui détient tout le pouvoir et il faut renverser ce déséquilibre ». Il n’aura pas échappé aux lecteurs des écrits de Karl Marx, contemporain d’Abraham Lincoln, que certaines de ces phrases sont très proches de celles utilisées par le penseur allemand dans son analyse de la relation capital/travail au sein d’un système capitaliste.

Nombre de lecteurs seront en revanche surpris d’apprendre que l’oeuvre de Karl Marx a influencé Abraham Lincoln, comme le montre de manière très détaillée le journaliste et écrivain John Nichols dans son excellent article intitulé  »Reading Karl Marx with Abraham Lincoln Utopian socialists, German communists and other republicans », publié dans Political Affairs (27 novembre 2012) et dont sont extraites les citations et la plupart des éléments figurant dans le présent article.

Les écrits de Karl Marx étaient connus des intellectuels, tel Lincoln, qui se montraient très critiques vis-à-vis de la situation politique et économique des Etats-Unis. Marx écrivait régulièrement dans The New York Tribune, le journal intellectuel le plus influent dans le pays à cette époque. Son directeur, Horace Greeley, se considérait comme socialiste. Il admirait Karl Marx à qui il proposa de rédiger des chroniques dans son journal.

The New York Tribune comptait d’ailleurs parmi ses collaborteurs un grand nombre de militants allemands qui avaient fui les persécutions pratiquées dans leur pays d’origine. Il s’agissait à l’époque d’une Allemagne fortement agitée, avec la naissance d’un mouvement ouvrier remettant en cause l’ordre économique existant. Certains de ces immigrés allemands (connus aux Etats-Unis, à cette époque, sous le nom de « Républicains rouges ») luttèrent ensuite au côté des troupes fédérales commandées par le président Lincoln pendant la guerre de Sécession.

Greely et Lincoln étaient amis. Greeley et son journal soutinrent dès le départ la carrière politique de Lincoln. Ce fut d’ailleurs Greeley qui lui conseilla de se porter candidat à la présidence du pays. De plus, de nombreux éléments indiquent que Lincoln était un fervent lecteur du New York Tribune. Lors de sa campagne électorale pour la présidence des Etats-Unis, il proposa à plusieurs « Républicains rouges » d’intégrer son équipe. Auparavant déjà, en tant que membre du Congrès représentant les citoyens de Springfield, dans l’Etat de l’Illinois, il s’était fréquemment montré solidaire des mouvements révolutionnaires d’Europe, en particulier de Hongrie, en signant des documents témoignant de son soutien.

Au côté des travailleurs des Etats-Unis et du monde entier

Loin d’être fortuite, la connaissance qu’avait Lincoln des traditions révolutionnaires de l’époque résultait de sa sympathie pour le mouvement ouvrier international et ses institutions. Il encouragea ainsi les travailleurs des Etats-Unis à organiser et à mettre sur pied des syndicats, y compris au cours de son mandat de président, ce qui explique qu’il fut nommé membre honoraire de plusieurs d’entre eux. Aux syndicats de New York, il déclara : « Vous avez compris mieux que quiconque que la lutte contre l’esclavage vise à émanciper le monde du travail, c’est-à-dire tous les travailleurs. La libération des esclaves du Sud et celle des travailleurs du Nord ne sont qu’un seul et même combat ». Pendant la campagne électorale, Lincoln adopta une posture anti-esclavagiste, précisant sans équivoque que l’émancipation des esclaves permettrait aux travailleurs de réclamer des salaires leur offrant une vie décente et digne, contribuant ainsi à augmenter la rémunération de tous les travailleurs, qu’ils soient noirs ou blancs.

Dans leurs textes, Marx comme Engels relatèrent avec enthousiasme la campagne de Lincoln au moment où tous deux préparaient la Première Internationale ouvrière. Au cours de l’une des sessions, ils proposèrent d’ailleurs à l’Internationale d’envoyer une lettre au président Lincoln afin de le féliciter pour son attitude et sa position. Dans cette lettre, la Première Internationale félicitait le peuple des Etats-Unis et son président pour avoir, en abolissant l’esclavage, favorisé l’émancipation de l’ensemble de la classe laborieuse, non seulement étatsunienne, mais aussi mondiale.

Dans sa réponse, Lincoln remercia la Première Internationale pour sa lettre et affirma qu’il faisait grand cas du soutien des travailleurs du monde entier à ses politiques. Son ton cordial ne manqua pas de provoquer une certaine panique parmi les membres de l’Establishment économique, financier et politique des deux côtés de l’Atlantique.

Au niveau international, il semblait évident que, comme l’indiqua ultérieurement le dirigeant socialiste américain Eugene Victor Debs au cours de sa propre campagne électorale, « Lincoln avait été un révolutionnaire et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le Parti républicain avait assumé par le passé une tonalité rouge ».

Une révolution démocratique avortée

Il va sans dire qu’aucun de ces éléments n’est relaté dans le film Lincoln, et qu’ils restent peu connus aux Etats-Unis. Mais, comme l’indiquent John Nichols et Robin Blackburn (autres auteurs ayant beaucoup écrit au sujet de Lincoln et de Marx), pour saisir le personnage de Lincoln, il est indispensable de comprendre l’époque et le contexte dans lesquels il a vécu.

