Emmanuel Macron démarre fort devant ses amis évêques : « nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer. » Cette phrase provocatrice et toutes celles qui l’ont suivie ont entraîné des réactions pavloviennes des groupes laïques en défense de la loi de 1905. Bien sûr, le discours macronien est une forte atteinte à la loi de 1905. Disons seulement que cela ne suffit pas d’être un gardien du temple pour empêcher sa destruction. Pour promouvoir la liaison du combat laïque et du combat social, il faut analyser le réel dans l’église, dans la réalité sociale et politique, et voir alors ce que nous devons faire pour nous remettre sur le chemin de l’émancipation et donc en conséquence avec le retour à une séparation des églises et de l’Etat telle qu’elle fut votée le 9 décembre 1905 et avec l’application des trois circulaires de Jean Zay du Front populaire réactivées par la loi du 15 mars 2004.
Bien sûr, l’ensemble du discours d’Emmanuel Macron est un appel à continuer le détricotage de la loi de 1905. Mais il est plus que cela, il annonce le système et le mode d’alliances du mouvement réformateur néolibéral pour les 4 ans qui viennent. Que ne peuvent pas voir ceux qui ne lient pas le combat laïque au combat social. Que ne peuvent pas voir ceux qui négligent de regarder la dérive néo-concordataire du mouvement réformateur néolibéral visant à intégrer dans le système d’alliances dominant l’église la plus puissante et si possible toutes les autres. Tout simplement parce qu’ils ne veulent pas comprendre que l’alliance du néolibéralisme avec les communautarismes et les intégrismes est une alliance aussi nécessaire pour le capitalisme d’aujourd’hui que le développement de la démocrature.
Analyser l’évolution de l’Eglise catholique en parallèle de l’évolution du mouvement réformateur néolibéral
Après le soutien de la hiérarchie de l’Eglise catholique de France au régime de Pétain, l’église doit, pour survivre, modifier son orientation. C’est le rôle de Vatican II qui retisse le lien entre la gauche catholique et son église, permet le développement de l’engagement de cette gauche catholique en politique.
Mais très vite, la résistance interne dans l’Eglise s’organise contre cette orientation. L’Opus dei, organisation de l’extrême droite catholique, ne reste pas de ce point de vue les deux pieds dans le même sabot. La mort suspecte de Luciani alias Jean-Paul Ier, jamais autopsié, permet à un membre de l’Opus dei, Woytila, alias Jean-Paul II, de prendre le pouvoir au Vatican et de nommer suffisamment de cardinaux pour permettre de garder l’extrême droite au pouvoir au Vatican par la papauté de Ratzinger, alias Benoît XVI. L’alliance de fer entre l’impérialisme américain et le Vatican d’alors dans la bataille contre l’URSS et le communisme est aujourd’hui bien connue. A la chute de l’UURSS, il s’agit de mettre aussi à bas le régime yougoslave ; le Vatican et l’Allemagne sont les premiers États à reconnaître le régime croate, démarrage du conflit pour la destruction de l’ex-Yougoslavie qui fera plus de 200 000 morts, avec la « neutralité » de la France socialiste et de l’ensemble de l’Union européenne.
Mais plusieurs éléments vont changer la donne. Des scandales à répétition de pédophilie minent l’édifice papal car le mal est bien plus important que ce que rapporte la presse. Des scandales financiers font plus qu’éclabousser le Vatican. La chute de l’URSS modifie la stratégie du Vatican et ravive les divisions dans la Curie. L’élection au Vatican de Bergoglio, alias François, est un adjuvant pour la division de la Curie.
