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Éducation populaire : en parler toujours pour n'en faire jamais ! Militant, réveille-toi, les vieilles méthodes sont usées !

par Évariste
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Une Bérézina pour le Parti socialiste et une autre pour le Parti communiste (voir dans ce numéro) et donc pour le Front de gauche, en ricochet, car c’est bien le PC qui est l’organisation la plus importante du Front de gauche. Gains électoraux exceptionnels pour la droite et l’extrême droite, l’abstention premier choix de la classe populaire ouvrière et employée (voir la dernière chronique d’Evariste)… Et voilà le terme « éducation populaire » repris en cœur par toute la gauche, tant solférinienne et qu’anti-libérale. L’utilisation de ce vocable va de pair avec des phrases toutes faites du genre : « il faut mieux expliquer », « il faut faire plus de pédagogie », etc. Errare humanum est, perseverare diabolicum. Les électeurs de la classe populaire ouvrière et employée qui, ayant voté à gauche hier, n’ont pas voté les 23 et 30 mars dernier l’ont fait en toute connaissance de cause, refusant ainsi aujourd’hui l’entièreté de l’offre politique, FN compris.
Dans une étude récente, nous lisons des conclusions qui n’ont pas lieu d’émouvoir nombre de cadres des organisations associatives, syndicales ou politiques :

« Le lien de confiance entre les Français et un grand nombre d’institutions politiques s’est durablement brisé. 72 % des Français n’ont pas confiance dans l’Assemblée nationale, 73 % dans le Sénat. Pour 88 % des personnes interrogées, les hommes et les femmes politiques ne s’occupent pas de ce que pensent les gens. Les médias sont très vivement critiqués : 77 % des personnes interrogées ne leur font pas confiance. Pour 74 % des Français, les journalistes ne parlent pas des vrais problèmes des Français.
La progression la plus spectaculaire concerne l’idée selon laquelle « le système démocratique fonctionne mal, mes idées ne sont pas bien représentées » (+6 points, à 78 %). La hausse est particulièrement nette chez les moins de 35 ans (+12, à 84 %) et auprès des sympathisants socialistes (+11, à 50 %).
La coupure avec le politique est encore plus nette dans les classes populaires. 87 % des ouvriers pensent que le système démocratique fonctionne mal et que leurs idées ne sont pas bien représentées (+8, alors que cette idée est stable chez les cadres à 65 %, +1). »

Bien sûr, dans ces conditions, l’éducation populaire serait nécessaire pour toutes les organisations associatives, syndicales et surtout politiques. Mais les directions de ces organisations ont une habitude culturelle dont elles semble ne pas pouvoir sortir aussi facilement, à savoir que la seule communication qu’elles pratiquent est uniquement une communication « du haut vers le bas » (top-down), avec un discours qui a le statut de vérité révélée. Donc les moyens de ce type de communication sont connus : distribution de tracts sur les marchés, utilisation des médias dominants, radio et télévision, réunions internes et publiques, puis enfin, meetings ne regroupant que les militants coupés de la classe populaire ouvrière et employée avec comme seul type d’orateur, les dirigeants de ces organisations réexpliquant une fois de plus, avec une nouvelle pédagogie, le même discours figé, qui est de plus en plus refusé par la classe populaire ouvrière et employée.  A cette ossature militante, souhaitons, par charité : bon courage pour l’avenir!
Disons-le tout net ! Tout cela n’est pas de l’éducation populaire ! Pas plus que ce que font les grandes organisations naguère d’éducation populaire, mais qui le sont aujourd’hui tout autant que la Ve République est républicaine, que le néolibéralisme est social, que la République islamique d’Iran est républicaine, que les démocraties populaires de naguère furent démocratiques, ou que le Traité de Lisbonne fut décidé démocratiquement ! En fait, ces grandes organisations ne font plus que de l’animation socio-culturelle de consommation et des politiques d’accompagnement des désastres sociaux du néolibéralisme. Animer des jeunes en déshérence simplement pour qu’ils ne brûlent pas les voitures des bourgeois gagnants de la mondialisation du centre-ville, c’est peut-être de la police sociale mais ce n’est pas de l’éducation populaire.

Qu’est-ce que l’éducation populaire ?

Pour un républicain de gauche, l’école est un lieu d’enseignement, qui doit instruire et éduquer, mais la priorité de l’école est la transmission des savoirs par l’instruction. L’éducation populaire doit aussi instruire et éduquer mais là, la priorité est à l’éducation… populaire ! C’est toute la différence !
L’éducation populaire est un processus culturel qui mène à une transformation sociale et politique aux fins que tout citoyen, tout salarié, devienne auteur et acteur de sa propre vie. Et dans ce cas, il faut aussi organiser la communication « de bas en haut » (bottom-up) pour que la délibération populaire dégage la demande sociale et politique qui doit guider le processus d’éducation populaire. Bien sûr, la demande sociale et politique peut s’adresser à des conférences publiques pour comprendre des phénomènes complexes ou pour connaître la cohérence d’une pensée complexe d’un grand auteur, tout simplement parce quand le peuple veut comprendre, il n’a pas besoin de présentations simplistes et fausses, car il peut vouloir comprendre la complexité réelle. Mais la demande sociale et politique du peuple peut aussi vouloir s’exprimer pour orienter le travail politique, syndical ou associatif. Et dans ce cas, c’est bien par des processus de libération de la parole « de bas en haut » qu’il faut procéder. Voilà pourquoi le ciné-débat, le théâtre-image, le théâtre-forum, la conférence populaire sans conférenciers, les ateliers de lecture, sont aussi des outils indispensables. C’est bien par des allers-retours fréquents dans les transmissions de discours « de haut en bas » mais surtout « de bas en haut » que nous pouvons à terme collectivement accepter ou refuser un discours ou une proposition.
Répéter , c’est enseigner : l’éducation populaire n’est pas l’éducation du peuple par une élite culturelle « surplombante » extérieure à lui. L’éducation populaire doit restituer au peuple ce qui est issu de lui même, de son histoire, de son vécu, de son expérience, de son savoir accumulé, y compris dans sa dimension « savoir théorique ». Pour cela, mais seulement à sa demande expresse exclusive, il peut demander l’intervention d’un « instituteur de l’éducation populaire », véritable hussard noir de la refondation culturelle de l’éducation populaire.
Par ailleurs, le fonctionnement des acteurs de l’éducation populaire, c’est comme dans le syndicalisme : les militants syndicaux forment les syndiqués après avoir été eux mêmes formés par leurs aînés, syndiqués formés qui deviendront eux mêmes des intervenants et ainsi de suite…. En un mot, l’éducation populaire permet la formation de pairs qui sont et doivent rester dans le peuple « comme le poisson doit rester dans l’eau ».

Promouvoir la diversification des formes de l’éducation populaire

Se mettre au service de la demande sociale et politique sans qu’elle soit instrumentalisée par des médiateurs et dirigeants bénévoles ou professionnels, voilà par quoi il faut commencer. Et quand cette demande sociale et politique s’exprime, la diversification des formes de l’éducation populaire que nous venons d’évoquer est une nécessité pour se mettre au service de cette demande sociale et politique. Voilà qui peut régénérer le travail politique, le travail syndical, le travail associatif. Bien sûr, cela tranche avec la directive du comité central clandestin restreint de l’organisation lambda (chacun reconnaîtra la sienne !) qui répond à une question que le peuple n’a pas posée.
Bien évidemment, le travail d’éducation populaire doit conduire à travailler la cohérence des discours, des pensées, des actions. Voilà pourquoi l’éducation populaire a partie liée avec les principes de la République sociale, tous dévoyés par une Ve République anti-républicaine : liberté, égalité, fraternité, démocratie, laïcité, etc. Voilà pourquoi l’éducation populaire est une œuvre de longue haleine.
Notre conviction pour le XXIe siècle est que la victoire syndicale et politique n’est plus possible sans incorporer, en plus du reste, une éducation populaire libérée du galvaudage de ceux qui devraient la promouvoir. Aujourd’hui, nous appelons les militants à pratiquer d’abord le « de bas en haut » avant de répondre par le « de haut en bas » !

