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LE GRAND DÉTOURNEMENT

Comment les ultrariches sont des assistés !

Ce livre de deux journalistes du Nouvel Obs (pas vraiment une officine gauchiste(1)Le Monde Diplomatique le classe dans le bloc central. !) s’appuie et prolonge le travail sénatorial à propos des 211 Milliards d’€(2)https://www.senat.fr/rap/r24-808-1/r24-808-1.html..

En fait ce sont plus de 270 milliards d’€(3)Évidemment une politique d’aide aux entreprises socialement et écologiquement utiles est parfaitement justifiée. Si elle est transparente et contrôlée. distribués aux entreprises sous diverses formes : subventions directes, exonérations (voir exemptions) de cotisations sociales, crédits d’impôt, coups de pouce à l’investissement ou à l’embauche, régime fiscal dérogatoire, etc. Tout cela sans contrôle, ni contrepartie, ni évaluation des effets pour le grand public… Ces dispositifs profitent aux 500 grandes fortunes de France, qui s’enrichissent toujours plus : Bernard Arnault, familles Saade, Bettencourt-Meyers, Pinault, Frères Wertheimer, etc.  Ces dispositifs permettent aux grands groupes (Sanofi, Michelin, Schneider, Saint-Gobain, Pernod Ricard, Total, etc.) de distribuer des dividendes tout en continuant de licencier et de délocaliser.

Ce sont nos impôts (rappelons que tout le monde paie la TVA) et nos cotisations sociales que l’État (et donc les différents gouvernements) distribue généreusement aux milliardaires et multinationales, sans contrepartie ni contrôle. Il y a plus de 2 000 dispositifs en place. Et le ministère de Finances publiques a été bien en peine pour répondre au travail sénatorial et aux investigations journalistiques.

Le travail des deux journalistes est éclairant à plus d’un titre. Citons-en quelques-uns.

Les perfusés de l’argent public n’hésitent pas à délocaliser, verser des dividendes et/ou à licencier… Ces mêmes milliardaires ont été les premiers à aller cirer les pompes de Trump. La famille Saade a même réussi à griller la politesse à Bernard Arnault. Le seul patriotisme de ces personnes est celui de leur fortune. Ils s’arrangent, via des holdings, pour ne pas payer des impôts correspondant à la réalité de leur patrimoine personnel.

Déconstruction des discours dominants.

Au-delà des éléments d’information importants pour toutes les forces progressistes (politiques, syndicales et associatives), l’intérêt de l’ouvrage est aussi de remettre en perspective les discours récents du patronat et des différents gouvernements.

Vous souvenez-vous du million d’emplois que devait créer le CICE ? Avec 90 milliards d’€, on atteint 100 000 emplois créés ou conservés. Bien plus chers que des emplois de fonctionnaires !

La « politique de l’offre » est évaluée, elle aussi, et les deux journalistes n’ont pas de mal à démontrer que c’est un échec total pour les classes populaires et moyennes.

La fameuse « théorie du ruissellement », dont on nous a rebattu les oreilles, n’a jamais été démontrée scientifiquement. En revanche, l’évaporation de l’argent public dans les sphères du Capital fonctionne à plein régime.

Cette politique de l’assistanat du grand Capital a des conséquences dramatiques pour le financement des services publics et celui de la Sécurité sociale.

Des outils pour mener la bataille culturelle

Si les deux journalistes proposent des idées utiles en direction de celles/ceux qui sont pris dans une sorte de syndrome de Stockholm fiscal, en clair celles/ceux qui gagnent très bien leur vie, mais qui n’ont pas de jet privé, de grandes propriétés (où sont construits des bunkers dernier cri pour faire face aux guerres, au dérèglement climatique, aux révolutions à venir), etc., ceux-là qui sont les « dindons de la farce » et qui auraient intérêt à se désolidariser des ultrariches. Un peu comme cela se passe aujourd’hui au sein du patronat, où les organisations de PME se désolidarisent du MEDEF à propos de la taxe Zucman, par exemple.

Cependant, les limites de ce livre viennent non pas de l’excellente enquête, mais du public visé. Les journalistes du Nouvel Obs visent les classes moyennes. Du coup, ils adhèrent partiellement au discours centriste : « il faudra sans doute aussi accepter de travailler plus longtemps et de mieux cibler certaines dépenses, notamment dans le domaine de la santé… ». Exactement le type de discours porté par les dominants. Comment les salariés pourraient-ils avoir l’énergie de travailler plus, alors que les salaires stagnent et que les conditions de travail (management, entre autres) se dégradent ? Dans quels domaines de la santé peut-on faire des économies ?

Ces critiques posées, les données rassemblées dans ce livre sont incontournables si on milite au quotidien avec des citoyens, des salariés qui ont besoin d’arguments ancrés dans le réel, pour se déculpabiliser et reconstruire une mobilisation sociale offensive.

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 Le Monde Diplomatique le classe dans le bloc central.
2 https://www.senat.fr/rap/r24-808-1/r24-808-1.html.
3 Évidemment une politique d’aide aux entreprises socialement et écologiquement utiles est parfaitement justifiée. Si elle est transparente et contrôlée.
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