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Chronopost : une grève qui dure depuis deux ans !

ReSPUBLICA a déjà salué la grève de 2019 (voir notre précédent article « La lutte des travailleurs sans-papiers de Chronopost : une victoire à consolider et des enseignements pour tout le salariat »). Nous invitons nos lecteurs et lectrices à relire cet article.

 

La grève menée par d’autres travailleurs intérimaires chez Chronopost et avec le soutien d’autres travailleurs sans-papiers travaillant dans tous les secteurs qui exploitent sans vergogne ces salariés :  BTP, commerce, restauration, sécurité, logistique, etc. Cette lutte, à Chronopost Alfortville, a pris le relais de celle qui, entre juin 2019 et janvier 2020, avait permis d’imposer la régularisation de 27 travailleurs surexploités par cette filiale de La Poste et ses sous-traitants, Derichebourg et Mission Intérim, et la régularisation de 46 autres travailleurs, d’autres sociétés, ayant activement participé à ce combat. Parmi les 83 travailleurs écartés à l’époque de la régularisation, nombreux poursuivent le combat dans le conflit actuel.

Cette nouvelle grève ouvrière(1)Les grévistes sont les travailleurs de Chronopost. Les autres travailleurs sans papier, qui bossent dans d’autres boîtes, sont présents sur le piquet de grève en dehors de leurs heures de boulot. a « fêté » ses 2 ans(2)Les camarades sont entrain de battre le record des femmes de ménage des hôtels Ibis. le 7 décembre 2023 devant la Préfecture de Créteil (94) devrait faire la « une » de toute la presse syndicale, révolutionnaire, de gauche, etc. Apparemment cela est rarement le cas.

Les travailleurs sans papiers de Chronopost (mais aussi de beaucoup d’autres boîtes de sous-traitance) présents sur le piquet de grève à Alfortville n’ont pas ménagé leur peine… Tournées contre les esclavagistes des temps modernes, pour arracher, ici des documents administratifs, là des payes non versées, etc. Mais aussi des luttes plus globales : contre la contre-réforme des retraites, contre la loi asile immigration, etc. Cette lutte est auto-organisée par les premiers concernés, avec localement un réel soutien syndical, associatif et politique(3)SUD PTT 94, SOLIDAIRES 94 ; le soutien financier et politique des réseaux syndicaux de Solidaires et de certains groupes politiques (Mairie d’Alfortville LO, LFI, PCF). Si les élus de la NUPES interpellent le gouvernement à l’Assemblée Nationale et au Sénat ; leurs militants locaux sont peu présents, à rares exceptions près.. Nous nous appuyons sur leurs écrits et ceux de leurs soutiens quotidiens pour écrire ce texte. Mais ce qui est publié relève de notre seule responsabilité.

Depuis fin octobre 2021, trois grèves de travailleurs sans-papiers ont démarré successivement. Ils ont installé des piquets devant leurs entreprises : la plateforme de DPD (filiale de La Poste) du Coudray-Montceaux, l’agence Chronopost d’Alfortville, et l’agence d’Intérim RSI de Gennevilliers(4)À l’origine un 4e piquet était prévu dans le 93. Mais faute de réponse syndicale départementale, il n’a pas pu être organisé..

La principale revendication dans ce conflit du travail est la régularisation de l’ensemble des travailleurs en lutte sur ces 3 piquets dans le cadre d’une négociation collective.

Ces travailleurs intérimaires subissent depuis des années une surexploitation qui fait système, par des entreprises qui recherchent les travailleurs sans titre par suite de la dégradation extrême des conditions de travail qu’ils ont imposée à leurs salariés.

Côté RSI (boîte de sous-traitance du bâtiment), la préfecture de Nanterre (92) a régularisé en août dernier 18 travailleurs et a refusé toutes les autres demandes. Il faut préciser qu’un an avant, Darmanin avait négocié une rencontre avec la députée du PCF de Gennevilliers et pour le seul piquet de RSI. À l’issue de la rencontre, 83 récépissés avaient été donnés, mais au bout des six mois de validité, la grande majorité des personnes sont redevenues sans papiers.

Côté DPD, les choses avancent lentement (récépissés) avec la préfecture d’Évry.

La Poste, patron de combat contre les sans-papiers !