Elections
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Municipales : PC, l’autre Bérézina

par Roger Martelli

Source de l'article

 

À l’issue des municipales de 2008, un maire communiste ou apparenté était à la tête de 726 communes sur le territoire métropolitain. Parmi elles, 81 comptaient plus de 10 000 habitants et 28 plus de 30 000. Les déclarations officielles de la place du Colonel-Fabien portaient à 185 le nombre de communes métropolitaines de plus de 3 500 habitants dont le maire était considéré comme communiste.

En 2008, l’érosion municipale s’était atténuée. Comme il le fait continûment depuis 1983, le PC avait perdu quelques mairies, mais beaucoup moins que lors des scrutins précédents. Il pouvait penser, cette fois, que les malheurs du concurrent socialiste conforteraient sa stabilité relative. En outre, la direction communiste a tout fait pour protéger les restes non négligeables du communisme municipal. C’est ainsi qu’elle a eu recours, une fois de plus, à l’appel appuyé au rassemblement de toute la gauche, dans les espaces encore contrôlés par le PC.

Au soir du premier tour, 26 communes de plus de 3 500 habitants avaient déjà été perdues, comme nous le notions sur le site de Regards, dont 13 au profit de la droite et 8 au profit de la gauche socialisante. Ce soir-là, l’analyse des résultats laissait entendre qu’une vingtaine des mairies communistes de 2008 se trouvaient en ballottage délicat et qu’une poignée (9 cas) pouvait mathématiquement être gagnée. En fait, loin de provoquer un sursaut, le second tour a amplifié les pertes du premier.

Sans doute les communistes regagnent-ils Aubervilliers et Montreuil (dans ce dernier cas, après avoir dû se contenter de 18 % au premier tour), ainsi que Thiers (Puy-de-Dôme), Sérémange (Moselle) et Annay (Pas-de-Calais). Mais ces quelques cas ne compensent pas la saignée enregistrée ailleurs. Au total, le PC perd 57 villes de plus de 3 500 habitants et en regagne 5, soit un déficit de 52 villes, près de 30 % de l’effectif de départ. Il perd 7 villes de plus de 30 000 habitants sur 28 et 19 villes de plus de 10 000 habitants sur 81. Il faut remonter à 1983 et 1989 pour trouver un tel recul.

Sur les 57 villes perdues, 30 l’ont été sur la droite, 22 sur la gauche, 5 sur des « divers ». Ces pertes sont réparties sur tout le territoire national avec des zones de plus grande fragilité. Les départements les plus touchés sont le Nord (9) et le Pas-de-Calais (5), la Seine-Saint-Denis (6), le Rhône et le Morbihan (4), les Bouches-du-Rhône (3). Des bastions historiques sont tombés : Garchizy (Nièvre), Escaudain, Fenain et Vieux-Condé (Pas-de-Calais), Bagnolet, Bobigny, Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) étaient des villes « rouges » dès 1919.

Treize communes perdues l’ont été en Ile-de-France dont 7 en petite couronne. La « banlieue rouge » s’est une nouvelle fois effritée. Aubervilliers et Montreuil rentrent dans le giron communiste. Mais Bagnolet, Saint-Ouen, Bobigny, Le Blanc-Mesnil et Villejuif n’auront pas de maire communiste. Dans cette affaire, le PS aura joué le rôle de l’apprenti sorcier. Il a considéré que la petite couronne lui revenait, dans l’attraction parisienne, et que les terres rouges étaient par vocation les siennes. Il a ainsi patiemment détricoté le réseau communiste séquano-dionysien et il a cherché à porter l’estocade finale en 2014. À l’arrivée, c’est la droite qui tire les marrons du feu. Les socialistes ravissent certes Bagnolet aux communistes, à l’arrachée. Ils ne récupèrent pas Saint-Denis et Montreuil comme ils l’espéraient. Et ils perdent Aubervilliers, Aulnay-sous-Bois et Livry-Gargan. C’est la droite, inexistante du temps de l’hégémonie communiste, qui étend ses mailles sur l’ancienne terre par excellence du communisme urbain (quand le département de Seine-Saint-Denis est créé, ce sont 80 % de sa population qui sont gérés par une mairie communiste). Les socialistes rêvaient de la grande revanche sur les communistes ; ils ont servi de sas à une conquête à droite.

Le nouveau recul communiste surprend par son ampleur. Et il est vrai que, dans plusieurs cas, la défaite du second tour s’est jouée sur une poignée de voix. La surprise ne devrait pas toutefois faire oublier le fond. Quand le PCF s’implante dans la périphérie parisienne, dans ces terres délaissées que l’on surnommait alors le « Far West français », il s’appuyait sur une espérance formidable de révolution et de république sociale. Il pratiquait en outre une gestion municipale originale, raccordée à une sociabilité ouvrière bien vivace, et qui parvenait, avant d’autres, à opérer une part de redistribution publique vers les catégories défavorisées et discriminées du monde ouvrier. L’expansion du communisme coïncidait avec celle de la banlieue, faisant corps avec une fierté populaire d’un temps où le prolétariat commençait à imposer sa dignité et la stabilisation de ses statuts.

La gestion communiste a ainsi été prise de plein fouet par le recul de l’État-providence, de la dépense publique et de la relative redistribution. Quant au PCF, il ne sut pas se renouveler avec assez de hardiesse, quand il avait les moyens de le faire. La gestion communiste a cherché à garder sa fibre constructive et populaire, mais dans un contexte de rétraction publique et d’une énorme frilosité interne. Pour une part, on dira que le roi est nu. Le communisme municipal s’est contracté, sans que l’on puisse encore en mesurer l’ampleur exacte. Là où le PCF n’est pas en tête de la gauche, il va être pénalisé par la débâcle socialiste. Au bout du compte, il y aura nettement moins de mairies et d’élus communistes. Ce n’est pas une bonne nouvelle, en ces temps difficiles pour les catégories populaires et pour la démocratie.

