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Politique de l’énergie : une stratégie française complètement biaisée 

lignes à haute tension

La question du mix énergétique et de son avenir dans le débat général est marquée par des a priori idéologiques sur l’écologie, le plus souvent dépourvus de rigueur scientifique. Avec ce texte documenté d’un consultant industriel – qui concerne aussi les perspectives de réindustrialisation du pays -, ReSPUBLICA poursuit avec ses lecteurs un débat que nous souhaitons fructueux sur les politiques énergétiques et les évolutions nécessaires du mix énergétique. La seconde partie paraîtra dans le premier numéro de l’année 2023. N’hésitez pas à adresser vos commentaires à evariste@gaucherepublicaine.org

Table des matières

PARTIE 1 / Des orientations très contestables

Le nucléaire

Les énergies renouvelables

L’éolien

Le solaire

La biomasse

En dernier lieu, les filières du futur

Quelques remarques inhérentes aux différents scénarii proposés

 

Les énergies fossiles, dont on s’escrime à nous démontrer que leur usage est en notable diminution, représentaient encore récemment 47 % de l’énergie primaire totale consommée en 2019 et génératrice d’émissions de gaz à effet de serre.

Face à ce constat, quelles filières de remplacement de ces énergies fossiles notre pouvoir politique envisage-t-il à court et moyen terme, entre autres pour la production d’énergie électrique ?

Le nucléaire

C’est, en priorité, l’option choisie par le Président de la République et qui prévoit sur 15 ans la fabrication de 15 EPR dits « de nouvelle génération », dont 6 dans un premier temps, chaque réacteur étant susceptible de développer une puissance installée de 1 670 MW. Le coût estimé par la Cour des Comptes pour ces six unités serait de 46 G€. Il s’agit de choix entrepris, bien sûr, sans attendre le résultat de l’enquête publique prévue à cette occasion et dont il y a fort à parier qu’Emmanuel Macron n’en tiendra absolument aucun compte.

Or, si l’on se penche sur l’état des lieux de la filière, qu’en est-il réellement ?

Si l’on examine le parc existant, près de la moitié de réacteurs sont à l’arrêt pour diverses causes : perte de savoir-faire, maintenance non effectuée en temps voulu (effets de la pandémie Covid 19), détérioration dans le temps de la qualité de cette maintenance, apparition de fissures de tuyauteries faisant partie intégrante du système de sécurité du réacteur et nécessitant une recherche longue et coûteuse, etc.

Le lancement de générateurs EPR : un coût exorbitant de développement et de mise en route dépassant près de six fois l’estimation initiale et une date de sortie programmée aux calendes grecques. Désagréments auxquels s’ajoutent les problèmes rencontrés pour le démarrage des prototypes anglais et finlandais et les difficultés d’exploitation des unités chinoises.

Inutile enfin de revenir sur les dangers d’exploitation de la filière caractérisés dans le passé par plusieurs incidents et accidents sérieux(1)« Des accidents nucléaires partout » (Réseau « sortir du nucléaire » site : www.sortirdunucleaire.org, auxquels s’ajoute le danger terroriste(2)« Nucléaire : un reportage pointe du doigt les vulnérabilités au risque terroriste » par Sophie Fabrégat (Actu environnement — 5 décembre 2017) A revoir si possible : le reportage « Sécurité nucléaire : le grand mensonge » paru sur la chaîne Arte le 4 août 2021., le risque actuel provoqué par l’état de guerre Russie-Ukraine et qui sévit au cœur même d’une centrale nucléaire et susceptible de provoquer une destruction complète du milieu de vie et des populations attenantes aux territoires concernés par cet accident.

Contrairement aux affirmations de ses partisans, l’usage de la filière n’est pas exempt de pollution : extraction du minerai d’uranium, pollution fluviale et marine, pollution occasionnée par l’élimination des déchets à partir des centrales et même dans la station de traitement de La Hague, problème qui ne bénéficie d’aucune solution viable à l’heure d’aujourd’hui.

Face à ces constats, il est loisible de considérer qu’il s’agit d’une technologie complexe que nos acteurs d’aujourd’hui ne savent plus dominer dans la mesure où ils en ont perdu le savoir-faire et que le prix pour le retrouver s’avère particulièrement élevé. A ce titre, le nucléaire doit être considéré comme une énergie du passé, dont il est urgent de se débarrasser au profit d’une démarche plus innovante et moins coûteuse à terme. Donc, prévoir un désengagement progressif jusqu’aux environs de 2050.