Lincoln n’était pas marxiste, terme utilisé à l’excès dans l’historiographie et dénoncé par Marx lui-même. Il souhaitait non pas éradiquer le capitalisme, mais corriger l’immense déséquilibre entre capital et travail inhérent à ce système. Reste qu’il fut sans aucun doute fortement influencé par Marx et par d’autres penseurs socialistes avec lesquels il partagea des désirs immédiats, affichant une sympathie pour leurs opinions et adoptant une position très radicale dans son engagement démocratique. En ignorant ces faits, le film Lincoln déforme ainsi l’histoire.

Il est indéniable que Lincoln fut une personnalité complexe et ambiguë. Mais il existe dans ses discours des preuves écrites et sans équivoque des sympathies qu’il entretenait. De plus, les vifs débats qui animaient les gauches européennes avaient cours également dans les cercles progressistes des Etats-Unis. En réalité, ce sont les socialistes utopiques allemands, dont une grande partie s’était réfugiée dans l’Illinois après avoir fui la répression européenne, qui eurent le plus d’influence sur Lincoln.

Le communalisme qui caractérisait ces socialistes influença la conception de la démocratie de Lincoln. Il la considérait comme la conduite des institutions politiques par le peuple, un peuple dont les classes populaires constituaient la majorité.

Sa célèbre formule « La démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » – devenue une magnifique maxime démocratique connue dans le monde entier – pointe sans équivoque l’impossibilité de faire triompher une démocratie du peuple – et pour le peuple – si elle n’est pas mise en oeuvre par le peuple lui-même.

C’est pourquoi Lincoln voyait dans l’émancipation des esclaves et des travailleurs des éléments indispensables à cette démocratisation. Sa vision de l’égalité était nécessairement en contradiction avec la domination des institutions politiques par le capital. Pour preuve, la situation actuelle aux Etats-Unis que je détaille dans mon article « Lo que no se ha dicho en los medios sobre las elecciones en EEUU » [1] (« Ce qui n’a pas été dit dans les médias sur les élections aux Etats-Unis », Público, 13 novembre 2012). Aujourd’hui, c’est la corporate class qui contrôle les institutions politiques du pays.

Dernières observations, et un souhait

Je répète qu’aucun de ces faits n’est relaté dans le film. Après tout, Spielberg n’est pas Pontecorvo, et le climat intellectuel aux Etats-Unis porte encore les stigmates de la guerre froide. « Socialisme » demeure un terme négativement connoté dans l’Establishment culturel du pays. Et, sur les terres de Lincoln, le projet démocratique qu’il avait rêvé n’est jamais devenu réalité du fait de l’influence considérable du pouvoir du capital sur les institutions démocratiques, une influence qui a muselé l’expression démocratique aux Etats-Unis.

Terrible ironie de l’histoire : le Parti républicain est devenu l’instrument politique le plus agressif au service du capital.

Je serais reconnaissant à celles et ceux qui trouveront cet article intéressant de bien vouloir le diffuser le plus largement possible. Y compris auprès des critiques de cinéma qui, dans le cadre de la promotion du film, ne diront pas un mot de cet autre Lincoln méconnu dans son propre pays et dans bien d’autres. L’un des fondateurs du mouvement révolutionnaire démocratique n’est même pas reconnu comme tel. L’abolition de l’esclavage a constitué une grande victoire qui mérite d’être célébrée. Mais l’action de Lincoln ne s’y réduit pas. Et de cela nul ne parle.

Par Vicenç Navarro1

Traduction : Frédérique Rey

  1. Professeur de sciences politiques et de politiques publiques à l’Université Pompeu Fabra (Barcelone) et professeur d’études politiques et de politiques publiques à l’Université John Hopkins (Baltimore, Etats-Unis). []
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Le « je t'aime, moi non plus » des impérialismes français et allemands durant l'histoire ou l'histoire contrariée de l'Europe sous domination allemande

par Zohra Ramdane

 

Les petits fours du 50e anniversaire du traité de l’Élysée entre la France et l’Allemagne ayant été mangés, nous pouvons, après la propagande médiatique de type « Bisounours » présentant ce traité comme nous ayant permis de vivre sans guerre entre la France et l’Allemagne, enfin analyser plus sérieusement les choses.
Nous commencerons dans ce court article par présenter un éclairage sur l’action de la partie dominante du grand patronat sur la volonté de construire l’Europe sous domination allemande1 . Nous y reviendrons sur d’autres aspects.
Dès avant 1914, nous avons été en présence des tentatives d’alliance des capitaux allemands et français soutenu notamment par le gouvernement Rouvier contre l’avis du ministre Delcassé. Rappelons-nous aussi l’appel de la droite et du grand patronat à Bismarck pour écraser la Commune de Paris. Après la Première Guerre mondiale, on néglige souvent la pression des patrons de la sidérurgie française (via Raymond Poincaré, ami des Wendel, et de ses amis) pour obtenir le cartel international de l’acier (obtenu en 1926), des patrons de la chimie française (politique de Kuhlmann notamment) et allemande, et des États unis (plan Dawes de 1924) dans l’orchestration de la « réconciliation » et la suppression d’une partie du traité de Versailles notamment celle concernant les « réparations ». Même en ce qui concerne la période de la collaboration 1940-1944, il est souvent négligé la collaboration des patronats allemands et français. Voyez même en 2013 que la plainte des descendants de Renault visant à blanchir leur ancêtre en est encore à la Cassation ! Après la Deuxième Guerre mondiale, c’est sur pression des États-Unis que se développe l’Europe sous domination allemande avec la priorité du développement économique de l’Allemagne. D’où un nouveau traité, sur le charbon et l’acier, en 1950 sous l’influence de Schuman (même cause qu’en 1926 !), puis les traités de Rome en 1957 (contre l’avis de Pierre Mendès-France qui a vu tout de suite que cela entraînerait le déclin de la démocratie et de la souveraineté populaire) et enfin le traité de l’Élysée dont on a fêté le cinquantenaire. Dans les deux premiers cas, ce sont les guerres mondiales qui ont permis de résoudre momentanément la crise du capitalisme. Cette fois-ci, la crise systémique qui est engagée depuis plus de 30 ans pousse les patronats et leurs alliés politiques de promouvoir, non pas une guerre mondiale (impossible vu le niveau des armements), mais une série de guerres sociales dans chaque pays. Le schéma est simple : concentration du capital, changement organique de la composition du capital, baisse tendancielle du taux de profit, désindustrialisation de la France au profit de l’Allemagne, financiarisation de l’économie pour augmenter les taux de profit, krachs bancaires, argent public au secours de la dette privée, crise de la dette publique, intensification de la lutte ces classes (c’est-à-dire tendance à la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée) dans les politiques austéritaires pour aboutir aux guerres sociales dans chaque pays. 