Front de gauche - Retour sur le premier tour

Les données chiffrées présentées ici1 portent sur les communes de plus de 1000 habitants (9 663). Des listes étiquetées à gauche sont présentes dans 5476, soit un peu plus que la moitié (56 %). Des listes officiellement désignées comme étant celles du Front de gauche ou de certaines de ses composantes sont présentes dans 607 communes, soit à peine un peu plus de 6 % de l’échantillon de communes. Par commodité, les sigles utilisés sont ceux du site officiel de l’Intérieur :

  • LEXG : Liste Extrême gauche
  • LFG : Liste Front de Gauche
  • LPG : Liste du Parti de Gauche
  • LCOM : Liste du Parti communiste français
  • LSOC : Liste Socialiste
  • LUG : Liste Union de la Gauche
  • LDVG : Liste Divers gauche
  • LVEC : Liste Europe-Ecologie-Les Verts

On sait que les formations du Front de gauche se sont dispersées. Elles se sont encore intégrées dans des formules classiques d’union de la gauche, qu’elles soient ou non en position subordonnées. Dans les autres cas, on décompte 610 listes étiquetées LFG, LPG ou LCOM.
Le total des listes à la gauche du PS regroupent 4,2 % et la gauche dans son ensemble atteint 40,9 %.
Si l’on s’en tient aux 607 communes ou le Front est présent, rassemblé ou au travers de certaines de ses composantes, les résultats sont alors :

  • LEXG : 1.0 %
  • LFG : 6,9 %
  • LPG : 1.1 %
  • LCOM : 2,9 %
  • LSOC : 8,1 %
  • LUG : 16,3 %
  • LDVG : 5,6 %
  • VVEC : 2,6 %

Le total de la gauche de gauche atteint cette fois 12 % et la gauche tout entière est à 44,7 %.
Pour rappel, les résultats dans les villes de plus de 20 000 habitants où le Front de gauche était présent en tant que tel, contre des listes d’Union de la gauche ou contre des listes socialistes ont été les suivants :

  • LEXG : 1,3 %
  • LFG :
  • 6,4 %
  • LCOM : 0,5 %
  • LPG : 0 ;6 %
  • LSOC : 11,6 %
  • LUG : 15,3 %
  • LVEC : 3,0 %

La comparaison avec 2012 est malaisée, les choix du PCF brouillant sévèrement les cartes.
Sans surprise, les progressions les plus nettes s’observent dans les communes où le maire est communiste et où il n’y a pas d’alliance avec le Parti socialiste (comme à Fontenay-sous-Bois, Ivry ou Saint-Denis). Des progressions s’observent dans une trentaine de villes où le maire n’est pas communiste. Dans plusieurs d’entre elles, comme Saint-Dizier, Calais, Sevran, Corbeil, Sète, Romainville ou Bourges, il s’agit de villes de sensibilité communiste forte, qui ont été gérées par des communistes.
Mais les pertes l’emportent largement sur la progression, dans près de 200 communes de l’échantillon. Dans 90 d’entre elles, ces pertes représentent plus de la moitié du pourcentage de 2012 et les deux tiers pour une vingtaine. Bien sûr, ces pertes sont particulièrement significatives dans les grandes villes où le PCF a choisi l’alliance avec le PS, comme à Paris, Toulouse ou Nantes.
Dans l’ensemble, s’observe incontestablement un problème propre aux grandes villes. Alors que le vote Mélenchon avait montré une spectaculaire percée dans les centres des principales métropoles, le vote municipal s’est effondré, notamment à Toulouse, Strasbourg, Bordeaux, Lille ou Reims.

Si l’on observe la globalité du scrutin municipal de premier tour, il révèle avant tout l’insuffisant ancrage du Front de gauche sur le terrain local. On sait que les municipales sont redoutables par la complexité des liens qui s’établissent entre les données nationales et le fait communal. Dans la France des 37 000 communes, les étiquettes qui dominent de façon écrasante sont celles des « divers gauche » et des « divers droite ». Mais, dans sa grande période, le PCF avait su, dans cet environnement a priori peu favorable, concilier l’enracinement local et l’identification politique. C’est lui qui, dans les années 1960 et 1970, a imposé une formule de l’union de la gauche qui contribua alors fortement à la déstabilisation de la droite et à la consolidation de l’espérance sociale en milieu populaire.
Pour l’instant, le Front de gauche est loin de cet équilibre. Dans les communes de plus de 1000 habitants, 9 % à peine des listes présentes correspondaient à une étiquette associée au Front de gauche. Les listes associées directement au PS représentaient à elles seules 15 % du total, 14 % pour les listes d’union de la gauche et 56 % pour les inévitables « divers gauche ».
Alors que la visibilité présidentielle du Front de gauche a été maximale, celle des municipales s’est diluée dans un océan de confusion. Or l’articulation complexe du national et du local suppose une base de clarification qui n’est pas encore accomplie.

Réflexions finales

1. Les élections municipales sont toujours un combiné de local et de national. Le Parti de gauche a eu raison de plaider pour une cohérence politique du Front de gauche, notamment dans les grandes agglomérations qui sont le cœur des redéploiements contemporains. Il a eu le tort de sous-estimer les dimensions locales, en privilégiant un discours avant tout critique à l’égard du Parti socialiste. Les communistes ont eu raison de souligner l’importance des enjeux locaux. Mais ils ont eu tort d’ignorer la place spécifique de la métropolisation, à la charnière du local et du national, qui a « nationalisé » massivement le scrutin.

2. À partir de 1965, le Parti communiste a imposé la méthode de l’union de la gauche dans le tissu local. Elle est en train de s’essouffler, notamment dans le cœur de la France métropolitaine. Il faut donc inventer des dynamiques permettant de concilier la clarté des débats de projet (adaptation ou rupture) et la nécessité de rassemblements à portée majoritaire. Il est vrai que le passage d’une méthode à une autre ne se décrète pas en claquant des doigts. Mais encore faut-il avoir la volonté de cultiver le nouveau, eu lieu de se cramponner à l’ancien. Depuis 1983, le PCF ne cesse de chercher à préserver ses municipalités, en s’inscrivant dans la continuation des dynamiques d’hier. Il a pu parfois (par exemple en 2008) freiner son déclin municipal. Il ne l’a jamais enrayé. Une nouvelle donne s’impose pour le rassemblement à gauche : il n’y a plus d’échappatoire.

3. Le médiocre résultat municipal au cœur de la France urbaine, après le brillant succès de Jean-Luc Mélenchon au printemps 2012, ne peut manquer d’interroger. Globalement, le Front de gauche a un problème d’implantation territoriale inégal. Dans les agglomérations, le problème est peut-être d’abord celui d’une inadéquation. Dans ces territoires refaçonnés par la mondialisation, il ne suffit plus de s’opposer aux choix globaux existants. Encore faut-il leur opposer des projets qui soient à la hauteur des enjeux et des attentes. Dans cette part du territoire national, où la polarisation des avoirs, des savoirs et des pouvoirs est maximale, c’est une vision métropolitaine qui peut faire le lien du local, du national et même du supranational. Sans doute le Front est-il bien fragile sur ce point.

4. Dans bien des cas, le Front de gauche apparaît trop institutionnel. Les résultats intéressants des listes souvent dites « citoyennes » ou « alternatives » disent à leur manière l’attente d’un vent nouveau. Que les Verts, alors qu’ils participent à l’exercice du pouvoir, aient bien passé le cap du premier tour dit quelque chose d’analogue. Que cela soit mérité ou non, ils incarnent chez beaucoup d’urbains un rapport différent à la politique et à la quotidienneté.

Il ne faut certes pas en tirer de conclusions hâtives, sous la forme d’un éloignement des enjeux institutionnels. Mais il faut savoir prendre du champ à l’égard de la mécanique essoufflée des institutions, pour y revenir plus efficacement, pour subvertir cette caricature de démocratie qu’est aujourd’hui la « gouvernance » des élites. Si le Front de gauche a une mission, c’est à retisser les liens désormais inexistants entre l’expérience sociale et le champ politique. Mais pour cela, il devrait apprendre à incarner décidément une autre façon de faire de la politique. C’est une clé majeure de la reconquête des catégories populaires. On ne lutte pas contre le ressentiment en attisant seulement la colère, mais en raccordant les pratiques pour améliorer l’existant à une nouvelle espérance.

