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L’ÉGLISE DE FRANCE DOIT PAYER… MAIS DE SA POCHE !

Les « anciens » disaient que la France était le pays du « silence des campagnes ». Il est vrai que certains exemples historiques ou d’actualité vont dans ce sens. 50 ans après la fin de la guerre d’Algérie, le chiffrage des morts non militaires et non « pieds noirs » n’est toujours pas clair, et que dire des morts du 17 octobre 1961 ! Récemment, il a fallu attendre 17 ans pour constater que la canicule de 2003 avait provoqué en fait la mort de près de 20 000 personnes dans les EPHAD… Une expertise de fond et un contrôle précis de ce type d’établissement auraient peut-être pu limiter le carnage de la Covid 19 de 2020, ou encore les mauvais traitements constatés aujourd’hui dans les EPHAD privés.
C’est dans ce contexte « d’oubli » érigé en système, qu’a été créée en 2018, sous l’impulsion de la hiérarchie catholique, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE). Certains esprits chagrins pouvaient penser que l’on allait assister, comme d’habitude, à un enterrement de première classe. Or, c’est tout le contraire qui arriva. Présidée par un honnête homme, Jean-Marc Sauvé, et composée de 22 membres sans aucun prêtre ni religieux, cette commission a rendu un rapport vraiment extraordinaire en France. Loin de « mettre la poussière sous le tapis », elle a révélé le « caractère systémique » des viols d’enfants dans l’église depuis 1950. La rigueur et la qualité de ce travail devraient servir d’exemple dans les domaines politique et administratif.
Reste l’indemnisation des victimes, puisque l’on ne peut pas parler de « réparation » tant les crimes furent ravageurs pour ces enfants dans leur vie d’adultes. L’église de France doit rester sur sa lancée de vérité et d’honnêteté dont elle a fait preuve pour la création de la commission Sauvé, bref elle doit payer les indemnisations aux victimes. L’église en a largement les moyens financiers. Prenons l’exemple de son patrimoine simplement dans la capitale intra-muros : la cellule investigation de Radio France a révélé en novembre dernier que le diocèse de Paris détient des immeubles d’une valeur de 700 millions d’euros sans que ces derniers apparaissent dans ses comptes. Bref, l’église catholique de France est assise sur des milliards d’euros.
Il serait immoral que la collectivité participe au financement du fonds d’indemnisation même de manière indirecte par la réduction d’impôt au titre de dons aux associations.
ReSPUBLICA soutient donc totalement l’initiative du sénateur Pierre Ouzoulias qui a déposé la question n° 26771 adressée au ministre de l’économie, des finances et de la relance. Nous en reproduisons ci dessous le texte intégral.

« M. Pierre Ouzoulias attire l’attention de M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur l’indemnisation des victimes d’abus sexuels dans l’Église catholique. À la suite des préconisations de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), la conférence des évêques de France s’est engagée à financer les réparations apportées aux victimes par le biais du fonds de solidarité et de lutte contre les agressions sexuelles sur mineurs (Selam). Par sa recommandation n° 33, la Ciase avait considéré que « ce fonds devrait être abondé à partir du patrimoine des agresseurs et de celui des institutions relevant de l’Église en France, sans appel aux dons des fidèles » (page 425). Elle avait ainsi écarté « toute forme de socialisation du financement pour les violences commises dans l’Église catholique ». Or, la déclaration de création du fonds Selam, enregistrée par le préfet de la région d’Île-de-France, le 1er juillet 2021, précise que ce fonds pourra « recevoir et gérer, en les capitalisant, les biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit ». Ce fonds pourrait donc être abondé par des dons de particuliers bénéficiant d’une réduction d’impôt sur le revenu, conformément à article 200 du code général des impôts. En droit, par les réductions d’impôts consenties, l’État pourrait ainsi participer indirectement à l’indemnisation des victimes d’abus sexuels dans l’Église catholique. Aussi, il lui demande s’il est moralement acceptable que l’État, par des libéralités fiscales, participe au financement de mesures de réparation destinées à des victimes d’actes commis uniquement au sein de l’Église catholique. Si le seul objet du fonds Selam est de les indemniser, il se demande alors s’il ne serait pas plus conforme à la recommandation de la Ciase, acceptée par la conférence des évêques de France, que les apports des particuliers soient exclus des sources possibles d’abondement de ce fonds. »

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