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10 septembre, une nouvelle génération militante se lève

Des centaines d’actions locales, des appels à la grève peu suivis, sauf dans certains secteurs, comme à la SNCF et la Culture, des blocages réalisés, souvent vite interrompus par les forces de l’ordre, des actions plus mobiles de groupes de bloqueurs par le jeu du chat et de la souris ont marqué la journée du 10 septembre. Par contre, à mettre du côté positif, le fait que cette journée a vu une participation de plusieurs dizaines de milliers de jeunes et nouveaux manifestants aux actions organisées. Si certains dirigeants politiques nationaux des grandes organisations politiques de gauche ont dit soutenir le mouvement du 10 septembre, la participation des militants de leurs organisations locales était des plus parcimonieuse.

Manipulation : Dire que Mélenchon contrôle le mouvement relève de la propagande patronale et gouvernementale.

Des centaines d’AG dans les entreprises, dans des collectifs territoriaux se sont réunies sur les lieux de travail, sur les places, devant les mairies. On peut noter, dans certaines AG territoriales, des jeux pour les enfants qui sont venus avec leurs parents le samedi précédant le 10 septembre. Toutes les remontées concernant cette auto-organisation montrent une bonne ambiance. De nouveaux liens militants ont été créés.

Quelques barricades ont été formées à Paris par des lycéens et des étudiants. Le piquet de grève de Sanofi de Maisons-Alfort a été renforcé par des manifestants et des élus. Des rassemblements ont été appelés place du Châtelet et de La République à Paris avec le tunnel habituel des prises de parole. À chaque fois, le dispositif de « maintien de l’ordre » mis en place favorisait les tensions. Les forces de l’ordre laissaient entrer les manifestants dans ces rassemblements déclarés et autorisés, mais ne les laissaient pas sortir…

Sur l’ensemble du pays, plusieurs centaines de milliers de personnes ont participé à des AG(1)Comparativement à 2023, il y a une participation en hausse dans les AG. ou à des actions en ville ou à des grèves ou à des manifestations.

En conclusion, La France n’a pas été bloquée, mais de nouveaux jeunes militants ont pris le chemin de la contestation et de nombreux nouveaux collectifs ont été créés. 

La nouvelle tactique de l’extrême centre macroniste

Depuis que Patrick Martin, président du Medef, a nommé les leaders qui « ont compris », d’après lui, le message du Medef (Attal, Retailleau et Bardella), on voit que la stratégie de l’union de toutes les droites (à l’italienne) a fait un pas de plus. Cette ligne tactique reste en discussion au sein des droites. Mais peut-être pour des raisons d’avenir professionnel, Emmanuel Macron souhaite gagner du temps en essayant toutes les autres tactiques avant celle-là. Voilà pourquoi il rajoute dans ses essais la demande faite à Sébastien Lecornu, soutenu par l’extrême centre macroniste, d’essayer une alliance gouvernementale avec les députés du PS et du groupe LIOT(2)Le groupe LIOT — Libertés, indépendants, outre-mer et territoires — rassemble des députés de centre gauche, du centre et centre droit. Depuis 2020, il est enregistré comme groupe d’opposition..

Une sorte de « gouvernement de la dernière chance », comme l’annonce les éléments de langage des communicants de l’extrême centre macroniste repris en cœur par les médias dominants, avec Le Monde et Le Figaro en tête de gondole. On a même vu Alain Duhamel s’énerver dans l’émission « C à vous » contre tous ceux qui s’écartaient sur le plateau des éléments de langage des communicants du Président de la République (François Ruffin et Patrick Cohen). Si cela ne marche pas, et comme Emmanuel Macron ne souhaite pas démissionner, il restera alors la dissolution du Parlement, ou un référendum, ou l’article 16 des pleins pouvoirs (mais certains constitutionnalistes estiment qu’on ne peut pas dire qu’il y ait à ce stade « une menace grave et immédiate » nécessaire pour en faire usage). La dissolution pouvant amener une union de toutes les droites (RN compris).

Le 18 septembre et la suite

Plusieurs responsables syndicaux ont noté que des travailleurs favorables au mouvement du 10 septembre n’ont pas souhaité débrayer le 10 pour recommencer le 18. Comme quoi, cette division du monde du travail entre le mouvement du 10 septembre et celui de l’Intersyndicale n’aide pas la mobilisation collective. Il est donc probable que le mouvement va s’amplifier en grève et manifestation le 18 septembre. Mais le débat syndical est sur l’après 18. De fait, un nombre croissant de travailleurs n’apprécie pas la succession de manifestations saute-mouton(3)Une manifestation et une grève d’un jour tous les mois, par exemple, comme pour le mouvement des retraites.. Ils préfèrent alors une grève reconductible bien préparée avec rencontre préalable avec tous les travailleurs individuellement, en plus des assemblées générales collectives décisionnelles. Notamment, ceux qui touchent des primes conséquentes mensuelles conditionnées. Sans attendre le communiqué de l’Intersyndicale, l’après 18 septembre doit, d’ores et déjà, être débattu dans les AG d’entreprises et des territoires.