5. Ainsi, le Front ne peut plus contourner l’exigence de la novation. Il faut rassembler, plus que jamais. Et plus que jamais il convient d’incarner un renouveau. Que cela plaise ou non, que cela soit juste ou non, le Front de gauche est perçu davantage comme une butte-témoin du passé que comme un vecteur d’avenir. Et sans doute, a-t-il involontairement contribué à cette image par la référence obsédante aux grandes heures du passé populaire. Par métier et par passion je vibre toujours intensément au récit de la grande geste révolutionnaire. Mais les jours heureux d’hier sont derrière nous, irrémédiablement. Si la mémoire populaire vient se greffer sur l’innovation démocratique et sociale, elle enfle une dynamique propulsive, en réarticulant le passé, le présent et l’avenir. Elle englue si, un tant soit peu, elle apparaît comme un substitut de sens et de repère.

Les jolis scores, au premier tour, de Sevran et de Romainville, ont été acquis par deux jeunes femmes, Clémentine Autain et Sonia Dauvergne. Toutes deux ont amplifié leur score au second tour. Le signal est heureux. Il rend exigeant sur la capacité d’initiative historique d’une gauche bien à gauche. Les jours heureux de la révolution émancipatrice sont devant nous. Encore faut-il les inventer.

31 mars 2014

  1. Les statistiques globales sont faites sur les communes de plus de 1000 habitants. Elles reposent sur les données du Ministère de l’Intérieur. Celles-ci sont imprécises, du fait des complexités de répartition des étiquettes. Pour les villes qui étaient communistes en 2008, la correction des étiquettes a été faite. Pour les autres, il faudra tenir compte d’une marge d’erreur qui n’invalide pas les grandes données du scrutin. []
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Ultra-libéralisme et social-libéralisme, même combat contre les services publics ? L’évolution de l’Enseignement supérieur et de la Recherche depuis 1984

par Jean-Pierre Adami
Enseignant-chercheur

 

La mise en œuvre de politiques économiques au bénéfice d’un capitalisme globalisé s’appuyant sur une logique de l’offre et non sur la demande sociale, modifie complètement les missions et le rôle des services publics avec des conséquences très négatives pour les agents de ceux-ci (délabrement des conditions de travail, baisse de salaires, …) et en dernier ressort pour tous les usagers (mise en cause de missions, dégradation des services rendus….). L’actualité politique du début de cette année, éclairée par un retour sur l’histoire du Service Public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (SPESR) depuis 30 ans, illustre parfaitement les attaques que ce service public a eu à subir malgré son importance pour l’avenir de notre jeunesse et le développement industriel, technologique et écologique de notre pays.

Après les déclarations du Président de la République, le 14 janvier 2014, il est indispensable de faire un retour en arrière pour apprécier la pertinence de ses propos. Celui-ci a officiellement reconnu son identité sociale-démocrate. Depuis, les « experts » médiatiques bien en cours, se félicitent de cet aveu pourtant tardif. En effet, par une analyse des 30 dernières années, il apparait clairement que ce tournant social-démocrate a été endossé par les responsables du PS dès 83-84, et que depuis, il y a eu dérive sociale-libérale complètement aboutie et assumée en ce début d’année 2014.
Pour ne pas être taxé de faire un procès d’intention, je vais justifier mes propos sur cette dérive en revenant sur le début des années 80, en montrant que celle-ci s’est faite en parallèle à la transformation libérale de l’UE, impulsée par le PS et la droite. La connivence, à ce sujet, de ces deux forces politiques a influencé depuis 84 le SPESR. Son évolution est en effet un bon marqueur idéologique de cette entente.
Vu le cadre contraint de cette tribune, je suis dans l’obligation d’être très synthétique, au risque d’être schématique, et de ne pas pouvoir aborder certains points pourtant importants.

Lors de son congrès à Metz en 79, le PS, veut accéder au pouvoir, et parce que le PCF a des résultats électoraux au-dessus de 15 %, met en perspective des réformes radicales reposant sur l’idée du rôle déterminant de l’Etat sur le contrôle de l’économie, orientation déclinée en 80 dans les 110 propositions pour l’élection présidentielle. Après la victoire de F. Mitterrand en mai 81, le rapport de forces découlant des résultats du premier tour s’est concrétisé par des réformes importantes, en particulier la loi de programmation du SPESR (loi Savary). Cela dit, il faut noter que le socialisme de transformation sociale n’a pas duré longtemps. F. Mitterrand, en renforçant la dimension présidentialiste des institutions de la Ve République, a imposé au PS le tournant social-démocrate dès 83-84. La cohérence du programme de 81 a été remise en cause profondément, la logique de marché a balayé la volonté politique d’encadrer le capitalisme. F. Mitterrand a astreint son gouvernement à une politique d’austérité en bloquant les salaires, en abaissant les charges des entreprises, en réduisant les dépenses publiques et sociales, pour soi-disant favoriser la compétitivité des entreprises et donc l’emploi, air repris aujourd’hui pour le Pacte de responsabilité. Dès cette époque, le tournant social-démocrate du PS est complet, après les fluctuations des gouvernements socialistes de 3ème force sous la IVème république.

On peut regretter qu’en 1983, deux ministres sur quatre (A. Le Pors et M. Rigout) n’aient pas accepté que les 4 ministres communistes claquent la porte du gouvernement pour manifester leur désaccord sur cette dérive, qualifiée par P. Mauroy d’un « Bad Godesberg rampant » après son remplacement au poste de Premier ministre, par L. Fabius. Ce tournant en 84 n’a plus eu pour objectif de bâtir un compromis entre le travail et le capital, mais d’accompagner, voire d’anticiper les transformations du capitalisme mondialisé.

Au même moment, F. Mitterrand engage nettement la France dans la construction européenne. S’appuyant sur la Présidence française de l’UE, lors du premier semestre 84 et en imposant en 85 J. Delors à la tête de la Commission européenne (CE), il participe activement à l’objectif du marché unique. Depuis, tous les textes de l’UE ont été votés par la droite et la majorité du PS. Au fil des cohabitations et des alternances politiques, il y a toujours eu accord sur le fond entre ces deux forces politiques, quant à l’évolution libérale de l’UE, avec deux moments symboliques : la Stratégie de Lisbonne signée par J. Chirac et L. Jospin en 2000 et le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG) en 2012, dit pacte « Merkozy », devenu pacte  « Merkollande ». La droite gaulliste des années 70 a dérivé vers l’ultra-libéralisme et la social-démocratie des années 80 vers le social-libéralisme. Cette connivence idéologique a eu des effets sur le SPESR avec deux moments également symboliques : la loi Pécresse relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (LRU) en 2007 et la loi Fioraso relative à l’Enseignement Supérieur et la Recherche en 2013.

Avant de faire un survol rapide des 30 dernières années pour pointer les étapes significatives des réformes du SPESR, en parallèle avec la construction de l’UE, il est indispensable de dire quelques mots sur la loi Savary du 24 janvier 84 qui abrogeait la loi Faure. Acteur syndical, participant à l’élaboration de cette loi, je peux attester que sa rédaction s’est faite dans de bonnes conditions : après la loi Recherche de 82, les débats sur loi Savary ont duré jusqu’en 84 sans aucune discrimination quant aux participants, sans sujet tabou, avec la volonté d’aboutir à un large consensus avec la communauté universitaire et les acteurs sociaux. Le résultat, malgré quelques limites, a été de qualité, avec référence explicite à la dimension nationale du SPESR avec toutes ses missions traitées à égalité, maillage universitaire du territoire par souci de démocratisation, crédits d’Etat et personnels titulaires à la hauteur des besoins, coopération entre établissements et renforcement de la vie démocratique par la collégialité….