Les énergies renouvelables

Après bien des balbutiements, les chantiers se développent en France selon trois axes :

L’éolien

Emmanuel Macron annonce la hausse du développement de l’éolien offshore à 1 GW/an, avec l’objectif d’atteindre une capacité de 5,2 à 6,2 GW d’ici 2028. Sera-t-il tenu ? A voir !

Il reste que le développement des éoliennes reste très controversé. Concernant l’éolien terrestre, les opposants font valoir :

Les éoliennes en milieu marin sont également l’objet de contestations diverses : destruction des sols marins et de son habitat naturel pour les éoliennes posées à même le sol. A titre d’exemple, la construction d’un parc éolien en baie de Saint-Brieuc sans consultation préalable des riverains a soulevé une montée des mécontentements chez ceux-ci et en particulier, parmi les éleveurs de coquilles Saint-Jacques, spécialité de la région. En outre, il s’avère que ce chantier a été confié à la société espagnole Iberdrola, de réputation sulfureuse et dont l’objectif reste avant tout spéculatif.

Certains de ces arguments sont contestés par des partisans, thuriféraires acharnés, dont, parmi eux, nombre d’écologistes.

Dans ces conditions, est-il possible de se faire une opinion dénuée de partialité sur cette filière ? Quelques chiffres : selon la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) : il est prévu au cours des 15 prochaines années l’installation de 15 000 nouvelles éoliennes terrestres (sans compter un programme conséquent d’installation d’éoliennes offshore).

Or, il nous paraît nécessaire de prendre la peine de se rendre compte du gigantisme de ces constructions (plus de 200 m de hauteur pour les éoliennes nouvelle génération) face à leur véritable productivité (nous reviendrons sur ce chapitre ultérieurement). Cela nécessite de disposer d’une quantité impressionnante de matériaux de toutes sortes, quantité qui se chiffre en milliers de tonnes de béton (pour le socle), d’aciers ordinaires et spéciaux (pour le mât), de plastiques spéciaux à base de polymères et de fibre de verre (pour les pales), de terres rares (aimants des stators d’alternateur) de cuivre (câbles électriques de branchement), etc.

La deuxième problématique est celle du démantèlement et du recyclage des éoliennes en fin de vie, considérant que cette durée d’existence est de l’ordre de 20 à 25 ans. Sachant que nombre de matériaux utilisés pour la construction de ces éoliennes, hormis les métaux, sont difficilement ou non recyclables, cela signifie qu’il s’agit, à terme, d’une aberration écologique et économique dont on aura à supporter les conséquences.

Le solaire

La PPE pour la période 2019-2028 avait fixé les objectifs suivants : de 7 GW en 2019 à environ 45 GW en 2028, soit une progression de plus de 4 GW par an. Or, au cours du premier semestre 2022, la production d’électricité d’origine photo-voltaïque s’élève à 15 GW, soit une progression de 8 GW en 3 ans. Nous sommes loin de l’objectif précédemment défini par le PPE. Il s’avère que ce calendrier de réalisation impossible à respecter se traduit par la difficulté à faire aboutir les projets. Sans parler du recensement des surfaces disponibles pour implanter l’ensemble de ces matériels. Or, il s’avère que cette préoccupation, qui rejoint nos précédentes remarques, conduit à vouloir, en particulier pour le photovoltaïque, pratiquer ce qu’on appelle « l’agrivoltaïsme »(3)« Énergies renouvelables : le solaire sur terres agricoles suscite craintes et divisions »par Amélie Poinssot (Médiapart 29 octobre 2022). A lire également l’article « Le soleil a rendez-vous avec la thune » paru dans le Canard Enchaîné du 2 novembre 2022. qui consiste, faute de toits disponibles ou utilisables, à vouloir implanter des panneaux solaires n’importe où et en particulier sur des terres cultivées ou réservées aux pâturages des cheptels.

Ajoutons à cette frénésie le management de ces implantations laissées délibérément au secteur privé, comme cela est également le cas pour les éoliennes. Ce qui laisse la place à des montages peu scrupuleux dans lesquels l’appât du gain se substitue à l’intérêt public, allié à une confusion d’objectifs qui conduit à de nombreuses dérives. La question est : la vocation principale d’une terre fertile consiste-t-il-il en une activité agricole ou dans la production d’énergie ? La priorité me parait sans équivoque ! Et pourtant, il semblerait que l’orientation contraire semble se dessiner, ce qui n’est pas sans effet délétère sur les écosystèmes.

