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Situation sanitaire : une absence de débat politique qui pose question

Photo d'un cerficat COVID et d'un masque

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Alors que les contaminations ont atteint un niveau extrêmement élevé (plus de 500 000 cas – un record – ont été enregistrés mardi 25 janvier), il semble que le gouvernement, après avoir annoncé un calendrier de levée des restrictions le 20 janvier, reste sur sa position de laisser circuler le virus à un niveau très haut. Ces décisions prises par le gouvernement Castex-Macron ne suscitent ni débats ni contestations, malgré une évolution de la situation impossible à prévoir et un nombre de décès qui lui aussi est en augmentation. Cela mériterait au moins un débat en dehors du seul Conseil de défense !

Des contaminations au plus haut et hausse du nombre de décès

Il semble admis aujourd’hui que maintenir un niveau de contamination bas semble hors de portée avec l’arrivée des variants et qu’il est même devenu absurde de tenir coûte que coûte à la stratégie zéro Covid (1)En Chine, les confinements et mises en quarantaines gigantesques génèrent un lourd coût psychologique et économique et plusieurs drames ont eu lieu parce que des personnes isolées et souffrant d’autres pathologies n’ont pas eu avoir accès à temps à des soins.. Néanmoins, n’est-il pas risqué de laisser le virus circuler à un tel niveau ?

S’il est toujours malaisé d’établir des comparaisons avec les chiffres de nos pays voisins – la France effectue notamment un nombre très élevé de tests, ce qui augmente mécaniquement le nombre de personnes testées positives. Après la pénurie de tests en mars 2020, souhaite-t-on devenir champion du monde de la dépense de tests avec un taux de décès élevé ou préfère-t-on discuter sérieusement de la campagne sanitaire ?(2)Avec un coût faramineux que l’on pourrait aussi interroger : les tests devraient coûter plus d’un milliard d’euros pour le mois de janvier 2022, pour quels bénéfices ? – notre pays apparaît cependant comme l’un des pays où le nombre de cas positifs rapporté à la population est le plus élevé en Europe et cette hausse de contaminations se traduit par une hausse des décès. Là encore, les données manquent. Le dernier chiffre disponible faisant état de presque 130 000 morts depuis le début de l’épidémie ne tient pas compte de l’ensemble des décès à domicile(3)Le nombre total de morts se situe très certainement au-dessus de 150 000. Pour la période mars-novembre 2020, l’INSERM a estimé le nombre de morts à domicile de la Covid à 11 000, auxquels il faut ajouter 6 000 décès pour la période décembre 2020-juillet 2021. Nous attendons toujours de nouveaux chiffres pour le second semestre de 2021..

Toutefois, une tendance se dessine nettement : le nombre de morts dans les hôpitaux était en augmentation de 25 % durant les deux dernières semaines (270 morts par jour comptabilisés en moyenne durant la dernière semaine). Certes, le vaccin constitue une bonne protection contre les formes graves et les complications liées à la Covid, mais pas une protection absolue. Or le vaccin semble être devenu l’alpha et l’oméga de la gestion de l’épidémie par Macron et consorts avec l’instauration du passe vaccinal. D’autres pistes de lutte contre la pandémie semblent écartées : un traitement préventif contre les formes graves développé par le laboratoire français biotech Xenothera, ou d’autres traitements d’après contaminations. D’ailleurs, le gouvernement a également soumis au Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale un avis pour une quatrième dose. Ce dernier, dans son avis du 19 janvier, s’est montré défavorable, soulignant un bénéfice individuel insuffisant et un risque de désengagement de la population.

Un séquençage insuffisant et une situation à l’hôpital toujours très tendue

En mettant en avant la moindre dangerosité du variant Omicron et en annonçant la levée des restrictions (même pour le télétravail, pourtant instauré seulement il y a quelques semaines), le gouvernement envoie un signal à la population qui favorise le relâchement, tandis que la situation reste très fragile. D’abord, notre séquençage (réalisé par quelques gros centres de recherches) est de moindre qualité par rapport à d’autres pays voisins, ce qui ne permet pas d’avoir une évaluation précise de la situation, à un moment où il faudrait pouvoir déterminer finement la circulation de chacun des variants. Dans ce domaine font défaut le matériel de séquençage et le personnel formé à leur utilisation. En effet, actuellement la France affronte toujours la vague du variant Delta, en même temps qu’Omicron et alors qu’arrive le sous-variant BA.2.