Depuis, tous les gouvernements, de droite ou à majorité PS, ont transformé les valeurs et le rôle social du SPESR :

  • 86, pour mémoire, tentative avec le projet de loi Devaquet, de mettre en concurrence les établissements. Projet retiré devant la mobilisation étudiante avec, en particulier, l’UNEF-SE en pointe. Il est regrettable que l’unification des deux UNEF en 2001 se soit soldée par un syndicalisme étudiant d’accompagnement des réformes libérales. A ce sujet, la présence de J-B. Prévost, (ex-président de l’UNEF de 2007 à 2011), au cabinet de G. Fioraso depuis 2012 est significatif de cette alliance tactique entre l’UNEF et le PS ;
  • 90, L. Jospin, avec son plan Université 2000 (U 2000) a permis au patronat de peser sur les formations, de dégager 7 grands pôles européens devenus en 2006, des PRES et enfin de permettre un transfert de l’Etat vers les régions, via les contrats de plan Etat Régions (CPER) ;
  • 96, F. Bayrou, avec ses Etats généraux du Supérieur, déboucha sur des stages diplômants en entreprise, sous la férule du CNPF, organisation patronale devenue le MEDEF en 98 ;
  • 99, C. Allègre et son plan Universités du 3e millénaire (U3M) a renforcé la logique U2000 avec la poursuite du désengagement de l’Etat, en augmentant la contribution des collectivités territoriales, entraînant des disparités importantes entre les régions ;
  • 99, C. Allègre avec sa loi Recherche et Innovation, avait comme objectif d’asservir le SP aux exigences des lobbies financiers et du patronat, au détriment des autres missions ;
  • 99, C. Allègre, après la Déclaration de la Sorbonne, suite au rapport Attali (98), a impulsé le Processus de Bologne qui va modifier les valeurs du SPESR et la hiérarchie de ses missions, pour répondre aux exigences d’intégration à l’Europe libérale.

A ce stade de l’inventaire des répercussions négatives sur le SPESR des différentes réformes citées ci-dessus, il est indispensable de faire un détour par l’évolution de l’UE car tous ces textes ont été influencés par le cadre d’un libéralisme impulsé en 85 par J. Delors, président de la CE, avec des choix institutionnels et macroéconomiques qui répondaient aux préconisations de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et de la Banque mondiale. Ces choix se sont traduits par la construction d’un « Espace européen de l’Education, de la Recherche et de l’Innovation » avec un discours considérant que ces secteurs ont une finalité essentiellement économique. L’« économie de la connaissance » débouchant sur une approche libérale des formations supérieures et de la recherche, avec un enfermement du SPESR dans des activités essentiellement marchandes.

Cette politique libérale s’est renforcée à l’époque de la « vague rose ». Celle-ci a concerné les principaux états de l’UE, avec des figures de proue du social-libéralisme : 96, R. Prodi, Italie ; 97, T. Blair, Angleterre ; 98, G. Schröder, Allemagne,… La convergence sociale-libérale de 11 pays de l’UE sur 15 a permis l’adoption de la Stratégie de Lisbonne dans un large consensus. Elle décline une représentation libérale de la société où la recherche de compétitivité économique est le maître mot. Elle ne propose, au-delà des discours généreux sur la cohésion sociale, rien de concret pour l’amélioration du volet social des salariés. La doxa d’une concurrence par la compétitivité économique est sensée constituer la base du progrès social, alors qu’elle provoque des désastres sociaux et écologiques.

Il faut rappeler que cette Stratégie a été signée lors du Conseil Européen des 23-24 mars 2000 par J.Chirac et L. Jospin. Trois jours plus tard, le 27 mars 2000, lors du premier remaniement du gouvernement Jospin, il aurait été souhaitable que les 4 ministres communistes quittent ce gouvernement vu le contenu et les conséquences prévisibles de la Stratégie de Lisbonne. A ce sujet, lors de ce remaniement, J-L .Mélenchon a été nommé ministre délégué à l’Enseignement professionnel et lors d’un colloque de la FSU en octobre 2000 sur la Formation Professionnelle, parlant de cette Stratégie, il n’a pas formulé de critique de fond. Visiblement à l’époque « la radicalité concrète » n’était pas à l’ordre du jour.

A partir de 2000, les coups de boutoir de C. Allègre contre le SPESR vont provoquer un déferlement de réformes ultra-libérales de la droite et du PS, sous couvert d’harmonisation européenne :

  • 2002, J. Lang en application du Processus de Bologne, met en place la nouvelle organisation des cursus, Licence-Master-Doctorat (LMD), avec pour conséquence la disparition de la valeur nationale des diplômes, la disparité des formations sous la pression des milieux patronaux locaux (cf. licence pro) ;
  • 2004-2005, F. Fillon concocte secrètement le projet de loi d’orientation et de programmation pour la Recherche et l’Innovation (LOPRI) qui aurait fragilisé la recherche publique, au profit du capital et du patronat, ainsi que le statut des chercheurs, augmenté les précaires et mis en perspective les pôles de compétitivité ;
  • 2006, G. de Robien promulgue la loi de programme pour la Recherche, texte qui reprend toutes les orientations de la LOPRI. De plus deux agences sont créées : l’Agence nationale de la Recherche (ANR) et l’Agence d’évaluation de la Recherche et de l’Enseignement supérieur (AERES) qui fonctionnent dans l’opacité, concentrent les lieux de décision et imposent le financement de projets-contrats-crédits fléchés, comme le fait la CE, depuis plusieurs années avec ses programme-cadre de Recherche et Développement Technologique (PCRDT) au seul bénéfice des grands groupes industriels ;
  • 2007, V. Pécresse impose la loi LRU, qui sous-couvert d’une pseudo autonomie, fragilise les universités et les laboratoires de recherche, engageant ceux-ci vers une gestion managériale. Des principes fondamentaux comme l’égalité entre étudiants, la liberté académique, la gestion collégiale… sont mises en danger par la concurrence entre établissements et la répartition des moyens publics en fonction de critères de rentabilité à court terme. De plus, le patronat fait une entrée en force dans les conseils d’administration ;
  • 2008, V. Pécresse, avec son Plan Campus, poursuit la même logique que les deux plans précédents (U2000 et U3M), désengagement de l’Etat dans le financement du SPESR avec, en plus, le choix de faire appel à des partenariats Public/Privé (PPP), solution qui s’avère, à terme, catastrophique ;
  • 2008, forte augmentation du Crédit Impôt Recherche (CIR) au bénéfice des entreprises du CAC 40 et au détriment des PME/TPE, sans aucune évaluation et contrepartie, avec un effet d’aubaine évident ;
  • 2009, mise en place de la Stratégie nationale de Recherche et d’Innovation (SNRI) qui oriente la recherche vers des créneaux voulus par le MEDEF en remettant en cause l’indépendance des chercheurs ;
  • 2010, le Grand Emprunt, avec l’usine à gaz des Investissements d’avenir (IDEX …) ayant pour objectif d’asservir complètement le SPESR aux exigences du grand patronat, avec comme conséquence la mise en concurrence des territoires, des établissements et de tous les acteurs du SPESR ;
  • 2011, l’application de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) aux organismes de recherche, fragilise les fonctions support et soutien dans les laboratoires et introduit une précarisation massive. Le dispositif de Modernisation de l’action publique (MAP) mis en place après la victoire de F. Hollande, a les mêmes effets « austéritaires » sur le SPESR ;
  • 2012, G. Fioraso lance les Assises de l’ESR. A l’opposé des débats sur la loi Savary, elles ont été corsetées par le ministère, à travers un comité de pilotage, composé d’anciens responsables de la Conférence des présidents d’Universités (CPU), imposant un cadre très contraignant des débats. Au niveau territorial, les Assises ont été organisées par les préfets, les recteurs et les présidents de région en marginalisant les acteurs de la Recherche et de l’Université, évacuant leurs revendications exprimées depuis plusieurs années ;
  • 2013, G. Fioraso impose sa loi sur l’ESR, sans les voix du Front de Gauche. Sur le fond, pas de grand changement par rapport à la LRU et même sur certains points, une aggravation à la soumission d’une logique libérale européenne, avec la réduction des dépenses publiques et ses conséquences sur les établissements. Actuellement, plus d’1/4 d’entre eux sont en grande difficulté financière, avec des conséquences sur les formations et les personnels. La mise en place de grands complexes universitaires va mettre en concurrence encore plus les régions et faire disparaitre la cohérence nationale du SPESR, au profit d’une organisation régionale d’inspiration européenne. Dernière initiative de G. Fioraso, qui confirme, s’il en est besoin, l’instrumentalisation du SPESR par le patronat, la création du comité Sup’emploi, qui sous-couvert d’insertion professionnelle ouvre toutes grandes les portes des universités au MEDEF.