Mais l’histoire future n’est pas écrite et comme Antonio Gramsci allions le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté.

  1. Notre propos n’est pas de faire un déroulé historique exhaustif que chacun peut aller chercher ailleurs sur les guerres mondiales, sur le traité de Versailles, sur les politiques complexes suivies. Notre propos est de mettre en lumière une réalité souvent mise sous le boisseau par les médias et les « histoires officielles » à savoir la permanence de l’action lobbyiste de la fraction du grand patronat qui influe avant-hier, hier et encore aujourd’hui sur la politique nationale française. Bien évidemment, une analyse exhaustive des causes de cette politique nationale française demanderait des développements qui ne peuvent entrer dans un texte aussi court. []
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Un scandale nommé Désir

par Jean ESTIVILL
Conseiller Municipal, Président des élus du Parti de Gauche de Savigny, Président de l’Essonne de l’UFAL (Union des Associations des Familles Laïques)
http://www.savigny-egalite.com

Source de l'article

 

Le communiqué du Président Henri Farreny de l’Amicale des Anciens Guerilleros Espagnols en France (FFI), dont je fais partie, dit l’indignation qu’ont provoquée les propos du premier secrétaire du parti socialiste à propos de l’accueil que reçurent sur notre territoire les 400 000 républicains espagnols en 1939. Je ne voudrais pas que mon article soit un billet d’humeur, il en a pourtant bien des aspects. Comment pourrait-il en être autrement ? Mon père était un de ces républicains espagnols, il a été parqué dans le camp de concentration d’Agde puis non reconnu par Pétain alors qu’il avait été arrêté avec l’armée française, le 18 juin 1940 ; il fut, comme dix mille autres, envoyé dans un camp de la mort, à Mauthausen. Il avait été reçu comme un bandit, surveillé par des tirailleurs sénégalais qui ne comprenaient pas à qui ils avaient affaire, il reçut une pelle pour faire un trou et une toile pour se construire un abri sur la plage. Imprévoyance d’un pouvoir qui avait trahi la République espagnole ? Non, revanche de ceux qui avaient fait « le choix de la défaite » (lire le livre d’Annie Lacroix-Ritz) et qui comptaient bien régler leur compte définitivement à ces rouges républicains qui, plus que leur mauvaise conscience, étaient leurs ennemis. La moindre tentative de fuir l’enfer de ces camps de concentration, c’était comme première punition d’être enterré toute la nuit jusqu’au cou dans le sable : nous étions en hiver, l’issue était fatale.
Billet d’humeur donc aussi, car socialiste, et au Parti de Gauche, il m’est insupportable d’assister à un tel dévoiement de la droiture que doit s’imposer celui qui a choisi la pensée et l’action de Jaurès, qui plus est, quand on est le premier d’un parti qui continue de s’en réclamer, et ce, à des fins tristement politiciennes. Car ces propos ne relèvent pas de l’inculture ou seulement en partie, mais d’une politique cyniquement mise en œuvre et dont on a pensé en haut lieu, il y a quelques mois, que Désir avait le profil idéal pour la porter. Celle du consensus dont a besoin un gouvernement qui s’est lancé dans un acte de guerre hasardeux au Mali, et qui, après avoir donné mille gages au Medef, a besoin de rallier la classe politique de droite dans la perspective d’une union sacrée sans laquelle il ne pourra imposer la politique de la Troïka. Alors il faut éloigner l’image d’une France qui se comporta d’une manière odieuse et criminelle avec ces centaines de milliers de pauvres qui avaient tout perdu et dont pourtant des milliers allaient participer aux combats de la résistance. Une partie de la droite se complet à répandre l’idée que la France, fille aînée de l’Église depuis Clovis, n’a jamais rien eu à se reprocher ? Qu’à cela ne tienne, Désir se charge, toute honte bue, de lui tenir des propos qui lui sont doux. Cahuzac lui-même n’a-t-il pas apporté sa pierre à ce consensus, allant jusqu’à affirmer que « la lutte des classes n’existait pas », prenant pour le coup tout le monde pour des imbéciles, avec son arrogance coutumière. Imbécile que l’agrégé de Lettres Bayrou a refusé d’être. Faut- il en effet pour s’attirer la sympathie des parties de droite considérer qu’ils sont constitués de demeurés ? Cahuzac l’a cru, Désir le croit.