À cela il faut ajouter que dans les hôpitaux, les soignants rencontrent toujours de grandes difficultés pour assurer la continuité des soins. Certes, le nombre de patients en réanimation est autour de 3800, encore loin des pics des précédentes vagues, mais il y a davantage de soignants contaminés et donc dans l’incapacité d’exercer leur mission. Il faut aussi souligner que les déprogrammations ont toujours cours et donc que l’accueil des malades du Covid se fait au détriment des malades souffrant d’autres pathologies alors que les retards se sont accumulés après deux ans de pandémie. Tout cela montre que l’austérité appliquée à la santé, comme dans d’autres secteurs notamment l’éducation et la formation, se révèle sur le plan économique beaucoup plus onéreuse que les économies réalisées à court terme.

L’actualité politique et la campagne électorale parasitent la gestion de la pandémie

Le gouvernement et les oppositions se sont concentrés en ce début d’année sur la question du passe vaccinal qui a été débattu à l’Assemblée. Pour le reste, il semble que plus l’épidémie dure et plus la perspective d’une gestion un peu plus démocratique de la pandémie s’éloigne. Le gouvernement, avec à sa disposition le conseil scientifique, reste le seul maître à bord. Il est cependant frappant de noter l’absence de débats ou de réactions sur les dernières mesures prises qui induisent d’accepter des milliers de morts dans les semaines qui viennent.

L’imprévisibilité de l’évolution de la situation devrait inciter nos gouvernants à un peu plus de prudence. Les décisions actuelles s’apparentent au retour d’un pari hasardeux, tel qu’ils l’avaient fait mutatis mutandis au début de l’année 2021.

La situation apparaît polluée par le calendrier électoral. D’une part, l’actualité est occupée très largement par les différents candidats, reléguant la question de la santé publique au second plan pour d’autres thèmes, et d’autre part, on a l’impression que le gouvernement ne souhaite pas contrarier la population avec des mesures restrictives, quelles qu’elles soient.

Après bientôt deux ans de pandémie, il est clair qu’il y a une lassitude de la part de la population, moins encline à accepter des restrictions (d’autant plus lorsqu’elles paraissent incohérentes : épisode des masques inutiles puis indispensables, changement de protocole dans les écoles 3 fois en une semaine avec des enseignants informés à la dernière minute, assis dans les bars oui debout non… !) qui sont aussi coûteuses d’un point de vue psychologique. Mais cela n’empêche pas qu’il puisse y avoir un débat sur ce que nous serions prêts à accepter collectivement pour essayer de freiner les contaminations, pour soulager l’hôpital et éviter des morts supplémentaires. En outre, depuis le début de l’épidémie, l’imprévisibilité de l’évolution de la situation devrait inciter nos gouvernants à un peu plus de prudence. Les décisions actuelles s’apparentent au retour d’un pari hasardeux, tel qu’ils l’avaient fait mutatis mutandis au début de l’année 2021, avec les conséquences que l’on connaît.

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 En Chine, les confinements et mises en quarantaines gigantesques génèrent un lourd coût psychologique et économique et plusieurs drames ont eu lieu parce que des personnes isolées et souffrant d’autres pathologies n’ont pas eu avoir accès à temps à des soins.
2 Avec un coût faramineux que l’on pourrait aussi interroger : les tests devraient coûter plus d’un milliard d’euros pour le mois de janvier 2022, pour quels bénéfices ?
3 Le nombre total de morts se situe très certainement au-dessus de 150 000. Pour la période mars-novembre 2020, l’INSERM a estimé le nombre de morts à domicile de la Covid à 11 000, auxquels il faut ajouter 6 000 décès pour la période décembre 2020-juillet 2021. Nous attendons toujours de nouveaux chiffres pour le second semestre de 2021.
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