Facteurs de charge

Qu’entend-on par ce vocable ? Il s’agit en fait du rendement de l’exploitation, donc du rapport entre l’énergie électrique effectivement produite sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite si elle avait fonctionné à sa puissance nominale durant la même période.

Une problématique importante à prendre en compte dans l’usage de ces deux énergies renouvelables est sans équivoque leur intermittence qui se traduit par un facteur de charge, donc un rendement jugé insuffisant dans de nombreux cas.

Résumons : une éolienne qui fonctionne à capacité maximale 25 % (éolien terrestre) ou à 40 % (éolien marin) pour des vents de 70 km/h, s’arrête pour des vents inférieurs à 15 km/h et sont mises impérativement hors service afin d’éviter la casse pour des vitesses de vents supérieures à 90 km/h. Ce qui monte bien que l’éolienne est vulnérable aux conditions climatiques et que les facteurs de charge risquent d’être surestimés.

Concernant le solaire photovoltaïque, le problème d’intermittence se pose également pour des facteurs de charge en France qui oscillent entre 11 % et 20 % entre le nord du pays et la Corse, extrême sud du territoire.

Incidence sur notre économie

Un facteur important de choix des énergies renouvelables réside dans les retombées économiques liées à la création d’emplois industriels sur le sol français. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elles sont loin d’être satisfaites faisant suite face à la nécessité, proclamée haut et fort, de la réindustrialisation de la France.

Faisant suite à un passage à vide important suite à la cession d’activité d’Areva et à la vente d’Alstom Énergie à General Electric en 2018(4)« Eoliennes en mer : quinze ans à brasser de l’air pour un projet à 15 milliards » par Odile Benyahia-Kouider et Jean-François Julliard. Le Canard enchaîné, l’industrie de l’éolien semble renaître de ses cendres par la mise en œuvre de projets « Off-shore » des éoliennes dans différents bassins d’emploi (Le Tréport, le Havre, Noirmoutier, Fécamp et Saint-Nazaire, entre autres). Ces chantiers sont confiés, en grande partie, à des consortiums étrangers, dont General Electric. De ce fait, la conception et la fabrication des éoliennes restent d’origine étrangère. Le marché appartient en majorité aux constructeurs danois, allemands, espagnols et chinois. Il ne subsiste, à notre connaissance qu’un seul fabricant de moyenne puissance : le groupe Vergnet, détenteur d’un certain nombre de brevets et de technologies de pointe (éoliennes adaptées aux zones cycloniques et systèmes hybrides éolien/solaires). Reste la sous-traitance, susceptible d’être délocalisée à tout moment, comme cela a été le cas pour d’autres secteurs industriels, dont l’automobile.

Dans le domaine de l’éolien off-shore, la France, qui a échoué dans le développement de l’éolien posé, tente de se créer une place sur le marché de l’éolien flottant. Il est loisible de se féliciter de ces avancées, mais il reste qu’il n’existe pas à proprement parler d’assembleur français conséquent ni de véritable filière française de l’éolien. Il reste également à juger de la tenue dans le temps de l’éolien flottant en cas de fortes tempêtes !

Il en est de même pour le développement de l’industrie photovoltaïque, dominé par la Chine pour la fabrication de panneaux et d’accessoires (onduleurs, traqueurs). La France, au travers de quatre fabricants de panneaux, n’occupe dans ces différents domaines que des marchés de niche incapables d’alimenter nos besoins.

La biomasse

On distingue trois procédés de valorisation de la biomasse : la voie sèche, la voie humide et la production de biocarburants :

La voie sèche implique plusieurs procédés de transformation, le plus utilisé étant la combustion, qui s’effectue par le biais des incinérateurs, produit de la chaleur L’eau chaude ou la vapeur utilisée, soit dans les réseaux de chauffage urbain, soit dans une turbine à vapeur pour la production d’électricité. On prend en compte de cette manière les déchets ménagers, les « incinérables », (dont plastiques non recyclables), tous autres déchets d’origine organique et collectes de végétaux. Ce procédé présente de nombreux inconvénients : dégagement de fumées toxiques et rejet de particules fines (diamètre inférieur à 2μm)(5)« Le développement des centrales biomasse, un remède « pire que le mal » face au réchauffement climatique » de Pierre Isnard-Dupuy 28 septembre 2018 (Basta). Mis à jour le 4 octobre 2018. Réf : Observatoire des multinationales : social, écologique, politique https://multinationales.org. Voir également l’article « L’ONF encourage la biomasse industrielle au détriment des forêts et du climat » par Pierre Isnard-Dupuy Reporterre le 9 mai 2018 et mis à jour le 12 juin 2018 https://reporterre.net. qui ne sont pas prises en compte par les techniques de filtrage et sont très dangereuses pour la santé. Il importe de limiter l’incinération à sa stricte nécessité, d’où un impératif d’une réduction drastique des déchets non valorisables par d’autres procédés, ce qui est loin d’être le cas. Ajoutons, en outre, que ces centrales biomasse ont, pour des raisons de rentabilité, tendance à abuser des coupes claires en forêt pour les alimenter et que les ONG environnementales remettent en cause à juste titre le développement à grande échelle de la filière « bois énergie » opposée au caractère renouvelable de la forêt.