On peut constater une forme de schizophrénie du PS, car lorsqu’il est dans l’opposition, il exprime des désaccords sur les réformes de fond du SPESR, faites par la droite, alors qu’il les reprend en l’état ou même les aggrave, lorsqu’il est au pouvoir. Cette posture s’explique par sa connivence avec la droite sur la politique de l’UE. Les deux derniers Traités ratifiés de concert sont révélateurs :

  • le Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) dit Traité de Lisbonne, ratifié en 2007, après un déni démocratique suite au référendum de 2005, qui impose aux Etats l’application stricte du principe de la « concurrence libre et non faussée » qui impacte, en particulier, les SP ;
  • le TSCG, ratifié en 2012 avec sa « règle d’or », responsable de l’austérité actuelle, prive notre pays de sa souveraineté quant à ses choix budgétaires et notamment les crédits pour les SP, avec comme conséquences que leurs missions soient privatisées et permettent aux capitalistes d’amasser des profits.

Après cet inventaire des réformes de l’ESR sur trois décennies, il est possible de faire une synthèse des principales conséquences du libéralisme sur ce SP (en sachant que les mêmes causes provoquent des effets comparables sur d’autres SP). Ces réformes ont pour effet de considérer les connaissances scientifiques comme une marchandise. Elles deviennent un outil de la concurrence au sein du capitalisme mondialisé et, de ce fait, sont limitées aux seuls rapports strictement économiques de l’innovation et de l’insertion professionnelle, au bénéficie quasi exclusif du capital et du grand patronat. Cela remet en cause toutes les autres missions du SPESR, notamment les questions d’émancipation, de citoyenneté et d’enrichissement culturel ainsi que le développement d’une recherche fondamentale détachée du principe de la concurrence et de la marchandisation sur le marché mondial de la connaissance. Ces orientations influencent les étudiants qui limitent souvent leurs choix aux seules formations rentables du point de vue des débouchés à court terme (logique « adéquationiste») en écartant des formations soi-disant inutiles sur le marché du travail actuel. Ce qui écarte toute évolution prospective des formations, et qui hypothèque l’avenir de notre pays et de sa jeunesse.

Devant ce constat alarmant, il est urgent que le peuple de gauche se rassemble autour d’organisations, d’associations et de syndicats, porteurs de propositions alternatives. Bien que la situation soit difficile, les prochaines élections européennes devraient permettre à ces forces anticapitalistes de créer un rapport de force pour imposer un réel changement afin de modifier le cours des choses.

A cet effet, il faut que toutes les composantes se réclamant de solutions alternatives pour l’UE retrouvent le chemin d’une unité pour ces élections européennes et faire de ce scrutin, en mai 2014, un moment crucial pour défendre le projet d’une « autre Europe ». Pour cela, il est important que les forces politiques et sociales prennent des initiatives en France, mais aussi dans les autres pays de l’UE, afin de construire un rapport de force suffisant et créer un front de résistance le plus large possible contre les dérives libérales actuelles, qu’elles soient sociales ou ultra. Cette opposition constructive ne peut avoir que des prolongements positifs sur les formations supérieures et la recherche dans les pays de l’UE, au bénéfice des jeunes et de leur avenir, du développement industriel, technologique et écologique, afin de ne pas avantager exclusivement les activités marchandes sous couvert de compétitivité. Evidemment le mouvement social en France, au-delà des résultats des élections européennes, doit se mobiliser avec la communauté universitaire et scientifique pour imposer le « changement maintenant » dans le SPESR.

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Complémentaires santé : la course forcée vers le trust !

par Nicolas Pomiès

 

En 2011, le nombre d’organismes d’assurance (sociétés d’assurance, mutuelles et institutions de prévoyance) a encore diminué de 55 unités. Ce mouvement de concentration qui concerne l’ensemble du secteur depuis le milieu des années 1990 touche aussi celui des organismes assurant une couverture « santé ». Ainsi, depuis 2001 le nombre d’organismes assurant une couverture santé complémentaire a diminué de plus de la moitié. De 2005 à 2015 le nombre de mutuelles est passé de 1 273 à 330.

Par la loi du 3 janvier 2001 et par l’ordonnance du 19 avril 2001 transposant les directives 92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992 modifiés par l’article 97 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (JO du 5 mars 2002, p.4147), s’appliquait pour les mutuelles crées avant le 22 avril 2001 un Code de la mutualité organisant la mise en concurrence des organismes de complémentaire santé. La part des soins hors affections de longue durée (ALD) remboursée par la Sécurité sociale reculant de plus en plus, les organismes de complémentaire santé ont pris une place de plus en plus importante.

Les mutuelles ressortissant du Code de la mutualité en 1945 ne devaient occuper qu’un rôle de développement de centres de prévention et de centres de soins,car
l’ordonnance du 19 octobre 1945 abroge la Charte de la mutualité de 1898 et définit de nouvelles orientations aux «  sociétés mutualistes », en complémentarité avec la Sécurité sociale. Cette même ordonnance dans son article 1 stipulait que « les sociétés mutualistes étaient des groupements qui, au moyen des cotisations de leurs membres, se proposent de mener, dans l’intérêt de ceux-ci ou de leur famille, une action de prévoyance, de solidarité ou d’entraide visant notamment la prévention des risques sociaux et la réparation de leurs conséquences, l’encouragement de la maternité et la protection de l’enfance et de la famille et le développement moral, intellectuel et physique de leurs membres. » De même d’après son article 42, les sociétés mutualistes pouvaient créer des oeuvres sociales, telles que dispensaires, maternité, consultations de nourrissons et, en général, toutes œuvres d’hygiène, de prévention ou de cure, ainsi que des maisons de repos et de retraite. Elles pouvaient également créer des pharmacies et des cabinets dentaires qui doivent être gérés dans les conditions déterminées par les lois et règlements spéciaux en la matière.
Pourtant, jusque dans les années 2000, les mutuelles se retrouvèrent avec un poids croissant dans l’assurance complémentaire santé, avec une forme d’hégémonie, alors que la loi du 25 juillet 1985 avait réformé le Code de la mutualité en faisant en sorte que les mutuelles n’aient plus comme auparavant l’exclusivité de la complémentaire santé. Le marché santé s’ouvre à la concurrence.
Mises en concurrence avec des organismes ressortissant des codes des assurances ou de la Sécurité sociale (assurances, mutuelles assurances, bancassurances, institutions de prévoyance), écrasées par des contraintes de solvabilité financière, de reddition de comptes et d’audit permanents, de taxes et de contraintes réglementaires toujours plus fortes, les mutuelles ont eu bien du mal à résister.
Il faut rappeler que c’est le président de l’époque de la Mutualité Française, René Teulade, qui lui-même avait demandé cette mise sur le marché concurrentiel de la complémentaire santé.
C’est donc un mouvement de fusion des organismes qui accompagne la marchandisation de l’assurance maladie complémentaire avec en corolaire le maintien des postes de salariés de proximité des mutuelles instituant des coûts de gestion supérieurs à ceux de la Sécurité sociale dont les centres gestion ont été régionalisés.

