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Appel à la grève du 5 octobre et après ?

Chaque rentrée automnale est annoncée comme explosive, « sociale » : les vacances estivales prennent fin et les organisations syndicales appellent à une traditionnelle journée de mobilisation. Cette habitude, tel un rite bien établi, a ses avantages : elle permet de remobiliser, de tracer des perspectives et de compenser un été trop souvent calme (même si cet été restera une exception dans le paysage français avec des mobilisations régulières chaque semaine).

Du rite au folklore ?

On ne pourrait blâmer cette forme de « rentrée sociale » si elle n’avait dévié progressivement année après année jusqu’à devenir une mobilisation qui ressemble désormais à une journée folklorique. En effet, à quoi sert de préparer une journée de mobilisation qui au lieu d’ouvrir des perspectives plus vastes, de mobiliser pour gagner sur les revendications, est devenue une finalité en soi, comme si les syndicats étaient en train de courir tel un poulet sans tête ?

Les collectifs des directions syndicales, toutes organisations confondues, construisent une journée qu’ils qualifient d’action, déconnectée des secteurs professionnels et des unions départementales interprofessionnelles. Ce 5 octobre 2021 a été décidé presque en catimini, lors de réunions où on passe plus de temps à rédiger des communiqués insipides et à commenter l’actualité qu’à construire. Il y avait été décidé que l’annonce de cette journée d’action ne devait se faire qu’en août. Outre le côté ridicule et grotesque de la décision, cette journée n’a trouvé que peu d’écho chez les militants et parmi les travailleurs. Faut-il simplement en conclure qu’elle a été mal préparée ou faut-il se poser des questions plus lucidement sur l’état du mouvement syndical, sa stratégie et son fonctionnement ?

Un syndicalisme vivant audacieux et gagnant doit bien entendu être défendu, mais il ne doit pas s’exonérer d’introspection et d’analyse critique sur lui-même pour progresser.

Photo by Lucie Morel on Unsplash

Les syndicalistes parlent aux syndicalistes

L’appel à la journée du 5 octobre pose plusieurs problèmes occultés par les directions syndicales. Si le mouvement syndical est la pierre angulaire de l’action collective (par et pour les travailleurs), si nous ne pouvons que nous réjouir du principe d’organisation de mobilisations syndicales, plusieurs constats par contre s’imposent pour arrêter les mobilisations uniquement militantes et vides de sens :

Appeler à la grève par réflexe pavlovien que ce soit au niveau professionnel ou interprofessionnel ne peut que décourager les travailleurs d’engager des actions car ils savent que c’est sans effet pour leur revendications et sans lendemain pour l’action.

Appeler à la grève par réflexe pavlovien que ce soit au niveau professionnel ou interprofessionnel ne peut que décourager les travailleurs d’engager des actions car ils savent que c’est sans effet pour leur revendications et sans lendemain pour l’action.

L’action se construit

Appeler à une journée de grève, c’est-à-dire à l’arrêt de la production qui implique la perte du salaire pour le gréviste, ne peut jamais être pris à la légère pour un responsable syndical. Ce n’est jamais pris à la légère par le gréviste compte tenu de ses conséquence sur sa feuille de paye et parfois sur sa situation de salarié. Il faut donc pour qu’il y participe qu’il ait au moins le sentiment que la grève sera réussie et qu’elle accroîtra le rapport de force pour gagner sur sa revendication. C’est donc une question de crédibilité pour le mouvement syndical. Il ne s’agit pas ici de donner des leçons, ce serait trop facile d’autant qu’il n’y a pas de recette magique. Nous pensons qu’il est fondamental de revenir aux pratiques syndicales de masse et de classe, concrètement et nous souhaitons mettre en débat trois idées qui de plus n’ont rien d’original, mais font défaut aujourd’hui.

La première évidente, mais difficile à concrétiser sur le terrain est de faire en sorte que les militants et militantes convaincus qu’aucun changement de société ne peut se faire sans un syndicalisme puissant et offensif rejoignent l’organisation syndicale dans leur entreprise ou la créent si elle n’existe pas. C’est possible légalement à partir de deux syndiqués dans les entreprises et facilité à partir de cinquante salariés. Le syndicalisme n’est vivant que quand il est implanté massivement, dans tous les secteurs, privé comme publics, y compris ceux où la précarité est la plus forte.

La seconde, c’est partir du réel, c’est-à-dire du cahier revendicatif élaboré par les salariés pour aller à l’idéal. Pour mobiliser il faut parler du quotidien, de revendications compréhensibles, partagées, sur lesquelles la victoire est possible. Rien ne sert de partir des débats théoriques et idéologiques incompréhensibles souvent importés dans le syndicat. L’idéal se définit aussi dans la lutte.

Pour mobiliser il faut parler du quotidien, de revendications compréhensibles, partagées, sur lesquelles la victoire est possible. Rien ne sert de partir des débats théoriques et idéologiques incompréhensibles souvent importés dans le syndicat. L’idéal se définit aussi dans la lutte.

La troisième est de maintenir au syndicat son rôle de syndicat. Dans cette période, bien que la Charte d’Amiens ait précisé ce rôle, trop de militants et militantes dans trop de syndicats continuent à reléguer le syndicat au second plan ou comme « courroie de transmission » d’organisations politiques ou idéologiques. Nous devons et pouvons changer ces pratiques en agissant sur le terrain économique, cœur du capitalisme, c’est une chance qu’il faut saisir.

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