“Her job” et “Dieu existe, son nom est Petrunya”

“Her job”

Athènes de nos jours, dans cette Grèce soumise au diktat économique de l’Europe. C’est l’histoire d’une famille que nous découvrons; la femme au foyer, l’homme au chômage avec de petits jobs et des enfants en dérive dans cet univers qui se fissure. La femme tout en retrait dans le couple est passée de la demeure familiale au domicile conjugal, passant ainsi d’une domination à l’autre. La tension dans le couple devient plus vive lorsque Panayiota décide de travailler. C’est elle et non plus l’homme qui va faire vivre le foyer. Cette hésitation à prendre en main son destin, fruit incontestablement social, Nikos Labôt le réalisateur va, avec une grande retenue, nous la faire vivre dans les moindres détails. Dans une Grèce livrée à l’ultra libéralisme économique où les individus sont mis en concurrence, naissent de douloureuses confrontations faites de désespoir. La compréhension de l’autre, l’aide, la solidarité seront comme des fleurs fragiles sortant de dessous les pavés.

C’est la force de ce film et de son équipe de nous faire vivre cette entraide, cette dignité et principalement Marisha Triantafyllidou personnage sensible, fragile mais combien déterminée. Citons pour son personnage d’insoumise Maria Filini et pour son rôle d’Homme Dimitris Imellos.

Un film où toute la réflexion politique passe dans ce rapport entre les humains… ce rapport avec lequel viennent de renouer en France, celles et ceux des ronds-points.
J.J. M.

Her job, réalisateur : Nikos Labôt, avec Marisha Triantafyllidou, Dimitris Imellos, Maria Filini (Grèce – 2019 – 1h30 –VO) distributeur Jour2Fête.

“Dieu existe, son nom est Petrunya”

Ce film a fait partie de la sélection officielle de la Berlinale 2019 et a été primé . Tout part de ce que nous pourrions appeler un « fait divers », d’ailleurs inspiré d’une histoire réelle. A Stip, petite ville de Macédoine, tous les ans au mois de janvier, le prêtre de la paroisse lance une croix de bois dans la rivière et des centaines d’hommes plongent pour l’attraper . Bonheur et prospérité sont assurés à celui qui y parvient. Ce jour-là, Petrunya se jette à l’eau sur un coup de tête et s’empare de la croix avant tout le monde . Elle est la première femme à le faire et c’est le scandale . Tout le monde se ligue contre elle : la police, l’église, sa famille, son village

Ce film présente plusieurs aspects très intéressants :

  •  tout d’abord, la description actuelle de ce petit village macédonien qui essaie de s’adapter aux technologies nouvelles mais garde comme bases sociétales celles du Moyen-Age en terme de croyances et vieilles coutumes . Petrunya, jeune femme courageuse, se défend contre cette société patriarcale et rétrograde .
  • mais surtout ces croyances érigées en règle par le clergé dépassent les obligations légales même en matière de police et les compromis tentés par les policiers eux-mêmes pour ne pas s’attirer les foudres du prêtre et des villageois endoctrinés réussissent presque à l’emporter face au comportement pourtant rationnel et à la calme pugnacité de la jeune femme .
  • l’utilisation des vieilles croyances parle patriarcat pour maintenir sa domination apparaît clairement, tant envers Petrunya que la journaliste qui couvre l’évènement (et qui se fait licencier lorsqu’elle refuse d’arrêter son reportage sur ordre de son patron ;
  • enfin, et c’est sans doute le plus important pour nous, la situation d’extrême pauvreté (chômage, précarité même pour les diplômés) est sans doute la cause première de l’emprise du clergé sur les lois républicaines .

En conclusion, on peut dire que c’est un film de combat et de colère, même si son côté féministe est d’abord le plus visible. C’est aussi un film bourré d’humour et un véritable pied de nez au patriarcat et à la toute-puissance de l’Eglise.

C.G.

Dieu existe, son nom est Petrunya – film macédonien et 5e film de Teona Strugar Mitevska – 2019. Avec Zorica Nusheva et Labina Mitevska.