Malgré un engagement très remarqué pour l’écologie et le lien affirmé avec la question sociale développé par l’encyclique Laudato Si, une extrême droite catholique relookée se développe autour du retour à certains dogmes tombés en désuétude et de la volonté de revenir en politique. La conférence des évêques français résiste difficilement à ce développement de l’extrême droite catholique. Puis, la Manif pour tous, mobilise des centaines de milliers de personnes. Un parti d’extrême droite en est issu, Sens commun, qui intègre LR et permet à Fillon de terrasser Juppé et Sarkozy dans la primaire de droite. Mais Fillon n’est plus le candidat de l’oligarchie capitaliste et l’électorat de la droite catholique modérée vote pour Macron, nouveau préposé gérant du capital.
Le discours du président de la République devant la conférence des évêques vise à aller plus loin qu’une simple alliance électorale. Le dispositif macronien pressent, comme conséquence de sa politique anti-sociale, une perte de soutien d’une partie de son électorat. Comme il sait qu’en tant que gérant du capital, il ne peut pas freiner de lui-même cette politique anti-sociale, il a donc besoin maintenant d’un soutien politique plus affirmé de la part de l’Eglise catholique dans une sorte de démocrature chrétienne d’un nouveau genre.
Notamment pour faire reculer LR soutenu par l’extrême droite catholique mais fortement représenté chez les maires et élus municipaux dont l’élection est prévue soit en mars 2020 soit en mars 2021.
L’agenda politique va nous renseigner sur les suites concrètes du discours macronien
D’abord, nous attendons la deuxième lecture de la loi (et de son article 38) « Pour un État au service d’une société de confiance ». Alors que le lobby catholique avait réussi à mettre tous ses amendements dans le projet de loi soumis à la commission des lois de l’Assemblée nationale, ce même lobby a réussi à les réintroduire par un vote solennel au Sénat. On attend de voir si le nouveau discours du président aux évêques aura une suite législative sur les amendements de l’article 38 contre la loi de 1905 : possibilité pour les associations cultuelles de gérer des immeubles de rapport avec exemptions d’impôts, suppression du droit de préemption de l’État sur des immeubles des associations cultuelles, non-obligation de déclarer les actions de lobbying de l’église catholique qui serait étendu aux élus !
Puis, nous attendons aussi les arbitrages macroniens sur la bioéthique et sur la façon dont il va maquiller sa politique sur les migrants.
Et enfin, alors que sous le règne des prédécesseurs de Macron, ce fut déjà « open-bar » pour les subventions publiques aux écoles privées catholiques, au point qu’il y ait plus d’argent par tête d’élève pour elles par rapport aux écoles publiques, on attend concrètement la suite sur ce chantier.
Sans compter que nous devons rester vigilants devant les censures préfectorales au service du lobby catholique ou d’autres structures religieuses (1)Voir https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/art-culture-edition/la-prefecture-de-la-sarthe-censure-une-piece-de-theatre-apres-des-plaintes-de-catholiques-integristes_2707220.html
Nos tâches
- Sur l’affaire du discours de Macron devant la conférence des évêques, partager l’entièreté de ce numéro de Respublica avec cette Chronique et les textes de l’historien Jean-Paul Scot et du philosophe Henri Pena-Ruiz.
- En termes de campagne longue, continuer à faire signer l’appel du 15 décembre 2017 paru dans Marianne et Respublica (sur www.combatlaiquecombatsocial.net ).
- Puis organiser des comités « Combat laïque-Combat social » (lire https://www.gaucherepublicaine.org/breves/7401504/7401504). Dans ces comités, vous pouvez demander au Réseau Education Populaire de venir vous faire une conférence sur « le décryptage du discours de Macron aux évêques ».
- Mettre en discussion les livres de la Librairie militante de Respublica que vous pouvez vous procurer en vous les faisant adresser par poste.
- S’inscrire dans les collectifs régionaux de l’appel en écrivant à combatlaiquecombatsocial@gmail.com
- Enfin, s’inscrire dans l’agenda 2018-2019 des initiatives politico-culturelles dans les différents lieux qui seront mis à notre disposition (fêtes populaires, théâtres, salles de cinéma, maisons des associations, bourse du travail et MJC, etc.).
Notes de bas de page