Mais trop, c’est trop, Désir devra s’expliquer. Et qu’on nous comprenne bien, pour nous, les peuples n’ont rien à se reprocher. Ils ne sont pas responsables des crimes que des gouvernements ont commis en leur nom. Les générations actuelles n’ont pas à subir l’opprobre des camps de concentration où l’on enferma par la suite les Juifs et les résistants. La repentance, on l’aura compris, nous est étrangère. Mais les peuples, la jeunesse, ont le droit à la vérité, et lorsque, comme c’est le cas ici, plus de 20 000 livres ont été écrits sur la guerre d’Espagne et des centaines sur les camps français de la honte de ceux qui préféraient Franco, Hitler et Pétain au peuple français et au Front Populaire, ils ont le droit de s’insurger devant ce « négationnisme » politicien de Désir.
Jean-Pierre Bel avait conclu son discours d’investiture à la Présidence du Sénat en citant Machado. Machado est mort peu de temps après son arrivée en France de maladie, mais surtout de l’accueil qu’on lui fit. Mais Désir connaît-il Machado ?
On peut retrouver une très complète bibliographie dans le livre de Geneviève Dreyfus-Armand, « L’exil des républicains espagnols en France ».
Le roman historique de Juan Manuel Florensa, « Les mille et un jours des Cuevas », apporte par ses qualités littéraires un réalisme poignant à la vie dans ces camps et à ce que fut la « retirada ».
Et enfin le livre de témoignage de Véronique Olivares, « Mémoires Espagnoles, l’espoir des humbles », chez Tirésias. Et qui m’écrit : « c’est de l’indigence culturelle lamentable ! Pauvres de nous face à ceux qui nous gouvernent ».

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Développer l’éducation historique

 

Cher(e) ami(e),

Samedi 26 janvier, réunies en Gare de Borredon (Tarn-et-Garonne), une vingtaine d’associations ont mis au point et adopté le texte (voir ci-après) d’une lettre collective destinée aux ministres de la Culture, de l’Éducation Nationale et des Anciens Combattants.

Merci d’aider à informer toutes associations concernées.

Les modalités pour se joindre à la démarche sont indiquées après le texte.

Joseph Gonzalez

DÉVELOPPER L’ÉDUCATION HISTORIQUE

Les associations soussignées1 prient Madame Aurélie FILIPETTI, Ministre de la Culture, M. Vincent PEILLON, Ministre de l’Éducation Nationale et Monsieur Kader ARIF, Ministre des Anciens Combattants, de promouvoir toutes initiatives en faveur de la connaissance de l’Histoire des Républicains espagnols, trop souvent ignorée ou déformée.

Les propos de Monsieur Harlem DESIR, mardi 22 janvier 2013 sur France 2, évoquant les prétendus sentiments de “reconnaissance” des Espagnols envers la France lorsqu’ils s’y réfugièrent lors de la Guerre d’Espagne, sont particulièrement choquants. De nombreux citoyens, Français de souche, Français issus de l’exil ou étrangers encore, se souviennent du parcage indigne dans les camps de concentration français, qui futl’aboutissement de la « Non Intervention » contre le fascisme : enfermement administratif arbitraire, sans jugement ni recours, humiliations, brutalités, froid, faim, misère physique et morale, rapatriements forcés, engagements sous pressions comme travailleurs à vil prix ou chair à canon… Et pour beaucoup : l’antichambre de la déportation.

Nous regrettons que M. Harlem DESIR, chef d’un grand parti politique, connaisse si mal ces pages noires de l’Histoire de France. Il devrait se renseigner auprès, par exemple, des maires de Toulouse et de Paris, auprès du président du Sénat, auprès du président de la République, toutes personnalités qui ont depuis longtemps condamné, publiquement, l’attitude de la 3e République française à l’égard des Réfugiés Républicains Espagnols.

Les Républicains Espagnols furent les premiers à lutter par les armes contre le fascisme européen, pour la Liberté des peuples.
Associations signataires pour commencer* (par ordre alphabétique) :

Amicale des Anciens Guérilleros Espagnols en France - FFI (AAGEF) ; Amicale des Anciens Internés Politiques et Résistants du Camp de concentration du Vernet d’Ariège ; Amicale d’Ariège AAGEF-FFI ; Amicale de l’Aude AAGEF-FFI ; Amicale de Haute-Garonne AAGEF-FFI ; Amicale de Gironde AAGEF-FFI ; Amicale du Lot AAGEF-FFI ; Amicale des Hautes-Pyrénées AAGEF-FFI ; Amicale des Pyrénées Atlantiques et Landes AAGEF-FFI ; Amicale des Pyrénées Orientales AAGEF-FFI ; Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation 32 (AFMD 32) ; Associació Joan Peset i Aleixandre del País Valencià (España); Associació per a la Memoria Histórica i Democràtica del Baix Llobregat (España) ; Association COmmentryenne pour la Mémoire Espagnole de la IIeRépublique et ses Amis (ACOMERA, Allier) ; Association des Amis du Réseau VICTOIRE Hilaire-Buckmaster (Castelnau sur l’Auvignon, Gers) ; Association des Amis du Vieux Caussade et de son Pays (Tarn et Garonne) ; Association des Retraités Espagnols et Européens de la Gironde ; Casa de Andalucía en Toulouse (Haute-Garonne) ; Chemins de l’Exil Républicain Espagnol de l’Aude (CERE 11) ; Club de Langues et Cultures Espagnoles de Ramonville (Haute-Garonne) ; Collectif pour la Mémoire de la IIe République Espagnole - Région Auvergne (CMRE) ; Fundación Juan Negrín (Las Palmas, Canarias, España) ; Izquierda Republicana (IR, España) ; La Gavilla Verde (Santa Cruz de Moya, España) ; Mémoire de l’Espagne Républicaine en Tarn-et-Garonne (MER 82) ; Mémoire de l’Espagne Républicaine et Résistante du Gers (MERR 32) ; Mémoire, Histoire, des Républicains Espagnols (Yonne) ; Mémorial pour les Républicains espagnols de la Base Sous-Marine de Bordeaux (Gironde) ; Memoria y Exilio (Haute-Garonne) ; Réseau Aquitain pour l’Histoire et la Mémoire de l’Immigration (RAHMI) ; Triangle Blau (Figueres, España).