Citons pour mémoire les procédés de valorisation des déchets par voie thermochimique et qui ont fait l’objet d’études approfondies, mais restent encore à l’état de prototypes et nécessitent un appui financier important(6)« Valorisation énergétique des déchets par voie thermochimique (pyrolyse, dépolymérisation, gazéification) » Étude Record N° 14-0245-1A par G. Antonini juin 2017 (Procetech) site www.record-net.org. Reste à savoir si l’enjeu en vaut la peine dans la mesure où l’objectif prioritaire reste une stricte réduction des déchets de tous types.

La voie humide qui concerne la valorisation énergétique par production de biogaz ou « méthanisation », procédé qui se répand à grande échelle dans notre pays et est encouragé vivement par l’Ademe, qui préconise cette filière sensée permettre une récupération intelligente des déchets, par production d’un fertilisant agricole, appelé « digestat », issu de la décomposition des déchets et du biogaz (le méthane) générateur d’électricité ou de chaleur. Contrairement aux discours officiels, ce procédé est dangereux pour l’environnement pour de multiples raisons :

La production de biocarburants : il existe trois générations de biocarburants. La première génération comporte des biocarburants créés par fermentation de betteraves sucrières (éthanol incorporé à l’essence) ou de céréales (huile de colza ou de tournesol produisant du bio-diesel). Les deuxième et troisième générations, créées à partir de résidus non alimentaires (paille bois) ou de micro-organismes, ne sont pas développées de manière industrielle ;

L’usage de ces biocarburants reste limité dans la mesure où n’est pas possible de restreindre les surfaces allouées aux cultures vivrières et à la forêt.

Il s’avère donc que la biomasse est considérée par nos instances comme une véritable énergie renouvelable et digne d’être encouragée en conséquence au même titre que les autres. Compte tenu des éléments développés ci-dessus, je me permets de ne pas partager cet avis. Ceci dans la mesure où son extension tous azimuts est source de production non négligeable de gaz à effet de serre (méthane et protoxyde d’azote) et de pollution de l’air (production de particules fines) et des sols avec risque de détérioration des nappes phréatiques. Cette pratique conduit en outre à un dévoiement de la raison d’être d’un établissement agricole avec pour objectif principal la production d’énergie au détriment de toutes les autres.

D’où la nécessité impérieuse d’en limiter le développement et surtout, de mieux le contrôler étroitement, ce qui n’est volontairement pas fait à l’heure actuelle.

En dernier lieu, les filières du futur

L’hydrogène, produit miracle, qui va révolutionner notre politique énergétique et constituera le palliatif indispensable à nos besoins actuels et futurs ? C’est le credo entonné par nos responsables. L’hydrogène va réhabiliter nos moyens traditionnels de transport, esclaves du pétrole. Oui, mais ! La question principale est de savoir quels sont les sources et les procédés d’obtention de cet hydrogène miracle. Elles sont actuellement au nombre de deux : le « vaporéformage » du méthane, technique très émettrice de CO2 et l’électrolyse de l’eau, très gourmande en électricité. D’où la nécessité d’augmenter dans des proportions importantes cette production d’électricité pour générer de l’hydrogène en quantité suffisante. Il paraît donc évident qu’utiliser une énergie pour en créer une autre n’a rien de rationnel ! Et que, dans l’immédiat, nous sommes incapables de générer l’hydrogène économiquement et écologiquement(7)« Toulouse : des chercheurs critiquent Airbus pour sa promotion de l’avion à l’hydrogène » France info le 30 septembre 2020. A consulter également l’article paru le 19 août 2021 dans Médiapart « Hydrogène : rêve industriel, cauchemar climatique » de Mickaël Correia.. Donc, restons dans l’attente d’une innovation capable de résoudre ce problème(8)« Le panneau “photohydrogénique” : une invention belge qui mériterait un Prix Nobel » par Jean-Lucien HARDY – Médiapart (27 mars 2019)..

