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Sur l’obéissance

“Dire ce qu’on pense et faire ce qu’on dit”

Texte reçu de Claire LARTIGUET- PINO 

Merci  pour l’article de Florent Bussy qui pointe un obstacle majeur au renversement ou dépassement d’un système qui nous mène tout droit vers des catastrophes. Cet obstacle, c’est : l’obéissance, l’acceptation, la résignation, le sentiment d’impuissance, le fatalisme, le désespoir.

A ce sujet, j’ai co-écrit  avec  un camarade, une étude du Discours de la servitude volontaire d’Etienne de la Boétie (*), c’est pourquoi je voudrais compléter cette analyse que je partage complètement.

Malgré cet obstacle qui a toujours existé, le mouvement social a connu des avancées notables : nos révolutions du XIXème siècle, La Commune de Paris, la révolution espagnole de 1936-1939, le Front Populaire, les apports du Conseil de la Résistance (et pardon pour les oublis). Tous ces mouvements ont été soit écrasés par la force, soit isolés, méconnus et oubliés, soit trahis ou dévoyés. Pourtant, les consciences sont toujours en éveil, des voix contestataires s’expriment, les luttes continuent mais sans effet depuis ces trente dernières années.

Il faut dire qu’entre temps, en France nous avons connu la trahison des partis de gauche au pouvoir. L’espoir d’un monde meilleur n’a-t-il pas été dévitalisé par cette expérience consternante? Leur responsabilité est écrasante. A ma connaissance, il n’y a pas eu de bilan critique ni de remise en cause claire et nette du social-libéralisme, ce qui aurait pu reconduire une confiance en eux.

Combien de militants, sympathisants plus ou moins actifs ont été écœurés et de ce fait, neutralisés pour les combats à venir ? Où sont-ils ? Que font-ils ? Sont-ils avec, contre nous ou nulle part ?

Mais d’autres voix s’élèvent pour l’écologie, le féminisme, contre les exclusions et oppressions de toute nature. Elles sont actives mais cloisonnées et éparpillées alors que toutes ces forces ont le même ennemi: un système capitaliste de plus en plus féroce technologiquement, économiquement, militairement, idéologiquement et qui s’étend maintenant à la planète entière.

La conséquence en est une inefficacité des luttes, au détriment d’une force collective dont « la désobéissance civile » serait, oui, une stratégie efficace car elle réunirait la légitimité (notre cause est juste), le nombre (on est des millions)  et l’unité qui, les trois réunis, sont invincibles.

C’est cette dernière condition qui manque. Pourquoi ? Peut-être parce que,  même dans les groupes d’opposition, il n’y a pas de possibilité de débats. Même dans ces groupes, « l’état agentique de la soumission » fait son œuvre. Il faut, oui, « développer la culture de l’insoumission, de la contestation, de la démocratie » mais c’est exigeant :

Il faut déjà être capable de réfléchir par nous même, or « rien ne nous y invite ».

Il faut aussi être capable de l’exprimer et avoir le courage de le faire (au risque d’être la brebis galeuse qui fait entendre une voix dissonante et se fait éjecter du troupeau ?).

Mais il faut aussi  être capable d’écouter une autre voix (voie ?) que la sienne et avoir à cœur, dans le respect de ses convictions de reconnaître les arguments valables, de  concéder des points d’accord et de réfuter ce qui ne nous semble pas acceptable, avec des arguments (et non des insultes).

Comme chaque fois qu’on veut jouer ensemble, il y a des règles. Ici, s’interdire le déni des faits, la mauvaise foi, les procès d’intention et, bien entendu, les injures.

C’est ainsi qu’on aborde la complexité des situations, qu’on peut nuancer ses positions et qu’on peut avancer ensemble sur les points d’accord, quitte à envisager des étapes, faire des bilans et ne pas oublier les pistes qui n’ont pas été retenues. C’est ce qu’on appelle « l’intelligence collective ».

Car toutes nos convictions, même les plus sincères, ne sont que des hypothèses. Prenons les au sérieux mais nous avons à les démontrer, à faire nos preuves. La démocratie directe, c’est une belle direction mais on a beaucoup de chemin à faire…

 

 (*) On peut  se procurer ce texte : Tyrannie, servitude : un cercle vicieux, de Jean-Pierre Baudet et Claire Lartiguet en PDF (60 pages) en le demandant à l’adresse : tyraser@yahoo.fr

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