Les postiers sans-papiers se heurtent à un refus total de La Poste de reconnaître ses responsabilités d’employeur dans le système de sous-traitance en cascade mis en place dans ses filiales colis et logistique, comme à Chronopost Alfortville (94) ou DPD au Coudray-Montceau (91) : chantiers et traitement des colis sous-traités par exemple à Derichebourg, qui lui-même sous-traite à des boîtes d’intérim, dont la sienne propre (Derichebourg Intérim) ! Ajoutons que cela se fait avec des contrats de mission systématiquement d’une semaine, alors qu’il s’agit de postes pérennes.

Au bout de cette chaîne, il y a l’exploitation éhontée de travailleurs sans-papiers, obligés de bosser avec des horaires de dingues, incompatibles avec l’usage des transports en commun, dont les heures supplémentaires (voire une partie des heures tout court) ne sont pas payées, et dont les missions sont interrompues dès qu’ils ne peuvent suivre le rythme ou qu’ils réclament leurs droits.

Depuis plus de 24 mois, les travailleurs en lutte et leurs soutiens multiplient les mobilisations devant les sièges des directions de La Poste et de ses filiales, pour exiger que ces patrons assument leurs responsabilités de donneurs d’ordre ! La Poste étant parfaitement au courant, puisqu’elle a fini par rompre les contrats avec Derichebourg.

Dans leur lutte, les actuels salariés de Chronopost, comme les anciens du piquet de 2019, ont reçu le renfort de nombreux travailleurs sans-papiers d’autres entreprises, la plupart exploités dans les mêmes conditions, et présents depuis plus de 24 mois sur le piquet et dans les manifestations, pour exiger aussi leur régularisation.

La préfecture joue la division et ne répond plus !

La préfecture du Val-de-Marne, après 18 mois de silence et de refus, a enfin reçu une délégation du piquet Chronopost au mois de mai. Quelques dossiers ont alors été déposés en préfecture, et un très petit nombre de cartes de séjour ont été délivrées depuis. On est donc très loin d’un traitement « bienveillant » des grévistes Chronopost et de leurs soutiens ! Traitement « bienveillant selon le dossier » qui avait été affirmé par la préfecture.

La préfecture multiple les exigences, en particulier en demandant à nouveau des documents d’employeurs que ni Derichebourg, ni les autres sous-traitants, ni La Poste n’ont jamais voulu fournir !

D’autre part, la préfecture de Créteil (94) refuse à ce jour tout nouveau dépôt collectif de dossiers des autres travailleurs en lutte sur le piquet.

Il ne peut être question pour les travailleurs mobilisés d’accepter cette manœuvre de division, et la lutte continue donc pour la régularisation de tous les occupants du piquet.

Le Gouvernement doit régulariser !

La responsabilité du gouvernement, en particulier en ce qui concerne la Poste et ses filiales, est totalement engagée Comme actionnaire de référence de cette entreprise dont il contrôle le capital aux côtés de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), l’État n’ignore rien du système d’exploitation mis en place depuis des années !

Le ministère du Travail connaît parfaitement la situation et les responsabilités des sous-traitants et donneurs d’ordre. Contrairement à ce qui a été fait par l’Inspection du travail du 91 concernant DPD, les services du ministère du Travail dans le Val-de-Marne (DRIEETS), n’ont pas mené de véritable enquête sur l’exploitation des sans-papiers à Chronopost Alfortville, et couvrent de fait la direction de La Poste. Lors de notre manifestation en sa direction, le 4 octobre, ce ministère a refusé de nous recevoir, nous renvoyant à nouveau vers le ministère de l’Intérieur !

Au ministère de l’Intérieur, où nous avons de nombreuses fois manifesté et sollicité des audiences, c’est silence radio concernant ces filiales de La Poste et leurs sous-traitants ! Le ministère de l’Intérieur nous renvoyant vers la préfecture.

Dans un contexte où Macron et Darmanin, s’appuyant sur la droite et l’extrême-droite, appellent à un durcissement insupportable de toutes les conditions d’accueil et de séjour des migrants, les travailleurs en lutte sur les piquets, avec leurs soutiens, sont plus que jamais déterminés à obtenir leur régularisation.