L’Accord national interprofessionnel de 2013 (ANI) a institué l’obligation pour les entreprises de souscrire un contrat auprès d’un organisme (mutuelle, assurance, institution paritaire…) pour proposer à leur personnel une couverture collective avant le 1er janvier 2016.
La désignation de l’organisme pouvant être prévue dans les conventions collectives à l’issue des négociations entre syndicats de salariés et le patronat, il y a fort à parier que les institutions paritaires théoriquement cogérées par ces mêmes organismes tireront les marrons du feu de cette disposition législative et que les mutuelles du Code de la mutualité en pâtiront. Si la majeure partie des salariés part dans des institutions paritaires, les mutuelles ne garderont que les retraités, ce qui inévitablement fragilisera leurs marges de solvabilité.
Cette hypothèse semble d’ailleurs confortée par les débats ayant lieu autour des modalités d’attribution de l’ACS (aide pour l’acquisition d’une assurance complémentaire santé, dite ACS, qui est une aide financière pour payer une complémentaire santé sous condition de ressources et financée par les taxes prélevées sur les cotisations aux organismes de complémentaire santé).
La mise en concurrence d’organismes assurantiels pour le partage de l’attribution de la gestion des bénéficiaires de l’ACS, tel que le prévoit l’article 56 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) subordonne le versement de l’ACS à l’adhésion à un organisme labellisé par l’État sur des critères de solvabilité et donc de surface financière. Les organismes non labellisés n’auront donc plus comme adhérents les familles populaires tandis que leurs propres cotisants financeront l’ACS par la taxe sur leur contrat !

L’État, privé par les directives européennes (que pourtant il approuve) de sa capacité de gestion directe, organise donc la mise sous tutelle d’organismes en concurrence et construit peu à peu les trusts de la complémentaire santé.
C’est l’application in extenso du rapport Chadelat de 2003 qui, rappelons-le, préconisait un système à trois niveaux avec l’assurance maladie obligatoire (AMO) financée par des prélèvements obligatoires, l’assurance maladie complémentaire dite de base (AMCB) qui restera facultative et pour laquelle est créé un dispositif d’aide à son acquisition contrôlé par l’État et un troisième étage dans lequel les familles restent « libres » de souscrire une assurance supplémentaire.
C’est le 3e étage de la construction et il se révèle important ; les inégalités dans l’accès aux soins s’aggravent car seuls les plus riches peuvent prétendre à ce niveau de couverture.

Tout est fait pour accélérer la construction de trusts de la complémentaire santé que l’Etat imagine contrôler.
Mais l’histoire nous démontre que la concurrence aboutit aux monopoles et que les monopoles contrôlent les États. Le retour à une protection sociale sans étages, avec suppression progressive de la complémentaire santé et une Sécu à 100 % financée par les cotisations sociales (comme le propose l’UFAL ainsi que les organisations progressistes) est à la fois une assurance de qualité de vie pour les populations et la meilleure méthode pour désarmer les marchés.

 

 

Brèves
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Fiscalité des ménages : pour une remise à plat du quotient conjugal

par Christiane Marty
Membre de la Fondation Copernic et d'Attac.
Co-auteure du livre "Un impôt juste pour une société juste". Éditions Syllepse, 2011, 144 pages, 7 euros.

 

Lire le document complet (17 p.) au format PDF :  Quotient conjugal-MARTY

Extraits

La réforme fiscale en cours de préparation a pour objectif de rendre l’impôt plus simple, plus lisible et plus juste. Elle devrait donc, en toute logique, conduire à une remise à plat du système de quotient conjugal et familial. Instauré en 1946, ce dispositif est un outil de politique familiale inséré dans la politique fiscale. Il est très peu lisible pour l’énorme majorité des contribuables.
Surtout, il rend le mode d’imposition complexe et inégalitaire. C’est ce que ce texte se propose de développer en se concentrant sur le quotient conjugal - c’est-à-dire l’imposition commune des couples - et ses effets inégalitaires en particulier entre les femmes et les hommes. Pour une présentation critique du quotient familial, on renvoie notamment au document « Le quotient familial, un coûteux privilège de classe »1.

Après un cadrage général, la première partie du texte montre que le quotient conjugal organise une importante redistribution… en faveur des familles les plus aisées, qu’il conduit à renforcer les inégalités de genre et agit comme un frein à l’emploi des femmes. La seconde partie interroge les raisons censées légitimer l’imposition commune et en montre la faiblesse. La dernière partie opte pour un mode d’imposition séparée, ce qui ne signifie ni démolir l’édifice de la politique familiale, ni pénaliser les ménages modestes.

Conclusion
L’imposition commune des couples génère inégalités, discriminations et incohérences. Passer à l’imposition séparée n’est en rien menacer la solidarité entre les conjoints, c’est au contraire la rendre cohérente avec l’objectif de redistribution verticale qui met en pratique cette solidarité, et en même temps avec l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes. En tout état de cause, la suppression du quotient conjugal devrait être l’occasion d’ouvrir un cadre global de réflexion visant à rendre lisibles et cohérentes les politiques familiales, fiscales et sociales.

  1. Christiane Marty,]
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Rappel : Laïcidad, colonie de vacances européenne

par ReSPUBLICA

 

Des places sont encore disponibles : inscrivez vos ados à la colonie de vacances européenne LAÏCITAD !

Cette année encore, l’UFAL participe à l’organisation de « Laïcitad, terres de libertés », un voyage d’échanges et de rencontres entre adolescents issus de différents pays. Ce séjour interculturel, qui s’adresse aux jeunes âgés de 13 à 15 ans, se déroulera du 17 au 31 juillet 2014 dans les Pyrénées (non loin de la commune de Saint-Lary-Soulan).

Pour plus de renseignements : 

http://www.ufal.org/laicitad-2014

Lors de ce voyage, différentes activités sportives et culturelles seront proposées aux jeunes : ils pourront s’adonner aux joies de la randonnée, aux plaisirs des parcs d’aventures, mais aussi pratiquer différents sports (tennis, natation, volley, etc.) ou encore partir à la découverte des villes et richesses environnantes. Des « ateliers » d’initiation aux premiers secours, de sensibilisation aux assuétudes, de réflexions sur la vie affective et le « vivre-ensemble » ou encore de découverte de la botanique et du photo-montage, etc. seront également organisés.

Grâce aux liens tissés et aux réflexions menées durant ces 10 jours, ce voyage permettra d’aboutir à la construction d’un projet commun sur la place à donner dans leur vie à la solidarité.

Au niveau du coût, le prix du voyage s’élève 350 euros par enfant et comprend l’intégralité des frais inhérents à l’organisation. (Un système d’aide en fonction des revenus des parents est mis en place par l’UFAL pour ses adhérents.)