  1. Les signatures de nouvelles associations (prière de donner le titre exact et indiquer le siège social) sont à transmettre à : ]
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Les savants-penseurs grecs avant Socrate - 2/ Héraclite

par André Douvier

 

Suite de “Les savants-penseurs grecs avant Socrate – 1/ Les Milésiens et Pythagore

Héraclite 544-484 avant J.C. « Sur la nature » Fragments

Il est né à Ephèse, aussi en Ionie (Asie Mineure, côte-ouest de la Turquie) à 60 km de Milet. Son livre « Sur la nature » reconstitué en 126 fragments concis, opère un tournant philosophique capital par rapport à la pensée et à l’oeuvre scientifique de ses prédécesseurs de Milet et de Pythagore.
Bien qu’ il ne les ait pas toujours exprimés directement en mots, Héraclite a forgé des concepts philosophiques, allant par couples d’opposés et liés nécessairement : identité et différence (le même et l’autre), être et non-être (un et multiple, tout et non-tout faisant exception ont été explicitement formulés par lui) et les a utilisés :
a- non seulement dans sa vision physicienne du monde où le feu par ses transformations successives et nécesaires structure l’univers (cosmos, en grec : tout organisé en harmonie) en ses éléments et phases, en est le naître et le périr par ses embrasements successifs et réitérés ;
b- mais ils lui ont servi aussi dans le monde des vivants, celui de la vie et de l’activité des hommes où l’opposition de contraires est marquée fortement. Voyez les fragment 8 : « Ce qui est contraire est utile et c’est de ce qui est en lutte que naît la plus belle harmonie; tout se fait par discorde (lutte). » et fragt 49 a : « Nous entrons et nous n’entrons pas dans le même fleuve; nous sommes et nous ne sommes pas. »
Ainsi l’image intuitive du feu pour le fonctionnement de l’univers et celle du fleuve pour fixer la fluence de toutes choses dans notre conscience imaginative, ont su et savent encore dans leur vivacité nous interpeller comme vision profonde des choses !

I- Opposition dialectique et devenir comme union de contraires

A- Opposition
Scrutant l’univers aussi bien que le monde des vivants et des humains, Héraclite constate que cet univers est un « cosmos » c’est à dire qu’il est organisé partout en opposition, en unités ou unions de contraires tant
a- à l’échelle cosmique « la nuit devient jour, le jour, nuit; le chaud, froid et le froid, chaud »; « l’hiver, été et l’été, hiver »;« l’eau de mer est à la fois très pure et très impure »; « sans le soleil, on aurait la nuit. »
b- qu’à l’échelle du monde des vivants et des hommes :
1- individuelle, « la maladie rend la santé agréable, le mal engendre le bien, la faim fait désirer la satiété, et la fatigue, le repos. » ; » toute chose mortelle se disperse et se réunit, s’approche et s’éloigne »
et 2- sociale, « s’il n’y avait pas d’injustice, on ignorerait jusqu’au nom de la justice »;
« la guerre est le père de toutes choses et le roi de toutes choses; de quelques-uns elle a fait des dieux, de quelques-uns des hommes; des uns des esclaves; des autres des hommes libres ».

B- Inséparabilité des opposés (contraires)
S’ il y a séparation entre ces opposés, elle n’est qu’apparente pour Héraclite, car en réalité ils sont liés nécessairement. De plus dans cette unité inséparable, qui est donc, pour le dire après Héraclite en termes dialectiques hégeliens (Hegel 1770-1830), union de l’identité et de la différence (scission de l’unité en même et autre), un de ces opposés se transforme ou a- brutalement en son contraire par exemple « la vie en mort, le jour en nuit » ou b- progressivement, « la guerre en paix et la paix en guerre, la justice en injustice et l’injustice en justice ».