Régularisation de tous les travailleurs sans-papiers !

Pour contribuer financièrement à la lutte : https://www.cotizup.com/sans-papiers-chrono-Alfortvill

 FRANÇAIS IMMIGRES

MÊME PATRON MÊME COMBAT !


Une lecture pour aller plus loin :

Postiers sans papiers. Récit d’un an de grève, Christian Schweyer, éditions Syllepse, 2023, 216 pages ; 15 euros.

Christian Schweyer, militant du Collectif des Travailleurs Sans Papiers de Vitry (CTSPV) nous livre un document précieux. Il ne s’agit pas seulement d’un journal de bord de la lutte des travailleurs sans papiers de Chronopost en 2019, mais aussi d’analyses et de liens avec les actuels piquets de grève de RSI (Gennevilliers – 92, suspendu au bout d’un an), DPD (Coudray Montceau  – 91 ; toujours d’actualité) et de nouveau Chronopost (Alfortville – 94 ; toujours d’actualité).

Ce piquet de grève, qui a commencé le 11 juin 2019 et qui a duré jusqu’au le 16 janvier 2020, a débouché sur 73 régularisations. Cette lutte menée par les travailleurs sans papiers organisés au sein du CTSPV, avec le soutien quotidien du syndicat SUD PTT 94 et de l’UD SOLIDAIRES 94, a non seulement permis la régularisation des « 27 Chronos », mais aussi d’une partie des travailleurs sans papiers « 46 Hors-Chronos », exploités par d’autres négriers, et eux aussi présents et actifs. Cet ouvrage met en lumière une partie importante de la lutte pied à pied : les mobilisations collectives en direction des innombrables boîtes de sous-traitance.

Si certaines relèvent de la sous-traitance en cascade de la Poste, Chronopost, etc., elles sont, avant tout, les outils du patronat pour précariser toujours plus les prolétaires. Ces actions ont permis d’arracher des documents administratifs (CERFAS, Certificats de concordance) que ces boîtes de sous-traitance rechignent souvent à donner quand il s’agit de demandes individuelles. Et pour cause : ces documents prouvent qu’elles exploitent des travailleurs sans papiers.

Sont aussi rappelées, les convergences de luttes avec celles menées au sein des foyers de travailleurs. Convergences facilitées de fait : les camarades qui se battent contre les « patrons voyous » sont souvent ceux qui se battent pour être logés dans des conditions décentes…

Même s’il est une mine d’infos pour des historiens, ce livre n’a rien d’un document commémoratif, non seulement parce qu’il fait le lien avec les nouveaux piquets de grève (RSI/DPD/CHRONOPOST), mais aussi qu’il n’esquive pas les difficultés d’une telle lutte collective.

Les tensions et contradictions internes et les doutes quand le conflit s’éternise. L’absence des courants prompts aux incantations, mais si inexistants quand il faut être présent quotidiennement sur le terrain. Les attaques d’organisations plus soucieuses de leur « pré carré » que de l’intérêt de classe des travailleurs. À l’inverse, les courants syndicaux et politiques qui participent réellement à ces luttes y sont nommés.

Il est un outil précieux pour des militants qui ancrent leurs pratiques dans la lutte de classe au quotidien sans renoncer à la radicalité des revendications et orientations nécessaires à porter. Il est également porteur d’espoirs et de perspectives pour un syndicalisme soucieux de (re)trouver toute sa place auprès des précaires les plus exploités.

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 Les grévistes sont les travailleurs de Chronopost. Les autres travailleurs sans papier, qui bossent dans d’autres boîtes, sont présents sur le piquet de grève en dehors de leurs heures de boulot.
2 Les camarades sont entrain de battre le record des femmes de ménage des hôtels Ibis.
3 SUD PTT 94, SOLIDAIRES 94 ; le soutien financier et politique des réseaux syndicaux de Solidaires et de certains groupes politiques (Mairie d’Alfortville LO, LFI, PCF). Si les élus de la NUPES interpellent le gouvernement à l’Assemblée Nationale et au Sénat ; leurs militants locaux sont peu présents, à rares exceptions près.
4 À l’origine un 4e piquet était prévu dans le 93. Mais faute de réponse syndicale départementale, il n’a pas pu être organisé.
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