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  • Lutter contre le néo-libéralisme

« Le Grand marché transatlantique », par Raoul Marc Jennar

par Bernard Teper
Co-animateur du Réseau Education Populaire.
Auteur avec Michel Zerbato de « Néolibéralisme et crise de la dette ».
Auteur avec Catherine Jousse et Christophe Prudhomme « Contre les prédateurs de la santé ».

http://wwww.reseaueducationpopulaire.info

 

Nous disons depuis longtemps dit dans les colonnes de ReSpublica que la politique menée par les néolibéraux est une excellente politique pour les oligarchies néolibérales nationales et multinationales. Nous avons dit aussi qu’il iraient jusqu’au bout sauf si on enlevait leurs mains des manettes. De quoi mettre hors course tous ceux, atterrés et atterrants de toutes sortes, qui s’évertuent à vouloir donner des conseils aux grands de ce monde en espérant être écoutés avec bienveillance par de gens liés à la gouvernance mondiale que forment le patronat multinational, les associations régionales et multilatérales et l’administration étasunienne.
Puisqu’on les laisse faire, ils continuent : après l’Union européenne, l’Asean et l’Alena, voilà qu’ils lancent le Partenariat transpacifique (PTP) pour former une zone de libre-échange en Asie tout en tentant « d’assurer le confinement de la Chine » futur adversaire central dans la lutte interimpérialiste. La discussion de ce PTP est aujourd’hui reportée à 2015, notamment à la demande du Japon. Et cela après le Partenariat transatlantique (PTA) pour former une zone de libre-échange USA-Union européenne tout en tentant « d’assurer le confinement de la Russie », allié potentiel de la Chine dans les prochaines guerres interimpérialistes.
Le livre de notre ami Raoul1 vient donc à point nommé pour nous aider à comprendre le PTA. Ce petit livre d’une soixantaine de pages se lit de façon fluide. Raoul décortique un par un chacun des 46 articles du mandat de négociation2 du négociateur unique de l’Union européenne avec les États-Unis, Karel de Gucht.
Lisez ce livre et vous verrez comment la « dépolitisation de la gestion » est organisée. Pire comment la prémonition de Pierre Mendès-France est à l’œuvre contre la démocratie.3 Vous verrez par quel stratagème la diminution des droits définis dans la Déclaration des droits de l’Homme de 1948 (articles 22 à 27) est programmée dans la continuation en pire de ce que nous connaissons avec l’Union européenne. Vous verrez par quel stratagème l’oligarchie néolibérale veut donner aux firmes privées à but lucratif pour les actionnaires « le pouvoir de contester les normes sociales, alimentaires, sanitaires, phytosanitaires, environnementales, culturelles ou techniques, édictées par les pouvoirs publics » notamment par les articles 23, 32 et 45 du PTA. À noter que le règlement des différends sera soustrait aux États.
Tout cela pour réaliser le projet néolibéral de « remplacer les gouvernements… par le pouvoir privé… » selon les mots de David Rockefeller au magazine Newsweek le 1er février 1999.
Vous verrez que ce PTA est prévu pour être une véritable « OTAN économique », afin d’accélérer à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) une dérèglementation qui n’avance pas assez vite aux yeux du patronat multinational, et aller plus loin encore (article 25).
Ce mandat vise à poursuivre le démantèlement des réglementations (articles 26 et 43 du mandat de négociation du PTA).
Ainsi, l’article 28 devra permettre la priorisation de la défense de la propriété intellectuelle des firmes multinationales, par exemple au détriment de la santé publique.
Bien évidemment, l’article 30 de ce mandat fera en sorte que les sanctions pénales contre les firmes privées à but lucratif pour les actionnaires soient soustraites aux États nationaux!
L’article 35 du mandat pourra organiser, entre autre, une concurrence déloyale sur le vin. L’article 39 du mandat prévoit « l’entière libéralisation des paiements courants et des capitaux ».
Lisez le livre et vous en saurez plus encore, organisez des réunions publiques sur ce thème4, car il faut débattre de la riposte nécessaire, et pour le reste sortez couverts !

  1. Editions Cap Bear ]
  2. Ce mandat n’a été rédigé qu’en anglais contrairement aux usages de l’Union européenne. []
  3. « L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement « une politique », au sens le plus large du mot, nationale et internationale. » (Intervention de Pierre Mendès-France à la Chambre des députés le 18 janvier 1957 contre les traités de Rome []
  4. Vous pouvez joindre pour cela le journal ReSpublica ou le Réseau Éducation Populaire (]
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« La renaissance des communs. Pour une société de coopération et de partage » de D. Bollier

par Bernard Teper
Co-animateur du Réseau Education Populaire.
Auteur avec Michel Zerbato de « Néolibéralisme et crise de la dette ».
Auteur avec Catherine Jousse et Christophe Prudhomme « Contre les prédateurs de la santé ».

http://wwww.reseaueducationpopulaire.info

 

Ce livre de David Bollier, paru aux éditions Charles Léopold Mayer, retiendra l’attention de tous ceux qui s’intéressent aux processus démocratiques et aux processus d’implication citoyenne. Même si nous pouvons tordre le nez sur des nostalgies du passé, notamment sur les communs des populations indigènes relevant du précapitalisme ou sur des croyances Bisounours d’harmonie avec le néolibéralisme, il y a suffisamment de matériaux pour resituer les communs dans une perspective anticapitaliste. Ce livre permet de resituer les biens communs par rapport aux biens publics, les communs par rapport aux services publics. Il permet de s’intéresser aux raisons qui font que les services publics aujourd’hui régressent mais que les communs se développent.
A partir des communs qui peuvent être définis par une ressource à gérer, une communauté de « commoneurs » et des règles sociales qui favorisent la coopération et le partage, nous pouvons voir le point commun des communs avec l’anticapitalisme à savoir le refus de l‘enclosure capitaliste. Alors que ce livre est dédié à la promotion des communs, il nous permet cependant de comprendre la contradiction qu’il y a entre les communs et la propriété privée d’une part , comme la contradiction qui existe entre les communs et l’Etat mais aussi entre les communs et les marchés.
Pour tous ceux qui réfléchissent à un synchronisme éventuel entre les communs et les services publics dans un processus de sanctuarisation vis-à-vis des marchés et de la propriété privée, le tout dans une perspective de réelle avancée démocratique, voilà un livre qu’il faut lire.
D’abord, parce que plus d’un milliard de personnes dans le monde subsiste grâce aux communs de subsistance. Mais aussi parce que le monde actuel fabrique et développe des nouveaux communs numériques, des nouveaux communs sociaux, des nouveaux communs culturels. Pas inintéressant pour des anticapitalistes républicains laïques et sociaux de s’intéresser aussi au copyleft versus le copyright, au GNU/ Linux versus Microsoft, à Wikipédia versus les revues payantes de prestige, au mouvement de libre accès universitaire versus la marchandisation du savoir, au mouvement coopératif et mutualiste versus la propriété privée des moyens de production, du don du sang versus la marchandisation du sang, des Amap circuit court, du développement du covoiturage, au mouvement des Indignés, etc.
Comme disaient Karl Marx, Friedrich Engels, Jean Jaurès et Antonio Gramsci, chacun à leur façon, toute transformation sociale et politique demande une bonne connaissance des pratiques sociales actuelles, afin de voir sur quelles bases d’appui existantes nous pouvons nous appuyer pour « culbuter » le système actuel vers l’application d’un nouveau modèle politique alternatif. Car contrairement à la chanson de l’Internationale, jamais, en 2 500 ans d’histoire, on n’a fait table rase totale du passé.
Après la lecture de ce livre, on peut se poser la question de savoir si les communs dont l’ambivalence me paraît certaine ne seraient pas par contre une des antichambres possibles de nouvelles pratiques intégrables dans un projet alternatif au capitalisme, dans une République sociale, une fois dégagés de la gangue du capitalisme lui-même.