II - Le devenir provenant de la tension des contraires est le cycle du même s’ouvrant sur l’autre et se refermant sur lui-même

C’est le cycle tragique de l’éternel retour.
1-Héraclite tente de saisir le mouvement des choses comme un devenir mais un devenir qui se referme cycliquement et perpétuellement sur lui-même. Héraclite penseur du réel, essaie de dépasser la simple perception sensible et pénétrant la surface des choses, il croit y découvrir une réalité qui se laisse décrire en unités d’opposition de contraires qui ne cessent de se rejouer dans un cycle perpétuel.
Bien qu’ il pense un monde fini, c’est sans doute sa manière à lui d’y intégrer l’infinité, dans la répétition (rotation sur soi) de cycles identiques…
Il ne se contente pas des opposés en eux-mêmes, chacun de leur côté: la guerre, la paix; le jour, la nuit; l’hiver, l’été; la fatigue, le repos; la santé,la maladie qui pourraient être isolés « dans une vision immobiliste, figée des choses mais il saisit », par une analyse pénétrante « cette opposition dialectique des choses comme un rythme de l’univers » (Kostas Axelos) qui les tient enchainées, unies et c’est cette tension, ce frottement ou affrontement perpétuel entre deux forces qui crée une alternance où un contraire se transforme en son autre contraire, la guerre en paix, la maladie en santé, le sommeil en veille.
2- Héraclite saisit l’écoulement du temps sous cette forme duelle d’un devenir perpétuel et cyclique où l’opposition ne se réduit pas à deux contraires mais est en fait un triplet, un tourniquet où le déploiement de la tension se relâche d’un côté pour se reformer sur la retransformation du deuxième contraire en son premier opposé. Retour par l’autre, du même au même : guerre – paix- guerre ou jour-nuit- jour, etc.

III - Le feu ou les transformations du monde

Principe de l’univers et des choses, le feu est à la fois devenir et mesure par ses transformations.
1- Le feu n’est pas dans le monde, il est le monde, il le constitue; un peu déjà à la manière élémentaire des atomes de Démocrite au sens où il est élément fondamental dont la structure fusionnelle détient la capacité de se transformer en d’autres éléments et de là de se muer en d’autres formes; cf fragment 30, « Ce monde-ci, le même pour tous les êtres, aucun des dieux ni des hommes ne l’a créé mais il a été, il est et sera un feu toujours vivant s’allumant avec mesure et s’éteignant avec mesure. »
2- Ce feu n’est pas visible au sens du rayonnement du soleil visible, au sens de sa brillance – le soleil n’est lui, qu’un moment visible de ce feu multiforme; fragt 16 « Qui se cachera du feu qui ne se couche pas ? »
3 – L’univers est un feu éternel qui s’embrase à intervalles réguliers. Ce feu, moteur perpétuel passe par 4 phases ou états provisoires :
a- d’abord il commence en mer bouillonnante (1); qui se divise en terre (2) et air brûlant (3);
b- cet air brûlant devient feu visible (4)- le soleil et les astres.
Puis ce mouvement du feu s’inverse : le feu redevient air brûlant (1); l’air brûlant mer bouillonnante (2) qui redevient pour une moitié (1/2) terre (2) et pour l’autre moitié air (3) et la terre redevient eau liquide (4) d’où sortiront par exhalaison toutes choses;
Cf fragment 31, « Transformations du feu : d’abord mer bouillonnante (qui est comme la semence de l’organisation du monde); de mer, la moitié terre, et la moitié souffle brûlant (air chaud). La terre se dissout en mer liquide et est mesurée selon le même rapport qu’avant de devenir terre.»
Et fragt 76, « Mort de la terre de devenir eau; mort de l’eau de devenir air; mort de l’air de devenir feu ; et inversement.»
Le feu dans la pensée d’Héraclite est donc cet élément chimique ou atomique universel qui peut se muer, s’échanger contre toute(s) chose(s); sa muabilité s’étend même au domaine humain de l’économie ;
Cf fragt 90, « Toutes choses s’échangent pour du feu et le feu pour toutes choses, de même que les marchandises pour l’or et l’or pour les marchandises.»
Héraclite dans sa vision naturaliste (physicienne de l’univers) se révèle à nous plutôt comme le premier « al-chimiste » pour qui tout élément est transmuable en tout autre ! mais sa vision veut être rationnelle.

IV - Le logos, expression et saisie du monde

Son apport philosophique nouveau réside aussi dans l’immanence (la présence au sein du monde) du « logos » accessible aux hommes. Le logos c’est l’univers, le cosmos (cosmos signifie belle organisation) qui exprime par le discours, dans le langage, sa rationalité, sa structure, le fait qu’il ne soit pas fait n’importe comment, les liens rationnels qui existent en son sein et en font une unité, une cohérence.
Ainsi le logos est 1- un, mais curieusement sans contraire; 2- éternelle raison; 3- discours; 4- explication, 5- raisonnement et 6- développement.
Héraclite qui « sait être à l’écoute et voir », explicite le logos, « en divisant - c’est à dire analysant- et reliant chaque chose… c’est à dire, expliquant chaque chose selon sa nature »cf fragment 1.
Il est question ici de viser déjà à l’objectivité en abandonnant toute subjectivité autant que possible puisque le logos est 7- universel donc « commun à tous, bien que la plupart vivent la pensée -à tort pense Héraclite- comme si chacun avait une intelligence particulière. » (fragt 2)
Enfin comme le fleuve est la métaphore qui exprime la fluence des choses, leur devenir, la foudre est l’image, la métaphore qui exprime le logos, raison éclairant le monde.