Iter ou la fusion nucléaire

Il s’agit d’un des projets les plus conséquents au monde mené conjointement par 35 pays. Le réacteur expérimental en cours de fabrication consiste à faire de la fusion nucléaire une nouvelle et inépuisable source d’énergie et à reproduire en vase clos le phénomène de fusion des atomes d’hydrogène, sources d’énergie qui alimentent le soleil et les étoiles. La réussite de ce projet permettrait l’obtention d’une énergie pratiquement inépuisable et dépourvue d’incidents nuisibles, sans production de déchets ni d’effets de serre. Un premier essai devrait, en théorie, avoir lieu en 2025, mais une utilisation industrielle reste problématique avant de nombreuses années et il est donc difficile de définir, sous réserve d’un essai positif, une date de mise en route du procédé.

Quelques remarques inhérentes aux différents scénarii proposés

Le président de la République, lors de la présentation de son plan de réindustrialisation, a fait la part belle à l’industrie du nucléaire en réhabilitant la construction en nombre d’EPR, alors que la France est actuellement incapable d’en sortir un seul et, par surcroît, avec des coûts de réalisation démentiels ! Ces propositions, exposées au débotté, n’ont d’ailleurs pas fait l’objet, à ma connaissance, d’aucune étude prospective préalable.

Cela dit, nous disposons aujourd’hui, d’un certain nombre de scénarii qui ont fait l’objet de recherches approfondies. Examinons-les !

L’étude réalisée par RTE propose six scénarii, à propos desquels la puissance installée varie de 344 GW (seul scénario sans intervention de l’énergie nucléaire) à 186 GW (scénario pour lequel est prévu un apport nucléaire de 51 GW, réparti entre nucléaire classique et nucléaire nouvelle génération). L’apport important de puissance installée pour le premier scénario s’explique par le rendement plus faible des énergies renouvelables utilisées par rapport au nucléaire, mis en évidence par des facteurs de charge très inférieurs. Il faut savoir que la puissance installée actuelle en France est de 135 GW, dont 60 GW pour le nucléaire. Bien entendu, aucun de ces six scénarii n’est acceptable tel quel, mais ils ont le mérite de mettre en exergue la difficulté de disposer d’une option viable sans nucléaire en prenant uniquement en compte le solaire et l’éolien et en doublant de ce fait la puissance installée nécessaire.

Le scénario proposé par l’association negaWatt propose une sortie du nucléaire à l’horizon 2050 avec un arrêt des centrales vers 2035.

Les deux scénarii précédents font l’objet d’une critique sans complaisance qui émane du journal ReSPUBLICA(9)« Sortir du débat religieux sur l’énergie » par Jean Claude Boual. Respublica 19 décembre 2021 https://www.gaucherepublicaine.org/a-la-une/sortir-des-debats-religieux-sur-lÉnergie.. Un autre article passe au crible trois scénarii : negaWatt 2017, Cired 2020 et Ademe 2020-2060(10)« Trois regards sur une transition » par Jacques Rigaudiat, conseiller maître à la Cour des comptes. ATTAC 23 septembre 2021. En quoi consistent toutes ces critiques et sont-elles justifiées ? Elles portent sur plusieurs points :

Je suis en partie en accord avec ces critiques. D’une part, ces trois projets ne mettent pas en évidence la puissance installée nécessaire qui constitue un a-priori indispensable à la validité d’un projet. Il me semblerait souhaitable (à voir si possible) de ne pas dépasser de manière conséquente la puissance installée actuelle, soit 135 GW. Or, lors de l’examen du potentiel des énergies renouvelables, deux sources ont été, volontairement ou non, passées sous silence lors de la publication des différents scénarii :

