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Une petite Sainte Alliance

Texte paru dans Arguments pour la lutte sociale n°53 du 18 septembre 2016

Un appel a été lancé à un grand rassemblement contre le « racisme républicain » pour le 21 septembre (1)https://www.change.org/p/agir-contre-l-islamophobie-et-les-racismes. La République, le républicanisme, le « laïcisme », voilà l’ennemi.

Au moment où dans tout le pays la question centrale est l’abrogation de la loi El Khomri et de la réforme du collège.

Au moment où les violences policières du 15 septembre ont souligné encore la centralité du combat pour la défense des libertés publiques et la levée immédiate de l’état d’urgence.

Au moment où dans toute l’Europe les réfugiés du Proche et du Moyen Orient et d’Afrique sont en butte au refus des États de les accueillir comme il se doit et aux attaques racistes.

Au moment où s’engagent en France des élections présidentielles avec en position de favorite pour le premier tour la candidate du FN, parti historiquement construit sur le racisme anti-arabes.

Au moment où les crimes islamistes de masse ne sont pas parvenus à provoquer de vague raciste dans la société française mais ont justifié la reconduction de l’état d’urgence et le projet anti-laïque d’un concordat de seconde zone imposé aux musulmans sunnites, ballon d’essai lancé de concert avec l’Église catholique.

A ce moment précis, plusieurs forces politiques ont découvert leur ennemi n°1 : le « Printemps républicain ». Qu’est-ce que le Printemps républicain ? Un regroupement formé au printemps dernier, sur la base d’un appel qui défendait la laïcité, le refus de toute discrimination et l’égalité hommes-femmes contre le FN et contre les islamistes, et voulait réaffirmer les « valeurs de la République » – sans préciser laquelle. Des personnalités du PS ou proches du PS, du PCF, du PG, du MRC, de République et Socialisme, notamment, en font partie, ainsi que quelques personnalités bourgeoises ou proches du pouvoir. Selon plusieurs des promoteurs du rassemblement « anti-printemps républicain » du 21 septembre, il s’agirait, par un étonnant effet de loupe, d’un fait décisif de toute la situation politique française : rien de moins que l’équivalent du Tea party, qui a pris Marine Le Pen par la droite pour lui permettre de passer pour modérée!

Nous avons affaire là à un délire du type de la dénonciation du « social-fascisme » par le stalinisme au début des années 1930. Et de même que le PC allemand disait fin 1930, à propos du gouvernement réactionnaire Brüning, « le fascisme est là », de même certains promoteurs de cette initiative veulent nous faire croire – avec l’aide du New York Times et du Guardian, ces tribunes ouvrières bien connues ! – qu’en France un régime fascisant interdit aux musulmans d’aller à la plage, confondant le gouvernement bonapartiste en perdition de Hollande et Valls avec un gouvernement fasciste.

Pire encore: la laïcité, l’état de droit, la démocratie, sont dénoncés de fait comme des formes institutionnelles « françaises », « blanches », « occidentales », « coloniales ». Toute critique de la religion est dénoncée et menacée comme devant être interdite car elle serait « islamophobe ». On ne parle plus de racisme anti-arabes, mais d’ « islamophobie ». Et l’on prétend que l’antisémitisme a été remplacé par celle-ci.

Ainsi, la voie est libre pour le racisme anti-arabe et pour l’antisémitisme !

Car, tout en dénonçant comme « islamophobe », raciste ou fasciste quiconque se met en travers de leur chemin, les bonnes âmes du 21 septembre amorcent bel et bien leur propre dérive, crispée dans la haine identitaire envers la figure du« laïcard blanc » qu’ils voient dans bien des militants ouvriers de ce pays.

Ce cartel associe le PIR (Parti des Indigènes de la République), think tank racialiste et antisémite, le NPA, Jean Baubérot, théoricien des laïcités multiples et de la libre occupation de tout l’espace public par les religions que veut mettre en œuvre l’Observatoire de la laïcité auprès du premier ministre (toujours en place, alors que le premier ministre est censé tirer les ficelles du Printemps républicain), les émissaires du CCIF et des islamistes partisans du voilage, de l’enfermement et des coups pour les femmes, et comportait, dans son premier groupe de signataire, un représentant de l’ultra-droite pro-Poutine, enlevé dans un second temps de cette liste.

Pour ce petit cartel le mot « République » est source de toutes les douteuses synthèses. Mais quelle est donc cette synthèse qui s’affiche autour de la haine de la « République »?

La formation d’un cadre politique commun à une partie de l’extrême gauche et des composantes islamistes et racistes proches de l’extrême droite, le liant du tout étant fourni par des chrétiens sociaux sur le terreau de la vieille haine contre « les laïcards », exige d’être suivie avec toute la vigilance nécessaire par quiconque entend combattre le racisme, l’antisémitisme, et défendre les libertés démocratiques et la laïcité.

 

 

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