V - Savoir et sagesse

Pour Héraclite sagesse est savoir, connaissance du réel. Un des instruments de la sagesse, du savoir réel est
1 - le logos universel, commun à tous et 2 – la pensée; cf fragt 112 : « la pensée est la plus haute vertu; et la sagesse consiste à dire des choses vraies et à agir selon la nature, en écoutant.»
3- La sagesse est difficile à acquérir. Héraclite nous dit d’abord tout ce que le savoir n’est pas : il ne faut pas le confondre avec l’opinion « Car les hommes ne réfléchissent pas aux choses telles qu’ils les rencontrent, pas plus qu’ils ne les connaissent lorsqu’on les leur a enseignées mais ils se l’imaginent.» fragt 17. Mise en garde donc contre un faux-savoir !
4- Elle n’est pas savoir d’érudition multiple, quantitatif ni bavardage dupé et dupeur ni naïves histoires et fables mythiques sur le réel et les dieux !
5- Elle réclame prudence et mesure et beaucoup de recherches.
6- Elle consiste en une seule chose, « à connaître la pensée qui gouverne tout et partout » fragt 41.
Cette pensée étant la raison du monde, le logos, elle nous amène à concevoir l’unité des choses, l’unité du monde, à savoir un seul principe naturel, physique qui gouverne le monde, le feu dont la foudre est l’expression visible; cf fragt 32,
« L’un la sagesse unique refuse et accepte d’être appelé du nom de Zeus (le mot à l’origine de Zeus, Zên signifie aussi, et ici, la vie). »
Ce qui signifie que le cosmos, l’univers dans son unité est vie mais aussi mort qui engendre la vie !
Il est un mais double ! Cet univers dialectique dont l’unité de contraires se partage en deux, vie et mort, un et multiple, feu éternel en devenir, raison du monde (logos), son mouvement perpétuel, son devenir-un est la sagesse même, qui est sublime construction (cosmos) de beauté.
7- Ainsi la sagesse à la fois expression et reflet actif de l’unité de l’univers est séparée de toutes choses; cf fragt 108 « …ce qui est sage est séparé de toutes choses ».

Critique : Mais cette sagesse toute isolée qu’elle soit – en ce sens elle se veut peut-être à l’abri de la contradiction par son isolement même ! - est pourtant indissociable du logos; elle est en tous cas exprimée par lui, qui est discours de raison du monde ou discours rationnel du monde, puisque le logos est universel et commun et puisque le feu-monde est raison et mesure, construction cyclique, éternelle qui s’allume et s’éteint avec mesure.
Alors si ce logos est saisie du réel, est compréhension rationnelle, donc vraie du monde, si ce « langage de raison » est expression de la vérité du monde et des hommes, comment peut-on l’atteindre, comment peut-on produire la connaissance qui nous le rend accessible ?

VI - Une théorie de la connaissance

La réponse d’Héraclite est claire et double :
a- par la pensée; cf fragt 112 : « La pensée est la plus haute vertu et la sagesse consiste à dire des choses vraies et à agir selon la nature en étant à l’écoute. »
et b- par la recherche de soi; cf fragt 101: « Je me suis cherché moi-même . »
Mais la pensée suppose une méthode !

A- Pour saisir la nature et la nature humaine dans leur profondeur, dans leurs parties, dans leurs côtés fragmentaires, dans leurs détails, la pensée doit :
1-observer les phénomènes et les évènements; 2- les percevoir, les examiner d’abord par les sens au plus près, les approcher au plus près puis 3- dans un mouvement inverse s’en éloigner pour 4- les réfléchir.
B- Pour saisir les choses de la nature dans leur grande dimension ou dans leur aspect global voire dans leur totalité, la pensée doit :
5- s’approcher des choses lointaines comme le ciel, les éléments cosmiques, le cosmos ou univers en son entier pour ensuite, dans un mouvement inverse 6 – s’en distancier complètement, s’en sortir même, se mettre en dehors du circuit total (est-ce vraiment possible ?) pour 7- en prendre la mesure . Ainsi le fragt 122 très laconique mais très signifiant quand on comprend à quoi il se rapporte, témoigne de cette méthode de connaissance : « Approche et éloignement »

Connaître réclame donc chez Héraclite un double mouvement; unité de contraires aussi, il suppose une approche des choses au plus près et un recul vis à vis de ces choses mêmes.

VII - La recherche de la connaissance de soi et les illusions des hommes dans la recherche du bonheur