L’hydrolien, critiqué pour son coût de fabrication alors que nous en sommes encore au prototype (malheureusement d’ailleurs) et que différentes technologies sont utilisables. Je pense sincèrement qu’il est urgent d’accélérer le développement et l’industrialisation de cette filière pleine d’avenir. Une installation hydrolienne est beaucoup moins volumineuse qu’une tour éolienne, qui dépasse dans les derniers modèles 200 m de hauteur et dont l’installation est synonyme de coûts et de délais importants, qui réagissent sur les contraintes d’exploitation.
Autre aspect : le facteur de charge de l’hydrolien est susceptible d’être similaire à celui d’une centrale nucléaire (dont le facteur de charge tend à décroître du fait de l’usure des équipements et donc de pannes de plus en plus fréquentes). L’emploi important de cette source d’énergie contribuerait donc à limiter la puissance installée nécessaire, donc le volume des investissements à mettre en œuvre. Il faut aussi signaler que l’implantation de l’hydrolien, contrairement à l’éolien, peut être très décentralisée du fait d’une utilisation possible de l’ensemble du réseau hydrographique français (sauf sécheresse accélérée par l’évolution du climat), particulièrement développé, et donc que cette implantation au travers du territoire ne devrait pas poser de problèmes majeurs.

Le développement de la géothermie dans la version la plus facilement exploitable à court terme : c’est-à-dire la production de chaleur qui ne nécessite pas, contrairement à la production d’électricité, de forer à grande profondeur. D’où la nécessaire réhabilitation des logements anciens, sous réserve du possible, et la mise en œuvre pour tous les logements neufs afin de cesser d’utiliser l’énergie électrique pour le chauffage des logements. A noter aussi l’utilisation plus classique des pompes à chaleur air-eau, moins performantes à basse température, mais qui ont l’avantage d’être plus abordables en coût d’achat et aussi d’installation.

Un dernier point : l’obstacle avancé d’une réindustrialisation du territoire qui provoquerait une augmentation très importante des besoins en électricité. Il s’agit en fait de la réintroduction d’un certain nombre de filières pour lesquelles nous dépendons en grande partie de l’extérieur, filières pour lesquelles existe souvent un déficit commercial important. Par contre il existe un certain nombre de filières que je considère comme indésirables et dont une perte d’influence serait hautement souhaitable. Citons, en autres :

Et attention aux activités liées au numérique, facteurs importants de consommation énergétique en particulier à propos de la 5 G, d’un développement complètement débridé et de la création de serveurs géants qu’il faudra bien refroidir.

A suivre.

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 « Des accidents nucléaires partout » (Réseau « sortir du nucléaire » site : www.sortirdunucleaire.org
2 « Nucléaire : un reportage pointe du doigt les vulnérabilités au risque terroriste » par Sophie Fabrégat (Actu environnement — 5 décembre 2017) A revoir si possible : le reportage « Sécurité nucléaire : le grand mensonge » paru sur la chaîne Arte le 4 août 2021.
3 « Énergies renouvelables : le solaire sur terres agricoles suscite craintes et divisions »par Amélie Poinssot (Médiapart 29 octobre 2022). A lire également l’article « Le soleil a rendez-vous avec la thune » paru dans le Canard Enchaîné du 2 novembre 2022.
4 « Eoliennes en mer : quinze ans à brasser de l’air pour un projet à 15 milliards » par Odile Benyahia-Kouider et Jean-François Julliard. Le Canard enchaîné
5 « Le développement des centrales biomasse, un remède « pire que le mal » face au réchauffement climatique » de Pierre Isnard-Dupuy 28 septembre 2018 (Basta). Mis à jour le 4 octobre 2018. Réf : Observatoire des multinationales : social, écologique, politique https://multinationales.org. Voir également l’article « L’ONF encourage la biomasse industrielle au détriment des forêts et du climat » par Pierre Isnard-Dupuy Reporterre le 9 mai 2018 et mis à jour le 12 juin 2018 https://reporterre.net.
6 « Valorisation énergétique des déchets par voie thermochimique (pyrolyse, dépolymérisation, gazéification) » Étude Record N° 14-0245-1A par G. Antonini juin 2017 (Procetech) site www.record-net.org
7 « Toulouse : des chercheurs critiquent Airbus pour sa promotion de l’avion à l’hydrogène » France info le 30 septembre 2020. A consulter également l’article paru le 19 août 2021 dans Médiapart « Hydrogène : rêve industriel, cauchemar climatique » de Mickaël Correia.
8 « Le panneau “photohydrogénique” : une invention belge qui mériterait un Prix Nobel » par Jean-Lucien HARDY – Médiapart (27 mars 2019).
9 « Sortir du débat religieux sur l’énergie » par Jean Claude Boual. Respublica 19 décembre 2021 https://www.gaucherepublicaine.org/a-la-une/sortir-des-debats-religieux-sur-lÉnergie.
10 « Trois regards sur une transition » par Jacques Rigaudiat, conseiller maître à la Cour des comptes. ATTAC 23 septembre 2021
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