Les conditions d’une sortie de crise dans l’intérêt général

De fait, et à raison, une majorité de citoyens déplore le spectacle politique qui n’a plus vraiment en ligne de mire l’intérêt général, mais la séduction de groupes d’électeurs sur le marché du bulletin de vote. La Ve République ne permet plus, si toutefois elle l’a un jour permise, de favoriser l’intelligence collective fondée sur la défense du bien commun et de l’intérêt général. Il est temps d’imaginer, d’inventer un cadre institutionnel qui redonne aux forces politiques l’envie de dépasser la simple séduction de groupes d’électeurs aux intérêts particuliers. Il y a urgence démocratique à réaliser un cadre institutionnel qui relève le niveau des confrontations d’idées diverses pour débattre de l’intérêt général humain, de le définir pour que la puissance publique s’assigne pour tâche première d’orienter les dépenses de fonctionnement et d’investissement vers le bien commun.

Amender la 5e République ou passer à la 6e ?

Peu importe le choix qui sera fait entre l’amendement constitutionnel ou le changement de constitution, il faut accentuer, au travers d’instruments de démocratie directe comme le referendum d’initiative populaire, le respect de la souveraineté du peuple et s’affranchir d’une démocratie de délégation dans laquelle les citoyens et citoyennes sont appelés à choisir des représentants qui vont réfléchir et décider à leur place. Il est nécessaire de restaurer une démocratie où le parlement joue pleinement son rôle. En grande partie, pour que cela fonctionne, selon Charlotte Girard(4)Charlotte Girard fut chargée du projet constitutionnel de la France Insoumise en 2017. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts avec LFI, qui s’est malheureusement éloignée de son projet initial., « tout dépend du personnel politique. Si les élus font passer l’intérêt général avant toute chose, l’Assemblée [NDLR : dans un système plus parlementaire] peut fonctionner, être capable de compromis [NDLR : à ne pas confondre avec compromission) et de conserver le lien avec le peuple en demande de participation et non de présidentialisation »(5)Charlotte Girard citée par Franck Dedieu in Marianne n° 1486..

Constitution d’un vaste mouvement populaire majoritaire

Quoi qu’il se passe, si le tour de passe-passe Lecornu s’avère une impasse, comme cela est probable, la seule sortie de crise ne peut émaner que de la constitution d’un vaste mouvement populaire majoritaire s’appuyant sur les ouvriers, les employés, les travailleurs des campagnes et des villes pour conduire une contre-offensive sociale et politique. Si le mouvement populaire n’est pas à l’action, l’extrême centre influencé par le Medef imposera la droite et l’extrême droite au pouvoir début 2026. Et ce bloc réactionnaire ne s’en cache pas, il le proclame, il taillera en pièce les conquis sociaux et liquidera les services publics. Le 18 septembre doit être un « 10 septembre en mieux » ! Il doit conduire vers un mouvement continu.

Ce mouvement doit être démocratique en se constituant en assemblées populaires de résistance au niveau local et régional. La « grève générale » n’est pas pour le moment à l’ordre du jour. Pour ne pas épuiser les grévistes aux revenus modestes, il faut « mixer » des grèves par secteurs et des blocages d’infrastructures. D’autres formes d’actions sont certainement à inventer. Mais ayons confiance, la créativité populaire est sans limite. Les suites du 10 décembre et l’appel de l’intersyndicale du 18 décembre doivent permettre d’aller vers l’unité populaire qui doit, par sa force imposer cette unité justement à l’ensemble des directions de « gauche »… sinon point de salut !

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 Comparativement à 2023, il y a une participation en hausse dans les AG.
2 Le groupe LIOT — Libertés, indépendants, outre-mer et territoires — rassemble des députés de centre gauche, du centre et centre droit. Depuis 2020, il est enregistré comme groupe d’opposition.
3 Une manifestation et une grève d’un jour tous les mois, par exemple, comme pour le mouvement des retraites.
4 Charlotte Girard fut chargée du projet constitutionnel de la France Insoumise en 2017. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts avec LFI, qui s’est malheureusement éloignée de son projet initial.
5 Charlotte Girard citée par Franck Dedieu in Marianne n° 1486.
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