S’est-il senti poussé par l’oracle de Delphes qui disait : « Connais-toi toi-même » ? On n’en sait rien mais si Héraclite nous fait cet aveu : « Je me suis cherché moi-même », c’est qu ‘il considère la recherche de soi comme fondamentale et nécessaire pour comprendre les choses en soi et hors de soi car il pense probablement que si le soi n’est pas l’autre, il change et le deviendra .
Il a dû saisir que le dedans et le dehors sont un : unité de contraires . Saisir l’un, le dedans, c’est saisir l’autre le dehors et inversement.
Dans sa pensée dialectique qui pense l’opposition des contraires, si l’autre est l’opposé du même, le contraire de soi, connaître soi , se connaître vraiment, c’est connaître l’autre comme connaître le jour c’est connaître la nuit et plus difficilement connaître la maladie, c’est connaître la santé ou connaître la guerre, c’est connaître la paix ou connaître l’injustice, c’est connaître ce qu’est le juste …
Ainsi « Il est donné aux hommes de connaître et de se connaître » fragt 116 car « la pensée est commune à tous » fragt 113 et «à l’âme appartient le logos qui s’augmente lui-même. »
Hélas les hommes se complaisent trop souvent dans les illusions et refusent le réel, le vrai :
a- En fuyant le discours universel (logos), le discours commun, et en se retranchant dans leur intelligence particulière; fragt 2 : « Aussi faut-il suivre le logos commun mais bien qu’il appartienne à tous la multitude vit comme si chacun avait une intelligence particulière .»
b- En refusant de voir le raisonnable près d’eux, familier et qui est même en eux, comme ils refusent de voir le discours-foudre, le discours éclairant comme un soleil toutes choses : fragt 72 « Sur le logos qui leur est le plus familier, sur le logos qui gouverne tout, ils sont en désaccord et ce qu’ils rencontrent chaque jour leur paraît étranger. »
Il y a bien dans ce fragment un logos universel mais qui prend deux formes : une qui concernent les affaires des hommes, une autre plus lointaine, celle du monde, celle du feu, celle de Zeus, celle de l’Un, sagesse universelle.
Mais même celle qui concernent directement les affaires des humains, « ce logos qui leur est familier, ils ne le reconnaissent pas, ils le fuient et tombent dans des opinions adverses ; c’est à dire se recroquevillent dans leurs égoïsmes et dans leurs particularismes . Ils ont perdu le sens de l’intérêt commun, le sens de ce qui rattache; ils ont perdu le sens du lien entre les hommes (que d’autres plus tard essaieront de retrouver par la religion ) .
Pourtant la langue d’Héraclite, son discours rationnel ou de raison prend soin de traduire, de nous faire voir de nous exprimer la vérité du monde, cette unité de contraires toujours en devenir !
Mais des hommes bercés par leurs illusions « agissent et parlent comme des dormeurs.» (fragt 73) Tandis que «pour ceux qui sont en état de veille,» qui sont éveillés aux choses, à la nature, au logos commun, « il n’y a qu’un seul et même monde.».
Donc pour connaître il ne faut agir ni parler comme des dormeurs et si l’on veut comprendre le logos, ce discours rationnel ou de raison, il faut savoir écouter mais hélas trop souvent « ils entendent sans comprendre et sont semblables à des sourds. Le proverbe s’applique à eux : présents, ils sont absents.» (fragt 34)
Cette sagesse-là préside au destin tragique de l’individu qui seul, s’il la saisit en se cherchant – la connaissance de soi est également exigée par Héraclite -, connaîtra vraiment le réel.

VIII - Critique des superstitions

Héraclite ayant toujours mis en avant la pensée rationnelle et une structure dialectique comme architecture de l’univers n’a jamais accepté les obscurantismes et les superstitions de quelque origine qu’ils proviennent, et surtout pas de la religion ! : « Ils cherchent en vain à se purifier , tout en se souillant du sang de leurs victimes. C’est comme si, après s’être sali avec de la boue quelqu’un voulait se nettoyer avec de la boue; on le tiendrait pour fou en le voyant agir ainsi. Ils adressent aussi des prières à des statues; c’est comme si l’on parlait à des maisons ne connaissant pas ce que sont les dieux et les héros et ignorant qui ils sont.» fragt 5
En ce sens il précède Socrate et les « Lumières » du XVIIIe siècle européen.
De même il fait la critique des illusions des hommes dues à leur crainte de la mort et à ce qu ‘ils s’imaginent après celle-ci : « Ce qui attend les hommes après la mort ce n’est ni ce qu ‘ils espèrent, ni ce qu’ils croient.»

IX - La loi de l’éternelle justice

Héraclite voulant penser le réel en termes nouveaux qui bousculeront les archaïsmes ignorants et superstitieux hérités de la société féodale grecque, en appelle à « la loi de la cité pour laquelle les hommes doivent se battre plus que pour leurs remparts » car le groupe humain uni par la constitution de la loi reflète « la loi universelle divine ». La loi humaine apparaît elle aussi comme un produit de la tension entre injustice et justice, pauvreté et richesse, inégalité et égalité.
Elle est à l’image de l’unité de l’univers : unité de la multiplicité, union des citoyens !
En ce sens quoi qu’on en ait pu dire, Héraclite est sûrement plus démocrate qu’on pense …
Par cette pensée vigoureuse et profonde, vivace et perspicace, Héraclite essaie génialement de nous mettre à jour, et d’exprimer les déterminations les plus profondes et les plus essentielles (structurelles) du réel, derrière les apparences mais aussi en elles et dans les choses. Bien des philosophes en Occident, en Grèce antique et en d’autres temps, notamment aux XIXe et XXe siècles ( Hegel, Marx), se sont réclamés de cette pensée rayonnante et profonde comme la brûlure du feu et du soleil.

A suivre : Parménide et Zénon

Agenda

vendredi 1 - vendredi 1 février 2013
Colloque métropolisation : les nouveaux enjeux, le cas de la métropole francilienne

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Où?
Paris : Péniche Petit bain (face à la BNF)

Quand ?
1er février 2013

Organisé par qui?
Le Front de gauche thématique Ville - Habitat - Solidarités territoriales

Avec Qui?
Ont d’ores et déjà confirmé leur participation : Clémentine Autain, Patrick Braouezec, Ian Brossat, Eric Coquerel, Christian Devillers, Ludovic Halbert, Pierre Laurent, Alain Lipietz, Pierre Mansat, gabriel Massou, Emmanuel Maurel, Gus Massiah, Agnes Deboulet, Pierre Veltz, Marc Wiel, …

PAF: 10€
Possibilité de déjeuner sur place

Préinsciption (Nombre de place limité) : ftvillehabitat@frontdegauche.fr